20.7.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 264/123


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Le commerce pour tous — Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable»

[COM(2015) 497 final]

(2016/C 264/17)

Rapporteur:

M. Jonathan PEEL

Le 11 novembre 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 262 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen (CESE) sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Le commerce pour tous — Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable»

[COM(2015) 497 final].

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 31 mars 2016.

Lors de sa 516e session plénière des 27 et 28 avril 2016 (séance du 28 avril 2016), le CESE a adopté le présent avis par 159 voix pour, 7 voix contre et 13 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission européenne (1) intitulée «Le commerce pour tous — Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable», publiée en octobre 2015, qu’il considère comme une mise à jour opportune et bienvenue de la politique de l’Union européenne en matière de commerce et d’investissement.

1.1.1.

La communication présente un programme favorable aux entreprises et montre que la nouvelle commissaire chargée du commerce a entendu les principales préoccupations de la société civile et d’autres acteurs, et ce après deux années de turbulences au cours desquelles les échanges commerciaux sont devenus, pour la première fois en dix ans, une priorité politique de premier plan. Le programme ambitieux proposé dans la communication est important dans un contexte d’incertitude économique mondiale grandissante. Les échanges commerciaux et les investissements revêtent une importance capitale pour la prospérité économique de l’Union européenne, qui est le premier bloc commercial du monde, et la signature de l’accord de partenariat transpacifique (PTP) est un rappel opportun de son besoin de rester compétitive.

1.1.2.

Le CESE craint qu’il ne soit pas facile de concrétiser les nombreuses attentes suscitées à ce jour, ce qui pourrait, à terme, causer des difficultés et des déceptions lorsque les négociations commerciales de l’Union européenne déboucheront immanquablement sur des compromis. «Le commerce pour tous» sera évalué à l’aune de la capacité de la Commission de démontrer que les accords commerciaux n’abaisseront pas les normes environnementales, de travail et autres. Au contraire, ils devraient viser l’amélioration de ces normes.

1.2.

Le Comité estime que la meilleure façon d’atteindre cet objectif passe par une participation nettement renforcée de la société civile, tout au long des négociations ainsi que dans le cadre du processus de mise en œuvre. La société civile s’attend à ce que la transparence, la responsabilité, l’évaluation et l’analyse soient au cœur du processus de prise de décision en matière de politique commerciale de l’Union européenne.

1.2.1.

De par le rôle institutionnel qui est le sien, le CESE est bien placé pour contribuer à y parvenir, grâce à son vaste réseau de contacts tant au sein de l’Union européenne que dans les pays tiers. Ce dialogue renforcé doit aussi prévoir une consultation accrue des partenaires sociaux en ce qui concerne les répercussions potentielles du commerce et de l’investissement sur l’emploi.

1.3.

Le Comité se félicite vivement de la saisine l’invitant à élaborer un avis sur la communication «Le commerce pour tous». Cette démarche illustre la reconnaissance du rôle et de l’importance accrus du Comité dans le domaine de la politique commerciale. Il se déclare toutefois déçu par l’absence de mention du rôle du CESE dans la communication.

1.4.

Le Comité se félicite que la communication «Le commerce pour tous» mette l’accent sur la nécessité de rendre le commerce et les investissements européens plus efficaces, le besoin d’une plus grande transparence, l’importance de promouvoir les valeurs de l’Union européenne et la nécessité d’assurer la coordination avec les autres grandes politiques de l’Union européenne. Avant tout, la communication se penche en détail sur le développement durable, en particulier en relation avec les droits de l’homme, les droits sociaux et l’environnement. À la suite de la 21e Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) de Paris, la lutte contre le réchauffement climatique devrait désormais faire partie intégrante des valeurs de l’Union européenne.

1.5.

L’engagement pris envers les petites entreprises, qui sont confrontées à de plus grandes difficultés lorsqu’elles visent de nouveaux marchés, est également bienvenu. La Commission promet également d’intégrer des dispositions relatives aux petites et moyennes entreprises (PME), à la suite du précédent créé par le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) entre l’Union européenne et les États-Unis dans toutes les négociations, et de conduire des «enquêtes régulières sur les obstacles auxquels sont confrontées les PME dans des marchés spécifiques». L’avis du Comité sur «Le PTCI et son impact sur les PME» (2) est à cet égard pertinent.

1.6.

Le Comité se félicite également des suggestions visant à donner un nouvel élan à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et au système multilatéral, notamment à la lumière de la 10e Conférence ministérielle tenue à Nairobi. Cela permet de mettre l’accent à la fois sur la fonction réglementaire de l’OMC et la nécessité d’une approche plus ciblée, qui sont particulièrement importantes à la lumière des objectifs de développement durable (ODD) et des objectifs de la COP21, et dans un contexte de croissance des chaînes de valeur et d’approvisionnement mondiales, de commerce numérique et en ligne. Il convient de conserver l’importance cruciale de l’approche multilatérale, par exemple en évitant les conflits de règles ou de normes. Il y a également lieu de veiller tout spécialement à ne pas oublier des pays importants, notamment les pays en développement les plus pauvres, et en particulier ceux d’Afrique.

1.7.

Il convient de défendre l’idée du commerce et de l’investissement au sein même de l’Union européenne, en particulier après le débat sur le PTCI. Le CESE se félicite que, dans sa communication, la Commission s’engage «à ce qu’aucun accord commercial de l’Union européenne n’entraîne une réduction du niveau de protection des consommateurs, des travailleurs, de l’environnement ou de protection sociale» (3). La politique commerciale doit se présenter en adéquation avec le développement durable et notamment la pérennité de l’économie sur le long terme.

1.7.1.

Il est nécessaire de mener un débat de haut niveau bien informé tant au niveau de l’Union européenne qu’au niveau des États membres, et il est essentiel que toutes les parties intéressées aient la certitude de pouvoir faire entendre leur voix.

1.7.2.

Le Comité considère comme une évolution très positive l’intention de rendre la politique commerciale plus ouverte et transparente et plus avantageuse pour les consommateurs. Les points de vue des consommateurs doivent être pris en considération afin de renforcer la confiance et de contribuer à garantir un commerce plus durable et plus responsable. Toutefois, le CESE partage l’inquiétude du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), organisation européenne des consommateurs, face à l’absence de mécanismes qui consacrent le principe de précaution et l’approche fondée sur les risques dans la politique commerciale. Il y a toutefois lieu de concilier cela avec le «principe d’innovation» (4).

1.8.

Le Comité estime cependant que la Commission doit agir davantage. Elle doit montrer qu’elle-même doit rendre des comptes dans ses négociations sur le commerce et les investissements, et qu’elle peut être tenue de concrétiser les avantages pour tous qu’elle fait valoir.

1.8.1.

Le Comité se félicite de l’engagement pris dans la communication de garantir pour toutes les négociations le même degré de transparence que celui appliqué pour le PTCI (mais pas encore dans le cas du Japon). Il est important que la société civile soit tenue régulièrement informée lors de chaque cycle de négociations. Compte tenu de son rôle institutionnel, le CESE a été déçu de ne pas avoir été formellement inclus dans le groupe consultatif «Partenariat transatlantique». Cette situation doit être rectifiée pour les futures négociations.

1.9.

Le Comité trouve particulièrement décevant que la communication ne fasse pas référence aux mécanismes de suivi par la société civile des chapitres «Commerce et développement durable» (CDD) dans des accords commerciaux de l’Union européenne existants, ni à la manière dont ceux-ci pourraient être développés et renforcés. Le Comité considère que les mécanismes d’application doivent également s’appliquer aux chapitres «Commerce et développement durable» proprement dits, à commencer par la proposition de la Commission relative au PTCI.

1.9.1.

Ces mécanismes possèdent un potentiel important et peuvent fournir des résultats concrets. Bien qu’ils constituent un important canal de dialogue et de coopération avec la société civile des pays partenaires, ils ne sont pas mentionnés. Le CESE y voit une contradiction avec l’intention de promouvoir des chapitres «Commerce et développement durable» ambitieux et innovants dans les accords à venir, ainsi que les dispositions de fond exposées.

1.9.2.

L’expérience acquise est à présent suffisante pour donner matière à réflexion, permettre de tirer des enseignements et énoncer des recommandations claires et positives pour l’avenir. Des groupes consultatifs internes (GCI) équilibrés, structurés et renforcés sont nécessaires. Le renforcement des capacités et une meilleure promotion sont également des éléments importants pour les pays partenaires comme pour les sociétés civiles locales, afin d’inciter un plus grand nombre d’organisations à participer.

1.9.3.

Il y a lieu d’inscrire dans les accords une disposition prévoyant des réunions conjointes des GCI des deux parties, d’octroyer un financement adéquat à cette fin et d’étendre les mandats de sorte à inclure des activités liées aux objectifs plus vastes des chapitres «Commerce et développement durable».

1.10.

Le Comité constate d’autres lacunes surprenantes. Bien qu’il s’agisse d’une «communication de la Commission», on note un manque de coordination avec les autres directions générales. Le Comité n’est pas convaincu que la Commission ait développé une approche qui soit transversale à toutes les directions générales pour les questions importantes.

1.10.1.

Le Comité regrette l’absence d’une approche pleinement coordonnée des ODD. Le commerce et les investissements joueront un rôle considérable dans la réalisation des ODD, lesquels détermineront l’action mondiale les quinze prochaines années. Or, on ne trouve que deux références aux ODD dans la communication. Il s’agit là d’une importante occasion manquée. Le CESE réclame d’urgence un dialogue afin de garantir la participation de la société civile au suivi de l’incidence du commerce et de l’investissement sur la réalisation des ODD.

1.10.2.

La communication n’évoque pas plus le renouvellement de l’accord de partenariat ACP-UE de Cotonou, prévu pour 2020. L’Union européenne doit également encourager activement le renforcement de la dynamique de la coopération commerciale intra-africaine, essentielle pour le développement de l’Afrique. Environ 50 % des pays africains ne sont pas couverts par les accords de partenariat économique (APE) existants; pourtant, on ne pressent pas l’émergence d’une stratégie panafricaine de l’Union européenne au-delà de ces accords ou du cadre «Afrique, Caraïbes, Pacifique» (ACP).

1.10.3

De même, le CESE est déçu que la communication passe sous silence d’autres domaines clés de la politique commerciale. Bien que l’importance de l’énergie et des matières premières soit souvent mentionnée, elle n’aborde pas la nécessité de sécuriser ces importations essentielles provenant de pays avec lesquels aucun accord de libre-échange n’est à l’ordre du jour ou, à défaut, de réduire notre dépendance énergétique.

1.11.

Enfin, le CESE réclame des ressources suffisantes pour la mise en œuvre du «commerce pour tous» afin que cette ambitieuse politique de commerce et d’investissement soit une réussite. Il convient de prendre en compte le rôle joué par les missions et les délégations de l’Union européenne à l’étranger.

2.   Contexte

2.1.

Le commerce et les investissements revêtent une très grande importance pour l’Union européenne. Comme indiqué dans la communication, plus de 30 millions d’emplois dans l’Union européenne, soit 1 sur 7, dépendent des exportations. Le commerce est l’un des rares instruments disponibles capables de stimuler l’économie sans peser sur le budget de l’État et il est escompté que 90 % de la croissance économique mondiale des quinze prochaines années se produise en dehors de l’Europe.

2.2.

La communication «Le commerce pour tous» est une révision de la stratégie commerciale de l’Union européenne venant à point nommé, un an après l’entrée en fonctions de la Commission actuelle. Il s’agit de la troisième communication en la matière après, tout d’abord, celle relative à «Une Europe compétitive dans une économie mondialisée» (5), parue en 2006, au moment où les progrès dans les négociations menées dans le cadre du programme de Doha pour le développement (PDD) sous l’égide de l’OMC étaient au point mort.

2.2.1.

La communication à l’examen met l’accent sur la nécessité de rendre le commerce et les investissements plus efficaces et sur le besoin d’une plus grande transparence, et souligne l’importance de promouvoir les valeurs de l’Union européenne et la nécessité d’assurer la coordination avec les autres grandes politiques de l’Union européenne. Elle promet qu’une plus grande attention sera accordée aux petites entreprises, qui rencontrent plus de difficultés pour accéder aux nouveaux marchés.

2.2.2.

La communication insiste également sur la nécessité de conclure les négociations en cours, en particulier celles relatives au PTCI ainsi que celles menées avec le Japon et la Chine (6) (sur les investissements) — s’agissant de ces dernières, elle se réfère plus particulièrement à la stratégie intitulée «Une ceinture, une route» qui a été lancée par la Chine. Elle met en outre l’accent sur la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada (AECG).

2.2.3.

Il est également promis d’accorder une importance accrue aux relations commerciales avec l’Asie dans son ensemble et de placer un accent renouvelé sur la conclusion d’un accord de libre-échange (ALE) interrégional avec les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), les accords d’investissement avec Hong Kong et Taïwan ainsi que sur la reprise des négociations avec l’Inde, qui se trouvaient au point mort. Il est par ailleurs prévu de conclure des ALE avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et la révision des ALE existants avec le Mexique et le Chili est confirmée.

2.3.

La communication indique la mesure dans laquelle la croissance significative et solide du volume du commerce et de l’investissement internationaux au cours des dernières décennies a amélioré le bien-être général et a augmenté l’emploi dans l’Union européenne, comme ailleurs.

2.3.1.

Elle reconnaît en outre que le commerce «peut avoir des effets perturbateurs temporaires pour certaines régions et certains travailleurs si la nouvelle concurrence se révèle trop intense pour certaines entreprises», et souligne que «pour les personnes directement concernées, un tel changement n’est pas anodin». Le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation a son importance ici. Au cours de la période 2013-2014, il est venu en aide à plus de 27 600 travailleurs (7). Les bienfaits des échanges commerciaux ne sont jamais répartis de façon équitable et, bien que le solde final soit positif, des incidences négatives peuvent se faire sentir sur une base sectorielle, géographique et/ou individuelle.

2.3.2.

La communication met également en évidence le nombre croissant d’emplois dépendant aujourd’hui des exportations: deux tiers de plus qu’il y a quinze ans. Il s’agit d’emplois «hautement qualifiés et mieux rémunérés que la moyenne» (8). Il est précisé que «plus de 600 000 PME, occupant plus de 6 millions de personnes, exportent directement des marchandises en dehors de l’Union européenne et représentent un tiers des exportations de cette dernière» (9), en ajoutant qu’«un nombre de PME nettement plus important exportent des services» ou sont des fournisseurs de plus grandes entreprises.

2.3.3.

Depuis l’an 2000, les exportations de marchandises européennes ont presque triplé, progressant de plus de 1,5 milliard d’EUR, tandis que l’Union européenne conserve sa part «dans les exportations mondiales de marchandises» (15 %), dans le contexte de la montée en puissance de la Chine et de la baisse correspondante de la part des États-Unis et du Japon dans le total mondial. La communication met aussi en évidence l’impact positif considérable de l’ALE UE-Corée du Sud, dans le cadre duquel le déficit commercial s’est mué en excédent.

2.3.4.

La communication attire l’attention sur l’interdépendance croissante entre les importations et les exportations. Si l’importation d’énergie et de matières premières reste essentielle, comme le souligne la communication, «il en va de même pour les pièces détachées, les composants et les biens d’équipement tels que les machines […]. La part des importations intégrées dans les exportations de l’Union européenne a plus que doublé depuis 1995» (10).

3.   Le commerce mondial en mutation

3.1.

La communication «Le commerce pour tous» souligne à juste titre la nécessité de maintenir les principes essentiels de l’Union et d’utiliser les accords commerciaux en tant que «leviers pour la promotion des valeurs européennes dans le monde, comme le développement durable, les droits de l’homme, le commerce équitable et éthique et la lutte contre la corruption».

3.1.1.

La communication a été publiée à une période de grands changements dans le commerce. Il y a eu récemment deux grands accords internationaux qui auront de profondes répercussions sur la configuration du commerce mondial. Le premier a été l’adoption en septembre 2015 des ODD par les Nations unies, dans le cadre de leur programme en faveur du développement durable à l’horizon 2030; pourtant, on ne trouve que deux références aux ODD dans la communication.

3.1.2.

Sont venus ensuite, en décembre 2015, les résultats positifs de la COP21 de Paris.

3.2.

Le commerce et les investissements auront un rôle considérable à jouer dans la promotion, le ciblage et la mise en œuvre des ODD, d’autant plus que la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement estime que, pour réaliser les objectifs fixés, 2,5 milliards de dollars des États-Unis supplémentaires devront être trouvés chaque année, dont une grande partie dans le secteur privé.

3.2.1.

La déclaration ministérielle de la 10e Conférence ministérielle de l’OMC, qui s’est tenue récemment à Nairobi, a reconnu que le commerce international peut contribuer à assurer une croissance durable, solide et équilibrée pour tous (11), et a clairement indiqué que l’OMC a un rôle essentiel à jouer dans la réalisation des ODD et que, sans mécanisme commercial multilatéral efficace, la tâche sera nettement plus ardue.

3.2.2.

Le commerce et l’investissement contribueront également de manière significative à l’atténuation du changement climatique. Tous les effets de l’accord de Paris sur le commerce ne sont pas encore visibles. Les progrès réalisés dans les négociations en vue de l’accord plurilatéral sur les biens environnementaux sont le signe d’une étape importante vers l’intégration du changement climatique dans la politique commerciale multilatérale, mais des mesures multilatérales supplémentaires restent nécessaires pour promouvoir la cohérence et le soutien mutuel entre le commerce et l’environnement.

3.3.

L’expansion notable des chaînes de valeur et d’approvisionnement mondiales ainsi que la croissance exponentielle du commerce numérique et électronique ont également des incidences significatives sur le commerce et l’investissement au niveau international.

3.3.1.

Une proportion élevée d’échanges commerciaux concerne à l’heure actuelle les produits et services intermédiaires, les composants du produit final. Ce processus de production fragmenté peut se répartir sur de nombreux pays et connaître des changements, mais les pays en développement cherchent également à se spécialiser dans certaines activités d’une chaîne de valeur mondiale (CVM). Les chaînes d’approvisionnement mondiales (CAM) couvrent les parties des CVM consacrées au sourçage, et non pas celles qui concernent la conception ou la production finale et la distribution d’un bien ou d’un service.

3.3.2.

Les services, ainsi que leur croissance exponentielle comme une part essentielle du commerce, sont à juste titre couverts en détail dans la communication «Le commerce pour tous» (2.1.1). Toutefois, au-delà de l’aspect traditionnel du commerce des services, la Commission devra suivre de près l’évolution de cette croissance et la manière dont elle touche le commerce international.

3.3.3.

Le Comité se félicite par conséquent que la communication à l’examen souligne en particulier la nécessité pour la politique commerciale de «s’attaquer à un éventail de problèmes plus large» (12) si l’Union européenne veut asseoir sa position dans les chaînes de valeur mondiales, y compris la promotion du commerce des services, la facilitation du commerce numérique et la protection des consommateurs et de leurs données à caractère personnel.

3.3.4.

Le Comité salue aussi l’engagement pris par la Commission de développer davantage les politiques de l’Union européenne pour assurer une gestion responsable des chaînes d’approvisionnement mondiales, qui, ainsi qu’il est énoncé, est «essentielle pour aligner la politique commerciale sur les valeurs européennes» (13). Il accueille favorablement les progrès déjà réalisés à cet égard par la Commission, notamment son initiative sur les droits du travail au Myanmar. Le contrôle des chaînes d’approvisionnement doit jouer à cet égard un rôle clé dans la réalisation des objectifs de la communication «Le commerce pour tous».

3.3.5.

Il est opportun de mieux comprendre le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement mondiales, notamment leur impact sur l’économie et le marché du travail des pays tiers, afin de promouvoir le développement durable, une croissance inclusive, les droits de l’homme et surtout la création d’emplois décents. À cet égard, le Comité attire l’attention sur son récent rapport d’information sur «La responsabilité sociale et sociétale des entreprises» (14). Il élabore également un avis distinct intitulé «Un travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales» en prévision de la Conférence internationale du travail de juin, et dans le but de renforcer la promotion du comportement responsable des entreprises, une priorité de la présidence néerlandaise.

3.4.

L’approche multilatérale du commerce reste toutefois essentielle. Elle est au cœur du commerce mondial et doit rester, comme il est dit dans la communication, «la pierre angulaire de la politique commerciale de l’Union européenne» (15). Néanmoins, le point de départ de l’OMC est très différent de celui des ODD ou de la COP21. Si les ODD et les objectifs de la COP21 sont clairs, seule l’OMC dispose d’un mécanisme clair. Comme le montrent les accords limités conclus à Bali et à Nairobi, les objectifs communs de l’OMC sont difficiles à réaliser.

3.4.1.

Le Comité réaffirme son soutien résolu au multilatéralisme, en particulier face à la nécessité de réaliser les ODD et les objectifs de la COP21, et à la croissance des chaînes de valeur et d’approvisionnement mondiales ainsi que du commerce numérique et électronique.

3.5.

Dans sa communication «Le commerce pour tous», la Commission a raison d’insister (16) sur le rôle essentiel de l’OMC lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des règles du commerce mondial, en précisant que ses règles «constituent le fondement de l’ordre commercial mondial» (17). L’OMC garantit une compatibilité mondiale et ses règles, soutenues par son mécanisme de règlement des différends (18), sont largement appréciées et de plus en plus utilisées. Il existe un risque réel que les accords «mégarégionaux» et autres grands accords bilatéraux de libre-échange finissent par établir des règles susceptibles de se chevaucher, voire même de se contredire, ce qui compliquerait les règles du commerce mondial au lieu de les clarifier. À titre d’exemple, le Comité note avec inquiétude que les dispositions relatives aux règles d’origine du récent accord de l’Union européenne conclu avec le Viêt Nam risquent d’entrer en conflit avec celles que le Viêt Nam a acceptées dans le cadre de l’accord de PTP.

3.6.

Un grand nombre des questions inscrites au programme de Doha de l’OMC ne peuvent être traitées qu’au niveau multilatéral, disposition reconnue depuis le cycle de l’Uruguay. Cela vaut pour tout accord international efficace sur le niveau global des subventions à l’agriculture, un des principaux objectifs de Doha. Il convient donc de continuer à œuvrer à des solutions multilatérales.

3.6.1.

Les ALE doivent apporter une valeur ajoutée réelle. Ils permettent de tenir davantage compte des différences régionales et nationales, ainsi que des sensibilités culturelles. Les ALE doivent en fin de compte renforcer le multilatéralisme.

3.7.

La communication «Le commerce pour tous» se penche sur les façons de redynamiser l’OMC et le système multilatéral. Il est légitime d’insister non seulement sur l’élaboration de la réglementation, mais aussi sur la nécessité d’une approche plus ciblée. Il est correct d’attirer l’attention sur le déséquilibre croissant dû à la montée en puissance de plusieurs économies à émergence rapide et sur le fait qu’elles doivent aider davantage les autres économies qui restent moins développées.

3.8.

Le Comité est également préoccupé par le fait que la communication contient deux propositions qui semblent se détourner de son intention déclarée. La première suggère qu’«un sous-groupe de membres de l’OMC peut progresser sur un dossier donné» (approche plurilatérale), à l’instar des négociations relatives à un accord sur les biens environnementaux et de celles sur la proposition d’accord sur le commerce des services (ACS). Toutefois, si cette approche devait devenir la règle, elle pourrait laisser nombre de pays importants de côté, en particulier les pays en développement, plus pauvres, notamment en Afrique. Une vigilance doit être maintenue pour garantir la compatibilité entre les accords plurilatéraux et le multilatéralisme complet.

3.8.1.

Ensuite, si la seconde proposition, selon laquelle un accord tel que le PTCI devrait être ouvert à d’autres pays (bien que cette idée soit formulée en pensant à des pays comme la Turquie, la Norvège et d’autres États membres de l’Espace économique européen) ou être relié à d’autres grands accords (tels qu’un accord UE-Japon ou l’AEGC), devait se concrétiser, la pertinence même de l’OMC pourrait être remise en cause, notamment car ce mouvement pourrait nous ramener à l’époque où la «Quadrilatérale» et le «G4» était prédominants.

4.   Considérations stratégiques et omissions

4.1.

Bien que la communication «Le commerce pour tous» couvre de nombreux aspects stratégiques essentiels et des sujets commerciaux importants, un certain nombre d’omissions subsistent.

4.2.

Tout d’abord, il n’est fait référence que deux fois aux ODD, alors que le commerce et l’investissement auront un rôle considérable à jouer dans leur réalisation. Les ODD vont bien au-delà des objectifs du Millénaire pour le développement et ils auront un impact sur pratiquement tous les pays, d’autant qu’ils englobent l’énergie et le changement climatique.

4.2.1.

Le paragraphe 4.2 de la communication contient toutefois de nombreux éléments et engagements judicieux et aborde de nombreux sujets pertinents, y compris les évaluations d’impact sur le développement durable et les effets des nouveaux accords de libre-échange sur les pays les moins avancés (PMA), mais le lien essentiel avec l’approche globale de l’Union européenne s’agissant de la mise en œuvre des ODD fait défaut. Le Comité regrette cette absence d’une approche pleinement coordonnée.

4.3.

De même, aucune référence n’est faite au renouvellement de l’accord de Cotonou (accord de partenariat ACP-UE), ni aux régions, en particulier en Afrique, qui doivent encore négocier des APE. L’un des messages clés de Nairobi a été la volonté générale non seulement de développer l’Union africaine, mais aussi d’œuvrer à la mise en place en Afrique d’une «zone continentale de libre-échange», couvrant dans son ensemble plus de 50 pays. Il s’agit d’une aspiration que l’Union européenne est particulièrement à même de promouvoir, et qu’elle devrait placer au rang de ses priorités.

4.3.1.

L’attention soutenue qu’accorde à juste titre l’Union européenne aux États ACP doit davantage encore revêtir un caractère prioritaire alors que commence la mise en œuvre des nouveaux ODD. Le CESE se félicite de l’engagement qui a été pris de réexaminer la stratégie commune de l’Union européenne en faveur de l’aide pour le commerce «visant à renforcer la capacité des pays en développement à tirer parti des possibilités offertes par les accords commerciaux», conformément aux ODD, et se réjouit que le commerce servira également à soutenir l’intégration régionale.

4.3.2.

L’on attire l’attention de l’Union européenne sur la déclaration finale du 14e Séminaire des milieux économiques et sociaux ACP-UE, tenu à Yaoundé en juillet 2015 (19), qui indique que l’ensemble des ressources financières disponibles doit être mis au service de la réalisation des ODD, dans un cadre de gouvernance budgétaire saine et transparente, en associant le secteur privé.

4.3.3.

Cette approche se fait l’écho de deux autres avis du Comité adoptés récemment. Dans le premier avis (20), il est souligné que, pour être efficace, l’aide au commerce requiert également la participation active des acteurs économiques et sociaux à l’élaboration des programmes, au suivi de leur mise en œuvre et à l’évaluation de leurs résultats et de leur impact. En veillant à ce que les relations avec les pays ACP prennent en compte la diversité de ces derniers, la Commission doit viser une participation massive et active de ces acteurs, y compris les partenaires sociaux et la société civile au sens large. Il est par conséquent regrettable qu’aucune disposition en ce sens ne figure dans le récent accord de partenariat économique conclu avec la Communauté de développement de l’Afrique australe.

4.3.3.1.

Dans le second avis (21), le CESE signale que les entreprises et les organisations de la société civile des pays en développement ont besoin d’un soutien pour acquérir les compétences et les capacités leur permettant d’exercer une influence positive sur l’environnement de travail, y compris le respect des principes démocratiques reconnus, pour faciliter la création et la croissance des entreprises, pour améliorer la transparence et réduire la bureaucratie excessive et la corruption endémique, et surtout pour encourager les investisseurs étrangers et locaux.

4.4.

Enfin, la communication n’aborde pas la nécessité de sécuriser les importations essentielles provenant des pays avec lesquels aucun accord de libre-échange n’est à l’ordre du jour, ou de réduire la dépendance énergétique de l’Union européenne. Un nombre considérable d’emplois dépendent également d’un approvisionnement sûr et régulier en énergie et en matières premières essentielles. Dans un avis antérieur, le Comité a examiné cette question et plaidé pour une stratégie globale efficace et une procédure européenne claire à appliquer en cas d’urgence ou de crise provoquée par l’indisponibilité soudaine, pour quelque raison que ce soit, d’une importation majeure (22).

4.4.1.

Le Comité a en outre été déçu de constater que, dans la récente communication de la Commission sur le paquet «Union de l’énergie» (23), la partie consacrée au «renforcement de l’action européenne sur les marchés mondiaux de l’énergie» était étonnamment peu consistante. La communication place l’Algérie et la Turquie dans un même groupe, ce que le Comité ne considère pas approprié, et ne fait aucune référence aux principaux corridors de l’énergie, ni au partenariat stratégique de l’Union européenne avec la Chine, en particulier dans le cadre de la coopération sur l’énergie et les transports.

4.4.2.

L’accord de la COP21 a été conclu après la publication de la communication sur «Le commerce pour tous». Le système commercial international devra refléter les objectifs de cet accord ainsi que les objectifs de développement durable. Des mesures incitatives en matière d’empreinte carbone et de biodiversité devront également être prises en considération dans la lutte contre le changement climatique.

4.5.

En ce qui concerne les investissements, qui ne relèvent de la compétence de l’Union européenne que depuis le traité de Lisbonne, il est proposé d’actualiser tous les ALE existants de l’Union européenne et d’ajouter un chapitre consacré à l’investissement, ainsi que les nouvelles négociations autonomes avec Hong Kong et Taïwan.

4.5.1.

Par ailleurs, la Commission entend régulariser la protection et l’arbitrage des investissements, à la suite de la controverse relative au système de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) et aux propositions avancées par la suite dans le cadre des négociations relatives au PTCI. Elle propose de mettre davantage l’accent sur l’inclusion, dans les ALE, du droit de réglementer dont disposent les États ainsi que sur les mesures visant à remplacer l’ancien système par un «système juridictionnel public des investissements, composé d’un tribunal de première instance et d’une cour d’appel fonctionnant comme des juridictions traditionnelles» (24). Il importe d’avoir un code de conduite et des juges indépendants possédant des qualifications techniques et juridiques solides.

4.5.2.

Le Comité encourage un débat ouvert et transparent. Il est par conséquent regrettable que ces propositions, qui ont fait l’objet d’une large opposition d’une grande partie des organisations de la société civile en raison du fait qu’elles n’étaient pas différentes en substance du mécanisme de RDIE que le CESE a critiqué (25), soient à présent intégrées dans l’ALE UE-Viêt Nam et dans le texte de l’AECG révisé, sans qu’il y ait eu un processus de consultation complet et adéquat.

4.6.

Enfin, une politique européenne ambitieuse en matière de commerce et d’investissement doit être dotée de ressources appropriées, spécifiques et suffisantes, afin de pouvoir poursuivre plusieurs négociations simultanément, d’assurer le suivi et la mise en œuvre d’accords commerciaux (y compris un financement suffisant du suivi de la société civile), ou de défendre le commerce devant un public plus large. L’affectation de ressources suffisantes aux domaines où se manifestent les plus grands besoins doit constituer un facteur important lors de la mise en œuvre de la communication «Le commerce pour tous» et tenir compte du rôle joué par les missions et les délégations de l’Union européenne dans les pays tiers.

5.   Durabilité et valeurs européennes: indispensables pour convaincre les Européens

5.1.

Il sera important de convaincre les Européens des avantages du commerce si l’on veut faire du «commerce pour tous» une réussite. Le commerce et les investissements sont devenus des sujets de débats publics. Une grande partie de la société civile les considère désormais comme des thématiques importantes et nombreux sont ceux qui remettent en cause les préceptes fondamentaux. L’hypothèse soutenue dans le passé par l’Union européenne selon laquelle la libéralisation du commerce est forcément avantageuse n’est plus de mise.

5.2.

La communication «Le commerce pour tous» aborde en détail les préoccupations suscitées au cours des débats portant sur le PTCI. Il y est clairement affirmé que «la Commission doit poursuivre une stratégie qui bénéficie à l’ensemble de la société et encourage les normes et les valeurs européennes et universelles, à côté des intérêts économiques fondamentaux. Pour ce faire, elle doit davantage mettre l’accent sur le développement durable, les droits de l’homme, la lutte contre l’évasion fiscale, la protection des consommateurs et le commerce équitable et responsable» (26). Les dispositions visant à lutter contre la fraude fiscale et l’évasion fiscale joueront aussi un rôle important. La Commission s’engage «à ce qu’aucun accord commercial de l’Union européenne n’entraîne une réduction du niveau de protection des consommateurs, des travailleurs, de l’environnement ou de protection sociale» (27). À la suite de la COP21, la question du réchauffement climatique devrait également faire partie de ces préoccupations.

5.3.

Le Comité se félicite de ces engagements qui s’appuient sur les bases jetées par la communication «Une Europe compétitive dans une économie mondialisée», dans laquelle la Commission déclare: «Aspirant à la justice et à la cohésion sociale sur notre territoire, nous devons en outre chercher à promouvoir nos valeurs — y compris les normes en matière sociale et environnementale et la diversité culturelle — dans le monde entier» (28).

5.3.1.

L’accent mis par l’Union européenne sur le développement durable découle en partie de sa volonté générale de promouvoir et de renforcer ses convictions partagées en la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme, la transparence et la prévisibilité. Cette insistance porte notamment sur la protection de l’environnement, la lutte contre le changement climatique, la promotion d’un travail décent, la santé et la sécurité au travail et le vaste éventail de questions abordées dans les principales conventions de l’Organisation internationale du travail ainsi que les conventions multilatérales environnementales majeures. Dans ce contexte, il est essentiel que les ODD tiennent une place centrale.

5.3.2.

Dans la plupart des secteurs, mais pas dans ceux notamment des textiles ou des produits céramiques, les tarifs jouent un rôle secondaire dans les négociations commerciales par rapport aux barrières et dispositions non tarifaires, y compris la coopération réglementaire. Ce sont les conséquences de cette coopération qui suscitent un certain nombre de préoccupations quant à la question de savoir qui seront les véritables gagnants. Comme il est souligné dans la communication, il est essentiel de parvenir à une coopération réglementaire sans pour autant réduire les protections réglementaires existantes dans des domaines clés tels que la santé, la sécurité, l’environnement, les conditions de travail et la protection des consommateurs. À cet égard, le chapitre de l’AECG consacré aux mesures sanitaires et phytosanitaires montre la voie à suivre. Il convient de garantir le droit de réglementer et il faut éviter la pratique du «deux poids, deux mesures».

5.4.

Le Comité se félicite de la volonté exprimée par la Commission, en conformité avec les positions adoptées par le CESE, le Parlement européen et la société civile au sens large, de protéger les services publics dans les ALE. Il estime que le meilleur moyen d’y parvenir consiste à recourir à une liste positive en ce qui concerne tant l’accès au marché que le traitement national.

5.5.

Le commerce étant devenu un sujet plus largement discuté, la ratification des accords commerciaux par le Parlement européen ne peut plus être considérée comme systématiquement acquise, ce dernier disposant de pouvoirs renforcés et représentant une bien plus grande pluralité de points de vue. En conséquence, le Comité attend de la Commission qu’elle tienne compte, dans ses négociations commerciales, des préoccupations et observations exprimées par le Parlement dans ses résolutions, dont celles qu’il a adoptées tout récemment sur le PTCI et l’ACS. En raison de la probabilité que certains ALE couvrent des compétences «mixtes», une ratification par les parlements nationaux devra être prévue dans ces cas. La ratification nécessitera dans de tels cas une procédure bénéficiant d’une pleine légitimité démocratique et conforme aux dispositions constitutionnelles nationales. De nouvelles actions de la Commission visant à obtenir l’approbation de ces accords seront indispensables tant au niveau de l’Union européenne qu’à celui des États membres.

5.6.

La force commerciale de l’Union européenne reste un de ses meilleurs atouts, mais les arguments en faveur du commerce et en particulier de l’investissement doivent constamment être réaffirmés. Il est nécessaire de mener un débat de haut niveau bien informé, tant à l’échelon de l’Union européenne qu’à celui des États membres, en incluant la société civile et en veillant à ce que toutes les parties intéressées aient la certitude de pouvoir faire entendre leur voix.

5.6.1.

Jusqu’à présent, on estimait qu’une gamme élargie et attrayante de produits importés, soutenue par des coûts réduits du fait de la baisse ou de la suppression des droits de douane, permettait de procurer aux consommateurs des avantages aisément identifiables en leur offrant un choix et une diversité accrus. Des questions telles que la réduction des frais d’itinérance pour les télécommunications avec les partenaires commerciaux restent cruciales. Il est capital d’encourager une propension accrue des consommateurs à dépenser sur leurs marchés pour obtenir les avantages plus larges de la libéralisation des échanges commerciaux au sein de l’Union européenne, notamment du fait du surcroît de croissance économique et d’emploi qu’elle entraîne.

5.7.

Si la communication insiste sur le rôle essentiel du commerce dans l’Union européenne, en termes de croissance et d’emploi, la voix du consommateur, préoccupé par la perte potentielle de normes et l’incidence possible sur l’environnement, revêt une importance égale.

5.7.1.

Les consommateurs, désignés dans la communication (29) comme les bénéficiaires de la suppression des barrières commerciales, doivent avoir confiance dans le marché mondial. Pour gagner cette confiance, la politique commerciale doit se présenter en adéquation avec le développement durable et, notamment, la pérennité de l’économie sur le long terme. Les analyses d’impact devront en tenir pleinement compte et produire un impact visible.

5.7.2.

Il est essentiel que les consommateurs et la société civile en général soient au cœur de l’élaboration des politiques. Le Comité considère que l’accent mis dans la communication sur le fait de rendre la politique commerciale plus avantageuse pour les consommateurs, plus ouverte et transparente est une démarche très positive. Toutefois, il partage l’inquiétude que cause l’absence de mécanismes consacrant le principe de précaution et l’approche fondée sur les risques dans la politique commerciale. Il y a toutefois lieu de concilier cela avec le «principe d’innovation» (30).

6.   Transparence et renforcement de la participation de la société civile

6.1.

«Le commerce pour tous» sera évalué à l’aune de la capacité de la Commission de démontrer que les accords commerciaux n’abaisseront pas les normes environnementales, de travail et autres. Elle devra également montrer qu’elle-même doit rendre des comptes dans ses négociations sur le commerce et les investissements, et qu’elle peut être tenue de concrétiser les avantages pour tous qu’elle fait valoir.

6.1.1.

Cet objectif ne pourra être atteint qu’en renforçant très nettement la participation de la société civile dès le début.

6.1.2.

«Le commerce pour tous» traite de la nécessité de coopérer activement avec la société civile, mais dans une mesure moindre que celle à laquelle on pourrait s’attendre. Dans le cadre de son rôle institutionnel, le CESE est bien placé pour contribuer à développer cet aspect grâce à sa collaboration régulière avec la société civile, tant au sein de l’Union européenne que dans les pays tiers. Cela devrait également passer par une consultation directe des partenaires sociaux concernant les répercussions potentielles du commerce et de l’investissement sur l’emploi.

6.2.

À la suite des polémiques suscitées par le PTCI, la communication reconnaît aujourd’hui pleinement que la transparence est nécessaire. L’engagement à garantir pour toutes les négociations le même degré de transparence que celui désormais en vigueur pour le PTCI est bienvenu. Par conséquent, le Comité demande au Conseil de publier sans délai le mandat et les textes des négociations pour l’ALE entre l’Union européenne et le Japon.

6.2.1.

Le Comité considère qu’il est très important que la société civile soit tenue informée lors de chaque cycle de négociations. La création d’un groupe consultatif spécifique dont l’objectif est de fournir des contributions à mesure que les négociations sur le PTCI avancent a également été bénéfique. Le Comité est toutefois déçu de ne pas y avoir été formellement inclus en tant qu’institution. Cette situation doit être rectifiée à l’avenir.

6.3

La communication ne fait toutefois pas la moindre référence aux mécanismes de suivi par la société civile des chapitres «Commerce et développement durable» des accords commerciaux de l’Union européenne existants, ni à la manière dont ceux-ci pourraient être développés et renforcés. Le Comité considère que les mécanismes d’application doivent également s’appliquer aux chapitres «Commerce et développement durable» proprement dits, à commencer par la proposition de la Commission relative au PTCI.

6.3.1.

Cela est décevant. En réponse à la communication «Une Europe compétitive dans une économie mondialisée», le Comité a plaidé pour l’ajout d’un chapitre consacré au commerce et au développement durable dans tous les prochains ALE, ainsi que pour l’attribution d’un rôle actif de suivi à la société civile (31).

6.3.2.

Depuis l’accord UE-Corée de 2010, l’on compte sept accords commerciaux de l’Union européenne dotés d’un chapitre sur le commerce et le développement durable occupant une place de choix. Le Comité a depuis lors demandé qu’un chapitre «Commerce et développement durable» soit inclus dans les accords d’investissement autonomes (32).

6.3.3.

Le Comité considère que l’absence à ce jour d’évaluation détaillée de ces chapitres, de même que l’état de leur suivi ou de leur développement potentiel, est en contradiction avec la position de la Commission, par ailleurs saluée, qui consiste à continuer à promouvoir des chapitres «Commerce et développement durable» ambitieux et innovants dans les accords de commerce et d’investissement de l’Union européenne, ainsi que les dispositions de fond exposées.

6.3.4.

Chaque accord de ce genre a prévu différents types de mécanismes conjoints de suivi de la mise en œuvre des chapitres «Commerce et développement durable» par la société civile. L’expérience acquise est à présent suffisante pour donner matière à réflexion et être en mesure d’énoncer des recommandations claires et positives pour l’avenir.

6.3.5.

Ces mécanismes ont un potentiel important et peuvent fournir des résultats concrets s’agissant des effets positifs du commerce et de l’investissement sur le développement durable lorsque cela est nécessaire. Constituant un important canal de dialogue et de coopération avec la société civile des pays partenaires, ils requièrent également du temps, des efforts et un renforcement de leurs capacités pour devenir pleinement opérationnels et efficaces, en particulier dans les pays où le modèle de dialogue social et civil diffère de celui de l’Union européenne. Les liens existants avec le CESE ont été utiles lors de la mise en place des groupes consultatifs internes (GCI).

6.4.

Établir une représentation équilibrée de chaque groupe au sein des GCI constitue un véritable défi à mesure que croît le nombre de ces organismes, ce qui entraîne de sérieux retards.

6.4.1.

On observe aussi d’autres problèmes récurrents:

les contraintes de capacité des organisations concernées: il est nécessaire d’assurer une meilleure promotion tant auprès des pays partenaires que des acteurs de la société civile;

la nécessité d’insérer dans le texte des accords une disposition prévoyant des réunions conjointes des GCI de l’Union européenne et des pays partenaires, afin de partager les expériences et d’établir des critères communs en matière de suivi;

un financement adéquat pour la participation de la société civile: ce financement devrait également couvrir des activités plus larges, y compris des études ou des séminaires qui contribuent à la réalisation des objectifs de commerce et de développement durable.

6.4.2.

Le CESE préconise également d’élargir le mandat des GCI afin qu’il couvre toutes les questions présentant un intérêt pour la société civile, y compris la coopération réglementaire, les chapitres relatifs aux PME ou les dispositions en rapport avec les droits de l’homme.

Bruxelles, le 28 avril 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  COM(2015) 497 final.

(2)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 34.

(3)  Voir note 1.

(4)  «Better Framework for Innovation» (Un meilleur cadre pour l’innovation) publié par BusinessEurope et al., juin 2015.

(5)  COM(2006) 567 final.

(6)  Le statut d’économie de marché de la Chine est également une question clé.

(7)  Communiqué de presse de la Commission européenne, juillet 2015.

(8)  Voir note 1.

(9)  Voir note 1.

(10)  Voir note 1.

(11)  Déclaration ministérielle de Nairobi — WT/MIN(15)/DEC, paragraphe 4, https://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/mc10_f/nairobipackage_f.htm.

(12)  Voir note 1.

(13)  Voir note 1.

(14)  Rapport d’information «La responsabilité sociale et sociétale des entreprises» (http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.rex-opinions.35349).

(15)  COM(2015) 497 final, paragraphe 5.1.

(16)  COM(2015) 497 final, paragraphe 5.1.1.

(17)  Voir note 16.

(18)  Il en est à présent à sa 500e affaire.

(19)  Déclaration finale du 14e Séminaire des milieux économiques et sociaux ACP-UE, conformément au mandat octroyé par l’accord de Cotonou.

(20)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 49.

(21)  JO C 67 du 6.3.2014, p. 1.

(22)  JO C 67 du 6.3.2014, p. 47.

(23)  COM(2015) 80 final.

(24)  Voir note 23.

(25)  Avis du CESE sur «La protection des investisseurs et le règlement des différends entre investisseurs et États dans les accords de commerce et d’investissement de l’Union européenne avec des pays tiers» (JO C 332 du 8.10.2015, p. 45).

(26)  Voir note 1.

(27)  Voir note 1.

(28)  COM(2006) 567 final, paragraphe 3.1.iii.

(29)  COM(2015) 497 final, paragraphe 4.1.1.

(30)  Voir note 5.

(31)  JO C 211 du 19.8.2008, p. 82.

(32)  JO C 268 du 14.8.2015, p. 19.