Recommandation de
RECOMMANDATION DU CONSEIL
concernant le programme national de réforme de l’Allemagne pour 2015
et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de l’Allemagne pour 2015
LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 121, paragraphe 2, et son article 148, paragraphe 4,
vu le règlement (CE) nº 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, et notamment son article 5, paragraphe 2,
vu le règlement (UE) nº 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques, et notamment son article 6, paragraphe 1,
vu la recommandation de la Commission européenne,
vu les résolutions du Parlement européen,
vu les conclusions du Conseil européen,
vu l’avis du comité de l’emploi,
vu l’avis du comité économique et financier,
vu l’avis du comité de la protection sociale,
vu l’avis du comité de politique économique,
considérant ce qui suit:
(1)Le 26 mars 2010, le Conseil européen a approuvé la proposition de la Commission de lancer la stratégie Europe 2020, une nouvelle stratégie pour la croissance et l’emploi, fondée sur une coordination renforcée des politiques économiques, qui porte avant tout sur les principaux domaines dans lesquels des mesures sont nécessaires pour doper le potentiel de croissance durable et de compétitivité de l’Europe.
(2)Sur la base des propositions de la Commission, le Conseil a adopté, le 13 juillet 2010, une recommandation relative aux grandes orientations des politiques économiques des États membres et de l’Union (2010-2014) et, le 21 octobre 2010, une décision relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres, qui forment ensemble les «lignes directrices intégrées», dont les États membres ont été invités à tenir compte dans leurs politiques économiques et en matière d’emploi.
(3)Le 8 juillet 2014, le Conseil a adopté une recommandation relative au programme national de réforme de l’Allemagne pour 2014 et a émis un avis sur la version actualisée du programme de stabilité de l’Allemagne pour 2014. Le 28 novembre 2014, conformément au règlement (UE) nº 473/2013, la Commission a présenté son avis sur le projet de plan budgétaire de l’Allemagne pour 2015.
(4)Le 28 novembre 2014, la Commission a adopté l’examen annuel de la croissance, qui marque le lancement du semestre européen 2015 de coordination des politiques économiques. Le même jour, la Commission a adopté, sur la base du règlement (UE) nº 1176/2011, le rapport sur le mécanisme d’alerte, dans lequel l’Allemagne a été mentionnée parmi les États membres qui feraient l’objet d’un bilan approfondi.
(5)Le 18 décembre 2014, le Conseil européen a approuvé les priorités concernant la stimulation de l’investissement, l’accélération des réformes structurelles et un assainissement budgétaire responsable et propice à la croissance.
(6)Le 26 février 2015, la Commission a publié son rapport 2015 pour l’Allemagne. Elle y évalue les progrès accomplis par l’Allemagne dans la mise en œuvre des recommandations qui lui avaient été spécifiquement adressées (recommandations par pays) le 8 juillet 2014. Ce rapport comprend également les résultats du bilan approfondi concernant ce pays effectué conformément à l’article 5 du règlement (UE) nº 1176/2011. L’analyse de la Commission l’amène à conclure que l’Allemagne connaît des déséquilibres macroéconomiques qui requièrent l’adoption de mesures décisives et un suivi. Les risques se sont accrus en raison de l’insuffisance persistante des investissements privés et publics, qui constitue un frein à la croissance et contribue à l’excédent très élevé de la balance courante, lequel continue de devoir être suivi de près. Il est particulièrement important de prendre des mesures pour réduire les risques de répercussions négatives sur l’économie allemande et, compte tenu de sa taille, sur l’Union économique et monétaire en général.
(7)Le 28 avril 2015, l’Allemagne a présenté son programme national de réforme pour 2015 et, le 16 avril 2015, son programme de stabilité pour 2015. Vu leur interdépendance, les deux programmes ont été évalués simultanément.
(8)L’Allemagne est actuellement soumise au volet préventif du pacte de stabilité et de croissance et à la règle en matière de dette. Dans son programme de stabilité pour 2015, son gouvernement prévoit de continuer à dégager un excédent budgétaire. L’objectif à moyen terme, un déficit structurel de 0,5 % du PIB, reste respecté tout au long de la période de mise en œuvre du programme. Il est prévu que le ratio de la dette publique au PIB diminue progressivement pour atteindre 61,5 % en 2019. Le scénario macroéconomique qui sous-tend ces projections budgétaires, qui n’a pas été approuvé par un organisme indépendant, est fondé sur des hypothèses de croissance prudentes. Sur la base des prévisions du printemps 2015 de la Commission, le solde structurel devrait rester supérieur à l’objectif à moyen terme. La dette brute devrait continuer à suivre une trajectoire résolument descendante, allant au-delà de ce qu’exige la règle en matière de dette. Il en résulte une marge budgétaire pour renforcer l’investissement. Sur la base de son évaluation du programme de stabilité et compte tenu des prévisions du printemps 2015 de la Commission, le Conseil est d’avis que l’Allemagne devrait respecter les dispositions du pacte de stabilité et de croissance.
(9)Le gouvernement fédéral a augmenté les dépenses dans les domaines de l’éducation et de la recherche, mais la part des dépenses publiques consacrées à l’éducation, exprimées en pourcentage du PIB, demeure inférieure à la moyenne de l’UE, et les dépenses totales en matière d’éducation et de recherche risquent de ne pas atteindre l’objectif national de 10 % du PIB en 2015. L’Allemagne a l’intention d’accroître l’investissement public jusqu’en 2018, notamment par des dépenses supplémentaires de 10 milliards d’EUR pour les infrastructures et de 5 milliards d’EUR pour soutenir les investissements des municipalités en situation financière précaire. Toutefois, ces mesures positives semblent insuffisantes pour remédier au retard d’investissement global. L’Allemagne pourrait tirer parti de sa marge de manœuvre budgétaire pour investir dans le potentiel de croissance future de son économie et combler son retard d’investissement public, qui est particulièrement manifeste dans les infrastructures et au niveau des municipalités. L’Allemagne n’a fait aucun progrès dans l’amélioration de l’efficacité de son système fiscal. Dans l’ensemble, il apparaît qu’elle ne transfère pas assez d’impôts vers des sources de recettes qui favorisent davantage la croissance. Les recettes générées par les taxes foncières périodiques restent relativement faibles (0,5 % du PIB en 2012, contre 1,5 % pour l’UE-28), et la valorisation des biens immobiliers est obsolète, étant fondée sur les valeurs de marché de 1963-64 dans les länder de l’ouest et de 1935 dans les länder de l’est. Alors que l’accord de coalition prévoyait une réforme de la taxe municipale sur les biens immobiliers (Grundsteuer), qui avait également été annoncée dans les programmes nationaux de réforme pour 2014 et 2015, aucune mesure concrète n’a été prise jusqu’à présent. Au lieu de mettre davantage l'accent sur des taxes foncières périodiques ayant moins d’effets de distorsion, l’Allemagne a continué à augmenter les taxes sur les transactions immobilières. La taxe professionnelle locale (Gewerbesteuer) n’a pas été révisée. L’inclusion, dans la base d’imposition, d’éléments non liés aux bénéfices provoque des inefficiences. La charge administrative que les impôts font peser sur les entreprises et le coût de la collecte de l’impôt restent relativement élevés en Allemagne, tandis que le taux de déclaration électronique pour l’impôt sur le revenu et l’impôt des sociétés est inférieur à la moyenne de l’UE. La révision en cours des relations budgétaires entre la fédération, les länder et les communes offre l’occasion de renforcer le cadre pour des politiques budgétaires viables, et notamment assurer des investissements publics adéquats à tous les niveaux de l’État. Cette révision est également l’occasion d’améliorer la répartition des compétences en matière de recettes et de dépenses ainsi que l’efficacité du système de péréquation budgétaire horizontale et de l’administration fiscale.
(10)Aucune mesure n’a été précisée pour encourager un départ à la retraite plus tardif, alors que cela semble indispensable eu égard à la forte baisse prévue de la population active de l’Allemagne et au risque de manque de travailleurs qualifiés à moyen terme. Le coin fiscal pour les travailleurs gagnant entre 50 % et 67 % du salaire moyen est demeuré largement inchangé depuis 2001 et reste l’un des plus élevés de l’UE. Il est probable que les réformes récentes des systèmes d’assurance sociale entraînent une nouvelle augmentation des taux de cotisation et donc accroissent encore le coin fiscal. Cela aurait des effets potentiellement négatifs sur la participation au marché du travail et sur le revenu disponible. L’incidence du freinage fiscal est actuellement limitée par la faiblesse de l’inflation. Toutefois, avec la croissance dynamique des salaires et des taux d’inflation légèrement plus élevés dans les années à venir, le freinage fiscal pourrait entraîner d’importantes hausses d’impôts non discrétionnaires, ce qui pourrait affecter à son tour le revenu disponible. Des progrès limités ont été réalisés dans l’amélioration du niveau d’instruction des groupes défavorisés. Les jeunes issus de l’immigration sont deux fois plus susceptibles que les autres de quitter l’école prématurément. Les désincitations fiscales contribuent sans doute pour une large part à dissuader les deuxièmes apporteurs de revenus de prendre un emploi ou de travailler un plus grand nombre d’heures. Cela contribue à la faible proportion de femmes travaillant à temps plein, et aussi au fait que le nombre moyen d’heures travaillées par les femmes est l’un des plus faibles de l’UE. Le fait que les mini-emplois soient exonérés d’impôt sur le revenu, et, dans de nombreux cas, de toutes les cotisations sociales salariales, dissuade également les travailleurs concernés d’accepter des emplois dont le salaire est supérieur au seuil des 450 EUR des mini-emplois.
(11)Les mesures visant à stimuler la concurrence dans le secteur des services, en particulier des services professionnels, ont été limitées. La croissance de la productivité du travail dans le secteur des services professionnels est négative ou proche de zéro depuis plus d’une décennie en Allemagne. C’est en outre l’un des pays de l’UE dans lesquels la réglementation est la moins favorable à la concurrence dans le secteur des services professionnels. Entre autres restrictions, elle fixe notamment des exigences en matière de qualifications professionnelles, de forme juridique et de détention du capital. Sur ce dernier point, des changements mineurs sont en cours dans certains länder, mais aucun réexamen général de ces restrictions n’a encore eu lieu. L’Allemagne participe à l’exercice d’évaluation mutuelle prévu dans la directive modifiant la directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, mais n’a encore pris aucune mesure à la suite de cet examen. La situation de la concurrence sur le marché ferroviaire allemand ne s’est pas beaucoup améliorée depuis l’année dernière. En particulier, sur le segment du transport ferroviaire à longue distance de voyageurs, l’environnement concurrentiel difficile est dissuasif pour les nouveaux entrants. Dans ce segment, les redevances d’accès aux voies sont parmi les plus élevées de l’UE. La part du marché du transport ferroviaire à longue distance de voyageurs détenue par de nouveaux entrants est inférieure à 1 % et elle diminue.
(12)Dans le cadre du semestre européen, la Commission a procédé à une analyse complète de la politique économique de l’Allemagne, qu’elle a publiée dans son rapport 2015 sur le pays. Elle a également évalué le programme de stabilité et le programme national de réforme, ainsi que les suites données aux recommandations adressées à l’Allemagne les années précédentes. Elle a tenu compte non seulement de leur bien-fondé dans l’optique d’une politique budgétaire et socio-économique viable en Allemagne, mais aussi de leur conformité avec les règles et orientations de l’Union européenne, eu égard à la nécessité de renforcer la gouvernance économique globale de l’Union par la contribution de cette dernière aux futures décisions nationales. Les recommandations figurant aux points 1 à 3 ci-après reflètent ses recommandations dans le cadre du semestre européen.
(13)Eu égard à cette évaluation, le Conseil a examiné le programme de stabilité de l’Allemagne et il est d’avis que l’Allemagne respecte le pacte de stabilité et de croissance.
(14)À la lumière des résultats du bilan approfondi de la Commission et de cette évaluation, le Conseil a examiné le programme national de réforme de l’Allemagne et son programme de stabilité. Ses recommandations formulées en vertu de l’article 6 du règlement (UE) nº 1176/2011 se reflètent dans les recommandations figurant aux points 1 à 3 ci-dessous.
(15)Dans le cadre du semestre européen, la Commission a aussi effectué une analyse de la politique économique de l’ensemble de la zone euro. Sur la base de cette analyse, le Conseil a adressé des recommandations spécifiques aux États membres dont la monnaie est l’euro. L’Allemagne devrait également veiller à mettre en œuvre intégralement et en temps utile ces recommandations,
RECOMMANDE que l’Allemagne s’attache, au cours de la période 2015-2016:
1.à accroître encore l’investissement public dans les infrastructures, l’éducation et la recherche, notamment en utilisant la marge de manœuvre budgétaire dont elle dispose; pour encourager l’investissement privé, à prendre des mesures en vue de rendre le système fiscal plus efficace, notamment en révisant la taxe professionnelle locale et l’impôt sur les sociétés et en modernisant l’administration fiscale; dans le cadre du processus de révision en cours, à améliorer la structure des relations budgétaires entre la fédération, les länder et les communes, en particulier en vue d’assurer des investissements publics adéquats à tous les niveaux de l’État;
2.à encourager davantage un départ à la retraite plus tardif; à prendre des mesures pour réduire la fiscalité du travail et les cotisations de sécurité sociale, notamment pour les bas salaires, et pour remédier aux conséquences du freinage fiscal; à revoir le traitement fiscal des mini-emplois pour faciliter le passage à d’autres formes d’emploi;
3.à prendre des mesures plus ambitieuses pour stimuler la concurrence dans le secteur des services, en particulier des services professionnels, en supprimant les restrictions injustifiées telles que celles qui s’appliquent en matière de forme juridique, de détention du capital et de tarifs fixes; à cette fin, à mener à son terme l’examen national de ces restrictions et à prendre des mesures de suivi; à éliminer les entraves à la concurrence qui subsistent encore sur les marchés du rail, notamment celui du transport à longue distance de voyageurs.
Fait à Bruxelles, le
Par le Conseil
Le président