2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/144


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale présentée dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte)»

[COM(2016) 270 final — 2016/0133(COD)],

sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l’asile et abrogeant le règlement (UE) no 439/2010»

[COM(2016) 271 final — 2016/0131(COD)],

et sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la création d’“Eurodac” pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du [règlement (UE) no 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride], et de l’identification des ressortissants de pays tiers ou apatrides en séjour irrégulier, et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et par Europol à des fins répressives (refonte)»

[COM(2016) 272 final — 2016/0132(COD)]

(2017/C 034/24)

Rapporteur:

M. José Antonio MORENO DÍAZ

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 15.6.2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

[COM(2016) 270 final — 2016/0133(COD)], [COM(2016) 271 final — 2016/0131(COD)], [COM(2016) 272 final — 2016/0132(COD)]

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

27.9.2016

Adoption en session plénière

19.10.2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

215/1/4

1.   Conclusions

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) juge indispensable une réforme efficace et effective du régime d’asile européen commun (RAEC) et une amélioration des voies légales d’accès à l’Union européenne dans le cadre du respect des droits des personnes victimes de persécution.

1.2.

C’est dans cette perspective qu’il y a lieu de proposer un véritable régime commun et obligatoire pour l’ensemble des États membres, qui harmoniserait toutes les législations nationales ou — à défaut — introduirait au moins un système commun de reconnaissance mutuelle des décisions en matière d’asile entre tous les États membres de l’Union européenne permettant un véritable régime d’asile européen commun.

1.3.

En tout état de cause, le CESE accueille favorablement l’objectif proposé d’améliorer et d’accélérer les procédures de détermination de l’État membre responsable dans un souci d’une plus grande efficacité, mais estime qu’il y a lieu de préciser et d’intégrer des dispositions protectrices concernant les questions de procédure, le traitement individualisé des demandes, le maintien des clauses discrétionnaires, le maintien du délai de cessation de l’obligation de prise en charge de la part d’un État membre, les droits des demandeurs d’asile et la limitation du mécanisme d’attribution correcteur.

1.4.

Il est nécessaire de veiller à la cohérence des dispositions proposées dans le règlement avec les dispositions existantes dans ce domaine ainsi que les mesures y afférentes que la Commission européenne prévoit de développer dans le cadre du changement fondamental du régime d’asile européen commun, ainsi qu’à la cohérence avec les autres politiques de l’Union.

1.5.

Tous les États membres devraient être responsables de la mise à disposition du demandeur d’informations détaillées et actualisées sur les procédures découlant du système de Dublin conformément aux exigences énoncées à l’article 4.

1.6.

Il convient de garantir le principe de proportionnalité afin de favoriser une véritable durabilité du système, en ce qui concerne l’accès rapide des demandeurs à la procédure d’asile et la capacité des administrations des États membres à mettre en œuvre le système.

2.   Contexte

2.1.

Le 6 avril 2016, la Commission a publié une communication dans laquelle elle prend acte des insuffisances dans la conception et la mise en œuvre du régime d’asile européen commun, en ce qui concerne en particulier les dispositions du «règlement Dublin», et définit cinq domaines prioritaires pour améliorer cette situation.

2.2.

La Commission propose de réformer le régime d’asile européen commun en vue de mettre en place un système plus équitable, plus efficace et plus durable en modifiant l’actuel règlement (UE) no 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale.

2.3.

La Commission constate que le système de Dublin n’a pas été conçu pour garantir un partage de responsabilité durable, équitable et efficace en ce qui concerne les demandeurs de protection internationale, dans l’ensemble de l’Union européenne. Le système de Dublin n’a pas fonctionné convenablement ni de façon homogène: l’expérience de ces dernières années a démontré qu’en cas de flux migratoires massifs, un nombre limité d’États membres doit examiner la majorité des demandes de protection internationale, ce qui conduit dans certains cas à des violations de plus en plus fréquentes des règles de l’Union européenne en matière d’asile.

2.4.

Pour remédier à ces lacunes, la Commission propose de modifier le règlement avec les objectifs suivants:

renforcer l’efficacité du système en déterminant un seul État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale,

décourager les abus du régime d’asile et prévenir les mouvements secondaires des demandeurs au sein de l’Union,

établir un système plus juste de répartition au moyen d’un mécanisme correcteur qui détecte automatiquement si un État membre est confronté à un nombre disproportionné de demandes d’asile,

préciser les obligations des demandeurs d’asile dans l’Union européenne, ainsi que les conséquences du non-respect de ces obligations,

modifier le règlement Eurodac pour l’adapter aux changements apportés au système de Dublin et garantir sa mise en œuvre correcte,

renforcer le mandat du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) en mettant en place l’Agence de l’Union européenne pour l’asile.

3.   Analyse

3.1.    Critères de Dublin proposés pour déterminer la responsabilité de l’État membre

Dans l’actuel règlement (UE) no 604/2013, le principal critère général pour déterminer le transfert consiste dans les documents et le lieu d’entrée, ce qui a pour résultat que les États membres situés aux frontières extérieures doivent prendre la responsabilité d’un très grand nombre de cas. Les données enregistrées dans Eurodac et le système d’information sur les visas (VIS) sont acceptées à titre de preuve par la plupart des États membres. Toutefois, il arrive qu’elles ne soient pas considérées comme des éléments probants suffisants.

Dans la proposition, le critère de détermination de l’État membre n’est appliqué qu’une seule fois et l’article 9 prévoit qu’un demandeur doit effectuer une demande de protection internationale au premier État membre d’entrée, que cette entrée soit irrégulière ou que le séjour soit régulier. Les critères hiérarchiques décrits aux articles 10 à 17 prévoient le maintien de dispositions similaires.

3.1.1.

Mineurs: la proposition de réforme maintient les dispositions existantes, mais uniquement pour les mineurs non accompagnés qui sont demandeurs d’une protection internationale.

3.1.2.

Membres de la famille: la proposition élargit la définition des membres de la famille dans deux sens: elle l’étend aux frères et sœurs et elle prend en considération les familles formées avant l’arrivée dans l’État membre, et pas nécessairement dans le pays d’origine comme le prévoyait le règlement Dublin III. Ces deux aspects sont essentiels, et nous attirons en particulier l’attention sur les situations de détresse qui découlent de facto du fait que les frères et sœurs sont considérés comme «non-membres de la famille» et qui touchent dans de nombreux cas des mineurs non accompagnés, dont les seuls liens familiaux dans un État membre sont un frère ou une sœur.

3.1.3.

Titre de séjour ou visa: la proposition maintient la responsabilité de l’État membre pour l’examen de la demande de protection internationale en ce qui concerne l’émission de ces documents. Elle introduit toutefois des dispositions destinées à clarifier les critères de responsabilité.

3.1.4.

Entrée irrégulière dans un État membre: la proposition supprime les dispositions relatives à la cessation de la responsabilité douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière.

3.1.5.

Clauses discrétionnaires: la proposition limite la capacité des États membres en la matière et prévoit la possibilité qu’ils prennent la responsabilité d’une demande de protection internationale dont ils ne sont pas responsables uniquement sur la base de relations familiales qui ne relèvent pas de la définition des membres de la famille.

3.1.6.

En ce qui concerne les personnes à charge, la proposition ne prévoit pas de modification. Dès lors, lorsque, du fait d’une grossesse, d’un enfant nouveau-né, d’une maladie grave, d’un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l’assistance de son enfant, de ses frères ou sœurs, ou de son père ou sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque les mêmes personnes sont dépendantes de l’assistance du demandeur, les États membres les laissent ensemble ou les rapprochent, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d’origine, qu’ils soient capables de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit.

3.2.    Procédure de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale

3.2.1.

La proposition de réforme du règlement Dublin vise à établir un système plus équitable et plus durable, en simplifiant la procédure et en améliorant son efficacité. Toutefois, les modifications apportées ne sont pas toujours orientées vers la réalisation de ces objectifs.

L’article 3 de la proposition de réforme prévoit l’analyse des critères de recevabilité d’une demande de protection internationale préalablement à la détermination de l’État membre responsable sans toutefois entreprendre l’examen de la question de la présence de membres de la famille dans un autre État membre ou des besoins des mineurs.

Les critères de recevabilité qui peuvent être évalués au préalable sont les différents concepts de pays tiers sûr, de premier pays d’asile, de pays d’origine sûr ainsi que la notion juridique indéterminée de «danger pour la sécurité».

La proposition introduit des modifications consistant à réduire sensiblement les délais et à accélérer les procédures de réadmission.

3.2.2.

La réforme supprime les cas de cessation de la responsabilité visés actuellement à l’article 19 (en cas de départ volontaire du demandeur du territoire des États membres pendant une durée d’au moins trois mois ou d’expulsion): cela suppose que l’État membre reste responsable de toute demande présentée par une personne à tout moment, même si elle a regagné son pays d’origine pendant de longues périodes de temps, que sa situation personnelle et familiale a changé dans l’intervalle ou que la situation dans cet État membre a évolué de façon substantielle.

3.3.    Garanties procédurales et de respect des droits fondamentaux dans le cadre de la procédure de détermination de l’État membre responsable

3.3.1.

Droit à l’information: l’article 6, paragraphe 1, renforce le droit à l’information des demandeurs d’une protection internationale soumis à des procédures de détermination de l’État responsable et précise les informations à communiquer.

3.3.2.

Droit de recours effectif: l’article 27 de la réforme impose que la notification de la décision de transfert vers l’État membre responsable s’effectue par écrit au demandeur et sans tarder, en l’informant de la possibilité d’introduire un recours contre cette décision. L’article 28 garantit l’effet suspensif des recours contre des décisions de transfert des demandeurs de protection internationale et prévoit des délais pour cette procédure de révision, qui s’avèrent cependant trop courts (seulement sept jours pour l’introduction du recours).

3.3.3.

Droit à la liberté de mouvement et rétention des demandeurs soumis aux procédures de détermination de l’État responsable: l’article 29 de la proposition réduit de moitié les délais des procédures lorsque la personne concernée se trouve en rétention. Le délai pour l’exécution du transfert ou, dans le cas contraire, la remise en liberté est également réduit de six à quatre semaines.

3.4.    Obligations et sanctions

3.4.1.

La proposition énonce de manière explicite les obligations du demandeur de protection internationale:

déposer une demande de protection internationale dans le premier pays par lequel il est entré de manière irrégulière ou dans le pays où son séjour régulier est autorisé,

fournir toutes les informations et tous les éléments de preuve le plus rapidement possible, et au plus tard au cours de l’entretien de détermination de l’État responsable, et coopérer avec les autorités de l’État membre chargé de la détermination de l’État membre responsable,

être présent et à la disposition des autorités de l’État membre qui procède à la détermination de l’État membre responsable,

respecter le transfert vers l’État membre responsable.

3.4.2.

En cas de manquement à ces règles, l’article 5 prévoit des conséquences disproportionnées sur le plan des procédures et de l’accueil, qui vont à l’encontre des normes prévues dans les directives actuelles relatives aux procédures (directive 2013/32/UE) et à l’accueil (directive 2013/33/UE), ainsi que de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne:

en cas de non-présentation de la demande à l’État membre dans lequel est autorisé le séjour ou dans l’État membre par lequel le demandeur est entré de manière irrégulière, l’examen de la demande s’effectue selon la procédure accélérée, conformément à l’article 31, paragraphe 8, de la directive 2013/32/UE. Cependant, l’article en question n’envisage pas ce cas, ce qui suppose une extension des cas auxquels s’applique une procédure qui, dans la pratique, entraîne une réduction des délais d’examen du fond de la demande, une diminution des garanties et des difficultés accrues pour détecter les profils vulnérables dans des délais aussi réduits. Ce point revêt une importance particulière par rapport à l’obligation prévue à l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2013/32/UE de ne pas appliquer les procédures accélérées dans les cas de demandeurs particulièrement vulnérables,

il n’est tenu compte que des informations et documents fournis au plus tard lors de l’entretien en vue de la détermination de l’État responsable. Toutefois, la certification des liens familiaux nécessite souvent des preuves de filiation dont l’obtention peut prendre du temps,

exclusion des conditions d’accueil fixées par les articles 14 à 19 de la directive 2013/33/UE dans tout autre État membre: parmi ces conditions d’accueil qui seraient exclues figurent la scolarisation des mineurs d’âge (article 14 de la directive 2013/33/UE), ce qui est une violation manifeste du droit à l’éducation des mineurs (articles 14 et 24 de la Charte des droits fondamentaux), les soins de santé au-delà des soins urgents (article 19 de la directive 2013/33/UE) ou un niveau de vie adéquat qui garantit leur subsistance et protège leur santé physique et mentale (article 17 de la directive 2013/33/UE),

la proposition exclut la possibilité de former un recours contre le refus d’une demande de protection internationale aux demandeurs à qui elle a été refusée et qui se sont rendus dans un autre État membre (article 20, paragraphe 5, de la proposition). Cette disposition peut constituer une violation de l’article 46 de la directive 2013/32/UE et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux.

3.5.    Mécanisme d’attribution correcteur

Un mécanisme correcteur est établi en cas de disproportion du nombre de demandes que chaque État membre doit prendre en charge selon les critères antérieurs. Pour déterminer une telle situation, une valeur de référence du nombre de demandes et de réinstallations que chaque État membre est en mesure de supporter est calculée sur la base du produit intérieur brut et de la population. Si le nombre de demandes dépasse 150 % de cette valeur, le mécanisme correcteur est activé de manière automatique, et relocalise les demandeurs d’une protection internationale de cet État membre (bénéficiaire) dans d’autres États membres (d’attribution) qui supportent une charge moindre.

3.6.    Renforcement du système Eurodac

La proposition de la Commission prévoit d’adapter et d’améliorer le système Eurodac créé en 2000 pour la mise en place et l’utilisation d’une base de données européenne dans laquelle sont enregistrées les empreintes digitales des demandeurs de protection internationale et de plusieurs catégories de migrants en situation irrégulière. L’objectif de ce système est de faciliter l’application du règlement Dublin en permettant de déterminer quel État membre est le premier point d’entrée dans l’Union européenne d’un demandeur de protection internationale. La proposition prévoit la possibilité d’élargir le champ d’action et d’inclure le stockage de données de personnes provenant d’États tiers qui ne sont pas demandeurs d’une protection internationale et résident de manière irrégulière dans l’Union européenne.

3.7.    Nouveau mandat pour l’agence de l’Union européenne chargée des questions relatives à l’asile

La Commission propose de modifier le mandat du Bureau européen d’appui en matière d’asile afin de faciliter le fonctionnement du régime d’asile européen commun et du règlement Dublin.

La Commission prévoit la transformation de ce Bureau, étendant son mandat de manière à élargir son rôle et à assurer une mise en œuvre effective du régime d’asile européen commun.

4.   Recommandations particulières

4.1.    Mineurs non accompagnés

Les dispositions prévues vont à l’encontre de l’«intérêt supérieur de l’enfant» compte tenu du fait que nombreux sont les cas de mineurs non accompagnés qui, pour des raisons diverses, n’ont pas accès à la procédure de protection internationale, ni à la garantie d’une évaluation des besoins individuels de chacun d’entre eux.

4.2.    Entrée irrégulière dans un État membre

La suppression de la cessation de responsabilité de douze mois à compter de la date à laquelle a eu lieu le franchissement irrégulier de la frontière semble aller à l’encontre d’un des objectifs prioritaires de la réforme, qui est de garantir une répartition durable des responsabilités et un système plus équitable. La suppression de cette règle relative à la cessation de la responsabilité ne garantit pas l’équité aux États membres qui se trouvent aux frontières extérieures.

4.3.    Clauses discrétionnaires

4.3.1.

Le CESE ne partage pas l’idée d’une limitation de ces clauses aux seuls cas de relations familiales qui ne relèvent pas de la définition des membres de la famille, car il est essentiel de prendre en compte des problèmes susceptibles de survenir dans un État membre non seulement quantitatifs, au regard du nombre de demandeurs d’une protection internationale, mais aussi qualitatifs, lesquels concernent les questions liées à la mise en œuvre effective de la directive 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, l’accès des demandeurs d’une protection internationale à la procédure d’asile, l’information et le conseil, les garanties procédurales et les procédures spéciales pour les personnes qui en ont besoin. La directive 2013/33/UE relative aux conditions d’accueil (refonte) contient également des règles communes visant à garantir aux demandeurs d’une protection internationale des conditions de vie comparables dans tous les États membres ainsi que le plein respect de leurs droits fondamentaux.

4.3.2.

Dans certaines situations, il peut arriver qu’un État membre ne soit pas en mesure de garantir le respect des dispositions prévues dans ces directives et qu’il soit nécessaire de maintenir la formulation du règlement Dublin III en ce qui concerne la décision d’un État membre d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas.

4.3.3.

En outre, il convient de tenir compte du fait que de nombreux demandeurs de protection internationale se trouvent en situation de maladie et/ou de handicap graves, et qu’ils n’ont aucun lien familial dans un État membre: toutefois, à cause de leur situation particulière, ils ne se trouvent pas en état, pour des raisons médicales, d’être transférés dans l’État membre responsable, ce qui établit leur relation de dépendance avec l’État membre dans lequel ils ont introduit leur demande de protection internationale. La nouvelle proposition devrait inclure ces cas dans les clauses discrétionnaires.

4.3.4.

Il est indispensable de maintenir la prise en charge d’un demandeur pour des raisons humanitaires ou culturelles afin de garantir l’accompagnement des personnes demandant une protection internationale en situation de vulnérabilité particulière, conformément aux dispositions de la directive 2013/32/UE, ainsi que le traitement différencié sur la base de l’évaluation des circonstances spécifiques.

4.4.    Procédure de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale

4.4.1.

Lorsqu’elle conduit à un refus d’une demande de protection internationale, l’analyse des critères de recevabilité d’une demande de protection internationale sans que soit entrepris l’examen de la présence de membres de la famille dans un autre État membre ou des besoins des enfants, peut aller à l’encontre du droit au respect de la vie familiale, tel qu’il est protégé par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

4.4.2.

L’application automatique des concepts de pays tiers sûr, de premier pays d’asile, de pays d’origine sûr ainsi que de la notion juridique indéterminée de «danger pour la sécurité» peut conduire à des situations discriminatoires selon la nationalité ou les routes de migration. En outre, dans le cas d’un pays d’origine sûr et d’un risque pour la sécurité, l’article 3, paragraphe 3, prévoit l’application d’une procédure accélérée: celle-ci ne peut en aucun cas porter atteinte aux garanties de procédure au motif de la brièveté des délais. De même, cette procédure ne peut pas déboucher sur une évaluation non individuelle des demandes de protection internationale, comme l’interdit l’article 10, paragraphe 3, point a), de la directive 2013/32/UE.

4.4.3.

L’article 33 de la proposition n’introduit aucune amélioration en ce qui concerne la transmission entre États membres des informations sur les cas de personnes vulnérables, les situations médicales et d’autres profils particuliers des demandeurs qui vont être transférés, alors qu’il s’agit d’un des principaux problèmes constatés dans l’application pratique du système de Dublin.

4.4.4.

La disposition relative à la cessation de la responsabilité en cas de départ volontaire du demandeur du territoire de l’Union européenne pendant une durée d’au moins trois mois ou d’expulsion peut conduire à des situations dans lesquelles il n’est pas tenu compte des liens familiaux formés dans le pays d’origine après une première demande de protection internationale dans l’Union européenne ou dans lesquelles les conditions d’accueil et de procédures dans l’État membre responsable qui étaient effectivement remplies au moment de la première demande ne le sont pas au moment de la deuxième demande.

4.5.    Garanties procédurales

4.5.1.

En ce qui concerne le droit à l’information, la disposition relative à la communication de l’information par l’intermédiaire d’une brochure d’information ne tient pas compte du fait que, dans la plupart des États membres, elle ne contient que des informations générales dans un langage peu ou pas du tout intelligible pour les demandeurs. Cette information devrait toujours être fournie lors de l’entretien.

4.5.2.

En ce qui concerne le droit à un recours effectif, il est entendu que ledit recours ne doit pas se limiter uniquement aux trois cas de figure prévus, car cela limiterait l’accès à une protection juridictionnelle effective:

risque de traitement inhumain ou dégradant dans l’État membre responsable en raison de défaillances du régime d’asile,

décisions de transfert fondées sur le critère relatif aux mineurs (article 10), sur le critère familial (articles 11 à 13) et sur celui des personnes dépendantes (article 18),

décisions de prise en charge de l’examen (le non-transfert), lorsque les critères familiaux ne s’appliquent pas.

4.5.3.

En ce qui concerne le droit à la liberté de mouvement et la possibilité de rétention de demandeurs soumis aux procédures de détermination de l’État responsable, la limitation de la durée de rétention (deux semaines) ne donne lieu à aucune disposition nouvelle concernant les cas exceptionnels où il y a lieu d’ordonner la rétention. Étant donné les divergences observées par la Commission elle-même entre les pratiques nationales, il y a lieu de recommander l’établissement de critères clairs et précis concernant le caractère exceptionnel de la rétention ainsi que l’évaluation de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure.

4.6.    Mécanisme d’attribution correcteur

4.6.1.

L’application d’un seuil aussi élevé, à savoir 150 % de la capacité de l’État membre en cause, est de nature à compromettre les conditions d’accueil et des procédures auxquelles sont confrontés les demandeurs de protection internationale qui se trouvent déjà dans cet État jusqu’à ce que ce chiffre soit atteint. Si une capacité d’accueil a été définie en fonction de ces critères, il paraît logique d’activer ce mécanisme correcteur dès que cette capacité est dépassée sans attendre que la valeur de 150 % soit atteinte. En outre, pour rendre ce mécanisme efficace, l’attribution doit s’appliquer à toutes les personnes remplissant les conditions pour demander le droit d’asile, quel que soit leur pays d’origine.

4.6.2.

Ce mécanisme s’applique de manière préalable à la détermination de l’État membre responsable, laquelle est effectuée a posteriori par l’État membre auquel le demandeur a été attribué. Cela signifie que, après son transfert de l’État membre bénéficiaire vers l’État membre d’attribution, le demandeur d’une protection internationale est susceptible d’être à nouveau transféré vers un troisième État membre dans lequel se trouvent les membres de sa famille, ce qui aboutirait à rendre le système peu efficace et occasionnerait des retards supplémentaires dans l’accès aux procédures de détermination du statut de protection internationale.

4.6.3.

En outre, comme le mécanisme est automatique, il ne tient pas compte des cas individuels des demandeurs de protection internationale ni des besoins spécifiques tels que les situations de vulnérabilité, qui peuvent amener à déconseiller le transfert dans l’État membre d’attribution.

4.6.4.

Le mécanisme correctif ne tient pas compte des demandeurs d’une protection internationale qui sont arrivés avant l’entrée en vigueur de cette réforme et sont exclus de l’attribution des personnes dont la demande a été refusée avant l’application des critères de détermination de l’État membre responsable, conformément à l’article 3, ainsi que des demandeurs arrivés dans l’État membre avant que celui-ci n’atteigne 150 % de sa capacité. Ces éléments sont susceptibles de dénaturer l’objectif ultime de ce mécanisme et de limiter fortement les effets sur la répartition de la responsabilité de l’examen des demandes et de l’accueil.

4.6.5.

La possibilité pour les États membres de se soustraire à l’application de ce mécanisme correcteur en acquittant un montant donné pour chaque demandeur de protection internationale qui n’est pas attribué à son territoire peut conduire à des situations discriminatoires, en permettant aux États membres de choisir les demandeurs de protection internationale qu’ils acceptent ou refusent sur la base de la religion, de l’ethnie ou de la nationalité.

4.7.    Système Eurodac

Toute adaptation du règlement envisagée devrait pouvoir justifier la nécessité et la proportionnalité des mesures prises compte tenu de la sensibilité des données enregistrées, notamment en ce qui concerne les demandeurs de protection internationale et la confidentialité de la procédure.

4.8.    Mandat de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile

Le CESE approuve les propositions avancées, car, depuis sa mise en place, le Bureau européen d’appui en matière d’asile n’a pas répondu aux attentes. Il estime que la nouvelle proposition doit renforcer et développer le rôle du forum de consultation des organisations, qui existe actuellement mais dont les capacités sont en pratique très limitées. La future agence devrait pouvoir compter sur les informations provenant de ces organisations et le travail qu’elles développent dans chacun des États pour la surveillance de la bonne application du régime d’asile européen commun et de sa mise en œuvre.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS