15.1.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 13/63


Avis du Comité économique et social européen sur les «Propositions visant à lutter contre la corruption dans l’Union européenne: prise en compte des préoccupations des entreprises et de la société civile»

(avis d’initiative)

(2016/C 013/11)

Rapporteur:

M. Filip HAMRO-DROTZ

Corapporteur:

M. Pierre GENDRE

Le 16 octobre 2014, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Lutte contre la corruption dans l’Union européenne: prise en compte des préoccupations des entreprises et de la société civile»

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 15 juillet 2015.

Lors de sa 510e session plénière des 16 et 17 septembre 2015 (séance du 16 septembre 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 184 voix pour et 1 abstention.

1.   Recommandations

1.1.

L’Union européenne devrait élaborer sans délai une stratégie quinquennale de lutte contre la corruption qui soit cohérente et globale, assortie d’un plan d’action et approuvée par les présidents de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil européen. Les présidences de l’Union européenne et les institutions européennes devraient s’assigner des objectifs anticorruption clairs dans leurs programmes, ainsi que dans le cadre de la coopération interinstitutionnelle. Elles devraient adopter une stratégie tournée vers l’avenir et mettre l’accent sur les questions transversales de lutte contre la corruption au sein de l’Union et dans le cadre de ses relations extérieures, sur un soutien accru aux États membres et le renforcement de la coopération transnationale ainsi que sur l’amélioration de l’intégrité des institutions et la protection des intérêts financiers de l’Union européenne. Promouvoir la transparence et empêcher la corruption doivent être des objectifs clés dans toutes les politiques de l’Union européenne. La stratégie devrait prendre en considération les recommandations formulées dans le présent avis.

1.1.1.

La première priorité devrait être de soutenir les États membres dans leurs efforts de mise en œuvre et d’application correcte des instruments nationaux, internationaux et européens existants.

1.1.2.

L’examen des progrès accomplis dans le cadre de la stratégie devrait faire partie de l’exercice du Semestre européen, et tenir compte des rapports et des enquêtes régulières anticorruption de la Commission. L’ampleur de la corruption doit également être prise en compte dans la surveillance par l’Union européenne du respect de l’État de droit dans les États membres, et traitée de manière spécifique dans le cadre de la conditionnalité des programmes d’aide économique convenus avec les États membres et les pays tiers.

1.2.

La stratégie devrait reposer sur le principe fondamental d’une coopération transnationale renforcée et inclusive.

1.2.1.

La Commission européenne et les États membres de l’Union européenne devraient renforcer la coopération transnationale en matière de lutte contre la corruption, dans le contexte de la stratégie européenne de sécurité intérieure renouvelée pour 2015-2020, COM(2015)185, améliorer la coordination entre les instances compétentes (OLAF, Eurojust, Europol, Médiateur, Cour des comptes) et garantir une gestion efficace du réseau européen de lutte contre la corruption. Ils devraient également intensifier les échanges de bonnes pratiques et renforcer la coordination et la coopération entre les procureurs nationaux dans les affaires pénales ayant une dimension transfrontière, par exemple en ce qui concerne le recouvrement et le rapatriement des avoirs d’origine criminelle.

1.2.2.

Le Conseil européen a un rôle moteur essentiel et pourrait dynamiser la lutte contre la corruption:

en lançant des programmes de sensibilisation et d’éducation dans les États membres portant sur: la valeur de l’intégrité pour la société et l’économie; la nature et l’ampleur de la corruption dans le monde politique, le pouvoir judiciaire et les administrations publiques; le rôle de la corruption dans la répression de la liberté des médias; l’étendue du crime organisé et l’érosion de la compétitivité; et en ouvrant un débat de fond sur l’avenir de la gouvernance démocratique en Europe;

en favorisant et en proposant un renforcement des mesures visant à prévenir la corruption; en engageant dans ce contexte également des actions visant à faire le point sur la mise en œuvre de la convention des Nations unies contre la corruption (CNUCC) et à la promouvoir au sein de l’Union européenne (conformément à l’article 63 de la CNUCC et à la résolution 3/1);

en intensifiant les efforts d’harmonisation des législations pénales nationales, lorsque celles-ci font obstacle à l’efficacité des enquêtes et des poursuites en justice dans les affaires de corruption. Une attention particulière devrait être accordée à l’harmonisation des définitions de la corruption et des conflits d’intérêts. Cet objectif pourrait être atteint de préférence au moyen de la législation de l’Union européenne ou de la «méthode ouverte de coordination» dans le but de détecter des schémas législatifs susceptibles de constituer des orientations pour les États membres;

en adoptant dans les meilleurs délais le règlement portant création du Parquet européen et le nouveau règlement concernant Eurojust;

1.2.3.

Le sommet social tripartite devrait, sur la base des articles 152 à 155 du TFUE, examiner comment le dialogue social, tant au niveau horizontal que sectoriel, pourrait contribuer aux efforts de prévention et de lutte contre la corruption.

1.2.4.

Sur la base de l’article 11 du TFUE, il conviendrait de renforcer la consultation et la participation de la société civile ainsi que du Comité économique et social européen et du Comité européen des régions s’agissant de l’engagement en faveur des initiatives en matière de lutte contre la corruption.

1.2.5.

Les institutions de l’Union européenne et les instances concernées devraient, en coopération avec les États membres, intensifier les actions visant à sensibiliser le public sur la manière dont les citoyens pourraient contribuer à la lutte contre la corruption, en mettant l’accent sur les droits et les voies de recours disponibles en vertu de la législation de l’Union européenne. Une campagne d’information visant les grands canaux médiatiques serait nécessaire, notamment afin d’indiquer clairement quelles sont les voies dont disposent les citoyens pour signaler toute suspicion de corruption et d’utilisation abusive des fonds de l’Union européenne. Elle devrait s’accompagner d’une plus grande transparence quant à la manière dont les fonds de l’Union européenne sont utilisés.

1.3.

Outre des mesures législatives, l’Union européenne devrait lancer et soutenir de nouvelles mesures visant à promouvoir l’adoption et la mise en œuvre de codes de conduite et de normes dans les entreprises en matière de respect des règles et de lutte contre la corruption, notamment les pots-de-vin, en cohérence avec les instruments et lignes directrices sectoriels, internationaux et européens. La notion de participation transparente et inclusive de tous les acteurs concernés, notamment des salariés, doit faire partie de la mise en œuvre des codes d’éthique et des mécanismes d’alerte appropriés par chaque entreprise. Les sociétés au niveau mondial devraient être tenues de disposer d’un système opérationnel de gestion de la lutte contre la corruption, pour se voir sélectionner pour des projets bénéficiant des fonds de l’Union.

1.3.1.

L’Union européenne devrait également profiter du renouvellement de sa stratégie en matière de responsabilité sociale des entreprises pour examiner, avec l’aide d’associations d’entreprises, de partenaires sociaux et du secteur du commerce, comment diffuser largement les bonnes pratiques en matière de gouvernance et d’éthique d’entreprise.

1.3.2.

Le CESE accueille favorablement la récente directive sur la publication d’informations non financières, qui impose aux grandes entreprises de l’Union européenne de faire rapport sur le respect des règles et des normes éthiques. Cette directive devrait encourager les entreprises à veiller à ce que les normes anticorruption, y compris les mécanismes d’alerte appropriés, soient respectées tout au long de leur chaîne d’approvisionnement et que des mesures proportionnées soient également adoptées par les petites et moyennes entreprises.»

1.3.2.1.

Cela concerne en particulier l’approvisionnement en ressources naturelles, lesquelles sont souvent sources de vulnérabilité par rapport à la corruption. L’Union européenne peut s’appuyer sur les bonnes pratiques dans le secteur forestier et les approches réglementaires des États-Unis en ce qui concerne les minerais issus de zones de conflit. La Commission européenne devrait, dans ce contexte, assurer une approche cohérente dans le cadre du réexamen de sa stratégie pour les matières premières. Elle devrait également collaborer avec les représentants des entreprises au niveau européen pour développer une approche logique et cohérente visant à éradiquer la corruption dans la chaîne d’approvisionnement.

1.4.

La Commission européenne devrait à nouveau revoir les directives sur les marchés publics et, plus particulièrement, examiner comment améliorer la transparence et la solidité des procédures. Elle devrait surveiller de manière proactive la mise en œuvre par les États membre (y compris aux niveaux régional et local) des dispositions existantes relatives à la prévention des conflits d’intérêts et du favoritisme et fournir des orientations plus détaillées le cas échéant. Les règles en matière de marchés publics devraient couvrir toutes les entreprises quelle que soit leur origine.

1.4.1.

La Commission européenne devrait garantir l’existence de canaux appropriés permettant de signaler les cas de corruption dans les procédures de marchés publics aux échelons national et local, et offrir de meilleures possibilités de recours, y compris aux acteurs autres que ceux qui sont directement concernés. L’Union européenne et les États membres doivent encourager un niveau élevé de transparence de ces procédures. Le fait que la passation de marchés en ligne devienne la norme est considéré comme une bonne chose. Il y a lieu de porter à la connaissance du public que les informations relatives aux processus d’appel d’offres et aux marchés attribués sont mises à disposition sur la plateforme électronique européenne TED (Tenders Electronic Daily) dans des formats aisément accessibles et analysables.

1.4.2.

Les entreprises qui soumettent des offres dans le cadre de la passation de marchés publics devraient fournir des informations sur leurs propriétaires, y compris le propriétaire bénéficiaire de l’entreprise. Les grandes entreprises qui soumissionnent pour des marchés devraient disposer d’un solide programme ou code de conduite portant sur la lutte contre la corruption (conforme aux lignes directrices et instruments internationaux, européens et sectoriels). La divulgation d’informations devrait respecter la protection des secrets commerciaux (voir avis du CESE INT/145) et ne pas être entravée par les différences entre les législations nationales en matière de protection des données.

1.4.3.

Le recours à des sanctions, la sanction ultime étant l’exclusion des appels d’offre publics pour une période proportionnée, ainsi que des mesures équivalentes s’appliquant aux personnes travaillant dans le secteur public, devraient être encouragés par l’Union européenne à titre de mesure de dissuasion contre la corruption. La Commission européenne, la Banque européenne d’investissement et les États membres de l’Union européenne devraient créer un système d’exclusion croisée à l’échelle de l’Union européenne pour intégrer les dispositifs d’exclusion de niveaux européen et national et veiller à ce qu’il soit interdit aux personnes corrompues de participer à des appels d’offres publics dans l’Union européenne, comme le prévoient les nouvelles directives de l’Union européenne sur la passation des marchés publics (2014/24 et 25). Les personnes travaillant dans le secteur public devraient être susceptibles de subir des conséquences équivalentes. Une telle exclusion devrait avant tout être envisagée lorsqu’une entreprise a été condamnée pour des actes répréhensibles ou a omis de mettre en place des mesures préventives de lutte contre la corruption. Le système devrait tenir compte des efforts des entreprises qui ont mené à bien des réformes et pris les mesures appropriées afin de prévenir les actes de corruption («autonettoyage»). Il conviendrait également d’encourager le recours aux «pactes d’intégrité» (engagements pris par les pouvoirs publics et les entreprises de respecter des normes plus élevées de transparence et d’intégrité dans la passation des marchés publics). Une attention plus rigoureuse au comportement éthique et au respect des règles dans les entreprises d’État et l’administration publique, tant au niveau national qu’au niveau régional/local est indispensable.

1.5.

L’Union européenne doit améliorer la transparence des flux financiers sur son territoire. Le CESE se félicite de la récente législation visant à améliorer la transparence de la propriété des sociétés établie dans le cadre de la 4e directive antiblanchiment, mais estime qu’il est nécessaire de disposer d’informations publiques sur les propriétaires bénéficiaires des fiducies et d’autres structures de sociétés. La transparence des flux financiers internationaux pourrait être améliorée principalement grâce à l’élaboration de rapports d’entreprises plus approfondis, qui s’appuieraient sur des lignes directrices internationales et sectorielles et la législation pertinente de l’Union européenne imposant aux entreprises multinationales de faire part de leurs données financières clés dans les pays où elles exercent leurs activités.

1.5.1.

Il importe d’améliorer le respect par les banques de la législation de l’Union européenne en vigueur. La Commission européenne et l’Autorité bancaire européenne devraient, dans ce contexte, jouer un rôle plus actif et veiller à ce que les lacunes dans la mise en œuvre des règles dans un État membre n’affaiblissent pas l’ensemble du système. La Commission européenne devrait également faire usage de ses compétences pour harmoniser les sanctions pénales dans ce domaine afin de garantir des sanctions dissuasives adéquates dans toutes les juridictions de l’Union. Les États membres devraient également recevoir des orientations pour faire de l’enrichissement illicite intentionnel par un agent public une infraction pénale, comme le prévoit l’article 20 de la convention des Nations unies contre la corruption.»

1.6.

Dans de nombreux cas, la mise au jour des actes de corruption est tributaire de la volonté des lanceurs d’alerte de se manifester, à condition que ce soit de bonne foi et sur la base de soupçons raisonnables. La Commission européenne devrait chercher de nouveaux moyens d’encourager la protection des lanceurs d’alerte, réaliser une étude de faisabilité concernant la création d’instruments au niveau de l’Union européenne, éventuellement un règlement ou une directive, en tenant compte des lignes directrices internationales et sectorielles et des résolutions pertinentes du Parlement européen. Le respect de la vie privée et des secrets d’affaires ne doit pas empêcher la divulgation de la corruption [directive 2013/36 (CRD IV)]. Des mesures de sauvegarde appropriées devraient être mises en place pour protéger les parties concernées contre la dénonciation incorrecte de dysfonctionnements.

1.7.

La répartition et l’utilisation de l’argent des contribuables européens à travers les Fonds structurels et d’investissement de l’Union européenne (y compris le FEIS) présentent des risques d’abus, comme le montrent l’expérience et les recherches effectuées. La fraude est souvent liée à la corruption, mais les carences dans la coopération entre l’Union européenne et les autorités nationales rendent difficiles les enquêtes. L’Union européenne devrait jouer un rôle plus important dans le suivi/contrôle de l’utilisation des financements en s’appuyant sur le principe de la non-tolérance de la corruption et de la fraude. Le Parquet européen devrait devenir un parquet européen indépendant et efficace disposant de ressources appropriées lui permettant d’enquêter et de poursuivre non seulement les activités criminelles portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, mais aussi des infractions transfrontalières graves, notamment la corruption, comme le prévoit le traité de Lisbonne. Les capacités d’Eurojust devraient être renforcées, dans la mesure où des pays tiers qui ne sont pas couverts par le parquet européen sont parfois concernés.

1.8.

L’Union européenne devrait accroître sa participation aux efforts de lutte contre la corruption à l’échelle mondiale. Elle devrait inclure des dispositions fermes en matière de lutte contre la corruption dans les accords avec les pays tiers. Il convient également de prévoir des règles strictes de conditionnalité dans les programmes de financement (préadhésion, voisinage, fonds de coopération au développement, aide extérieure, etc.) en ce qui concerne la lutte contre la corruption et sa prévention (également en vue de protéger les fonds eux-mêmes). Il importe de mettre en place de mécanismes solides permettant le suivi de la mise en œuvre et de l’efficacité.

1.8.1.

Il convient également de prendre des mesures pour protéger de manière efficace, tant sur le marché intérieur qu’au niveau international, les sociétés européennes qui respectent des normes éthiques face à des concurrents de pays tiers qui ne le font pas. L’un des éléments de cette protection devrait être que «les clauses contractuelles devraient être établies de telle sorte que les risques liés au marché considéré soient répartis de manière équitable» [voir le considérant 65 du règlement MIE (UE) no 1316/2013]. Ce principe devrait figurer dans le texte de tous les instruments de l’Union européenne en rapport avec le financement de l’Union européenne.

1.8.2.

L’Union européenne devrait également intensifier ses efforts visant à éviter que son système financier ne devienne un refuge pour l’argent sale. Les événements survenus ces dernières années par exemple en Afrique, au Moyen-Orient et en Ukraine ont démontré l’inadéquation des approches bilatérales pour le recouvrement et le rapatriement des avoirs volés. La Commission européenne devrait jouer un rôle plus actif pour assister et coordonner la restitution des avoirs volés aux pays concernés.

1.9.

Les institutions de l’Union européenne doivent elles-mêmes veiller à constituer un exemple de transparence, d’intégrité et de bonne gouvernance de manière à établir ainsi un modèle à suivre par les États membres. Ce n’est qu’à cette condition que les institutions européennes auront l’autorité et la crédibilité pour lancer, orienter et mettre en œuvre les mesures susmentionnées. Dans cette perspective, les institutions devraient se fixer pour objectif de tendre vers une transparence et obligation de rendre compte maximales du processus de prise de décision, qui comprendrait l’instauration d’un dispositif d’«empreinte législative» de la réglementation et des politiques de l’Union européenne, c’est-à-dire l’établissement et la publication en temps opportun d’un relevé des interactions entre les institutions de l’Union européenne, les États membres et les représentants d’intérêts, ainsi des dispositions législatives relatives à la notification obligatoire des activités de lobbying dans l’Union européenne.

1.9.1.

L’Union européenne doit également se montrer cohérente et volontariste en contrôlant et en prévenant les conflits d’intérêts, dans la mesure où ils peuvent influencer la prise de décision. Des comités d’éthique indépendants ayant le pouvoir d’adresser des recommandations contraignantes et des sanctions devraient être mis en place. Le plan d’action quinquennal mentionné dans la recommandation (1) devrait également prévoir d’autres réformes qui prennent en compte les conclusions des rapports anticorruption de la Commission et de l’OLAF.

1.10.

Le CESE devrait agir avec détermination pour contribuer à la lutte contre la corruption dans l’Union européenne:

sensibiliser la société civile à ce phénomène dans le cadre du suivi de l’avis;

prendre part au dialogue entre les secteurs public et privé sur la corruption, comme le souhaite la Commission;

aborder la lutte contre la corruption et la fraude dans de nouveaux avis et envisager d’élaborer des avis complémentaires, notamment sur la corruption sectorielle;

mettre la question à l’ordre du jour dans le cadre de la coopération avec les CES nationaux et des contacts avec les parties prenantes, ainsi que de ses activités externes;

examiner la révision du code de bonne conduite administrative du CESE et du code de conduite de ses membres, y compris l’introduction de règles internes concernant les lanceurs d’alerte;

promouvoir une coopération régulière avec les institutions de l’Union européenne (Conseil, Commission et Parlement européen), les agences concernées et le Comité des régions dans le domaine de la lutte contre la corruption;

créer un groupe de suivi de la lutte contre la corruption.

2.   Description de la corruption

2.1.

La corruption est généralement définie, en s’inspirant de la convention des Nations unies contre la corruption, comme un «abus de pouvoir aux fins d’un profit personnel». Le présent avis est basé sur cette définition.

2.2.

La corruption est un phénomène très répandu dans le monde entier. Le coût de la corruption pour les contribuables européens est estimé à quelque 120 milliards d’euros par an (non compris la fraude sur les fonds publics de l’Union européenne), ce qui équivaut presque au budget annuel total de l’Union européenne, soit un pour cent de son PIB. Les États membres présentent de grandes différences en ce qui concerne la corruption. Dans nombre d’entre eux, la corruption s’insinue dans toutes les strates de la vie publique et privée. La Commission européenne indique dans l’introduction au rapport anticorruption de l’Union européenne de 2014: «La corruption nuit gravement à l’économie et à la société dans son ensemble. Les États membres de l’Union européenne ne sont pas à l’abri de cette réalité. Ses effets altèrent la bonne gouvernance, la saine gestion des deniers publics et le jeu de la concurrence au niveau des marchés. Dans les cas extrêmes, elle sape la confiance des citoyens dans les institutions et les processus démocratiques».

2.3.

La corruption prend de nombreuses formes. On peut également distinguer la corruption dans le secteur public, la corruption dans le secteur privé et la corruption politique, selon le contexte dans lequel elle a lieu. La corruption suppose toujours la participation d’au moins deux protagonistes consentant à l’acte illégal.

2.3.1.

Des exemples classiques de tels comportements sont les actes de corruption active ou passive, notamment le fait de proposer, d’accepter ou de solliciter un avantage destiné à inciter à commettre une action légale, illicite ou contraire à l’éthique, avantage qui peut prendre la forme de cadeaux, prêts, honoraires, paiements de facilitation, primes («commissions») et autres avantages, tels qu’une réduction d’impôts, des visas, des services, un parrainage et des dons. La corruption est souvent liée à d’autres pratiques illicites, telles que les ententes sur les prix, la manipulation des procédures d’appel d’offres, le blanchiment d’argent, l’enrichissement illicite, le chantage et la fraude. Elle est également présente dans des actes qui prennent une forme moins tangible comme le favoritisme et le népotisme dans la nomination des fonctionnaires, le trafic d’influence, l’échange de faveurs et le clientélisme, ainsi que des pratiques contraires à l’éthique en matière d’immunité, d’amnistie et de privatisation, la corruption des autorités judiciaires et policières, ainsi que le financement de partis politiques et le trucage des campagnes électorales. Des conflits d’intérêt non régulés ou mal gérés peuvent donner naissance à des formes de corruption, par exemple des emplois lucratifs dans des entreprises sans «délais de viduité» pour des anciens fonctionnaires («pantouflages»).

2.3.2.

Ces diverses activités illégales et contraires à l’éthique sont facilitées par un certain nombre de facteurs. Parmi ceux-ci figurent: des obstacles de nature juridique (immunités accordées aux élus et délais de prescription); l’absence de normes internationales, de codes de conduite, de lignes directrices en matière éthique et de mécanismes d’alerte appropriés; le manque de transparence dans la prise de décision publique et la manière dont celle-ci peut être influencée (par exemple, le manque d’information de la part de fonctionnaires publics, qu’ils soient élus ou désignés, concernant leurs activités et revenus extérieurs, ou leurs contacts occultes avec des personnes souhaitant influencer ces décisions).

2.3.3.

La corruption est souvent liée à l’économie informelle et à la criminalité organisée. En 2013, dans son évaluation de la menace que représente la criminalité grave et organisée (SOCTA), Europol recensait quelque 3 600 groupes et réseaux criminels organisés qui opèrent actuellement sur le territoire de l’Union et infiltrent de plus en plus tous les pans de l’économie.

2.4.

La corruption est perçue comme un problème majeur et de plus en plus transnational dans l’ensemble de l’Union européenne (et au niveau international). La corruption ne s’arrête pas aux frontières nationales.

2.5.

En juin 2011, la Commission européenne a fait un pas important dans la lutte contre ce phénomène en Europe en adoptant un vaste train de mesures à cet effet. Elle a ainsi établi et a institué un mécanisme de suivi de l’Union européenne en matière de lutte contre la corruption. Le premier rapport anticorruption de l’Union européenne [COM(2014) 38 final] a été publié en février 2014. D’autres rapports devraient être publiés tous les deux ans. Ce premier rapport a pour but de lancer un vaste débat entre les parties prenantes, y compris la société civile, en vue de soutenir les efforts de lutte contre la corruption et de déterminer en quoi les institutions européennes peuvent aider à lutter contre la corruption. Le concept de «participation de la société» s’inspire de l’article 13 de la convention des Nations unies contre la corruption.

2.5.1.

Le rapport traite les problèmes de corruption propres à chaque État membre et souligne de manière générale que les États membres devraient intensifier leurs efforts, car la transposition, la mise en œuvre et l’application des dispositions des instruments internationaux et européens en la matière sont insuffisantes.

2.5.2.

Deux enquêtes de perception Eurobaromètre ont été publiées conjointement au rapport: a) l’Eurobaromètre spécial sur la corruption et b) un Flash Eurobaromètre centré sur les entreprises.

2.5.2.1.

Les principaux enseignements des enquêtes sont les suivants — il est précisé que tous les pourcentages correspondent au nombre de citoyens/d’entreprises de l’Union européenne qui ont répondu aux enquêtes:

trois quarts des citoyens de l’Union estiment que la corruption est très répandue dans leur pays. Dans dix États membres, cette proportion est supérieure à 90 %;

plus de la moitié des Européens pensent que le niveau de corruption a augmenté au cours des trois dernières années;

trois quarts des Européens affirment que les pots-de-vin et le recours aux relations personnelles constituent souvent le moyen le plus simple d’obtenir certains services publics (par exemple dans les services médicaux et de soins) dans leur pays;

plus de deux tiers des Européens pensent que la corruption existe au sein des institutions de l’Union européenne et plus de la moitié d’entre eux ne pensent pas que les institutions contribuent à réduire la corruption en Europe;

environ la moitié des sociétés estime que la corruption est une source de problèmes dans les affaires. Les entreprises d’État et le secteur public, notamment les autorités fiscales et douanières, sont apparues particulièrement vulnérables;

plus de la moitié des entreprises note que la corruption est un phénomène répandu dans les marchés publics en raison de conflits d’intérêts, de pratiques non transparentes et de favoritisme. Les marchés publics pour des projets et des contrats dans les domaines du développement urbain, des infrastructures et de la construction, ainsi que des soins de santé sont considérés comme particulièrement exposés à la corruption à tous les niveaux.

2.6.

Un rapport de l’OCDE de décembre 2014 montre que l’ampleur de la corruption transnationale reste inacceptable. Il décrit plus de 400 cas de corruption d’agents publics étrangers au cours de la période 2009-2014. Les pots-de-vin représentaient en moyenne 11 % de la valeur totale des opérations réalisées et, dans un grand nombre de cas, concernaient des marchés publics. Deux tiers des affaires de corruption transnationale ont eu lieu dans quatre secteurs: les industries extractives, la construction, le transport et l’entreposage, et le secteur de l’information et de la communication.

2.7.

En ce qui concerne les efforts visant à protéger les intérêts financiers de l’Union européenne (l’argent des contribuables géré par l’Union européenne), 16 000 cas d’irrégularités ont été rapportés en 2013 (environ 2 milliards d’euros) dans l’utilisation des fonds de l’Union européenne, parmi lesquels 1 600 étaient frauduleux (pour un montant de 350 millions d’euros). Depuis 2009, le nombre des irrégularités signalées a augmenté de 22 % et les montants en jeu de 48 %. Elles ont pris principalement la forme de falsifications de documents (probablement liées dans de nombreux cas à de la corruption). Dans son rapport annuel 2013, la Cour des comptes européenne a constaté des utilisations abusives ou des erreurs portant sur environ 5 % des fonds de l’Union européenne (en particulier dans les domaines de la politique régionale, de l’énergie et des transports, de l’environnement, de l’agriculture, de la pêche et de la santé).

3.   Instruments internationaux de lutte contre la corruption

3.1.

En plus de leur propre législation nationale en matière de lutte contre la corruption et notamment les pots-de-vin, les États membres de l’Union européenne sont parties à un certain nombre de conventions et traités internationaux et appliquent la législation pertinente de l’Union européenne. Chacune de ces conventions est dotée de ses propres procédures de surveillance, qui comportent généralement une forme d’évaluation par les pairs.

3.2.

Les principaux instruments et mécanismes permettant de lutter contre la corruption à l’échelle internationale sont:

la Convention des Nations unies contre la corruption;

la convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales;

la convention pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption de 1999; la convention civile sur la corruption du Conseil de l’Europe;

3.3.

Les principaux instruments juridiques de l’Union européenne en matière de lutte contre la corruption sont les suivants:

l’article 83, paragraphe 1, du TFUE, qui prévoit un mandat pour l’action de l’Union européenne en matière de lutte contre la grande criminalité ayant une dimension européenne ou transnationale (et qui mentionne entre autres la corruption);

l’article 325, paragraphe 4, du TFUE, qui fournit une base juridique pour toutes les mesures nécessaires afin de combattre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne;

la convention de 1997 relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires de l’Union européenne ou des fonctionnaires des États membres de l’Union européenne;

la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé;

3.4.

La convention des Nations unies contre la corruption (CNUCC) est la plus complète des conventions internationales; tous les États membres de l’Union européenne l’ont ratifiée et l’Union européenne en est également signataire.

3.5.

L’Union européenne a adopté des directives, des communications et des décisions-cadres destinées principalement à établir des normes minimales et à traiter les questions liées à la lutte contre la corruption et la fraude: fraude et évasion fiscales, blanchiment d’argent, responsabilité sociale des entreprises, informations sur les opérations non financières, gouvernance d’entreprise, marchés publics et audit. Le CESE a régulièrement émis des avis sur ces initiatives de l’Union européenne.

3.6.

L’Union européenne a également introduit des dispositions relatives à la lutte contre la corruption et la fraude dans ses programmes de financement, aussi bien au niveau interne qu’externe (notamment dans le cadre de ses politiques régionale, agricole, de cohésion, d’élargissement, de voisinage et de développement).

3.7.

La première mesure à prendre pour protéger les entreprises européennes respectueuses des réglementations opérant sur les marchés des pays tiers devrait être d’intégrer dans le texte de tous les instruments européens traitant des financements de l’Union européenne les principes énoncés au considérant 65 du règlement MIE (UE) no 1316/2013, ainsi que dans la règle 3.24 des «politiques et règles de la BERD en matière de passation des marchés».

3.8.

Depuis 2011, la Commission européenne a mis en place, sur la base de l’article 325 du TFUE, une vaste stratégie antifraude (SAFC) [COM(2011) 376] afin d’améliorer le cycle complet de lutte contre la fraude, à savoir la prévention, la détection et les conditions d’enquête, ainsi que d’obtenir une réparation adéquate et d’atteindre un niveau de dissuasion suffisant au moyen de sanctions efficaces. Les services de la Commission ont mis au point des stratégies antifraude sectorielles. La proposition de directive COM(2012) 363 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal est également pertinente en la matière.

4.   Autorégulation: codes éthiques en matière de corruption et notamment de pots-de-vin

4.1.

L’autorégulation a un rôle important à jouer dans la lutte contre la corruption, et notamment les pots-de-vin. Les entreprises intègrent de plus en plus la responsabilité sociale des entreprises, le respect des règles et la prévention de la corruption dans leur politique générale et leur gestion. Les codes de conduite éthique propres aux différentes entreprises sont fondés principalement sur des orientations sectorielles et internationales et sont également censés mettre en œuvre les normes de l’Union européenne correspondantes (signalement des opérations non financières, responsabilité sociale des entreprises, etc.). De tels codes ont pour principal objectif de promouvoir les comportements éthiques dans l’ensemble des activités de la société en mobilisant toutes les parties prenantes, et de les mettre en œuvre de manière transparente et inclusive, notamment en abordant la question dans le cadre du dialogue social.

4.2.

Les principaux mécanismes et lignes directrices au niveau international, qui définissent les principes que doivent adopter les entreprises pour éviter la corruption, notamment les pots-de-vin, et promouvoir un comportement éthique et la transparence sont les suivants:

les règles sur la lutte contre la corruption, les lignes directrices en matière de dénonciation de dysfonctionnements, les manuels de la CPI, etc.;

le Pacte mondial des Nations unies; les 10 principes contre la corruption et les lignes directrices correspondantes en matière de reddition de comptes;

les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales: recommandation 7 sur la «Lutte contre la corruption, la sollicitation de pots-de-vin et d’autres formes d’extorsion»;

La norme ISO 37001 «Systèmes de management anticorruption — Exigences» (titre provisoire, en cours d’élaboration, ISO PC/278);

les lignes directrices de lutte contre la corruption du groupe de la Banque mondiale;

l’initiative sur les rapports mondiaux (Global Reporting Initiative) (GRI, GR4);

les principes généraux de conduite des affaires pour contrer la corruption de Transparency international, etc.

Les lignes directrices par secteur au niveau de l’Union européenne, par exemple dans l’industrie européenne de la construction (www.fiec.org, notamment les lignes directrices et les déclarations communes) et dans les industries extractives (www.eiti.org), occupent une place très importante dans les branches concernées. Il en va de même pour les lignes directrices nationales (par exemple le code de durabilité allemand, les lignes directrices de l’industrie danoise) que l’on crédite d’un rôle important pour le comportement des entreprises.

4.3.

Le Parlement européen et la Commission ont adopté leurs propres lignes directrices en matière d’éthique, pour compléter les obligations des fonctionnaires de l’Union européenne découlant de leur statut, notamment un code de conduite des commissaires européens et un code de conduite des députés au Parlement européen, qui définissent des principes directeurs sur la manière de traiter les cadeaux et les dons, ainsi que sur les autres intérêts financiers et les conflits d’intérêts. Le CESE a également adopté des codes similaires.

5.   Observations relatives aux préoccupations des entreprises et de la société civile

5.1.

La situation en ce qui concerne la corruption et la fraude touchant les fonds publics au sein de l’Union est inacceptable. Leurs conséquences en sont fortement ressenties par les entreprises et la société civile. La corruption entraîne des coûts supplémentaires pour les consommateurs et crée un environnement incertain pour les entreprises qui respectent des normes éthiques. Le CESE déplore l’ampleur de la corruption et de la fraude dans les États membres de l’Union européenne, ainsi que la trop grande faiblesse de l’engagement politique des gouvernements et des pouvoirs locaux en faveur de la lutte contre la corruption, et relève notamment la mise en œuvre et l’application insuffisantes des instruments nationaux, internationaux et européens existants.

5.1.1.

Les citoyens et les acteurs économiques et sociaux, où qu’ils résident en Europe, ont le droit de vivre dans une société régie de manière équitable et transparente selon les principes de l’État de droit. La crise financière et de l’euro a incité les citoyens à se montrer de plus en plus critique vis-à-vis de la corruption flagrante et à perdre confiance dans la gouvernance démocratique au niveau de l’Union européenne, ce qui a favorisé la propagation de l’euroscepticisme. La société civile attend de l’Union européenne et des États membres qu’ils intensifient leurs efforts dans la lutte contre la corruption et la fraude. Les décideurs doivent convaincre qu’ils agissent dans l’intérêt général.

5.2.

Pour ces mêmes raisons, le CESE participe lui aussi aux efforts visant à s’attaquer à ce fléau. Il répond ainsi au souhait de la Commission européenne de voir la société civile participer à la lutte contre la corruption. L’objectif principal du présent avis est de contribuer au prochain rapport anticorruption que la Commission présentera en 2016 et de prendre sa part dans les campagnes de sensibilisation, la diffusion d’informations et la promotion de la transparence.

5.3.

La corruption n’est pas seulement une question d’intégrité et d’éthique, mais aussi un problème économique car elle nuit à l’économie légale, en l’occurrence, au caractère équitable de l’environnement et des conditions dans lesquels s’opèrent le commerce, les investissements et la concurrence. Par conséquent, elle porte atteinte à la croissance et à la compétitivité. Les données de la Banque mondiale et du Forum économique mondial montrent que la compétitivité économique est étroitement liée à la capacité des gouvernements à lutter contre la corruption. Des études ont montré que le contrôle de la corruption dans l’Union européenne est fortement corrélé à la facilité de faire des affaires, et que la corruption a une incidence négative sur l’investissement privé.

5.3.1.

La corruption entraîne une augmentation des coûts pour les entreprises, car les entreprises «propres» sont susceptibles de perdre des marchés dans un environnement corrompu. Elle affaiblit par conséquent l’efficacité du marché intérieur et pourrait dès lors avoir des effets néfastes sur les efforts visant à atteindre les objectifs de la stratégie 2020 pour la croissance et à accroître la compétitivité générale de l’Europe, réduisant ainsi les possibilités d’améliorer l’emploi et le bien-être en Europe, de même que la compétitivité des entreprises de l’Union européenne opérant dans les autres parties du monde.

5.3.2.

Les entreprises ayant un bon bilan en matière de lutte contre la corruption attirent les investisseurs. L’image du monde des entreprises est en danger lorsqu’une entreprise est jugée coupable de corruption, notamment de pots-de-vin. Cela est non seulement préjudiciable à sa propre réputation, mais jette une ombre sur le monde des affaires dans son ensemble. Il convient toutefois de tenir compte également des charges administratives et financières que le respect de la législation en matière de lutte contre la corruption et des obligations d’information fait peser sur les entreprises et en particulier sur les PME.

5.4.

Les médias font régulièrement état de scandales de corruption se produisant au plus haut niveau dans de nombreux États membres et ailleurs dans le monde. La corruption politique (liée par exemple à des nominations, à des pots-de-vin, au financement de partis politiques et de campagnes électorales et au trucage de compétitions sportives), en particulier lorsque des autorités judiciaires et policières sont impliquées, est perçue par les citoyens comme un comportement gravement néfaste pour la société. Il faut mettre un terme à ces agissements, ainsi qu’à la pratique généralisée des «dessous-de-table» dans de nombreux États membres, qui ont une incidence sur la vie quotidienne des citoyens. Ces phénomènes sociétaux semblent liés à un changement dans la perception de la légalité. Il est indispensable de s’y attaquer, car les citoyens ont droit à un État de droit, à une bonne gouvernance et à des services publics exempts de corruption. Un changement d’attitude est nécessaire et une culture de la transparence devrait remplacer la culture de la corruption là où elle existe. Ces problèmes devraient principalement être traités par la législation, ainsi que par des mesures d’encouragement et des actions d’éducation.

5.5.

Le CESE soutient les mesures et les recommandations en matière de lutte contre la corruption adoptées par la Commission, ainsi que les efforts de lutte antifraude de l’Union et l’action du Parlement européen, en particulier le plan d’action 2014-2019 visant à lutter contre la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment d’argent. Par ailleurs, il est indispensable de mettre en œuvre les recommandations figurant dans les rapports élaborés par le Groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe (GRECO), l’ONU, l’OCDE et la CPI, et de les prendre en considération dans le cadre du renforcement des politiques et des actions de lutte contre la corruption de l’Union et de ses États membres.

5.6.

La forte imbrication des économies des États membres ainsi que l’ampleur et la rapidité croissantes des flux monétaires transfrontaliers augmentent le risque d’effets de contagion de la corruption d’un pays à l’autre. La corruption est devenue un phénomène transnational et ne peut plus être considérée comme une question relevant uniquement du droit pénal national. On pourrait la comparer à une maladie contagieuse dont personne ne peut être considéré comme automatiquement immunisé et qui exige des soins adaptés. L’approche fragmentée en vigueur à l’heure actuelle doit céder la place à une stratégie plus cohérente afin de pouvoir réaliser des progrès significatifs. Les rapports de la Commission devraient traiter de manière adéquate cette question: les mesures de lutte contre la corruption doivent être conçues et mises en œuvre dans le contexte d’une Europe de plus en plus intégrée et d’une économie mondialisée.

5.6.1.

Il faut donc accorder une plus grande place à la lutte contre la corruption parmi les priorités de l’Union européenne; celle-ci devrait assumer un rôle plus en vue pour promouvoir la transparence et préserver l’intégrité du marché intérieur, des relations extérieures, ainsi que des institutions et des dépenses de l’Union européenne. Il faut mettre davantage l’accent sur la lutte contre la corruption dans toutes les politiques de l’Union européenne concernées, tant internes qu’externes. Les entreprises et la société civile escomptent une telle évolution et le présent l’avis attire l’attention sur la nécessité pour l’Union européenne d’assurer un leadership et une coordination efficaces. L’Union européenne a la capacité d’utiliser son poids politique pour promouvoir un espace fondé sur des normes élevées d’intégrité et de lutte contre la corruption à l’échelle de l’Union.

5.7.

Il ne faut rien de moins qu’un engagement explicite, en l’occurrence un pacte européen de lutte contre la corruption permettant d’adopter une stratégie crédible et globale. Il doit être géré «par le haut», mais l’engagement de toutes les parties concernées aux niveaux européen, national et local, est indispensable dans cette entreprise.

5.8.

Les États membres sont en première ligne dans la lutte contre la corruption et la fraude. Il est de leur responsabilité de mettre en œuvre des mesures efficaces de lutte contre la corruption (en premier lieu, une législation solide et une autorité efficace de lutte contre la corruption pour lutter contre le crime organisé et la corruption affectant la gouvernance politique et judiciaire), ainsi que de participer activement à la coopération transnationale et à la sensibilisation du public à la lutte contre la corruption et la fraude.

5.8.1.

La participation de la société civile, notamment des entreprises, des associations d’entreprises et des partenaires sociaux aux efforts de lutte contre la corruption est importante. Elle doit viser en particulier à sensibiliser l’opinion publique et à fournir des orientations sur la manière de prévenir la corruption, la fraude et les pots-de-vin. Dans ce contexte, le comportement des différentes entreprises et autorités est d’une importance cruciale. Les forums à l’échelon national, par exemple les points de contact nationaux de l’OCDE et les centres d’assistance juridique et d’action citoyenne de Transparency International (ALAC) pourraient aussi jouer un rôle important dans les efforts de lutte contre la corruption. Les médias devraient reconnaître le rôle et la responsabilité d’une grande portée qui leur incombent en ce qui concerne la sensibilisation du public à ce phénomène et aux efforts entrepris pour le combattre dans les États membres.

Bruxelles, le 16 septembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE