52014DC0231

RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL Cinquième rapport sur l'exécution du règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil concernant l’application du principe de la libre circulation des services au cabotage maritime (2001-2010) /* COM/2014/0231 final */


RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL

Cinquième rapport sur l'exécution du règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil concernant l’application du principe de la libre circulation des services au cabotage maritime (2001-2010)

Le règlement (CEE) n°3577/92 du Conseil concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime)[1] a été adopté le 7 décembre 1992. L’objectif de ce règlement est de mettre en œuvre progressivement cette liberté afin de créer un marché intérieur pour la prestation de services de cabotage maritime.

En vertu de l’article 10 du règlement, la Commission doit présenter tous les deux ans au Conseil un rapport sur l'application de ce règlement ainsi que, le cas échéant, toute proposition nécessaire.

Ce rapport est le cinquième rapport périodique. Suite à la consultation des États membres sur le contenu et la périodicité des rapports, annoncée dans le précédent rapport[2], et à la lumière des conclusions du Conseil[3], la Commission a décidé de couvrir dans ce rapport les années 2001-2010, ainsi que les années ultérieures lorsque les données étaient disponibles. Deux raisons sous-tendent cette approche. Premièrement, la Commission entendait évaluer pleinement l’impact de la libéralisation du cabotage maritime en Grèce, dernier État membre à avoir ouvert son marché. Deuxièmement, elle souhaitait réaliser un état des lieux du cabotage dans les États membres ayant adhéré à l'UE depuis l'adoption du précédent rapport, en 2002 (c’est-à-dire lors des élargissements du 1er mai 2004[4], du 1er janvier 2007[5] et du 1er juillet 2013[6]).

Le présent rapport se concentre sur les pays qui ont un accès à la mer[7]. Il s’appuie sur les études menées par des consultants[8] indépendants, sur les résultats des consultations des parties prenantes et des États membres lancée en 2009 par la Commission et sur les réponses des États membres à un questionnaire qui leur a été adressé par la Commission en 2012.

Ce rapport comporte quatre chapitres. Le premier décrit la jurisprudence récente de la Cour ainsi que l’évolution législative dans les États membres de l’UE et les États de l’AELE. Le second présente les tendances du marché dans les États membres de l’UE et les États de l’AELE. Le troisième chapitre récapitule les données disponibles en matière d’emploi lié au cabotage maritime. En raison du manque de données fiables et probantes, cette partie ne mentionne plus les statistiques concernant les coûts de l’équipage. Le quatrième chapitre met en lumière les résultats des consultations entreprises à l’occasion de la préparation de ce rapport. Enfin, le dernier chapitre présente des conclusions et l’avis de la Commission sur les rapports futurs.

Le document de travail des services de la Commission, qui accompagne ce rapport, expose des données statistiques plus précises, ainsi qu’une analyse de certaines questions mentionnées dans le présent rapport.

Ce rapport est présenté conjointement avec la communication interprétative de la Commission sur le règlement (CEE) n°3577/92[9].

1.           L’ÉVOLUTION LÉGISLATIVE

Le présent chapitre analyse la jurisprudence de la Cour de Justice, ainsi que les évolutions dans les États membres de l’UE (1.1) et dans les États de l’AELE (1.2) concernant les catégories de services libéralisés, l’accès au cabotage, les règles en matière d'équipage, les OSP (obligations de service public) et les CSP (contrats de service public) au cours de la période de référence. Le tableau 1 du document de travail des services de la Commission, qui accompagne le présent rapport, propose une version plus détaillée de l’évolution législative.

1.1.        L’évolution législative dans les États membres de l’UE

1.1.1.     Les services libéralisés

La quasi-totalité des services de cabotage maritime est ouverte aux bénéficiaires du règlement (CEE) n° 3577/92 depuis le 1er janvier 1999, date à laquelle la plupart des dérogations visées à l’article 6 du règlement ont expiré.

La seule dérogation prorogée jusqu’au 1er janvier 2004, prévue à l’article 6, paragraphe 3, du règlement, concerne deux catégories de services de cabotage insulaire en Grèce: les services réguliers de transport de passagers et de transport par transbordeurs ainsi que les services effectués par les navires jaugeant moins de 650 tonnes brutes.

Suite à l’adoption de la loi 2932/2001 publiée le 27 juin 2001, la Grèce a libéralisé ces services de cabotage, bien avant l’expiration de la période de dérogation en 2004. Or, ce n’est qu’en 2011 que la Grèce s’est pleinement alignée sur le règlement, par le biais d’une série d’amendements introduits par la décision ministérielle n°3323.1/02/08, les décrets présidentiels 38/2011 et 44/2011, et la loi 3922/2011 du 4 mars 2011. Ces actes législatifs ont été adoptés en Grèce dans le cadre d’une procédure d’infraction clôturée en 2011 par la Commission.

En outre, la Grèce est allée plus loin que ne l’exigeait le règlement dans la libéralisation de son marché du cabotage en l’ouvrant en 2010 aux navires de croisière immatriculés dans un pays tiers (loi 3872/2010).

1.1.2.     L'accès à la prestation de services de cabotage maritime

Le règlement prévoit que pour qu'un navire d'un État membre soit admis au cabotage dans un autre État membre, il doit d'abord remplir toutes les conditions requises pour être admis au cabotage dans l'État membre dans lequel il est immatriculé.

Les États membres autorisent tous les navires immatriculés dans leurs premiers registres à assurer des services de cabotage sans aucune restriction. Ces navires ont par conséquent un accès illimité au cabotage dans les autres États membres.

La situation des navires immatriculés dans les seconds registres[10] peut être résumée comme suit:

· les navires du registre espagnol spécial de navires et de compagnies maritimes des îles Canaries (REC), du registre portugais de Madère (MAR) et de Gibraltar ont un accès illimité au cabotage;

· les navires marchands du registre international des navires danois (DIS) ont un accès illimité au cabotage alors que les navires à passagers du registre DIS n’y ont pas accès;

· les navires immatriculés dans le registre international de navires allemands (ISR) et figurant sur la liste des navires à marchandises du commerce international de la Finlande ont un accès limité au cabotage au cas par cas, mais n’ont pas accès au cabotage régulier;

· la France et l’Italie ont accordé, au cours de la période de référence, un accès limité au cabotage pour les navires immatriculés dans leurs seconds registres respectifs:

– en Italie, les navires du second registre, à l’origine exclus du cabotage, ont été autorisés au cas par cas à assurer ces services, dans la limite de 6 trajets de cabotage par mois (loi 27, 12/2002 n°289). La loi n°326 du 24 novembre 2003 propose une solution alternative à ces 6 trajets par mois, permettant un nombre illimité de trajets de cabotage à condition qu'ils soient effectués au-delà de 100 milles nautiques;

– en France, le registre des terres australes et antarctiques françaises (TAAF), qui ne prévoyait pas l’accès au cabotage, a été remplacé par le registre français international (RIF) par la loi n°2005-412 du 3 mai 2005; les navires immatriculés au RIF disposent d’un accès limité au cabotage de marchandises à condition qu’ils ne soient pas exploités uniquement sur des itinéraires de cabotage.

1.1.3.     Règles en matière d'équipage

L’article 3 du règlement autorise l’application des règles de l’État d’accueil pour l’équipage des navires jaugeant moins de 650 tonnes brutes et des navires pratiquant le cabotage insulaire, à l’exception des navires marchands jaugeant plus de 650 tonnes brutes, lorsque le voyage concerné suit ou précède un voyage à partir ou à destination d'un autre État.

En 2004, la Cour a précisé la portée de l’article 3 en ce qui concerne les navires de croisière[11]. Selon la Cour, toutes les questions relatives à l’équipage des navires de croisière jaugeant plus de 650 tonnes brutes, qu’ils pratiquent le cabotage continental ou insulaire, relèvent de la responsabilité de l’État du pavillon. Les règles de l’État d’accueil ne peuvent s’appliquer qu’aux navires jaugeant moins de 650 tonnes brutes.

En 2006, la Cour a également apporté une précision quant à la définition du «voyage qui suit ou précède le cabotage[12]»: il s’agit de tout voyage à destination ou à partir d’un autre État, que le navire transporte ou non des marchandises.

Les règles en matière d'équipage énoncées à l'article 3 peuvent être résumées comme suit:

État du pavillon || État d'accueil

- navires jaugeant plus de 650 tonnes brutes utilisés pour des services de cabotage continental - navires de croisière de plus de 650 tonnes brutes - navires marchands jaugeant plus de 650 tonnes brutes effectuant du cabotage avec les îles, lorsque l'opération de cabotage insulaire suit ou précède un voyage au départ ou à destination d'un autre État membre || - navires inférieurs à 650 tonnes brutes - navires effectuant du cabotage avec les îles (à l'exception des navires marchands de plus de 650 tonnes brutes qui effectuent un voyage de cabotage insulaire, lorsque l'opération de cabotage insulaire suit ou précède un voyage au départ ou à destination d'un autre État membre)

Seuls six États membres appliquent les règles de l’État d’accueil: la France, l’Italie, l’Espagne (figuraient déjà dans le rapport précédent), le Portugal[13], la Grèce[14] et la Bulgarie[15].

Les principales règles définies dans les législations nationales respectives relatives à l’équipage sont énoncées dans le tableau 2 du document de travail des services de la Commission qui accompagne le présent rapport.

1.1.4.     Les obligations de service public (OSP) et les contrats de service public (CSP)

Le considérant 9 du règlement prévoit que l’introduction de services publics impliquant certains droits et obligations pour les armateurs concernés peut être justifiée par la nécessité d’assurer l’adéquation des services de transport réguliers à destination et en provenance des îles ainsi qu’entre les îles, à condition qu'il n'y ait aucune discrimination fondée sur la nationalité ou la résidence. L’article 4 du règlement autorise les États membres à «conclure des contrats de service public avec des compagnies de navigation qui participent à des services réguliers à destination et en provenance d'îles ainsi qu'entre des îles ou leur imposer des obligations de service public en tant que condition à la prestation de services de cabotage», à condition que ces obligations soient imposées sur une base non discriminatoire à l'égard de tous les armateurs de l'Union.

Un arrêt de la Cour de 2001 a précisé que l’article 4, paragraphe 1, doit être interprété en ce sens qu’il permet à un État membre d'imposer des OSP à des entreprises de navigation et de conclure de façon concomitante avec d'autres des CSP pour l'exécution de services de transport régulier à destination et en provenance d'îles, ainsi qu'entre des îles[16], portant sur les mêmes routes.

En 2006, une précision supplémentaire a été apportée à l’article 4 du règlement. La Cour a jugé illégale la législation espagnole qui: 1) autorisait la concession de services de cabotage à un seul opérateur pendant une période de vingt ans; 2) prévoyait comme l’un des critères d'attribution de la concession l'expérience de transport acquise sur ce trajet; et 3) permettait de soumettre à des OSP les services de transport réguliers entre les ports continentaux[17].

Au cours de la période de référence, les principales modifications à noter dans les législations nationales concernant le service public sont les suivantes:

· en Grèce, le système d’autorisation administrative a été remplacé par un système de simple déclaration (loi 3922/2011 du 4 mars 2011 modifiant la loi 2932/2001);

· en Espagne, le décret royal n°1466/97 a été remplacé par le décret royal n°1516/2007 du 16 novembre 2007. Le nouveau décret[18] fixe les dispositions juridiques relatives aux lignes de cabotage maritime et aux services d’intérêt public. Le décret 9/2009 du 27 janvier 2009 du gouvernement régional des îles Canaries et la loi 11/2010 du 2 novembre 2010 du gouvernement régional des îles Baléares sont venus compléter ce cadre législatif;

· la France a introduit des sanctions financières pour les armateurs pratiquant le cabotage à destination d’îles dans les cas où ceux-ci ne respecteraient pas les obligations de service public (décret du 18 septembre 2008).

Le tableau 3 du document de travail des services de la Commission accompagnant le présent rapport propose un récapitulatif de la situation en matière d'OSP et de CSP.

1.2.        L’évolution législative dans les États de l’AELE

Le 1er janvier 2005, la Norvège a introduit une dérogation à l’obligation de permis de travail pour les gens de mer ressortissants de pays non membres de l'EEE servant à bord de navires étrangers à marchandises ou à passagers qui naviguent entre les ports norvégiens. Toutefois, l'obligation de détention du permis de travail a été réintroduite depuis mai 2010. Cette obligation relative au permis de travail ne s’applique pas aux ressortissants d’un État de l’EEE ou aux ressortissants non-EEE servant à bord d’un navire immatriculé dans l’EEE.

Comme indiqué dans le précédent rapport, les navires immatriculés dans le registre international norvégien (NIS) n'ont pas accès au cabotage.

Les principales dispositions relatives au cabotage dans les États membres de l’UE et de l’AELE sont synthétisées dans le tableau 4 du document de travail des services de la Commission qui accompagne le présent rapport.

2.           L'évolution du marché

La Commission a rencontré des difficultés pour recueillir les données nécessaires à la rédaction de ce chapitre, dans la mesure où les outils statistiques utilisés pour suivre le cabotage maritime dans les États membres sont de plus en plus lacunaires et de moins en moins fiables. Comme le souligne le précédent rapport sur le cabotage, aujourd'hui, les États membres ne collectent plus de statistiques aussi détaillées que par le passé. En outre, du fait de la libéralisation du marché, il est devenu plus difficile pour les administrations nationales d’enregistrer les données liées au marché. Le suivi statistique est donc souvent réalisé en interne par les opérateurs privés, réticents à fournir leurs données aux autorités compétentes afin de protéger le secret des affaires.

La Commission envisage actuellement de développer une méthodologie de collecte de données statistiques détaillées et opportunes relatives au transport maritime, y compris au cabotage.

Ce chapitre présente les évolutions du trafic, y compris les tendances générales en matière de transport de marchandises (2.1.1) et de services de cabotage pour le transport de passagers (2.1.2), les parts de marché des premiers et seconds registres (2.2), ainsi que la pénétration des pavillons étrangers (2.3).

2.1.        L'évolution du trafic

2.1.1.     Le transport de marchandises

Selon les données fournies par les États membres en réponse au questionnaire de la Commission, complétées par les données Eurostat, le trafic enregistré pour le cabotage de marchandises est resté globalement stable au cours de la période 2001-2007, avec une augmentation continue des volumes transportés dans plusieurs pays. À partir de 2008, la crise économique et ses répercutions ont entraîné une diminution du trafic, tendance particulièrement palpable en Grèce et en Italie. En Espagne, l’impact de la crise s’est fait principalement sentir sur le transport de marchandises diverses, du fait du déclin général de la consommation, et sur le commerce de vrac sec, affecté par le ralentissement de l’activité dans le secteur du bâtiment.

Comme pour les années précédentes, le transport de marchandises par cabotage est dominé par le Royaume-Uni (part importante de vrac liquide), l’Espagne (part élevée de marchandises diverses) et l’Italie (trafic élevé de vrac liquide). En ce qui concerne les États de l’AELE, le volume de marchandises transportées en Norvège demeure élevé, ce qui s’explique surtout par le transport de pétrole en mer (voir tableau 1). Le tableau 5 du document de travail des services de la Commission, qui accompagne le présent rapport, présente les données disponibles concernant les catégories de marchandises transportées.

Tableau 1: Services de cabotage pour le transport de marchandises

Volume total (en millions de tonnes)

|| 2001 || 2002 || 2003 || 2004 || 2005 || 2006 || 2007 || 2008 || 2009 || 2010

BE || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

BG || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

CY || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

DE || - || 8.4 || 8.4 || 8.4 || 7.8 || 7.2 || 7.9 || 8.1 || 6.9 || 6.3

DK* || 13.5 || 12.0 || 13.7 || 13.0 || 14.6 || 17.0 || 17.8 || 16.9 || 13.2 || 14.8

EE* || - || 0.4 || 0.5 || 0.7 || 0.5 || 0.3 || 0.7 || 0.2 || 0.1 || 0.2

EL* || 23.4 || 30.5 || 36.3 || 35.0 || 32.4 || 33.7 || 34.3 || 30.8 || 27.2 || 22.2

ES || 76.9 || 76.3 || 78.7 || 86.3 || 87.6 || 87.0 || 91.4 || 86.0 || 76.6 || 80.7

FI || 5.8 || 6.1 || 5.5 || 5.3 || 5.0 || 5.7 || 6.1 || 6.1 || 5.3 || 8.0

FR || 9.1 || 9.8 || 10.1 || 10.4 || 10 || 9.3 || 9.9 || 9 || 8.7 || 8.1

IE || - || - || - || - || 0.9 || 0.8 || 0.9 || 1.0 || 1.0 || 0.9

IT || 70.2 || 67.6 || 59.9 || 66.1 || 103.6 || 73.8 || 72.7 || 67.6 || 60.7 || 58.6

LT || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

LV || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

MT || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

NL || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

PL || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

PT* || 5.6 || 5.6 || 5.7 || 5.8 || 6.8 || 6.8 || 7.7 || 8.0 || 7.1 || 8.3

RO || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

SE || 12.2 || 11.6 || 11.9 || 11.3 || 13.1 || 11.4 || 12.5 || 12.1 || 9.9 || 11

SI || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

UK* || 105.8 || 102.6 || 96.4 || 95.7 || 97.0 || 88.7 || 88.0 || 84.6 || 79.6 || 71.3

IS || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

NO* || - || 46.7 || 45.0 || 46.2 || 46.7 || 49.0 || 48.2 || 46.2 || 44.0 || 42.5

* Source: Eurostat. Données collectées par Eurostat. Elles incluent les ports traitant annuellement plus d'un million de tonnes de marchandises.

2.1.2.     Le transport de passagers

Le cabotage maritime de passagers semble stable, avec des données globales consolidées similaires à celles enregistrées dans les rapports antérieurs. Aucune augmentation notable n’a été relevée pour cette catégorie de trafic; même les variations saisonnières, associées à la saison touristique, ne sont pas significatives au regard des données totales. Du fait de la crise économique et de ses répercutions, le nombre de passagers a régressé au cours des trois dernières années (en Espagne, les chiffres pour 2010 sont retombés aux niveaux enregistrés en 2004-2005, en Grèce aux niveaux de 2001).

Le cabotage maritime de passagers présente un fort niveau de concentration: les deux marchés les plus importants sont la Grèce et l’Italie, suivis de l’Espagne. Au Danemark, la diminution du trafic de passagers enregistrée depuis la moitié des années 1990 en raison de l’ouverture du Grand-Belt (liaison fixe entre Copenhague et le continent) semble s’être stabilisée. Le nombre de passagers, à présent inférieur, oscille entre 8 et 9 millions par an (voir tableau 2).

Aucune donnée statistique sur le nombre de passagers n’est disponible pour les États de l’AELE.

Tableau 2: Services de cabotage pour le transport de passagers

Nombre total de passagers (en millions)

|| 2001 || 2002 || 2003 || 2004 || 2005 || 2006 || 2007 || 2008 || 2009 || 2010

BE || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

BG || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

CY || 0.05 || 0.05 || 0.05 || 0.05 || 0.05 || 0.05 || 0.05 || 0.05 || 0.05 || 0.05

DE || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

DK* || 8.4 || 8.7 || 8.9 || 8.9 || 8.8 || 9.1 || 8.9 || 8.7 || 8.3 || 8.2

EE || - || - || - || - || - || - || 2.0 || 2.0 || 1.9 || 1.8

EL || 50 || 60 || 55 || 66 || 75 || 74 || 76 || 76 || 61 || 52

ES || 16.6 || 16.0 || 17.0 || 18.5 || 18.3 || 19.4 || 20.1 || 19.7 || 18.4 || 18.2

FI || 0.6 || 0.4 || 0.5 || 0.5 || 0.5 || 0.5 || 0.5 || 0.5 || 0.5 || 0.5

FR* || 5.0 || 5.0 || 4.5 || 3.7 || 4.0 || 4.2 || 4.5 || 4.8 || - || -

IE || - || - || - || - || - || - || 0.4 || 0.4 || 0.5 || 0.5

IT || 34.4 || 35.9 || 32.4 || 36.9 || 36.4 || 42.2 || 41.0 || 37.3 || 38.9 || 39.0

LT || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

LV || || - || - || - || - || - || - || - || - || -

MT || 3.1 || 3.3 || 3.4 || 3.5 || 3.5 || 3.6 || 3.8 || 3.4 || 3.8 || 4.0

NL || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

PL || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

PT* || 0.2 || 0.2 || 0.3 || 0.3 || 0.3 || 0.3 || 0.3 || 0.3 || 0.4 || 0.3

RO || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

SE || 1.3 || 1.4 || 1.4 || 1.5 || 1.5 || 1.5 || 1.6 || 1.5 || 1.6 || 1.7

SI || - || - || - || - || - || - || - || - || - || -

UK* || 4.0 || 4.2 || 4.1 || 3.7 || 3.2 || 3.1 || 3.3 || 3.1 || 3.0 || 3.1

* Source: Eurostat. Données collectées par Eurostat. Elles incluent les informations relatives aux ports enregistrant annuellement plus de 200 000 mouvements de passagers.

2.2.        Parts de marché respectives des premiers et seconds registres

Les navires du premier registre sont essentiellement destinés au cabotage de passagers. Seuls l’Espagne et le Portugal, qui autorisent les navires immatriculés dans leurs seconds registres à pratiquer le cabotage de passagers, font état d’une faible participation de cette catégorie de navires.

Les navires des seconds registres voient leur présence se renforcer dans le cabotage de marchandises. En Italie, l’assouplissement des conditions d’accès au cabotage pour les navires immatriculés dans le registre international italien pourrait déboucher sur une plus forte participation de ces navires aux services de cabotage pour le transport de marchandises. Selon les autorités italiennes, cette tendance devrait se poursuivre dans un avenir proche.

2.3.        La pénétration des pavillons étrangers

La présence de navires non-nationaux est surtout perceptible dans le cabotage de marchandises. En Finlande, la présence de pavillons EEE non-finlandais est passée de 25 % en 2001 à 36 % en 2005 et à 47 % en 2010. En Italie, le nombre de navires non-italiens battant pavillon d’un État EEE a augmenté dans le cabotage continental de marchandises, passant d’environ 43 % en 2001 à près de 47 % en 2009. En Allemagne, en moyenne plus de la moitié du volume total de marchandises est transportée par des navires EEE non-allemands: cette part, qui s’élevait à 52 % en 2002, a augmenté jusqu’à près de 56% en 2010.

En ce qui concerne le cabotage de passagers, les pavillons nationaux restent très largement dominants. La Grèce présente une particularité : les navires battant pavillon national occupent la quasi-totalité du marché (sur quelque 300 navires pratiquant le cabotage de passagers, seuls 4 ne battent pas pavillon grec mais appartiennent à une société grecque).

Les données disponibles sont présentées dans le tableau 6 du document de travail des services de la Commission qui accompagne le présent rapport.

3.           L’Emploi

Les informations disponibles concernant l’emploi dans le cabotage maritime sont très limitées.

En 2005, la Finlande et le Portugal ont enregistré un léger déclin du nombre de personnes employées dans le cabotage maritime (en Finlande, recul de 1 697 en 2000 à 1 562 en 2005, au Portugal de 167 en 2000 à 149 en 2005)[19].

En Espagne, le nombre de gens de mers employés sur des navires de cabotage battant pavillon espagnol a diminué de 49,5%, passant de 5 350 en 2001 à 2 649 en 2010, en raison principalement de la réduction du nombre de navires (certains petits navires de cabotage ont été remplacés par un nombre inférieur de navires modernes d'un tonnage brut plus élevé).

À Malte, le secteur du cabotage maritime emploie 240 personnes (y compris les gens de mer) et les autorités maltaises y voient un potentiel de croissance considérable. On estime que 500 personnes supplémentaires devraient être employées dans ce secteur au cours des prochaines années.

4.           La Consultation

En 2009 et 2012, la Commission a consulté les administrations maritimes des États membres et d’autres parties intéressées[20] afin d’évaluer l’impact du règlement.

Cette consultation a mis en lumière l’hétérogénéité du marché du cabotage dans l’UE. Au vu des informations reçues dans le cadre de cette consultation, le règlement semble respecter cette diversité, ainsi que les spécificités démographiques et géographiques des États membres.

Il semblerait que l’élimination des obstacles à l’accès aux marchés du cabotage n’ait pas conduit à une augmentation significative du nombre d’armateurs souhaitant proposer des services de cabotage. Cela pourrait s’expliquer par les caractéristiques inhérentes au marché du cabotage qui, à l’exception de certains trajets offrant un grand intérêt commercial[21], représente un trafic de passagers et des volumes de marchandises assez limités. En outre, la situation géographique favorise souvent les transports terrestres aux dépens des services maritimes en contraignant notamment les navires à se doter de caractéristiques techniques spécifiques (par exemple, les navires qui naviguent en Europe du Nord doivent souvent être équipés de brise-glace).

Par ailleurs, force est de constater que certaines compagnies de transport maritime s’assurent une présence sur les marchés de cabotage d’autres États membres en acquérant des parts dans les compagnies[22] nationales au lieu de développer physiquement des services de cabotage.

Les participants à la consultation ont souligné que le règlement était parvenu à établir un cadre juridique pour les contrats de service public (CSP) et les obligations de service public (OSP), permettant de rendre leur attribution plus transparente.

Plusieurs réponses ont indiqué que les dispositions du règlement relatives aux CSP et aux OSP permettaient aux pouvoirs publics de bénéficier d’une position relativement forte dans leurs négociations avec les armateurs et donnaient la possibilité aux administrations d’exercer un certain contrôle sur le niveau des prix. Cette évaluation globalement positive doit néanmoins être nuancée par des exemples de transports à destination d’îles qui représentent un intérêt commercial limité. En Grèce, d’après l’administration maritime nationale, l’absence de réelle concurrence sur certaines lignes semble avoir provoqué une augmentation des coûts dans le but de compenser l’exécution des obligations de service public[23].

La consultation a révélé que la dérogation visée à l’article 3, paragraphe 2, du règlement permettant l’application des règles de l’État d’accueil aux questions relatives à l’équipage revêt une importance considérable dans plusieurs États membres. Les réponses reçues ont souligné que cette dérogation garantissait des conditions de concurrence équitables. La Commission a toutefois pris conscience que la difficulté pour les armateurs d’accéder à la législation de l’État d’accueil relative aux exigences en matière d’équipage pouvait représenter un obstacle au développement futur du cabotage insulaire.

Enfin, certains participants à la consultation ont indiqué que l’ouverture du marché du cabotage pour les routes commerciales a, dans certains cas, accéléré la modernisation des flottes et contribué à l’amélioration de la qualité des services proposés.

5.           Conclusions

5.1.        L’impact de la libéralisation

La quasi-totalité des services de cabotage de l’UE a été libéralisée le 1er janvier 1999. Le marché grec, le dernier à bénéficier d’une protection partielle, a été ouvert le 1er novembre 2002.

Jusqu’en 2007, le marché du cabotage maritime était globalement stable et enregistrait dans plusieurs pays une croissance continue des volumes de marchandises et du nombre de passagers transportés. Depuis 2008, le secteur connaît un déclin considérable à cause des répercussions de la crise économique.

Comme les années précédentes, le Royaume-Uni domine le marché du transport de marchandises, suivi de l’Espagne et de l’Italie. Le vrac liquide occupe toujours la première place pour ce qui est du type de marchandises transportées

En ce qui concerne les passagers, la Grèce connaît le plus fort trafic, suivie de l’Italie.

La pénétration des marchés nationaux par les navires battant pavillon étranger s’est renforcée pour le cabotage de marchandises mais reste limitée pour le cabotage de passagers.

Les consultations menées par la Commission ont démontré que la libéralisation a eu un impact globalement modeste mais positif, se traduisant dans certains États membres par une modernisation des flottes nationales confrontées à un risque accru de concurrence.

5.2.        Prochaines étapes

Suite aux consultations menées en 2009 et 2012, citées au quatrième chapitre de ce rapport, et sur le fondement de l’expérience acquise durant plusieurs années d’application du règlement, la Commission estime que le règlement est en parfaite adéquation avec ses objectifs et qu’une révision n’est pas nécessaire. La Commission a toutefois reconnu que plusieurs questions posées dans les réponses au questionnaire reflétaient des problèmes d’interprétation ou des difficultés concernant la mise en œuvre. C’est pourquoi elle aborde ces problématiques dans sa nouvelle communication interprétative sur le cabotage maritime[24].

Dans la mesure où les informations statistiques sur le cabotage maritime sont aujourd’hui limitées, que la libéralisation a été achevée et que le marché s’est stabilisé, la Commission propose de ne faire rapport sur l’évolution économique et juridique de la libéralisation que si des changements significatifs interviennent dans ce domaine et, en tout état de cause, au plus tard en 2018. Il s’agira d’évaluer pleinement l’impact de la libéralisation du cabotage maritime en Croatie, État qui bénéficie jusqu’au 31 décembre 2014 d’une dérogation temporaire à certaines dispositions du règlement.

[1]               JO L 364 du 12.12.1992, p.7.

[2]               Quatrième rapport sur l’exécution du règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil concernant l'application du principe de la libre circulation des services au cabotage (1999-2000) du 24.4.2002, COM (2002) 203.

[3]               Conclusions du Conseil du 5.11.2002.

[4]               Chypre, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie, Malte, la Pologne et la Slovénie, voir aussi note de bas de page 7.

[5]               La Bulgarie et la Roumanie.

[6]               La Croatie.

[7]               L’Autriche, la République Tchèque, la Hongrie, le Luxembourg et la Slovaquie ne sont pas couverts.

[8]               Consultrans (membre du Consortium pour la mise en œuvre des Contrats Cadres dirigé par ECORYS), «Étude en vue de la préparation du 5ème rapport périodique sur l’application du règlement n°3577/92. Éléments économiques 2001-2005», juillet 2007. Gomez-Acebo & Pombo Abogados, «Étude sur l’exécution du règlement (CEE) n°3577/92 du Conseil concernant l’application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres. Évolutions dans le domaine juridique (2001-2005)», juin 2007.

[9]               Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité Économique et Social européen et au Comité des Régions relative à l’interprétation du règlement du Conseil (CEE) n° 3577/92 concernant l’application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime) du XX.04.2014, COM(2014) 232.

[10]             Comme l’a rappelé le précédent rapport, les navires des registres « off-shore » des États membres ne font pas partie des bénéficiaires du règlement (registre des Antilles néerlandaises, registre de l’île de Man, des Bermudes et des îles Caïmans), étant donné que la législation communautaire ne s’applique pas dans ces territoires.

[11]             Affaire C-288/02, Commission des Communautés européennes contre République hellénique, Rec. [2004] p. I-10071.

[12]             Affaire C-456/04, Agip Petroli SpA contre Capitaneria di porto di Siracusa et autres,  Rec. [2006] p. I-03395.

[13]             Au Portugal, conformément au décret-loi n°7/2006, la règle de l’État d’accueil s’applique aux services de transport réguliers de fret conteneurisé et aux marchandises solides diverses entre le Portugal continental et les territoires insulaires de Madère et des Açores.

[14]             En Grèce, toutes les questions relatives à l’équipage des navires pratiquant le cabotage insulaire sont assujetties à la règle de l’État d’accueil et régies par la législation grecque.

[15]             En Bulgarie, en vertu de l’article 4 de l’ordonnance n°10, les navires jaugeant moins de 650 tonnes brutes sont soumis à la réglementation bulgare en matière d’équipage.

[16]             Arrêt rendu dans l’affaire C-205/99, Analir et autres contre Administración General del Estado, Rec [2001] p. I-1271.

[17]             Affaire C-323/03, Commission des Communautés européennes contre Royaume d'Espagne, Rec. [2006] p. I-2161.

[18]             Voir note de bas de page 14.

[19]             Source: Consultrans.

[20]             La Conférence des régions périphériques maritimes d'Europe (CRPM), l'Association des armateurs de la Communauté européenne (ECSA), l'Organisation des ports maritimes européens (ESPO) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (FET) ont contribué à ce rapport.

[21]             Par exemple, le cabotage entre la France métropolitaine et la Corse, à l’origine uniquement proposé par la SNCM, a attiré d’autres armateurs: Corsica Ferries et, en 2010, Moby Lines.

[22]             Par exemple, en 2008 l’entreprise de transport maritime italienne, Grimaldi Compagnia di Navigazione SpA, a fait l’acquisition d’une part supplémentaire de Greek Minoan Lines S.A., devenant ainsi l’actionnaire majoritaire.

[23]             En Grèce, le financement public permettant d’assurer la couverture des obligations de service public s’élevait à 24 millions d’euros avant la mise en œuvre du règlement, contre plus de 100 millions d’euros par an pour la période 2009-2011, ce qui représente une augmentation annuelle de plus de 400% par rapport à l’année 2000.

[24]             Voir note de bas de page 9.