24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/46


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un agenda européen en matière de migration»

[COM(2015) 240 final]

(2016/C 071/08)

Rapporteur:

M. Stefano MALLIA

Corapporteur:

M. Cristian PÎRVULESCU

Le 10 juin 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un agenda européen en matière de migration»

[COM(2015) 240 final].

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 10 décembre 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 161 voix pour, 10 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la communication de la Commission intitulée «Un agenda européen en matière de migration», qui, selon lui, témoigne d’une prise de conscience nouvelle de la nécessité d’aborder les questions de la migration au niveau européen, et il encourage les États membres à soutenir collectivement la mise en œuvre de cet agenda.

1.2.

Le premier défi à relever pour l’Union consiste à mettre sous contrôle la situation chaotique actuelle et veiller à ce que les personnes demandant une protection internationale soient traitées comme il se doit. Le CESE est favorable à la mise en place immédiate de points d’accès (hotspots) pour aider les pays confrontés à un fort afflux de migrants et insiste pour que leur soient apportés les ressources et le soutien nécessaires.

1.3.

Le CESE estime que la situation actuelle exige que l’Union européenne mette en place un véritable régime d’asile européen commun en s’appuyant sur des procédures harmonisées dans l’ensemble de l’Union européenne. Ce régime devra notamment prévoir un statut uniforme d’asile et la reconnaissance mutuelle des décisions en matière d’asile, une responsabilité et des efforts partagés en ce qui concerne la relocalisation et la réinstallation, et une révision du règlement de Dublin. Il est nécessaire de disposer de systèmes solidaires et fiables en ce qui concerne la répartition de la charge, et surtout d’une clé de répartition permanente qui soit équitable et contraignante, afin de répartir les personnes en quête de protection entre tous les pays de l’Union européenne. En outre, il convient de rechercher des solutions à long terme pour le cas où les arrivées massives de personnes se poursuivraient ou s’il s’en produisait de nouvelles à l’avenir.

1.4.

La population européenne vieillit et doit faire face à une pénurie de main d’œuvre qualifiée, problèmes auxquels il peut être remédié grâce à la migration. Toutefois, l’Union européenne doit mettre en place une politique plus efficace en matière d’immigration. L’Union européenne devrait élaborer une politique globale en matière de migration légale visant à accueillir les nouveaux venus dans un cadre transparent, prévisible et juste. Dans le même temps, force est de reconnaître que l’immigration n’est pas la seule réponse aux pénuries de main-d’œuvre sur le marché du travail et aux défis démographiques, et que les États membres peuvent envisager d’autres solutions plus appropriées.

1.5.

L’intégration des migrants et des réfugiés est un enjeu très important auquel l’Union européenne et ses États membres doivent faire face en construisant de solides systèmes d’intégration. Le CESE estime que le coût de la non-intégration dépasse largement le coût de l’intégration. Le CESE, fort de son engagement de longue date à l’égard du Forum européen sur l’intégration/la migration, estime que l’intégration doit être un processus bilatéral auquel les partenaires sociaux, les autorités locales et la société civile apportent tous une contribution essentielle. Il convient d’accorder la priorité à l’accès au marché du travail et, plus spécifiquement, à la reconnaissance des qualifications et des formations professionnelles et linguistiques. Une attention particulière doit être portée à l’intégration des femmes.

1.6.

L’Union européenne doit assurer la sécurité de ses frontières extérieures. Compte tenu de la complexité de la situation actuelle en matière de sécurité, une approche européenne plutôt que nationale s’impose, ce qui pourrait entraîner le partage de certaines compétences nationales dans ce domaine.

1.7.

Toutes les politiques extérieures de l’Union européenne doivent être rationalisées et se concentrer sur la manière d’aider les pays d’origine à atteindre un niveau raisonnable de sécurité humaine, de stabilité et de prospérité. Le CESE est bien conscient qu’il s’agit là d’un objectif à long terme qui comporte des difficultés énormes.

1.8.

Il est nécessaire de renforcer la coopération en matière de réadmission, afin d’assurer une mise en œuvre efficace et en temps utile de la directive sur le retour.

1.9.

La société civile joue un rôle essentiel dans le traitement de la crise migratoire, par exemple en fournissant les premières réponses dont les migrants ont besoin à leur arrivée et en organisant les activités subséquentes visant à les intégrer dans la société et dans le marché du travail. Il est essentiel que les gouvernements, les autorités locales et les organisations de la société civile œuvrent à l’émergence d’un consensus culturel et social entre nations européennes quant à l’importance et aux avantages qu’il y a à investir dans l’intégration des immigrés dans la société et dans le marché du travail.

1.10.

Le CESE exhorte donc l’Union européenne et ses États membres à accroître l’aide financière et matérielle aux ONG et aux organisations de la société civile actives au niveau national.

1.11.

Les moyens financiers nécessaires doivent être réunis grâce à l’effort conjoint de l’ensemble de la communauté internationale. À cet égard, il convient de bien spécifier que les dépenses des États membres liées à l’accueil et à l’intégration des demandeurs d’asile et des réfugiés ne constituent pas des dépenses durables ou structurelles et ne doivent donc pas être incluses dans le calcul des déficits budgétaires structurels. La mobilisation des ressources nécessaires ne doit pas se faire au détriment des crédits disponibles pour la réalisation des objectifs sociaux au sein de l’Union européenne. Cela risquerait de compromettre l’acceptation de ces mesures par une partie de la population.

2.   La communication de la Commission et les développements les plus récents

2.1.

La Commission a publié sa communication sur «Un agenda européen en matière de migration» le 13 mai 2015. Ce document et les propositions de mise en œuvre auxquelles il a donné lieu ont ensuite été examinés par diverses formations du Conseil entre juin et octobre. Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission: elle est complète tout en mettant l’accent sur l’essentiel.

2.2.

La mise en œuvre des initiatives proposées dans l’agenda est en cours et la plupart des États membres se rendent compte progressivement que seule l’action collective, fondée sur les principes de solidarité et de responsabilité partagée, peut permettre de gérer efficacement le défi posé par les migrations. Une action efficace requiert la mobilisation de ressources accrues du budget de l’Union, ainsi que l’augmentation des contributions des États membres. À cet égard, il convient de bien spécifier que les dépenses des États membres liées à l’accueil et à l’intégration des demandeurs d’asile et des réfugiés ne constituent pas des dépenses durables ou structurelles et ne doivent donc pas être incluses dans le calcul des déficits budgétaires structurels.

2.3.

En matière de financement, l’Union européenne a triplé les ressources et les moyens d’action des opérations conjointes Poséidon et Triton de l’agence Frontex. Parallèlement à cette augmentation de la contribution financière de l’Union européenne, plusieurs États membres s’emploient à déployer des moyens (navires, avions). La Commission a également alloué 1,8 milliard d’euros du budget de l’Union européenne à la mise en place d’un fonds d’affectation spéciale d’urgence pour la stabilité et la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière en Afrique; elle a mobilisé 60 millions d’euros d’aide financière d’urgence pour les États membres situés en première ligne, proposé un programme de réinstallation doté d’une enveloppe de 50 millions d’euros, et dégagé 30 millions d’euros pour un programme régional de développement et de protection.

2.4.

Les dirigeants de l’Union européenne se sont engagés à fournir davantage de ressources à Frontex, à Europol et au Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) dans le but de renforcer les frontières extérieures de l’Union européenne, en mettant l’accent en particulier sur les points d’accès (hotspots) afin d’assurer l’identification, l’enregistrement et la prise d’empreintes digitales des migrants. Toutefois, l’aide financière de l’Union européenne est nécessaire pour que ces hotspots fonctionnent efficacement et atteignent leurs objectifs.

2.5.

Lors de réunions du Conseil en juillet et septembre, des accords ont été conclus sur la relocalisation de 160 000 migrants à partir de la Grèce et de l’Italie et la réinstallation de 22 000 autres personnes ayant besoin d’une protection internationale. La mise en œuvre de ces décisions est dans sa phase initiale, et sa réussite est indispensable à celle de toute stratégie future de l’Union en matière de politique de migration.

2.6.

Le 23 septembre 2015, la Commission a adopté 40 décisions d’infraction à l’encontre de plusieurs États membres pour défaut de mise en œuvre de la législation portant création d’un régime d’asile européen commun. Le CESE s’en félicite, mais est très préoccupé par le fait que la Commission ait dû avoir recours à ce mécanisme pour convaincre les États membres de mettre correctement en œuvre la législation de l’Union européenne dans ce domaine fondamental.

2.7.

Au niveau international, plusieurs décisions sont susceptibles de conduire à une amélioration de la situation globale. C’est notamment le cas pour l’accroissement des ressources budgétaires de l’Union européenne servant à fournir une aide immédiate aux réfugiés, pour le renforcement du dialogue et de la coopération avec les pays tiers, tels que le Liban, la Jordanie, la Turquie et les pays candidats des Balkans occidentaux, ainsi que pour l’augmentation de l’aide humanitaire en 2016 et la mise sur pied du fonds d’affectation spéciale pour l’Afrique. La mobilisation des ressources nécessaires ne doit pas se faire au détriment des crédits disponibles pour la réalisation des objectifs sociaux au sein de l’Union européenne. Cela risquerait de compromettre l’acceptation de ces mesures par une partie de la population. Le CESE se félicite de l’approbation par le Conseil européen, le 23 septembre 2015, du plan d’action commun avec la Turquie dans le cadre d’un programme de coopération global fondé sur une responsabilité commune ainsi que sur des engagements mutuels et leur concrétisation.

3.   Faire face à la crise

3.1.   Action immédiate

3.1.1.

La notion de «frontières intelligentes» est la bienvenue, et elle s’est fait attendre. S’agissant de frontières plus sûres et plus intelligentes, le principal défi est de veiller à ce que les droits fondamentaux des migrants ne soient pas violés. En outre, le principe de non-refoulement ne doit pas être remis en cause, même si cela peut s’avérer difficile, vu que la distinction entre réfugiés et migrants économiques n’est pas toujours claire ni simple. Des frontières intelligentes doivent pleinement respecter les droits et libertés fondamentaux.

3.1.2.

L’accord de Schengen est l’un des piliers de l’Union européenne et sa valeur est plus que symbolique pour l’intégration européenne. Il s’agit de l’un des droits les plus tangibles dont jouissent les citoyens européens, qui leur donne un avant-goût de ce que serait une Europe sans frontières. Le CESE souhaite que le fonctionnement du régime de Schengen revienne le plus rapidement possible à la normale et plaide instamment pour que les États membres prennent toutes les mesures possibles afin d’éviter un démantèlement durable de ce dispositif.

3.1.3.

Jusqu’à présent, un accord a été trouvé sur la relocalisation de 160 000 réfugiés dans l’Union européenne. Si cet accord était rapidement mis à exécution, il serait possible d’en tirer toutes sortes de leçons profitables, qui permettraient d’élaborer des solutions de long terme pour le cas où les arrivées massives de personnes se poursuivraient ou s’il s’en produisait de nouvelles à l’avenir. Le CESE estime qu’il convient de se montrer plus ambitieux. Pendant de nombreuses années encore, les mouvements migratoires de masse globaux ne faibliront pas.

3.1.4.

Il est dans l’intérêt de tous les États membres que soit mis en œuvre un système solidaire et fiable de solutions pour le cas où les arrivées massives de personnes se poursuivraient à l’avenir. À titre de mesure immédiate, il y a lieu d’instaurer un régime permanent, équitable et contraignant de répartition des personnes en quête de protection entre tous les pays de l’Union européenne. Ce régime doit s’appuyer sur une clé de répartition permanente fondée sur des considérations telles que la taille de l’économie et du territoire d’un pays, son PIB, les possibilités d’emploi et les pénuries de compétences et l’existence de communautés et de minorités conationales/ethniques dans le pays d’accueil. Cette clé de répartition devrait être revue périodiquement. Les préférences du demandeur d’asile devraient également être prises en considération dès lors qu’elles sont liées à des considérations qui faciliteraient l’intégration (par exemple la connaissance de la langue, la présence de membres de la famille dans le pays, etc.). Il faut espérer que cela puisse mettre un terme aux réunions répétées et discordantes du Conseil qui ont terni l’image de l’Europe.

3.1.5.

Le CESE accueille favorablement la proposition d’activer le mécanisme de protection civile et de mobiliser les équipes d’appui à la gestion des flux migratoires ainsi que les équipes d’intervention rapide aux frontières afin d’aider les États membres à faire face aux situations d’urgence.

3.1.6.

De même, le CESE se félicite de l’augmentation du financement de l’Union européenne à Frontex, EASO et Europol en 2015, et de l’augmentation de 600 millions d’euros pour les trois agences en 2016 afin d’aider les États les plus touchés. Ces efforts doivent être complétés par une politique efficace en matière de retour. À l’heure actuelle, seuls 38 % environ de ceux dont il a été estimé qu’ils n’avaient pas besoin d’une protection ont été renvoyés dans leur pays.

3.1.7.

L’Union européenne doit renforcer le lien entre l’octroi d’aide aux pays en développement et la mise en œuvre de réformes internes, de même qu’elle doit favoriser une coopération réelle sur les questions de migration, en particulier la migration légale (y compris la circulation temporaire/les visas) et la politique de retour. Il importe toutefois que les États membres de l’Union européenne respectent leur engagement d’affecter 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) à l’aide au développement.

3.1.8.

Le CESE se félicite de la proposition visant à intensifier les efforts diplomatiques afin d’inciter les pays d’origine et les pays de transit à coopérer pour relever ce défi. La première étape dans cette démarche a été le sommet sur les migrations, qui s’est tenu les 11 et 12 novembre 2015 à La Valette.

3.1.9.

À cet égard, il importe de souligner que l’Union doit autant écouter qu’elle doit parler à ses partenaires et qu’elle se doit de les traiter comme tels. Un grand nombre de malentendus et de différences de points de vue subsistent entre l’Union européenne et ses partenaires d’Afrique et du Moyen-Orient en ce qui concerne tant les objectifs à atteindre que les moyens d’y parvenir.

3.1.10.

Le CESE se félicite de l’engagement pris par l’Union européenne de continuer à travailler plus étroitement avec des organisations internationales telles que le HCR, le PNUD, l’OIM et la Croix-Rouge. Toutefois, il fait observer que de nombreux États membres ne remplissent pas les obligations qui leur incombent, un cas d’espèce en la matière étant leur médiocre bilan s’agissant du soutien au programme alimentaire mondial.

3.1.11.

Le CESE se félicite également de la proposition de la Commission d’augmenter l’aide humanitaire de 300 millions d’euros en 2016 pour répondre aux besoins essentiels des réfugiés.

3.1.12.

Le CESE est favorable à l’application du principe de la reconnaissance mutuelle des décisions en matière d’asile. Conformément à l’article 78 du TFUE, l’Union européenne devrait mettre au point une politique commune sur la protection internationale comportant un «statut uniforme […] valable dans toute l’Union». En l’absence de statut reconnu à l’échelle européenne, qui serait octroyé par une agence de l’Union européenne, la seule alternative est la reconnaissance mutuelle des décisions nationales.

3.1.13.

Le CESE soutient pleinement l’engagement de la Commission de présenter des propositions en vue de réformer le règlement de Dublin d’ici mars 2016. Il soutient également l’engagement de la Commission de présenter en même temps un nouveau train de mesures sur la migration légale, comprenant notamment une révision de la directive «carte bleue».

3.1.14.

La protection des frontières extérieures de l’Union européenne devrait être un effort conjoint dans le cadre duquel les États membres mettent en commun des ressources intellectuelles et physiques.

3.1.15.

Le CESE soutient pleinement la mise en place immédiate de points d’accès (hotspots). Ceux-ci doivent toutefois être dotés d’effectifs complets et de toutes les ressources nécessaires pour pouvoir fonctionner efficacement. Dans des pays tels que l’Italie et la Grèce, où des milliers de migrants débarquent chaque jour, seule une mise en commun sur une vaste échelle des moyens financiers et matériels permettra d’éviter un chaos complet.

3.1.16.

Le CESE partage les graves préoccupations du HCR sur la procédure d’enregistrement et de sélection appliquée dans les hotspots dès le moment où les migrants arrivent aux frontières de l’Union européenne.

3.2.   Action à long terme

3.2.1.

L’Union européenne ne peut ramener les flux migratoires à des proportions gérables que si elle s’attelle résolument à résoudre les nombreux problèmes existant dans les pays d’origine. L’objectif à long terme, à savoir parvenir à la stabilité, la paix et la prospérité, nécessitera un effort sans précédent non seulement de l’Europe, mais aussi de l’ensemble de la communauté internationale. L’Union européenne doit s’efforcer de renforcer les efforts déployés par la communauté internationale, notamment par les Nations unies.

3.2.2.

Il est nécessaire que l’Union européenne renforce sa présence institutionnelle dans les principaux pays d’origine et de transit en mettant en place des centres spécifiques de migration appelés à traiter de façon temporaire ou permanente les demandes d’asile. Un ciblage et un soutien accrus sont nécessaires dans des pays tels que l’Algérie, le Maroc, le Mali, la Libye, le Liban et la Turquie.

3.2.3.

Le CESE estime que l’un des principaux objectifs de l’agenda est de lancer une politique européenne en matière de migration qui rende la migration légale possible, tout en stimulant l’intégration efficace des migrants. Le CESE attend les premières propositions d’instruments législatifs et d’action dans ces domaines, et se tient prêt à soutenir la Commission européenne dans les efforts qu’elle déploiera pour développer ces propositions.

3.2.4.

Le CESE encourage les États membres à pleinement respecter et à mettre en œuvre activement la convention de Genève de 1951, ainsi qu’à résister aux pressions incitant à réduire le niveau de protection et de services accordé aux réfugiés.

3.2.5.

Le CESE est favorable à une politique commune en matière d’asile, reposant sur des procédures simplifiées communes. Une telle politique doit également se fonder sur une définition commune du statut de réfugié et des droits liés à ce statut afin d’éviter que les réfugiés ne «fassent leur marché» en quête du «meilleur traitement».

3.2.6.

L’approfondissement du système d’informations sur le pays d’origine (COI) doit être poursuivi. Il arrive souvent que des demandes d’asile de citoyens originaires de mêmes États et vraisemblablement confrontés à des situations similaires aient des issues différentes. Le système mis en place doit être suffisamment souple et fiable pour étudier et traiter en temps réel les informations relatives à l’évolution de la situation dans les pays d’origine. Il convient de resserrer de façon continue les liens de coopération entre les services de sécurité des États membres, car ils sont une source d’information importante.

3.2.7.

Une priorité accrue doit être accordée à l’organisation de la migration légale et de la politique des visas, à la numérisation du processus, à la reconnaissance des qualifications et à l’obtention de la mobilité à des fins d’études.

3.2.8.

L’Union européenne devrait être plus investie dans la gestion des retours et l’aide aux mesures de réintégration. Le projet pilote de retour au Pakistan et au Bangladesh présente une pertinence limitée au regard de la situation d’urgence qui prévaut actuellement. Le CESE recommande vivement la planification et la mise en œuvre de projets similaires dotés d’un financement et d’un appui institutionnel adéquats.

3.2.9.

Si le renforcement des contrôles aux frontières dans les pays de transit, l’intensification des patrouilles en mer et la destruction des embarcations des passeurs peuvent être utiles, ils ne constituent cependant pas la seule réponse durable au problème. L’Union européenne est sur la bonne voie lorsqu’elle adopte une approche globale qui utilise plus judicieusement la diversité d’instruments et les ressources importantes dont elle dispose.

3.3.   Société civile

3.3.1.

La société civile joue un rôle essentiel dans le traitement de la crise migratoire. Les acteurs de la société civile peuvent fournir une aide essentielle pour ce qui est d’apporter aux migrants les premières réponses dont ils ont besoin à leur arrivée. Toutefois, la société civile a potentiellement un rôle plus important encore à jouer en ce qui concerne les efforts nécessaires à long terme pour intégrer les migrants dans la société. La société civile est bien placée pour apporter aux réfugiés les réponses interpersonnelles qui revêtent une importance primordiale à tous les stades de leur accueil et de leur installation.

3.3.2.

Le CESE se félicite de la solidarité manifestée par les pans de la société civile et les particuliers qui sont volontairement venus en aide aux demandeurs d’asile. Toutefois, cette réaction positive et spontanée n’est pas suffisamment ample pour répondre efficacement aux défis qui se posent. Le CESE demande aux États membres de reconnaître et de mieux apprécier le rôle joué par la société civile en intensifiant leur aide aux ONG et à la société civile nationales, afin de garantir une réponse plus structurée et plus efficace. Les gouvernements des États membres ont une responsabilité particulière s’agissant d’identifier et de nouer des liens avec la société civile sur leur territoire, et d’intensifier l’aide qu’ils lui apportent, afin de veiller à accroître ses capacités.

3.3.3.

En outre, le CESE recommande à la Commission de s’efforcer d’allouer davantage de moyens aux États membres dans le cadre des accords de partenariat conclus dans le domaine des Fonds structurels, afin de consacrer plus de moyens financiers du FSE et du FEDER à la gestion des flux migratoires et des efforts d’intégration. Les ONG et les organisations actives sur le terrain devraient être les principales bénéficiaires de ces ressources, qui devraient venir s’ajouter aux moyens financiers actuellement fournis au titre du Fonds «Asile, migration et intégration».

3.3.4.

Le CESE attire l’attention sur le Forum européen sur la migration, qui succède au Forum européen sur l’intégration, lui-même créé en 2009 par le CESE et la Commission. Le Forum est une plateforme de dialogue entre les institutions européennes et la société civile dans les domaines de l’immigration, de l’asile et de l’intégration des migrants.

4.   Intégration dans la société et sur le marché du travail

4.1.

Le CESE estime qu’il est important et d’une grande pertinence de veiller à ce qu’existe un système transparent, prévisible et juste de migration légale vers l’Union européenne. La population de l’Europe vieillit et ne croît qu’à un rythme de 0,2 % environ par an, ce qui est nettement au-dessous du niveau de renouvellement de la population. Selon les estimations, l’Europe perdra quelque 30 millions de personnes en âge de travailler d’ici 2050, et si rien n’est fait d’ici peu, les taux de dépendance dans la plupart des États membres de l’Union européenne continueront à augmenter rapidement, la productivité déclinera, des entreprises fermeront leurs portes et les coûts nécessaires pour préserver des services, en particulier pour la population vieillissante, augmenteront considérablement.

4.2.

Par une action collective et organisée fondée sur la solidarité, l’Union européenne peut transformer la situation actuelle en une opportunité qui servira à inverser l’évolution démographique actuelle et ses incidences socio-économiques. L’intégration des migrants sur le marché du travail est source de croissance économique et favorise leur indépendance. En revanche, des politiques qui négligent l’intégration déplacent la charge du soutien aux migrants vers les services publics et sont susceptibles d’engendrer des tensions sociales ayant des conséquences considérables.

4.3.

Le CESE reconnaît que l’intégration au sens large est fortement tributaire de l’intégration sur le marché du travail. Il est cependant utile d’expliciter une série de facteurs ayant trait à l’impact de l’immigration sur le marché du travail. Il s’agit notamment de l’impact des migrants sur le niveau des rémunérations, la disponibilité d’emplois, les pressions sur le système fiscal (santé et éducation) et les effets du multiculturalisme.

4.4.

Le Comité a déjà élaboré un avis exploratoire (1) qui a servi de base à la préparation de la conférence ministérielle de Saragosse en 2010 (2), laquelle s’est conclue par l’adoption d’une importante déclaration sur l’intégration des migrants sur le marché du travail et les enjeux pour les autorités européennes et nationales et les partenaires sociaux.

4.5.

Des études montrent que, dans l’ensemble, les migrants contribuent plus à l’économie qu’ils n’en tirent parti, que leur incidence sur les systèmes budgétaires est minime et qu’ils aident l’Europe à combler son déficit démographique et à stimuler la croissance économique. Toutefois, les migrations n’affectent pas toutes les régions d’Europe de la même manière et il convient d’en mesurer minutieusement l’impact au niveau local. En outre, il existe une nette différence entre l’arrivée organisée de migrants dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique et un afflux soudain de milliers de migrants, phénomène difficile à gérer et qui met à mal les structures locales, régionales et nationales, comme on l’a vu ces dernières semaines.

4.6.

L’intégration des migrants sur le marché du travail dépend d’un certain nombre de facteurs, notamment du niveau de chômage dans les pays d’accueil, des aptitudes des migrants, de leur niveau de compétence, de la préparation avant l’arrivée en termes de compétences linguistiques et d’éducation formelle, ainsi que des organisations et structures établies dans le pays d’accueil afin de faciliter l’intégration des migrants, y compris les réfugiés, sur le marché du travail. C’est dans ces domaines que la société civile peut jouer un rôle crucial.

4.7.

Toutefois, il existe d’autres facteurs qui entravent une intégration rapide, tels que l’absence de reconnaissance des qualifications, les obstacles bureaucratiques, le manque de transparence, les perceptions erronées du public quant aux migrants, l’exploitation et les obstacles juridiques que constituent des lois dépassées et l’absence de mise en œuvre ou la lenteur de la transposition de la législation de l’Union européenne.

4.8.

Les organisations syndicales et patronales ont un rôle capital à jouer pour relever les défis de l’intégration des migrants dans le marché du travail. Le CESE recommande que les partenaires sociaux soient pleinement associés à l’élaboration, au développement, à la mise en œuvre et au suivi de la politique d’intégration et des mesures connexes à l’échelle locale, régionale, nationale et européenne.

4.9.

Le gouvernement, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux doivent œuvrer conjointement à l’établissement d’un consensus social sur les moyens d’intégrer les migrants à l’économie et à la société, surtout afin d’éviter une lutte entre différents groupes défavorisés.

4.10.

La société civile joue un rôle primordial pour aider les migrants à accéder à l’éducation, à la formation et à l’emploi ainsi que pour lutter contre la discrimination dans le secteur de l’éducation, sur le marché du travail et dans la société dans son ensemble.

Bruxelles, le 10 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 354 du 28.12.2010, p. 16.

(2)  http://www.integrim.eu/wp-content/uploads/2012/12/Report-20101.pdf, https://www.uclm.es/bits/archivos/declaracionzaragoza.pdf.