Strasbourg, le 15.12.2015

COM(2015) 673 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

Un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et une gestion efficace des frontières extérieures de l'Europe


I.    Introduction

La création de l’espace Schengen de libre circulation sans frontières intérieures est un succès historique emblématique des valeurs européennes qui ont permis d'abattre des murs et d'unifier un continent. La rapidité avec laquelle les personnes, les marchandises et les services peuvent franchir les frontières de nos États membres contribue également à stimuler la compétitivité de l'Union en tant que plus vaste zone économique du monde, créatrice d'emplois et de croissance. Toutefois, la décision de partager un espace commun de libre circulation implique une responsabilité partagée consistant à prévoir des normes élevées et cohérentes en matière de gestion des frontières et de sécurité aux frontières extérieures. En effet, l'existence d’un espace Schengen sans frontières intérieures n'est possible que si les frontières extérieures sont efficacement sécurisées et protégées.

La confiance des citoyens dans notre capacité collective à gérer nos frontières extérieures communes a été mise à l’épreuve par les événements survenus cette année, et notamment par l’augmentation sans précédent des flux de migrants et de réfugiés. La crise a mis en évidence des faiblesses et des lacunes dans les mécanismes de gestion des frontières, qui se sont révélés insuffisants pour garantir une gestion intégrée et efficace de celles-ci. Certains États membres ne sont pas parvenus à assurer un contrôle efficace aux frontières ni à identifier et à enregistrer les migrants en situation irrégulière. La crise a également montré que les limitations imposées à l’agence Frontex — insuffisance des moyens en personnel et en équipements, impossibilité d'engager et de réaliser des opérations de retour ou de gestion des frontières et absence d’un rôle explicite pour mener des opérations de recherche et de sauvetage — entravaient sa capacité à réagir et remédier efficacement à la situation.

Entre janvier et novembre 2015, plus de 1,5 million de franchissements irréguliers des frontières 1 ont été détectés, soit un niveau record 2 d'arrivées dans l’UE. Des ressortissants de pays tiers sont parvenus à franchir illégalement les frontières extérieures de l’UE avant de poursuivre leurs déplacements sur son territoire, sans avoir été préalablement identifiés, enregistrés et soumis à des contrôles de sécurité appropriés. L’ampleur de ces énormes mouvements secondaires de migrants dans l’UE a remis fondamentalement en cause la cohérence de l’espace Schengen, en conséquence de quoi certains États membres ont choisi de réintroduire des contrôles temporaires le long de leurs frontières intérieures — situation qui ne peut et ne doit pas perdurer à long terme. Les préoccupations en matière de sécurité consécutives aux attentats terroristes de cette année et le phénomène des combattants terroristes étrangers n’ont fait qu’accentuer les craintes des citoyens.

Il est devenu de plus en plus évident que les différents États membres agissant en ordre dispersé ne peuvent pas convenablement relever les défis que représentent ces mouvements. Nous avons besoin de normes à l'échelle de l’Union et d'un système unifié de responsabilité partagée pour la gestion des frontières extérieures.

L'agenda européen en matière de migration adopté en mai 2015 3 par la Commission européenne a mis en évidence la nécessité de passer à une gestion commune des frontières extérieures, conformément à l’objectif visant à «mettre en place progressivement un système intégré de gestion des frontières extérieures», énoncé à l’article 77 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Dans son discours sur l’état de l’Union en septembre dernier, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a annoncé que la Commission présenterait des mesures ambitieuses à ce sujet avant la fin de l’année sous la forme d'un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes pleinement opérationnel, comme cela a été confirmé par la suite dans le programme de travail de la Commission pour 2016 4 .

Cet objectif a également été mentionné par le Parlement européen 5 et approuvé dans les orientations claires énoncées par le Conseil européen le 23 septembre et le 15 octobre 6 .

La présente communication et les mesures qui l'accompagnent prévoient une politique forte et unifiée de gestion des frontières extérieures de l’UE, sur la base du principe de responsabilité partagée. Un système intégré permanent de gestion des frontières permettra de garantir que l’Union et ses États membres sont préparés à faire face à des situations exceptionnelles aux frontières extérieures et sont capables de réagir efficacement et en temps utile, le cas échéant. Il reposera sur un mécanisme permanent de prévention des crises s’appuyant sur un suivi constant des capacités des États membres, notamment par une analyse des risques solide et régulière.

Nous bénéficions depuis de nombreuses années des avantages d’un espace de libre circulation sans frontières intérieures. L'heure est désormais venue de faire de la gestion efficace des frontières extérieures une véritable responsabilité commune. Il est donc temps de faire un pas décisif vers un système intégré de gestion des frontières extérieures.

II.    Le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et le principe de responsabilité partagée

Aujourd’hui, la Commission propose la mise en place d’une véritable gestion européenne intégrée des frontières permettant de répondre aux nouveaux enjeux et de faire face aux nouvelles réalités politiques auxquels l’Union européenne est confrontée, tant en ce qui concerne les migrations que la sécurité intérieure.

Un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes sera créé pour assurer l'application effective de normes rigoureuses de gestion des frontières communes et pour apporter un soutien opérationnel et, le cas échéant, intervenir afin de réagir rapidement aux situations de crise émergeant à la frontière extérieure. Le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes comprendra une agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes créée à partir de l’agence Frontex et des autorités des États membres chargées de la gestion des frontières, qui continueront à exécuter les tâches quotidiennes de gestion des frontières extérieures. Les autorités nationales assumant des fonctions de garde-côtes font également partie du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes dans la mesure où elles assurent la surveillance des frontières maritimes. Le rôle de l’Agence constituant à contribuer aux opérations de recherche et de sauvetage sera désormais considérablement renforcé.

La nouvelle Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après l’«Agence») sera la clé du bon fonctionnement d'un système plus intégré de gestion des frontières. Elle doit être un centre d’expertise et de capacité opérationnelle, apporter un soutien pratique aux autorités nationales de contrôle des frontières et garantir le fonctionnement efficace du système. La proposition de la Commission prévoit une série de mesures visant à habiliter l’Agence à agir d’une manière qui réponde efficacement aux défis actuels, en s’appuyant sur les recommandations formulées en novembre 2015 par le conseil d’administration de Frontex 7 .

Pour que le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes soit efficace, il doit être associé à toutes les phases de la gestion des frontières. En premier lieu, des normes communes doivent être établies pour remplir le critère de gestion rigoureuse des frontières permettant de répondre en temps de crise. L'intégration du niveau national et de celui de l’Union européenne au sein du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes devrait placer le travail d’amélioration constante des normes au cœur des travaux des autorités chargées du contrôle aux frontières, ainsi que des garde-côtes dans la mesure où ils exercent des fonctions de contrôle aux frontières, à tous les niveaux. Les autorités nationales compétentes exécuteront leurs tâches habituelles conformément à ces normes, tandis qu'un échelon européen fort contribuera à garantir l’uniformité de leur mise en œuvre dans les États membres. Deuxièmement, il faut disposer d'un système permettant de constater les défaillances bien à l'avance de manière à ce que des mesures correctives soient prises. Enfin, il est crucial de disposer d’un système solide et réactif permettant à coup sûr de répondre aux crises de manière appropriée chaque fois que cela s'avère nécessaire. Dans des situations exceptionnelles, l’aide fournie aux États membres situés en première ligne doit être considérée comme une responsabilité que l’UE et les États membres doivent endosser et partager. À cet égard, le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes doit pouvoir intervenir lorsque les garde-frontières des États membres de première ligne ne sont pas en mesure, quelle qu'en soit la raison, de faire face seuls et efficacement aux problèmes auxquels ils sont confrontés.

III. Un système unique de gestion intégrée des frontières extérieures

1. Mise en œuvre efficace de la gestion intégrée des frontières

La gestion intégrée des frontières va au-delà des contrôles aux frontières réalisés uniquement à la frontière extérieure. Elle recouvre des mesures dans les pays tiers, des mesures avec les pays tiers voisins et des mesures relevant de la libre circulation, dont le retour des migrants en situation irrégulière à partir de l’UE vers leur pays d’origine. La bonne gestion des frontières est également soutenue par un certain nombre d’éléments tels qu'une analyse des risques rigoureuse et régulière, le renforcement de la coopération interagences et l’utilisation de technologies de pointe.

Dans un premier temps, il faut veiller à ce que les règles européennes communes en vigueur soient pleinement et dûment mises en œuvre. Leur mise en œuvre est également essentielle dans des circonstances normales lorsqu’il n’y a pas de pression accrue, mais que l'espace de libre circulation doit être tout autant sécurisé.

Afin de garantir le suivi permanent de la gestion des frontières extérieures dans les États membres, la Commission propose de renforcer les obligations de coopération et de partage d’informations entre la nouvelle Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes et les autorités nationales. En particulier, un centre de suivi et d’analyse des risques sera créé au sein de l’Agence afin de suivre les flux migratoires vers l’Union européenne et en son sein. Cet outil ira de pair avec une analyse des risques fiable et à jour. L’utilisation du modèle d’analyse commune et intégrée des risques (CIRAM) élaboré par l’Agence, en étroite coopération avec les États membres, sera rendue obligatoire.

Pour soutenir le développement d’une approche intégrée et renforcer davantage le suivi régulier de la gestion des frontières extérieures par les États membres, l’Agence détachera des officiers de liaison auprès de certains États membres choisis en fonction d’une analyse des risques et en consultation avec le conseil d’administration. En coopérant avec les services nationaux de contrôle aux frontières (ainsi que les garde-côtes dans la mesure où ils effectuent des contrôles aux frontières) et en agissant en tant qu’interface entre ceux-ci et l’Agence, ces officiers de liaison seront pleinement intégrés dans le fonctionnement et les systèmes d’information des autorités nationales et pourront informer l'Agence de manière exhaustive et en temps réel. Ils recenseront les éventuels points faibles des systèmes nationaux de gestion des frontières et élaboreront des recommandations pour y remédier. Cela permettra de définir les mesures préventives nécessaires de manière proactive et commune, et d’éviter que les lacunes potentielles ne deviennent problématiques.

Afin de garantir une mise en œuvre efficace de la gestion européenne intégrée des frontières, l’Agence élaborera une large vue d'ensemble de la capacité des États membres, y compris en ce qui concerne la répartition du personnel et des équipements aux frontières extérieures. Pour repérer et corriger les faiblesses, la Commission propose de renforcer sensiblement le «test de vulnérabilité» de l’Agence (par rapport à la situation actuelle de Frontex) en le transformant en un mécanisme obligatoire d’évaluation de la vulnérabilité. Celui-ci sera conçu de manière à compléter le mécanisme d’évaluation de Schengen 8 et garantira que les besoins spécifiques des tronçons de frontière extérieure exposés à des menaces, telles que des pressions migratoires disproportionnées, puissent être convenablement pris en compte. Les informations nécessaires pour effectuer cette évaluation de la vulnérabilité seront complétées par les données collectées, au cours de leur travail sur le terrain, par les officiers de liaison détachés.

En évaluant les ressources et les équipements des États membres, ainsi que la planification des mesures d’urgence par ces derniers, l’Agence déterminera s’ils sont bien préparés à affronter les défis potentiels et à détecter les faiblesses existantes. À l’issue de cette évaluation, s'il y a lieu, l’Agence déterminera les mesures correctives nécessaires pour combler les lacunes existantes ou émergentes. Les décisions de l’Agence seront contraignantes pour l’État membre concerné. Si les mesures correctives nécessaires ne sont pas prises dans le délai fixé par l’Agence, la Commission européenne pourra autoriser celle-ci à prendre des mesures supplémentaires, y compris le déploiement d'équipes européennes de garde-frontières et de garde-côtes (voir ci-dessous).

2.Prévention des crises et intervention aux frontières extérieures

On ne saurait tolérer que la situation aux frontières extérieures se détériore au point de compromettre le fonctionnement de l’espace Schengen.

En cas de pression migratoire urgente ou exceptionnelle, les États membres peuvent d’ores et déjà solliciter le déploiement des ressources de l'Agence 9 . Les États membres peuvent demander des opérations conjointes et des interventions rapides aux frontières, ainsi que le déploiement des équipes européennes de garde-frontières et de garde-côtes à l’appui de ces opérations et interventions.

Toutefois, la crise des réfugiés a mis en évidence deux problèmes fondamentaux dans les structures existantes. La raison en est que le déploiement des ressources de l'Agence s’appuie, d’une part, sur la bonne volonté des États membres sollicités pour envoyer des ressources aux frontières extérieures à un moment donné et, d’autre part, sur une demande formelle d’un État membre de première ligne. La structure et les attributions du nouveau corps européen de garde-frontières et de garde-côtes sont conçues de manière à atténuer ces deux problèmes. D’une part, ces faiblesses sont apparues notamment dans le cas de la Grèce, où Frontex a demandé aux États membres de fournir 743 agents invités pour travailler à la frontière extérieure de la Grèce alors qu'à ce jour, seuls 447 d’entre eux ont été envoyés. D’autre part, et malgré plusieurs demandes politiques en ce sens, certains États membres n’ont pas activé les mécanismes existants d’intervention aux frontières, empêchant Frontex d’intervenir.

Une réserve de garde-frontières européens

L’Agence doit donc avoir à sa disposition immédiate et directe un nombre suffisant d’experts bien formés possédant le profil approprié, ainsi que les équipements techniques utiles. À l’heure actuelle, les contributions à Frontex sous la forme de ressources et d'experts sont, en principe, fournies sur une base volontaire. Or, cette méthode de travail, combinée à l’actuelle crise migratoire, a récemment conduit à une situation de pénurie, qui a empêché Frontex d’exécuter ses tâches opérationnelles à leur capacité maximale. Il convient, dès lors, de remédier à ces défaillances.

Afin de garantir la capacité de l’Agence à exécuter ses tâches en réponse à des situations d’urgence, une réserve d'intervention rapide sera créée en tant que corps permanent d'experts mis à la disposition de l’Agence. En tant qu’organisme désigné pour mettre en œuvre la gestion européenne intégrée des frontières, l’Agence pourra faire appel à cette réserve dans un délai limité et dans des circonstances exigeant une réaction immédiate. Les États membres devront mettre à disposition au moins 1 500 garde-frontières destinés à être déployés en quelques jours par l’Agence pour les interventions rapides aux frontières. De même, l’Agence disposera d’un parc d'équipements techniques dans lequel les États membres seront tenus de mettre immédiatement à disposition les équipements opérationnels acquis à un taux de cofinancement de 90 % au titre des dotations additionnelles des actions spécifiques 10 du Fonds pour la sécurité intérieure. Cela permettra de mettre un terme à la situation actuelle, dans laquelle les États membres situés en première ligne sont confrontés à une pénurie d’équipements essentiels de dactyloscopie, tandis que l'agence Frontex ne peut pas les fournir, étant donné qu'elle dépend des États membres pour mettre ces ressources à disposition.

Le droit d'intervenir

Dans les situations d’urgence, l’Agence doit pouvoir intervenir afin que des mesures soient prises sur le terrain même si l’État membre concerné ne sollicite pas d’assistance ou qu’il considère qu’une intervention supplémentaire ne s’impose pas.

D’une part, il pourrait être nécessaire d'agir en raison d’une augmentation disproportionnée de la pression sur le tronçon de la frontière extérieure où les autorités nationales de contrôle aux frontières (et les garde-côtes dans la mesure où ils exercent des missions de contrôle aux frontières) ne sont pas à même de faire face à la crise. D’autre part, la nécessité d’agir d’urgence à un tronçon particulier de la frontière extérieure pourrait résulter d'une défaillance du système de gestion des frontières d’un État membre que l’Agence avait détectée à la suite d’une évaluation de la vulnérabilité et pour laquelle elle avait recommandé des mesures correctives que l’État membre concerné n’a pas mises en œuvre dans les délais fixés.

Chaque fois que des défaillances seront constatées, afin que soient adoptées, en temps utile, des mesures correctives et que l'on évite d’aboutir à une situation de crise, l’Agence sera, au premier chef, habilitée à recommander aux États membres de lancer des opérations conjointes ou de mener des interventions rapides aux frontières.

Si les défaillances persistent et que l’action nationale ne se concrétise pas, la Commission pourra adopter une décision d’exécution qui établira que la situation, sur une portion précise des frontières extérieures, exige une action urgente, et qui confiera à l’Agence la tâche de mettre en œuvre des mesures opérationnelles appropriées. Cela permettra à cette dernière d’intervenir immédiatement dans les situations de crise en déployant des équipes européennes de garde-frontières et de gardecôtes aux frontières extérieures.

Mise en œuvre de l’approche des centres de crise («hotspots») et coopération avec les pays tiers

La mise en place de l’approche des centres de crise («hotspots»), initialement introduite par l'agenda européen en matière de migration, deviendra une tâche essentielle de l’Agence, qui pourra déployer des équipes européennes de garde-frontières et de garde-côtes dans le cadre des équipes d'appui à la gestion des flux migratoires dans les zones de crise («hotspots»).

En outre, la proposition de la Commission prévoit un rôle accru de l’Agence en ce qui concerne la coopération avec les pays tiers dans le cadre de laquelle elle peut coordonner la coopération opérationnelle entre les États membres et les pays tiers voisins dans le domaine de la gestion des frontières, notamment par le déploiement d’officiers de liaison dans les pays tiers ou le lancement d’opérations conjointes sur le territoire de l’Union ou de ces pays tiers. Cette mesure remédiera en particulier à la situation que connaît actuellement la coopération avec les pays des Balkans occidentaux où, malgré l’accord des pays tiers en question, l’agence Frontex ne peut pas apporter d’assistance opérationnelle faute d’être compétente pour envoyer des équipes de garde-frontières dans des pays tels que la Serbie ou l’ancienne République yougoslave de Macédoine.

3.Fonctions des garde-côtes

Les garde-côtes ont un rôle crucial à jouer dans la sécurisation des frontières maritimes et dans les sauvetages en mer. La crise actuelle a mis en évidence la nécessité d’une réponse plus coordonnée de la part des agences de l’Union concernées et des diverses autorités nationales exerçant des fonctions de garde-côtes. Une meilleure coordination permet, en effet, d’obtenir des résultats à la fois pour ce qui est de faire face aux crises en mer et d’aider ces autorités à œuvrer efficacement. Il s’agirait donc, notamment, d’assurer une meilleure coordination et de mettre en commun, à l’échelle de l’UE, les fonctions de gardecôtes pertinentes.

On dénombre actuellement dans les États membres plus de 300 autorités civiles et militaires chargées d’exercer des fonctions de garde-côtes dans divers domaines tels que la sécurité, la sûreté, la recherche et le sauvetage en mer, le contrôle aux frontières, le contrôle des pêches, le contrôle douanier, l’application générale de la législation et la protection de l’environnement. Les agences de l’UE concernées secondent les autorités nationales dans l’exercice de la plupart de ces fonctions. Une approche fonctionnelle s’impose afin que les garde-côtes nationaux soient intégrés au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes dans la mesure où ils accomplissent des tâches de contrôle aux frontières. La Commission propose, dès lors, de rassembler les agences et organismes actuels assumant des fonctions de garde-côtes. À l’échelle de l’UE, il faudra, pour ce faire, aligner les attributions respectives de l’Agence européenne pour la sécurité maritime et de l’Agence européenne de contrôle des pêches sur les dispositions correspondantes régissant la nouvelle Agence et renforcer leurs capacités, en particulier par des opérations de surveillance planifiées conjointement et un partage d’informations rationalisé et le renforcement des capacités, et fournir des services de surveillance et de communication fondés sur des technologies de pointe telles que les systèmes d’aéronef télépiloté (drones).

Cela signifiera que l’Agence pourra, par exemple, avoir accès à de nouvelles informations sur les navires servant à l’immigration illégale et à la criminalité transfrontière qui ont été détectés lors d’opérations de surveillance maritime dont la mission première est non pas le contrôle aux frontières, mais le contrôle des pêches ou la détection des marées noires. Cette coopération intersectorielle pragmatique pour mettre en commun ressources et informations permettra de faire bénéficier la gestion des frontières de capacités qui ne se rapportent pas strictement au contrôle aux frontières.

4.Renforcement du rôle de l’Agence en matière de retour

L’amélioration de l’efficacité des procédures de retour est reconnue comme un objectif clé de la gestion des migrations. Le rôle accru dévolu à l’Agence européenne de garde-frontières et de gardecôtes en matière de retour permettra d’améliorer la capacité de l’UE de mener à bien le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. En effet, comme l’indique le plan d’action de l’UE en matière de retour 11 , l’Agence devrait pouvoir décider de lancer des opérations de retour et aider les États membres pour ce qui est de l’obtention des documents de voyage.

L’Agence coordonnera toutes les tâches liées au retour et apportera aux États membres tout le renfort technique et opérationnel nécessaire au retour effectif des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. À ces fins, un bureau spécialement chargé des retours sera créé au sein de l’Agence afin de coopérer avec les États membres dans la réalisation de procédures d’identification et de retour, notamment en finançant et en cofinançant, en coordonnant et en organisant les opérations de retour et en coopérant avec les autorités de pays tiers compétentes en matière de retour.

L’Agence jouera également un rôle direct et prépondérant dans les interventions en matière de retour. Ainsi les équipes européennes d’intervention en matière de retour, composées d’escortes, de contrôleurs et de spécialistes des questions de retour, pourront être envoyées dans les États membres dont le système de retour subit une pression particulière. Dans les situations d’urgence, les équipes européennes d’intervention rapide en matière de retour pourraient être déployées soit à la demande d’un État membre, soit de la propre initiative de l’Agence.

5.Droits fondamentaux et mécanisme de plainte pour l’Agence

Compte tenu du rôle accru dévolu à l’Agence et des missions opérationnelles élargies qui lui seront confiées, il importe de disposer d’un mécanisme de plainte approprié au cas où une personne s’estimerait victime d’une violation de ses droits fondamentaux lors d’un engagement opérationnel de l’Agence. Le Parlement européen et le Médiateur européen ont tous deux souligné l’importance de ce mécanisme.

Dans le cadre de celui-ci, un officier aux droits fondamentaux spécialement rattaché à l’Agence recevra les plaintes de manière structurée et les transmettra au directeur exécutif et aux États membres concernés. Ces derniers seront tenus de fournir des informations sur l’issue de la plainte et les suites données à celle-ci. Cette procédure administrative sera sans préjudice d’éventuels recours juridictionnels. En outre, dans les cas de violations graves, ou susceptibles de persister, de droits fondamentaux ou d’obligations de protection internationale, le directeur exécutif de l’Agence pourrait décider non seulement de suspendre les activités opérationnelles menées par l’Agence ou d’y mettre un terme, mais aussi de retirer le financement destiné à l’opération en cause.

IV.Mise en œuvre uniforme des règles de Schengen

La mise en œuvre uniforme de toutes les règles dans le domaine de la gestion des frontières doit être régulièrement contrôlée. Avec l’instauration d’un corps européen de garde-frontières et de gardecôtes, il est encore plus important d’assurer une application cohérente des règles de Schengen et d’accomplir les tâches de gestion des frontières dans les États membres selon des modalités harmonisées.

Les dispositions régissant l’espace Schengen forment un ensemble de règles dynamiques qui ont évolué avec le temps et figurent dans des actes juridiques ainsi que dans un certain nombre de documents de «soft law» tels que manuels, lignes directrices, catalogues et bonnes pratiques. Leur application complète et correcte par les États membres est régulièrement vérifiée via le mécanisme d’évaluation de Schengen qui sert d’outil de contrôle de qualité. Des évaluations Schengen sont effectuées sur la base de programmes pluriannuels et annuels adoptés par la Commission. À l’issue des missions d’évaluation, les équipes chargées de ces évaluations 12 («équipes d’évaluation Schengen») formulent des recommandations aux États membres pour qu’ils remédient à tout manquement éventuel constaté dans leur système national de gestion des frontières.

Dans ce contexte, les rapports d’évaluation Schengen ont souvent dénoncé comme une faiblesse du processus de mise en œuvre le fait qu’une part considérable des règles de Schengen figuraient dans des documents non contraignants. Or, la combinaison de mesures de «soft law» et de règles juridiquement contraignantes ne s’est pas toujours révélée efficace, notamment parce que ces mesures pouvaient souvent être interprétées et mises en œuvre de façon divergente.

Afin d’éviter d’éventuelles divergences et de garantir que le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes s’acquitte de ses missions de manière cohérente, il importe de veiller à ce que les règles de Schengen soient appliquées de la même façon dans l’ensemble de l’UE. Pour parvenir à une mise en œuvre uniforme et plus harmonisée des règles en vigueur et mieux consolider l’acquis de Schengen comme «corpus unique» de mesures de gestion des frontières, la Commission œuvrera à remplacer les dispositions de «soft law» par des dispositions juridiquement contraignantes.

V.    Modification ciblée du code frontières Schengen

Les contrôles aux frontières extérieures demeurent l’un des principaux moyens de préserver l’espace dépourvu de contrôles aux frontières intérieures. L’un des objectifs de ces contrôles est de prévenir les menaces pour la sécurité intérieure et l’ordre public des États membres. Mais comme les récents attentats terroristes l’ont démontré, la menace peut aussi provenir de personnes qui jouissent du droit à la libre circulation conféré par le droit de l’Union. Il est, dès lors, nécessaire de renforcer les contrôles aux frontières extérieures pour pouvoir identifier ces personnes et réduire au minimum les risques pour la sécurité intérieure de l’espace Schengen. Cela est également confirmé par les conclusions du huitième rapport semestriel sur le fonctionnement de l’espace Schengen.

Pour répondre à cette nécessité, la Commission propose une modification ciblée du code frontières Schengen 13 en vue d’instaurer des vérifications pour les citoyens de l’UE par rapport à des bases de données telles que le système d’information Schengen, la base de données sur les documents de voyage volés ou perdus ainsi que les systèmes nationaux pertinents. Comme l’a demandé le Conseil «Justice et affaires intérieures» lors de ses réunions des 9 et 20 novembre 2015, cette initiative prévoira des «contrôles systématiques des ressortissants de l’UE, y compris la vérification des données biométriques, au moyen des bases de données pertinentes aux frontières extérieures de l’espace Schengen, en faisant pleinement usage de solutions techniques afin de ne pas entraver la fluidité de mouvement» 14 .

En vertu des modifications proposées, les citoyens de l’Union feront l’objet, à toutes les frontières extérieures (aériennes, maritimes et terrestres), de vérifications systématiques et obligatoires effectuées dans les bases de données, possibilité qui existe déjà sur la base d’une évaluation des risques. Ces vérifications systématiques porteront sur l’identité et la nationalité de la personne et sur la validité et l’authenticité du document de voyage qu’elle a en sa possession. Il sera également vérifié que les personnes entrant dans l’espace Schengen ne représentent pas une menace pour l’ordre public et la sécurité intérieure. Les nouvelles règles sont également assorties d’une certaine souplesse: si aux frontières terrestres et maritimes, les vérifications systématiques visant les citoyens de l’Union devaient avoir un effet disproportionné sur la fluidité du trafic, les États membres pourront, sur la base d’une évaluation des risques, procéder à des vérifications ciblées.

VI.    Un document de voyage européen destiné au retour

Assurer le retour effectif des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire de l’Union est une composante essentielle d’une politique migratoire de l’UE globale, pérenne et crédible.

Le système actuellement en vigueur dans l’UE pour le retour des migrants en situation irrégulière n’est pas suffisamment efficace et l’absence de documents de voyage en cours de validité, délivrés par le pays de destination des personnes soumises à un retour, est l’un des principaux obstacles à la réussite des opérations de retour et de réadmission. À l’heure actuelle, les États membres peuvent délivrer un document de remplacement européen 15 aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier qui ne possèdent pas de document de voyage en cours de validité. Toutefois, en raison de l’insuffisance des caractéristiques et niveaux de sécurité qu’il présente, notamment, la reconnaissance de ce document de remplacement par les pays tiers n’est pas satisfaisante. Or, il est manifestement indispensable d’accroître la reconnaissance de ce document de voyage par les pays tiers en vue d’assurer la réussite des opérations de retour, tout en réduisant la charge administrative pesant sur les autorités consulaires compétentes des pays tiers.

Dans le prolongement de ce qui avait été annoncé dans le plan d’action de l’UE en matière de retour, la Commission propose de créer un nouveau document de voyage européen destiné au retour de ressortissants de pays tiers, fondé sur un modèle uniforme et présentant des caractéristiques techniques et de sécurité renforcées qui peuvent contribuer à sa plus large acceptation par les pays tiers. La reconnaissance de ce document de voyage devrait être encouragée dans le cadre des accords de réadmission ou d’autres arrangements avec les pays tiers, ainsi que dans celui de la coopération en matière de retour avec les pays tiers non couverts par des accords formels.

La proposition de règlement relatif à un document de voyage européen destiné au retour en définit le format et les caractéristiques de sécurité, tandis que les normes et procédures communes régissant le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sont prévues par la directive «retour» 16 et doivent être appliquées dans le respect absolu des droits fondamentaux, en particulier du principe de non-refoulement.

VII.    Eurosur

Eurosur fournit un cadre commun pour l’échange d’informations et la coopération entre toutes les autorités nationales compétentes en matière de surveillance des frontières extérieures terrestres et maritimes. Depuis qu’elle a commencé à fonctionner à la fin de l’année 2013, l’agence Eurosur a considérablement amélioré la connaissance de la situation aux frontières extérieures et dans les zones en amont de ces frontières et elle a, à maintes reprises, contribué à sauver la vie de migrants. Cela s’explique largement par les efforts déployés par l’agence Frontex, ainsi que cette dernière l’a également exposé dans le rapport qu’elle présente ce mois-ci au Parlement européen et au Conseil sur la mise en œuvre des éléments d’Eurosur relevant de sa compétence.

La Commission a adopté aujourd’hui un manuel EUROSUR, qui fournit des orientations aux autorités des États membres sur la mise en œuvre et la gestion d’Eurosur 17 .

Face à l’arrivée quotidienne de milliers de personnes à certains tronçons des frontières extérieures, il est évident que les États membres doivent aussi pouvoir réagir rapidement et d’une manière cohérente. Si la proposition législative relative au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes crée une Agence plus forte, les centres nationaux de coordination pour la surveillance des frontières, établis conformément au règlement Eurosur, jouent un rôle essentiel de sorte que les États membres devraient en tirer meilleur parti dans le renforcement de leur capacité de réaction.

Le manuel EUROSUR détaille les tâches de ces centres nationaux de coordination, dont leur coopération avec d’autres autorités nationales, et les modalités de gestion des ressources et du personnel ainsi que des systèmes nationaux de surveillance des frontières. Il définit comment les centres nationaux de coordination et Frontex échangent des informations sur les incidents, les patrouilles et les renseignements et coordonnent leur réaction aux différents tronçons de frontière. Enfin, ce manuel fournit des lignes directrices techniques pour la gestion du réseau de communication Eurosur et des informations classifiées.

VIII.    Conclusion

Les mesures adoptées ce jour constituent une avancée indispensable vers une gestion européenne intégrée efficace des frontières.

La Commission invite, dès lors, le Parlement européen et le Conseil à accorder la priorité absolue à ces propositions, en particulier à la proposition de règlement relatif au corps européen de gardefrontières et de garde-côtes, de sorte que la confiance des citoyens dans les frontières extérieures de l’Europe puisse être rapidement rétablie et que l’intégrité de l’espace Schengen de libre circulation sans frontières intérieures puisse être garantie.

(1)  Le chiffre exact est de 1 284 549 franchissements irréguliers des frontières pour la période janvier-octobre. Les données proviennent du réseau d’analyse des risques de Frontex et couvrent l’espace Schengen, y compris les pays candidats à la participation à Schengen. Elles concernent les détections de ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures (non temporaires) alors qu'ils les franchissaient ou tentaient de les franchir illégalement entre deux points de passage frontaliers. Pour le mois de novembre, les données proviennent de la Joint Operations Reporting Application (JORA) et du ministère croate de l’intérieur ( http://www.mup.hr/219696.aspx ); des estimations ont été utilisées en ce qui concerne les itinéraires pour lesquels aucune donnée n’était encore disponible.
(2)  Au total, 813 044 franchissements irréguliers des frontières ont été détectés pour la période 2009-2014.
(3)  COM(2015) 240 final.
(4)  COM(2015) 610 final.
(5)  Dans sa résolution du 10 septembre, le Parlement européen a souligné la nécessité d'assurer une gestion efficace des frontières extérieures.
(6)  Lors de la réunion informelle des chefs d’État ou de gouvernement du 23 septembre, les dirigeants ont insisté sur la nécessité de renforcer les contrôles aux frontières extérieures. Les conclusions du Conseil européen du 15 octobre appellent explicitement à la mise en place d’un système intégré de gestion des frontières extérieures.
(7)  Celles-ci faisaient suite à une évaluation externe de Frontex, effectuée conformément à sa base juridique actuelle et achevée en juin 2015
(8)  Règlement (UE) n° 1053/2013 du Conseil du 7 octobre 2013 portant création d'un mécanisme d'évaluation et de contrôle destiné à vérifier l'application de l'acquis de Schengen et abrogeant la décision du comité exécutif du 16 septembre 1998 concernant la création d'une commission permanente d'évaluation et d'application de Schengen, JO L 295 du 6.11.2013, p. 27.
(9)  Règlement (CE) n° 863/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant un mécanisme de création d’équipes d’intervention rapide aux frontières et modifiant le règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil pour ce qui a trait à ce mécanisme et définissant les tâches et compétences des agents invités.
(10)  Conformément au règlement (UE) n° 515/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 portant création, dans le cadre du Fonds pour la sécurité intérieure, de l’instrument de soutien financier dans le domaine des frontières extérieures et des visas (JO L 150 du 20.5.2014, p. 143), les actions spécifiques sont conçues comme un «financement complémentaire», c’est-à-dire des montants supplémentaires qui s'ajoutent aux dotations de base nationales septennales des États membres sur une base concurrentielle, en fonction de la volonté de ceux-ci de mettre en œuvre, au titre de leurs programmes nationaux, des actions correspondant aux priorités spécifiques de l’Union.
(11)  COM(2015) 453 final.
(12)  Ces équipes ont été instituées par l'article 10 du règlement (UE) n° 1053/2013 du Conseil du 7 octobre 2013 portant création d’un mécanisme d’évaluation et de contrôle destiné à vérifier l’application de l’acquis de Schengen et abrogeant la décision du comité exécutif du 16 septembre 1998 concernant la création d’une commission permanente d’évaluation et d’application de Schengen.
(13)  Article 7, paragraphe 2, du code frontières Schengen.
(14)  Conclusions du Conseil de l’UE et des États membres, réunis au sein du Conseil, sur la lutte contre le terrorisme, 20 novembre 2015.
(15)  JO C 274 du 19.9.1996, p. 18.
(16)  Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, JO L 348 du 24.12.2008, p. 98.
(17)  Règlement (UE) n° 1052/2013 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2013 portant création du système européen de surveillance des frontières (Eurosur), JO L 295 du 6.11.2013, p. 11.