12.6.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 195/15


Avis du Comité européen des régions — L’avenir du secteur laitier

(2015/C 195/03)

Rapporteur

:

René SOUCHON, président de la région Auvergne (FR/PSE)

LE COMITÉ EUROPÉEN DES RÉGIONS,

I.   ANALYSE DU CONTEXTE

Concernant l'évolution de la situation du marché des produits laitiers

1.

constate que dans son rapport COM(2014) 345 final du 13 juin 2014, rédigé à partir des données disponibles à la mi-mars 2014, la Commission européenne estime que la situation du marché du lait est favorable, à court et moyen terme, et que la sortie des quotas devrait bien se dérouler. La Commission reconnait que des questions restent à régler, mais elle estime qu'à ce stade, il est encore trop tôt pour mesurer l'impact de la fin des quotas, et souhaite attendre 2018 pour faire de nouvelles propositions législatives;

2.

considère que depuis mars 2014, cette évolution très favorable du marché et des prix s'est inversée sous l'influence de trois facteurs: une forte production mondiale, une demande mondiale ralentie et l'embargo russe. Dans un contexte de forte augmentation de la production européenne, ces trois éléments contribuent déjà à une forte diminution du prix du lait;

3.

constate que les prévisions pour le premier semestre 2015 font état d'une chute des prix et de stocks de produits laitiers qui pourraient dépasser ceux de 2009 avec des différences considérables entre les États membres, et parfois même au sein d'un même État membre;

Concernant la mise en œuvre du «paquet lait»

4.

constate dans le rapport de la Commission que la contractualisation reste marginale en volume, ce qui handicape le rééquilibrage du rapport de force en faveur des producteurs. Les coopératives, qui valorisent plus de 60 % du lait en Europe, se sont exonérées de la contractualisation et de la maîtrise de la production, en annonçant à l'avance qu'elles collecteraient tout le lait de leurs producteurs adhérents. Tout ceci limite fortement la portée des mesures du «paquet lait»;

5.

constate que la très forte augmentation de la production et de la collecte dans toute l'Union européenne en 2014 montre bien que la contractualisation n'a pas eu — et n'aura pas — d'effet sur la maîtrise de l'offre globale dans l'Union européenne, les laiteries étant désormais en compétition ouverte entre elles;

6.

observe que le dernier maillon de la chaîne alimentaire du lait, à savoir le secteur de la commercialisation, utilise fréquemment le lait et les produits laitiers destinés à la vente au consommateur comme produit d'appel, en les proposant à bas prix et en répercutant cette baisse en sens inverse tout au long de la chaîne jusqu'au producteur, qui est en définitive celui qui supporte les conséquences de ces politiques commerciales agressives. Le résultat est que, bien souvent, le montant perçu par l'exploitant ne couvre pas ses coûts de production;

7.

constate que les mesures spécifiques, non prévues dans le «paquet lait», adoptées pour faire face à l'embargo russe, s'avèrent nettement insuffisantes au regard des pertes subies depuis août 2014;

8.

constate que la possibilité de gestion de l'offre pour les appellations d'origine protégée (AOP), permise par le «paquet lait», semble encore peu utilisée (trois fromages concernés en France et deux en Italie) et souhaiterait obtenir plus d'informations de la Commission européenne sur les demandes en cours, plaide en faveur de la promotion de cette possibilité dans les États membres et pour que la Commission simplifie l'accès aux systèmes d'appellation d'origine protégée et d'indication géographique protégée;

Perspectives pour l'après quota

À court terme:

L'impact sur la production laitière à l'échelle de l'Union européenne

9.

constate que l'analyse réalisée pour la conférence «Le secteur laitier européen: développement au-delà de 2015» du 24 septembre 2013 ainsi que le rapport COM 2014-2024 montrent que la croissance de la production laitière de l'UE dépend d'abord du marché mondial, lequel ne représente que 7 % de la production mondiale mais est très concurrentiel. Les poudres de lait constituent 2/3 des tonnages fournis par trois exportateurs principaux: UE, Nouvelle-Zélande et États-Unis. L'OCDE et la FAO prévoient que la demande mondiale de produits laitiers augmentera d'environ 2 % par an jusqu'en 2023. Il est nécessaire de repérer et de développer en permanence de nouveaux marchés, d'augmenter la part de marché globale de l'Union, de garantir un accès équitable aux exportateurs de l'Union et de stimuler la croissance des exportations. L'amélioration du transfert de connaissances, de la recherche et de l'innovation, ainsi que les mesures destinées à améliorer la qualité et l'étiquetage augmenteront la valeur ajoutée des produits laitiers européens et leur compétitivité sur les marchés intérieur et mondiaux;

10.

constate que cette analyse de septembre 2013 prévoit qu'avec le temps, un volume croissant du lait produit dans l'Union européenne sera transformé en produits à plus forte valeur ajoutée, aux dépens de la production vrac non transformée;

11.

constate que l'analyse reconnaît le déséquilibre croissant de répartition de valeur ajoutée le long de la chaîne d'approvisionnement des produits laitiers, en faveur des transformateurs;

12.

constate qu'il est largement admis que l'abolition des quotas débouchera sur une concentration supplémentaire de la production de lait dans les exploitations plus grandes, ainsi que dans certaines régions de l'Union européenne;

13.

considère que l'UE ne dispose pas d'outils opérationnels pour limiter la volatilité du prix du lait à la ferme;

14.

constate également qu'une grande partie des investissements récents dans la filière laitière européenne portent davantage sur les tours de séchage de poudre de lait que sur la transformation du lait en produits à forte valeur ajoutée comme les fromages (50 % pour les poudres contre 20 % pour les fromages (1));

15.

considère que la concentration de la production dans les exploitations plus grandes ne constitue pas en soi une garantie d'efficacité ou de revenu, comme le montre l'exemple danois;

Les impacts territoriaux prévisibles et leurs effets corollaires

16.

constate que pour la période après quota, plusieurs études (2) confirment la concentration de la production laitière dans les bassins les plus productifs ayant la plus forte densité laitière et les coûts de collecte les plus faibles, et la contraction ou la déprise laitière dans les régions dites défavorisées ou sensibles. Relève que dans ces régions, qu'elles soient périphériques, de montagne ou ultrapériphériques, la production laitière est une activité économique difficilement remplaçable, qui joue également un rôle important au niveau social et environnemental;

17.

déplore qu'il n'y ait pas, ou peu d'études spécifiques sur le devenir des zones défavorisées en cas d'abandon progressif de la production laitière, le rapport 2014 de la Commission se contentant de conclure qu' «il est encore trop tôt pour observer des conséquences importantes du paquet lait sur le secteur laitier dans les régions défavorisées»;

18.

regrette en particulier l'absence d'études spécifiques portant sur des régions où la production laitière joue non seulement un rôle déterminant pour la création et le maintien de l'emploi mais constitue également un levier stratégique pour d'autres secteurs économiques comme le tourisme. Ces zones sont rarement comptabilisées en nombre de fermes et d'emplois locaux, et ne le sont jamais en termes de contribution aux biens publics (qualité de l'eau et des paysages, biodiversité, qualité des produits, tourisme vert et marchés régionaux etc…) ou à d'autres secteurs économiques;

19.

constate que les dernières études de la Commission et des experts prévoient une accélération de la déprise laitière dans presque tous les pays de l'Est de l'Union européenne (à l'exception de la Pologne) alors que l'élevage laitier y représente souvent la principale activité agricole, ce qui est dommageable pour la capacité des zones rurales à fixer leur population;

20.

estime également urgent de chiffrer pour les zones «intermédiaires» de culture-élevage la perte globale d'emplois qu'impliquerait un abandon de la production laitière au profit des céréales;

21.

souligne que les mesures actuelles de «filet de sécurité» comme l'intervention publique et l'aide au stockage privé ne sont pas des outils adaptés pour faire face à la volatilité permanente ou à une crise dans le secteur laitier, encore aggravée par l'embargo russe, qui frappe notamment les pays baltes et la Finlande;

À moyen terme:

22.

constate, que les dernières prospectives publiées par la Commission européenne tablent, malgré la fin des quotas, sur une augmentation limitée de la production européenne, en raison notamment des contraintes environnementales de plus en plus prégnantes dans certains États-membres. Or, l'augmentation de la production en 2014 montre que la conjonction d'un bon prix du lait et d'une année fourragère favorable a entraîné un surplus de lait considérable et totalement imprévu;

23.

constate d'après la Commission, que le prix moyen du lait devrait se situer aux alentours de 350 euros par tonne sur la période 2016-2024, avec des fluctuations allant de 300 à 400 euros par tonne huit années sur dix et encore plus marquées deux années sur dix;

24.

considère qu'une telle volatilité, les bouleversements considérables qu'elle induit et l'incertitude qu'elle fait peser sur la filière du lait et des produits laitiers dans l'espace européen sont incompatibles avec des investissements importants dans les élevages et avec l'installation de nouveaux producteurs, et seront particulièrement sensibles dans les zones de montagne ou les régions ultrapériphériques, caractérisées par des contraintes plus fortes et de moindres possibilités d'économies d'échelle;

25.

constate, en outre, que les entreprises de l'Union européenne sont confrontées à une concurrence de la part d'autres exportateurs mondiaux peu nombreux mais puissants (Nouvelle Zélande, États-Unis, Australie) qui ont un accès historique aux marchés asiatiques et qui ont un poids déterminant sur les prix du marché mondial des produits laitiers;

26.

considère qu'il ne faut pas confondre accroissement du marché mondial et accroissement de la demande mondiale, cette dernière étant assez régulière à moyen et long terme alors que le marché mondial évolue de façon plus aléatoire, ne portant que sur 7 % de la production et sur les surplus de quelques pays;

27.

considère qu'il est inacceptable que le prix du lait à la ferme en Europe soit aussi étroitement lié aux cours mondiaux, alors que 90 % de la production de l'Union européenne est valorisée sur le marché européen;

Concernant les risques et opportunités pour le secteur laitier européen liés aux accords commerciaux en cours de discussion

28.

considère que la demande de produits laitiers et les possibilités d'exportation seront exposées aux effets des divers accords de libre-échange et accords commerciaux régionaux en cours de négociation;

29.

constate que le risque majeur lié à ces accords pour l'élevage laitier européen, et pour le consommateur, est l'abaissement des standards de qualité et de sécurité sanitaire pour les Européens, mais aussi la non-reconnaissance des AOP telle que revendiquée par l'industrie laitière;

30.

estime également que l'accord négocié actuellement avec les États-Unis sur l'harmonisation et la réduction substantielle des droits de douane, évoqué dans le mandat de négociation de l'UE, représente des opportunités mais aussi des risques pour le secteur laitier, notamment du fait des droits de douane pour les produits laitiers le plus souvent très supérieurs au niveau européen, alors que les soutiens aux producteurs de lait américains sont renforcés par le Farm Bill 2014-2018;

31.

constate que l'Union européenne est sur le point de conclure un accord de partenariat économique avec l'Afrique de l'Ouest, visant la suppression des droits de douane avec ce groupe de pays pour au moins 75 % de ses exportations, dont le lait en poudre. Or, des exportations plus fortes de l'Union européenne vont miner le développement de l'élevage laitier et des petites laiteries dans ces pays et accélérer les migrations des populations rurales vers les villes et vers l'Europe;

II.   PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS POLITIQUES

Exploiter pleinement les outils disponibles au niveau européen

Relever le niveau du filet de sécurité

32.

constate que dans le cadre de la nouvelle PAC (2014-2020), le secteur laitier bénéficie d'un filet de sécurité associé à un cadre réglementaire pour permettre à la Commission de réagir dans des circonstances exceptionnelles;

33.

considère que le niveau du filet de sécurité actuel (217 euros/t) est trop bas pour constituer une protection en cas de chute du prix du lait;

34.

propose à la Commission de faire en sorte que le prix d'intervention reflète davantage les coûts de production et soit mieux adapté aux variations du marché. Le prix d'intervention actuel, inchangé depuis 2008, doit être revu pour tenir compte de l'augmentation des coûts de production et des intrants et devrait faire l'objet d'une révision régulière;

Améliorer les outils du «paquet lait»

35.

constate, pour les pays qui ont décidé de rendre obligatoires les contrats laitiers, que la création d'organisations de producteurs n'a pas permis d'atteindre l'objectif pour lequel elles avaient été constituées, car les transformateurs ont continué de négocier les contrats directement avec les producteurs en leur imposant des durées de contrats très courtes et sans garantie de prix du lait; propose par conséquent de privilégier, à la place des contrats directs producteurs/laiteries, la mise en place d'organisation de producteurs à vocation régionale et territoriale, non dépendantes d'une seule laiterie, à l'instar de ce qui existe et fonctionne au Québec, et qui bénéficieront d'un pouvoir de négociation beaucoup plus marqué;

36.

considère qu'il est essentiel de renforcer le rôle des organisations de producteurs afin qu'elles jouent un rôle économique clair dans la gestion des prix et dans la gestion de l'offre;

37.

propose d'améliorer l'efficacité de la contractualisation en élargissant le dispositif à toute la filière, en incluant notamment la grande distribution;

38.

propose d'encourager la participation et l'intégration des producteurs au sein d'organisations capables de transformer le lait, réduisant ainsi le nombre de maillons de la filière;

39.

propose de promouvoir la consommation intérieure de produits laitiers dans l'UE, et d'adopter des règles d'étiquetage destinées à fournir des informations complètes sur l'origine, le mode de production, les procédés industriels utilisés, etc;

40.

propose d'interdire au secteur de la commercialisation le recours à des pratiques qui impliquent une banalisation du lait et des produits laitiers, afin que ceux-ci ne soient pas utilisés comme des produits d'appel dans le cadre des politiques commerciales de ce secteur;

41.

propose d'améliorer le fonctionnement de l'Observatoire européen du lait (European Milk Market Observatory), et de mettre en place les moyens nécessaires pour que cet observatoire puisse devenir un véritable outil de pilotage et non pas seulement d'observation a posteriori. À cette fin, il conviendrait de mettre en place au sein de l'observatoire un système d'alerte précoce efficace au cas où une crise du marché se profilerait à l'horizon. Pour cela, il est essentiel que l'observatoire produise des données mensuelles et à une échelle plus fine que celle des États membres, pour prendre en compte la diversité des situations entre les régions européennes. La commission doit communiquer aux États membres et aux parties intéressées les alertes précoces et prendre immédiatement toutes les mesures qui s'imposent;

Valoriser les mesures du 1er pilier

42.

rappelle que les États membres peuvent décider d'un soutien couplé facultatif, pour les producteurs laitiers, à concurrence d'un certain pourcentage de leur enveloppe nationale du 1er pilier, et peuvent accorder un paiement en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles, à concurrence de 5 % de l'enveloppe nationale. Pour les régions ultrapériphériques de l'Union européenne, les dispositions POSEI («Programme d'options spécifiques à l'éloignement et l'insularité») sont conçues pour tenir compte des handicaps géographiques et économiques de ces zones mais non pour faire face à des crises induites par la dérégulation du marché laitier;

43.

considère qu'afin de reconnaître l'existence de surcoûts de production et de transformation dans les régions ultrapériphériques, il est nécessaire d'octroyer au programme POSEI des ressources supplémentaires, qui permettent de dédommager les producteurs laitiers pour les effets produits par la déréglementation des marchés et leur donnent la garantie de rester compétitifs par rapport à ceux du reste de l'espace européen;

44.

craint cependant que, chaque pays pouvant faire ses propres choix, une grande diversité des types et des niveaux de soutien entre éleveurs de l'Union européenne apparaisse et que les redistributions restent souvent trop faibles par rapport aux écarts de coûts de production;

Valoriser les mesures du 2e pilier

45.

constate que les États membres peuvent répondre aux besoins spécifiques du secteur laitier avec une approche stratégique, en élaborant des sous-programmes thématiques adaptés et visant par exemple à limiter la restructuration de la filière laitière;

46.

constate que le soutien en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles et à d'autres contraintes spécifiques prévoit des paiements compensatoires accrus pour des pertes de revenus et les surcoûts de production;

47.

considère que cette disposition doit s'appliquer également aux producteurs de lait dans le cas où ils sont situés dans une zone soumise à contraintes naturelles. Ces paiements sont particulièrement importants pour prévenir l'abandon des terres agricoles et l'exode rural;

48.

constate cependant une baisse importante des moyens budgétaires disponibles pour la politique de développement rural à l'échelle de l'Union européenne ce qui pourrait avoir pour effet, de retarder la modernisation des petites exploitations, empêchant celles-ci de satisfaire aux exigences en matière de protection de l'environnement;

49.

encourage, dans la perspective d'un avenir plus viable, les investissements durables dans les exploitations et les activités de vulgarisation agricole de manière à améliorer les rendements laitiers et l'efficacité des exploitations, par exemple grâce à l'amélioration des équipements de traite, des techniques de reproduction, des systèmes de TIC, et à accroître la sécurité des lieux de travail; soutient dès lors les mesures complémentaires de la Commission européenne et de la BEI en vue d'injecter des investissements et des liquidités dans le secteur;

50.

redoute que l'obligation de cofinancement applicable aux mesures du 2e pilier entraîne de fortes disparités entre producteurs, compte tenu des différences de ressources budgétaires entre État-membres;

51.

reconnaît qu'il est nécessaire de veiller à la cohérence des politiques de l'UE destinées à lutter contre le changement climatique et à assurer la sécurité alimentaire et recommande de soutenir les systèmes de production laitière les plus efficaces au regard des émissions de carbone et les plus durables sur le plan environnemental;

52.

recommande, dans le cadre d'une approche stratégique à long terme, le développement des soutiens à la production de lait dans les régions défavorisées, avec un cadre juridique renforcé;

Autres mesures

53.

propose le renforcement du programme de «Régime d'aide à la distribution de fruits et légumes, de bananes et de lait dans les établissements scolaires» et regrette la décision de la Commission européenne dans son programme de travail 2015 de suspendre la proposition législative en cours de discussion au Parlement européen et au Conseil en attendant les résultats d'une nouvelle évaluation des programmes «fruits à l'école» et «lait à l'école»;

54.

considère en effet que la distribution de lait dans les écoles pourrait avoir un réel impact au niveau régional, en initiant un approvisionnement ciblé des collectivités territoriales à partir de produits locaux à forte qualité environnementale, dans le cadre de circuits courts et permettrait de reconnecter les enfants avec l'agriculture;

55.

considère qu'il convient d'exploiter pleinement les mesures de recherche pour concevoir des produits laitiers innovants à haute valeur ajoutée sur des marchés à forte croissance, comme les produits de nutrition médicale et les produits nutritionnels pour nourrissons et sportifs;

56.

considère qu'il convient d'accorder la priorité à la recherche, au développement et à l'innovation pour que les transformateurs soient mieux à même d'affronter la concurrence internationale;

Exemples d'outils disponibles hors Union européenne

57.

constate qu'aux États-Unis, la loi agricole de 2014 a revu les modalités de soutien au secteur laitier. Le nouveau programme de protection des marges des producteurs laitiers propose une indemnisation lorsque la différence entre les prix du lait et les coûts des aliments du bétail descend au-dessous d'une valeur donnée. Une marge minimale sur coût alimentaire est garantie sur fonds publics; des niveaux de marge supérieure peuvent être choisis, à la charge des producteurs. Ces nouvelles dispositions non plafonnées pour les grands troupeaux vont favoriser l'augmentation de la production et des exportations des États-Unis;

58.

constate qu'au Canada, l'ajustement de la production au marché interne et l'indexation du prix du lait se basent sur le coût de production réel plutôt que sur les cours mondiaux. Ce mécanisme se traduit par un prix du lait nettement plus stable et plus élevé qu'en Europe. Ce dispositif de maîtrise de l'offre repose sur une organisation des producteurs regroupés en un seul office de commercialisation par province;

59.

propose que la Commission européenne s'inspire de ces modèles pour repenser le type de soutien et le système d'organisation des organisations de producteurs laitiers par grands bassins de production;

Propositions formulées au niveau européen

60.

constate que la Commission Agriculture du Parlement européen, lors de sa réunion des 23 et 24 janvier 2013, avait adopté un amendement de compromis sur le rapport Dantin (OCM unique) concernant un dispositif qui prévoyait, en cas de crise grave, de mettre en place une aide aux producteurs réduisant volontairement leur production;

61.

propose la création d'un observatoire européen de l'installation pour analyser les données relatives à l'installation dans la filière laitière;

62.

constate que le programme de responsabilisation des marchés proposé par European Milk Board, destiné à être appliqué lorsque le marché du lait est menacé de déséquilibre, est une proposition souple et peu coûteuse qui devrait être examinée et évaluée quant à sa faisabilité et son efficacité en prenant 2014 comme année test;

63.

dans la mesure où les codes volontaires de bonne pratique sont inopérants, recommande à la Commission européenne de présenter des propositions afin de veiller à ce que tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, notamment en ce qui concerne le lait liquide et les produits laitiers, puissent être traités de façon équitable, et de limiter les pratiques anticoncurrentielles qui ne sont pas compatibles avec le maintien de chaînes d'approvisionnement durables;

64.

s'interroge en particulier sur les possibilités offertes par l'OCM unique, notamment aux articles 219, 221 et 222, pour mettre en œuvre une proposition de ce type;

Conclusion

65.

constate que dans de nombreux États membres et régions, la production laitière est un pilier essentiel de l'économie régionale et de la valeur ajoutée agricole. La transformation du lait en une multitude de fromages, grâce à des traditions millénaires, spécifiques à chaque région et nation européenne, contribue de manière déterminante à l'identité des territoires et contribue à l'image positive de l'industrie agroalimentaire européenne dans le monde. De plus, la filière fromagère participe à la préservation de l'emploi dans les zones rurales, garantit la protection des paysages et limite la perte de terres agricoles liée à l'urbanisation;

66.

recommande aux instances européennes de mettre en place d'urgence des instruments supplémentaires souples et efficaces pour stabiliser le marché du lait et partant, les revenus des producteurs laitiers en temps de crise, notamment en améliorant l'efficacité des mesures de gestion du risque, plus particulièrement celles visant à stabiliser les revenus, à lutter contre la volatilité des prix du marché et à garantir le prix du lait; pour assurer la sécurité alimentaire, il faut simplifier, réduire la bureaucratie et se débarrasser des lourdeurs administratives;

67.

recommande aux instances de l'Union européenne, pour favoriser les exportations sur pays tiers de produits laitiers européens sous signes officiels de qualité (IGP, AOP, …), d'encourager les investissements dans des plateformes logistiques pour l'exportation, de soutenir la formation des professionnels, de favoriser les actions de promotion ciblées sur les marchés émergents;

68.

recommande aux organes de l'UE de renforcer la protection des produits européens labellisés AOP et IGP dans le cadre des accords internationaux en cours d'élaboration, notamment dans une optique de lutte contre la contrefaçon et l'imitation des produits européens;

69.

demande, pour les zones de montagnes laitières et les régions laitières situées au nord du 62e parallèle, une convergence des indemnités compensatoires de handicaps naturels, une restauration de l'aide à la collecte laitière (cofinancée sur le budget de la politique agricole commune), un soutien à la promotion et au développement de la mention «Montagne» pour les produits laitiers, sous réserve d'un niveau suffisant d'autonomie alimentaire;

70.

demande un grand plan de développement rural pour les pays baltes, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovénie, une large partie de la Pologne et la Grèce. Ces pays disposent en effet de petits troupeaux, où le lait concerne encore la majorité des fermes, et dont l'avenir semble compromis après la disparition des quotas, alors que ces élevages sont la base du tissu rural aujourd'hui.

Bruxelles, le 16 avril 2015.

Le président du Comité européen des régions

Markku MARKKULA


(1)  Rapport COM Prospects for EU agricultural markets 2014-2024

(2)  Smoth Phasing out of the milk quotas in the European Union. Etude Progress Consulting and Living prospects pour le Comité des régions, novembre 2014.