14.7.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 230/82


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à un cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail (2014-2020)

[COM(2014) 332 final]

(2015/C 230/13)

Rapporteur:

Carlos TRINDADE

Le 6 juin 2014, la Commission a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à un cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail (2014-2020)»

COM(2014) 332 final.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 novembre 2014.

Lors de sa 503e session plénière des 10 et 11 décembre 2014 (séance du 11 décembre 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 189 voix pour, 23 voix contre et 20 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite que l’Union européenne possède un cadre global, sophistiqué sur le plan économique et social, que viennent compléter les stratégies européennes pluriannuelles adaptées par les États membres en fonction des contextes nationaux. Le CESE considère toutefois qu’il existe des difficultés, des lacunes et de nouveaux défis auxquels il convient de trouver des solutions.

1.2.

Le CESE se réjouit de l’intention déclarée de la Commission de se concentrer sur la prévention, la simplification des règles — sans remettre en cause les niveaux de protection existants — et le respect de ces règles. La stratégie doit garantir l’équilibre entre un niveau élevé de protection et les charges administratives des entreprises.

1.3.

Le CESE se félicite de voir le grand intérêt que porte la Commission aux PME, des avis, des informations et des orientations qu’elle leur donne par le biais des TIC et du renforcement de la coordination entre les services publics dans le soutien aux PME.

1.4.

Le CESE considère comme indispensables une formation plus approfondie pour les inspecteurs du travail ainsi qu’un renforcement de leur nombre — sachant que, dans près de la moitié des États membres, le seuil minimal recommandé par l’OIT (soit 1 inspecteur pour 10  000 travailleurs) n’est pas atteint.

1.5.

Le CESE recommande à la Commission, compte tenu de la nécessité de créer chez les jeunes en général, les jeunes diplômés, les stagiaires et les apprentis une culture de prévention, d’adopter des mesures leur permettant de recevoir des informations ainsi que des formations à la fois appropriées et pratiques.

1.6.

De même, le CESE comprend le rôle de l’investissement dans la prévention et estime avec la Commission que ce dernier ne peut être laissé aux seules entreprises, mais que les États membres doivent également en prendre leur part. Il appelle les entreprises et les États membres à investir davantage et à garantir la participation des travailleurs.

1.7.

Le CESE souligne les difficultés rencontrées dans l’Union européenne en ce qui concerne l’existence de données et invite la Commission à se doter de toute urgence de statistiques et d’indicateurs qui tiennent en particulier compte du sexe et du cycle de vie des travailleurs. La liste des maladies professionnelles, y compris les accidents survenus pendant les heures de travail, et les règles de report et d’analyse statistique de ces données devront être réglementées et publiées au sein de l’Union européenne. Il estime qu’il y a lieu de renforcer et de diffuser largement les travaux des agences spécialisées et souhaite que la diffusion de l’information et des bonnes pratiques contribue à renforcer une culture de la prévention. Il estime de même nécessaire d’approfondir l’étude des nouveaux risques et de préparer des mesures (de nature législative ou autre) adaptées aux résultats des recherches entreprises.

1.8.

Le CESE considère que la participation des travailleurs et de tous les partenaires sociaux à tous les niveaux et sur le lieu de travail est fondamentale pour la mise en œuvre efficace de cette stratégie. Il invite la Commission à intensifier les discussions et les consultations auprès des partenaires sociaux et à développer des actions concertées. Les États membres devraient promouvoir le dialogue social et les conventions collectives.

1.9.

Le CESE critique le fait que la Commission ne définisse aucun objectif quantifié au niveau européen pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, et recommande aux États membres d’intégrer cette quantification dans le cadre de leurs stratégies nationales.

2.   Importance de la santé et de la sécurité au travail

2.1.

L’importance stratégique de la santé et de la sécurité au travail en Europe est inscrite dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui aborde spécifiquement cette question dans ses articles 151 et 153, notamment avec l’objectif d’une harmonisation dans le progrès des conditions de travail.

2.2.

En dépit d’une enquête récente d’Eurobaromètre qui montre qu’une grande majorité des personnes interrogées (85 %) est satisfaite de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail et que 77 % affirment qu’il existe des informations et/ou des formations dans ce domaine sur le lieu de travail, des améliorations demeurent possibles en matière de sécurité et de santé au travail dans l’Union européenne; en effet, la réalité actuelle est très préoccupante: chaque année, dans l’Union européenne, plus de 4  000 travailleurs meurent d’accidents du travail et plus de 3 millions sont victimes d’un accident du travail grave donnant lieu à une absence de plus de 3 jours. Environ un travailleur sur quatre estime que sa santé et sa sécurité sont en péril du fait de son travail ou que le travail a une incidence essentiellement négative sur sa santé. En Allemagne, 460 millions de jours d’arrêt-maladie ont donné lieu à une perte de productivité estimée à 3,1 % du PIB et au Royaume Uni, pour l’exercice 2010-2011, le coût pour l’État a été estimé à 2  381 millions de livres sterling.

2.3.

L’Organisation internationale du travail (OIT) fait état d’environ 1 60  000 cas de décès par suite de maladies liées au travail en 2008 dans l’Union européenne, le cancer constituant la première cause de décès (près de 96  000 cas). On estime qu’en Europe, toutes les trois minutes et demie, une personne décède à la suite d’un accident de travail ou à une maladie professionnelle. Néanmoins, l’Europe demeure à l’avant-garde en matière de santé et de sécurité au travail.

2.4.

Les coûts tels que la sécurité et la santé au travail doivent être compris comme un investissement et non uniquement comme une dépense. Par ailleurs, la Commission elle-même mentionne dans sa communication que, selon des estimations récentes, les investissements dans ce domaine peuvent générer des ratios de rentabilité élevés, équivalant en moyenne à 2,2 et allant de 1,29 à 2,89. D’autre part, il y a lieu de souligner que l’absence de bonnes conditions de travail engendre des coûts pour les entreprises et le fait que dans certains pays, les primes d’assurances sont relativement plus faibles pour les entreprises où il n’y a pas d’accidents du travail.

2.5.

Malgré un succès relatif de la stratégie européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2007-2012 (1), que ce soit sur le plan de la clarification des règles européennes ou d’un plus grand engagement des États membres, le fait est que l’objectif visant à réduire l’incidence des maladies professionnelles n’a pas été atteint et que l’on trouve encore des lacunes considérables à l’échelon des microentreprises et des PME qui ont rencontré de grandes difficultés dans la mise en œuvre des exigences réglementaires en raison de l’insuffisance de leurs ressources financières et de leurs capacités techniques et humaines. Aux aspects négatifs, l’on peut ajouter le peu de prévention en matière de maladies professionnelles et de maladies liées au travail, l’insuffisance de données statistiques et de suivi, le manque d’interaction entre la santé et la sécurité au travail et l’environnement et les produits chimiques ainsi que la faible participation des partenaires sociaux. L’on dispose de données encore plus limitées sur la santé et la sécurité des travailleurs dans les secteurs où l’on pratique le travail non déclaré et le travail atypique (particulièrement dans certaines exploitations agricoles et dans les domaines de l’industrie et des services), le travail à distance, le travail indépendant et les services domestiques.

2.6.

Il convient de noter que la diminution du nombre d’accidents du travail constatée ces dernières années en Europe pourrait être imputable en partie aux pertes d’emplois dans les secteurs les plus exposés à des risques élevés, étant donné que l’on a observé de manière générale dans les États membres des réductions sensibles dans les domaines de la santé et de la sécurité au travail, notamment en ce qui concerne les activités liées à la législation, à l’inspection et à la prévention.

2.7.

Le CESE convient de la nécessité de recenser les principaux défis auxquels est confrontée l’Union européenne et plaide avec la Commission en faveur de politiques et de mesures fermes pour y faire face: l’amélioration du niveau de mise en œuvre par les États membres de mesures efficaces et efficientes visant à prévenir les risques en renforçant les capacités des microentreprises et des PME; le renforcement de la prévention des maladies liées au travail en réduisant les risques existants, nouveaux et émergents; et enfin, la mise en place d’une réponse cohérente et efficace aux changements démographiques.

2.8.

Si les efforts concertés des États membres se traduisent par une diminution du nombre des maladies professionnelles et des accidents du travail, ils protègent également l’investissement en ressources humaines en réduisant les besoins en soins de santé et en freinant l’augmentation des coûts sociaux, et promeuvent ce faisant une société européenne de bien-être.

3.   Contexte de la stratégie européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2014-2020

3.1.

Des conditions de santé et de sécurité au travail décentes et conformes à la stratégie Europe 2020 peuvent contribuer de manière significative à une croissance intelligente, durable et inclusive. Le cadre stratégique et les règlements de l’Union européenne constituent, aux côtés des stratégies et des règles nationales, une garantie pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs. Le CESE regrette le retard avec lequel cette communication est publiée et déplore le fait que les propositions contenues dans l’avis adopté à l’unanimité par le conseil consultatif pour la santé et la sécurité, qui représente de manière tripartite les intérêts divers de l’Union européenne, n’aient pas été prises en compte.

3.2.

Le CESE note que dans sa communication, la Commission ne prévoit pas de débloquer la législation, en particulier celle qui concerne les problèmes musculo-squelettiques et la révision de la directive existante sur la protection des travailleurs contre les agents cancérogènes. Le CESE constate également l’absence de références à la création d’un cadre juridique relatif à l’anticipation des évolutions, point sur lequel le Parlement européen a déjà insisté. Le CESE invite la Commission à apporter de toute urgence une réponse à ces questions.

3.3.

Le CESE, qui en temps utile s’était félicité de l’objectif européen de réduire le nombre d’accidents du travail de 25 % (2), ne peut que regretter l’absence de quantification de cet objectif pour la période 2014-2020. Le CESE avait également critiqué l’absence d’un objectif comparable pour la réduction des maladies professionnelles, absence remarquée également dans la communication à l’examen et qui mérite dès lors d’être pareillement condamnée. Il considère comme fondamental le développement d’instruments statistiques européens permettant de mesurer les accidents du travail, les maladies professionnelles et l’exposition aux différents risques professionnels.

3.4.

Les partenaires sociaux et la société en général reconnaissent largement la nécessité d’améliorer la mise en œuvre des normes et des réglementations européennes et nationales. Le CESE quant à lui, estime qu’il est impérieux de renforcer les capacités des micro et petites entreprises pour que des mesures efficientes et efficaces de prévention des risques puissent être mises en œuvre dans le cadre de l’application de la législation. Ce sont des actions prioritaires qui doivent être soutenues par des politiques publiques fondées sur des incitations accrues, des aides et des conseils techniques personnalisés.

3.5.

Les innovations technologiques et les nouveaux modes d’organisation du travail, notamment les nouveaux régimes d’emploi atypique, créent des situations nouvelles allant de pair avec de nouveaux défis et des risques nouveaux qui n’ont pas encore été dûment identifiés. La connaissance de ces risques et leur prévention, de même que la définition des maladies professionnelles actuelles et nouvelles sont des tâches urgentes. Il est fondamental et urgent de trouver des solutions en actualisant la législation existante ou en élaborant une nouvelle législation adaptée aux risques recensés.

3.6.

Les progrès réalisés en matière d’espérance de vie modifient la structure démographique de la population européenne et ne signifient pas automatiquement une progression de l’espérance de vie en bonne santé. Les conditions de travail jouent un rôle important dans les problèmes de santé, lesquels tendent à augmenter avec l’âge, ce qui est dû notamment à l’effet cumulatif de certains risques professionnels. Une meilleure prévention depuis le début de la vie professionnelle et tout au long du cycle de vie du travailleur contribue à vaincre les défis posés par l’évolution démographique. D’autre part, il est important de financer la recherche au niveau national comme européen, afin de recenser les questions fondamentales dans ce domaine.

3.7.

Le CESE constate que l’insécurité des travailleurs et les formes d’emploi atypique ont empiré dans l’Union européenne et que la crise économique a conduit certains États membres et certaines entreprises socialement irresponsables à réduire considérablement les activités liées à la santé et à la sécurité au travail. Cette situation est inacceptable.

3.8.

D’autre part, il convient de souligner que certaines entreprises, agissant de manière volontaire et allant au-delà de leurs obligations légales, ont mis en œuvre des mesures et des actions afin de promouvoir la santé, la sécurité et le bien-être de leurs travailleurs. L’attitude de responsabilité sociale de ces entreprises mérite d’être reconnue et soutenue par la Commission et par les États membres, au sens où elle contribue à généraliser dans la vie des entreprises, partout en Europe, une culture de responsabilité sociale et environnementale.

3.9.

L’Union européenne a été confrontée de manière persistante à une stagnation économique et des taux de chômage élevés. Le chômage constitue un aspect particulier de la santé au travail étant donné que, dans certains cas, il est associé à des maladies mentales. De même, les travailleurs actifs sur le marché du travail non déclaré sont davantage exposés à des risques élevés et à des accidents du travail. Le CESE est convaincu qu’outre la réalisation d’investissements structurants, l’amélioration des conditions de vie, notamment en termes de santé et de sécurité au travail, constitue un apport très important à la croissance économique et durable, à la promotion d’emplois de qualité et à la cohésion sociale.

4.   Observations générales

4.1.

L’élaboration du cadre global de santé et de sécurité au travail et son application effective dans toute l’Union européenne sont fondamentales pour une croissance économique durable. La majorité des participants à la consultation publique lancée par l’Union européenne (3) ont confirmé la nécessité de poursuivre les efforts de coordination au niveau de l’Union européenne (93 % des répondants) et soutenu l’objectif de maintien d’un niveau élevé de conformité avec les principes de santé et de sécurité au travail, quelle que soit la taille de l’entreprise.

4.2.

Bien qu’une certaine amélioration ait été constatée ces dernières années dans plusieurs États membres, principalement en ce qui concerne le nombre d’accidents du travail, amélioration qui peut également être due en partie au recul de l’emploi, la culture de la prévention ne s’est pas généralisée dans l’Union européenne, les PME étant confrontées à des difficultés au niveau des ressources et des capacités qui ne peuvent être surmontées qu’au moyen d’actions menées par des entités publiques dans les domaines de l’information, de la formation, du soutien technique et des services de conseil. Ces actions des pouvoirs publics devront s’adapter aux besoins des différents secteurs d’activité et être conçues de manière spécifique à chacun d’entre eux.

4.3.

La participation des représentants des travailleurs au niveau de l’entreprise et du lieu de travail, lorsqu’il s’agit de traiter la question des risques professionnels, est une caractéristique essentielle du dialogue social. Les soutiens financiers aux entreprises ne doivent être accordés que lorsque les normes en matière de santé et de sécurité au travail sont respectées. L’expérience de divers pays européens montre l’importance des accords paritaires qui permettent de créer des formes de représentation régionales ou sectorielles et qui stimulent le dialogue social et la prévention.

4.4.

Il existe des lacunes dans la coordination entre les différents services publics qui interviennent en matière de santé et de sécurité. L’on constate une certaine inefficacité et/ou une certaine sous-utilisation des mécanismes de participation des partenaires sociaux, à tous les niveaux de négociation et de conclusion d’accords sectoriels spécifiques, autant d’aspects qu’il y a lieu d’améliorer. Une coopération plus systématique entre les services de santé publique et les services de prévention sur les lieux de travail contribue à améliorer la prévention et facilite la détection des maladies professionnelles. Il y a lieu de créer dans les États membres des points de contact uniques qui facilitent le lien entre l’administration publique et les PME.

4.5.

Dans le contexte des difficultés budgétaires, les États membres, de manière générale, ont octroyé moins de ressources financières et humaines aux institutions et entités associées à la santé et à la sécurité au travail, notamment en ce qui concerne l’inspection du travail qui a connu une diminution sensible de ses activités de contrôle, de soutien et de conseil aux entreprises. Le CESE réclame le renversement de cette situation tout à fait inacceptable, d’autant plus que l’émergence de nouveaux risques importants s’est amplifiée et que la dégradation des conditions de vie et de sécurité des travailleurs (augmentation des risques psychosociaux due en partie au chômage et à l’insécurité sur le lieu de travail) s’est aggravée.

4.6.

Les États membres devraient encourager et promouvoir la négociation et les conventions collectives, garantissant ainsi un rôle important et effectif aux partenaires sociaux dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de santé et de sécurité ainsi que dans la promotion d’un environnement sûr et sain sur le lieu de travail.

4.7.

Le CESE déplore les faibles progrès enregistrés au niveau des statistiques européennes relatives à la santé et la sécurité, et insiste sur l’importance et l’urgence d’établir des définitions et des systèmes de reconnaissance uniformes et de rapport au niveau de l’Union.

4.8.

Le CESE rejoint la Commission sur le principe selon lequel le fait d’associer les partenaires sociaux à tous les niveaux garantit l’efficience et l’efficacité dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et des stratégies en matière de santé et de sécurité au travail. À cet égard, les structures européennes de dialogue social et le comité consultatif tripartite pour la santé et la sécurité au travail devront jouer un rôle clé. Ses propositions, souvent adoptées à l’unanimité, devront être davantage valorisées par la Commission lors de la définition de ses priorités.

4.9.

S’agissant des accords-cadres conclus dans le cadre du dialogue social, le CESE invite la Commission à examiner sans délai leur représentativité et leur conformité au droit communautaire et à s’engager par conséquent à prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect de ces accords.

4.10.

Le CESE recommande aux États membres d’utiliser le Fonds social européen et les Fonds structurels et d’investissement européens (FSIE) pour financer les actions en faveur de la santé et de la sécurité au travail.

4.11.

Le CESE convient avec la Commission de la nécessité d’explorer plus attentivement les synergies entre la politique de santé et de sécurité au travail et les autres domaines d’intervention publique. Le CESE est fermement convaincu que les progrès accomplis dans ce domaine sont encore très limités dans l’ensemble des États membres.

5.   Observations particulières

5.1.   Stratégies nationales, application de la législation et contrôle

5.1.1.

Le CESE souscrit à la ligne directrice donnée par la Commission relative à la nécessité pour les États membres de procéder, en concertation avec les partenaires sociaux, à la révision des stratégies nationales à la lumière du nouveau cadre stratégique de l’Union européenne. Il recommande néanmoins d’effectuer une évaluation détaillée de l’impact de la stratégie nationale précédente. L’adhésion des partenaires sociaux à la stratégie 2014-2020 doit être essentielle pour tous les États membres. Il sera nécessaire de trouver des indices et des critères homogènes qui indiquent, de manière systématique, le niveau de cette adhésion et permettent un suivi et une évaluation systématiques.

5.1.2.

Le CESE convient avec la Commission qu’il est nécessaire que les États membres, en coopération avec l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA), créent une base de données sur la santé et la sécurité au travail et organisent régulièrement (au moins deux fois par an) des réunions, dans le cadre de l’EU-OSHA, du comité consultatif pour la santé et la sécurité au travail (CCSS) et du comité des hauts responsables de l’inspection du travail (CHRIT).

5.1.3.

L’apport d’un soutien financier et technique aux PME pour la mise en œuvre de l’évaluation des risques en ligne (EREL) ou d’autres instruments basés sur les technologies informatiques dans les États membres doit être considéré comme essentiel et se concentrer sur des secteurs prioritaires. Il conviendra de renforcer les ressources financières et humaines de l’EU-OSHA de sorte qu’elle puisse jouer un rôle déterminant. Le CESE regrette que les États membres n’aient que très peu fait usage du FSE pour financer les activités d’éducation et de formation.

5.1.4.

Le recensement des bonnes pratiques et des lignes directrices spécifiques, s’agissant notamment des PME, doit tenir compte des conditions particulières des secteurs et de la nature des activités économiques; de même, il est nécessaire que l’EU-OSHA renforce son intervention dans ces domaines et promeuve une culture de prévention.

5.1.5.

Il y aura lieu d’améliorer les opérations d’inspection du travail au sein des entreprises dans les différents États membres, notamment dans les domaines de l’information, de la consultation, des risques émergents, de la facilitation de l’application de la législation et lorsqu’il s’agit de recenser et de décourager le travail non déclaré. À cette fin, il est essentiel que l’inspection du travail dispose de ressources renforcées et de compétences.

5.1.6.

Le CESE souscrit aux actions d’évaluation du programme d’échange/de formations des inspecteurs du travail et aux mesures visant à renforcer la coopération entre les services d’inspection du travail dans le cadre du CHRIT.

5.1.7.

Le CESE rejoint la position du CHRIT sur les questions de santé et de sécurité devant être considérées comme des priorités stratégiques de l’Union européenne, notamment les problèmes musculo-squelettiques, les maladies à longue période de latence (cancers professionnels et maladies chroniques telles que les pneumopathies d’origine professionnelle), la bonne mise en œuvre de la réglementation REACH et les risques psychosociaux liés au travail (4). S’agissant des PME, il y a lieu d’améliorer leurs compétences en matière de santé et de sécurité, de les encourager à mieux se conformer aux exigences, de fournir des informations et des lignes directrices accessibles et actualisées et de faire en sorte que les grandes entreprises assument leurs responsabilités en ce qui concerne l’amélioration des performances des PME avec lesquelles elles interagissent.

5.2.   Simplification de la législation

5.2.1.

Le CESE estime qu’une éventuelle simplification de la législation en vigueur ne saurait en aucun cas remettre en cause les niveaux actuels ni l’amélioration constante des conditions de santé et de sécurité au travail des travailleurs européens. La consultation publique organisée par l’Union européenne fait apparaître des divergences entre les partenaires sociaux quant à la simplification de la législation existante consistant à introduire un nouvel instrument politique européen: 73,4 % des organisations de travailleurs, mais à peine 4,3 % des organisations d’employeurs se sont déclarées opposées à cette simplification (5). Sur l’ensemble des répondants (523 au total), 40,5 % sont en faveur de la simplification, 46,1 % y sont opposés et 13,4 % n’ont pas d’avis sur la question. Néanmoins, le CESE estime que certaines charges administratives pour les entreprises pourront être réduites, sans toutefois remettre en cause les conditions de santé et de sécurité des travailleurs.

5.2.2.

Il convient de souligner que, d’après l’Enquête européenne des entreprises sur les risques nouveaux et émergents (ESENER), les principales raisons pour lesquelles les entreprises effectuent des démarches en matière de santé et de sécurité au travail sont «le respect des obligations légales» (90 %), «la pression des travailleurs» (76 %) et «la pression de l’inspection du travail» (60 %), tous ces éléments étant soumis à une forte pression. Par ailleurs, cette enquête révèle que parmi les entreprises qui n’effectuent pas régulièrement des contrôles en matière de sécurité, à peine 37 % ont invoqué «une grande complexité des obligations légales» pour justifier le fait de ne rien faire.

5.2.3.

Le CESE recommande que le recensement de potentielles simplifications ou diminutions de contraintes administratives inutiles pour les entreprises, après analyse de la législation en vigueur, soit le résultat de vastes débats et de négociations avec la participation des partenaires sociaux, à tous les niveaux. Le CESE attire l’attention sur l’article 153 du traité, qui prévoit que la législation européenne établit des conditions minimales et autorise les États membres à maintenir ou adopter des prescriptions propres à assurer une meilleure protection des travailleurs. Cette disposition contribue au progrès et permet d’anticiper des initiatives européennes, comme le démontre l’interdiction de l’amiante, prise dans de nombreux États membres avant même qu’une décision en ce sens n’ait été adoptée par la Commission.

5.3.   Risques nouveaux et émergents

5.3.1.

Il est absolument nécessaire d’approfondir les connaissances scientifiques en ce qui concerne les nouveaux risques afin de prévenir les maladies liées au travail et les maladies professionnelles en concentrant les efforts au niveau de l’Union européenne. Une plus grande interaction/coordination entre les différentes institutions européennes et nationales est essentielle pour trouver les façons adéquates d’établir des stratégies et des mesures législatives afin de faire face aux nouveaux risques et aux risques émergents. Au regard des institutions existantes, le CESE ne voit pas la nécessité de créer un nouvel organisme scientifique consultatif indépendant.

5.3.2.

Le CESE a évoqué de manière systématique la nécessité de garantir de meilleures conditions de santé et de sécurité pour des catégories spécifiques de travailleurs (les jeunes, les femmes, les travailleurs âgés, les migrants, les travailleurs sous contrats de travail atypiques et les travailleurs porteurs de handicaps) et de faire face aux nouveaux problèmes résultant de mutations dans l’organisation du travail (en particulier le stress et les maladies mentales au travail), problématiques qui sont largement reconnues par les États membres, les partenaires sociaux et la société. Le CESE estime que ces problèmes doivent être traités car ils ne cessent d’augmenter et ont des coûts économiques et sociaux. Il souligne que la perspective de genre permet d’articuler les politiques de santé au travail avec les progrès dans le domaine de l’égalité.

5.4.   Données statistiques

5.4.1.

Les insuffisances criantes de données statistiques fiables et comparables au niveau européen, fournies en temps opportun, sont l’un des problèmes principaux en matière de santé et de sécurité au travail. Il convient de trouver une solution à cette situation regrettable qui s’éternise de manière incompréhensible au fil des ans. Le CESE soutient les actions de la Commission visant à surmonter ces difficultés, lesquelles méritent que la Commission et les États membres les considèrent comme une priorité importante et qu’ils élaborent, puisqu’ils le peuvent, s’ils en conviennent ainsi, des statistiques plus détaillées et adaptées aux contextes nationaux. Une collaboration avec l’OMS dans le cadre de l’élargissement de l’ensemble des données relatives aux classifications internationales des maladies ICD-10 rendra possible l’utilisation des bases de données sur les soins de santé, ce qui permettra d’accroître la rapidité et l’efficacité de la collecte de données.

5.4.2.

Le CESE regrette l’interruption de traitement des statistiques européennes relatives aux maladies professionnelles et réclame la reprise des enquêtes statistiques portant sur les expositions professionnelles aux agents cancérogènes, à l’instar du projet CAREX dans les années 1990. Le CESE considère comme positifs les efforts récents de la Commission en vue de la création d’une base de données et de l’élaboration d’un modèle permettant d’évaluer l’exposition professionnelle à une liste de produits chimiques dangereux dans les États membres de l’Union européenne et dans les pays de l’AELE/EEE (projet HAZCHEM).

5.5.   Collaboration avec les institutions internationales

5.5.1.

Le CESE estime que le renforcement de la collaboration avec des organisations internationales, en particulier l’OIT, l’OMS et l’OCDE, doit être prioritaire afin de réduire le nombre d’accidents et de maladies professionnelles dans le monde entier.

5.5.2.

Il convient d’accorder une attention particulière aux lacunes en matière de santé et de sécurité au travail dans les chaînes d’approvisionnement mondial, et de contribuer ainsi à l’existence de lieux de travail plus sûrs non seulement en Europe mais sur tous les continents. Il y a lieu d’envisager l’inclusion de cette question dans les accords conclus par l’Union européenne, afin de garantir la mise en œuvre des conventions et des recommandations de l’OIT par ses partenaires. Le CESE rappelle ses avis antérieurs sur l’amiante et demande à la Commission d’adopter une position concrète afin d’obtenir l’interdiction de l’amiante à l’échelle mondiale.

5.5.3.

Le CESE recommande aux États membres d’appliquer les normes et les conventions internationales et à la Commission d’élaborer des rapports systématiques sur leur mise en œuvre effective par les États membres.

Bruxelles, le 11 décembre 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Entre 2007 et 2011, l’Union européenne a enregistré une réduction de 27,9 % du taux d’incidence des accidents de travail engendrant un arrêt de travail de plus de trois jours.

(2)  Voir JO C 224 du 30.8.2008, p. 88.

(3)  «Consultation publique sur le nouveau cadre politique de l’Union européenne en matière de sécurité et santé au travail», Emploi, affaires sociales et inclusion, juin 2014.

(4)  «Priorités stratégiques de l'UE», 2013-2020, doc. 2091_FR, février 2012.

(5)  Consultation publique sur le nouveau cadre politique de l’Union européenne en matière de sécurité et santé au travail, juin 2014.


ANNEXE

à l’avis du Comité économique et social européen

Les amendements ci-dessous ont été repoussés au cours des débats mais ont recueilli au moins un quart des voix exprimées:

Paragraphe 1.8

Modifier comme suit:

 

«Le CESE considère que la participation des travailleurs et de tous les partenaires sociaux à tous les niveaux et sur le lieu de travail est fondamentale pour la mise en œuvre efficace de cette stratégie. Il invite la Commission à intensifier les discussions et les consultations auprès des partenaires sociaux et à développer des actions concertées. Les États membres devraient promouvoir encourager le dialogue social sur des questions de santé et de sécurité entre les employeurs et les représentants des travailleurs et la négociation collective

Résultat du vote

Voix pour

:

66

Voix contre

:

143

Abstentions

:

17

Paragraphe 3.2

Modifier comme suit:

 

«Le CESE note que, dans sa communication, la Commission ne prévoit pas de débloquer la législation, en particulier celle qui concerne les problèmes musculo-squelettiques et la révision de la directive existante sur la protection des travailleurs contre les agents cancérogènes. Le CESE constate également l'absence de références à la création d'un cadre juridique relatif à l'anticipation des évolutions, point sur lequel le Parlement européen a déjà insisté. Le CESE invite la Commission à apporter de toute urgence une réponse à ces questions»

Résultat du vote

Voix pour

:

60

Voix contre

:

141

Abstentions

:

13

Paragraphe 3.5

Modifier comme suit:

 

«Les innovations technologiques et les nouveaux modes d’organisation du travail, notamment les nouveaux régimes d’emploi atypique, créent des situations nouvelles allant de pair avec de nouveaux défis et peuvent parfois engendrer des risques nouveaux qui n’ont pas encore été dûment identifiés. La connaissance de ces risques et leur prévention, de même que la définition des maladies professionnelles actuelles et nouvelles sont des tâches urgentes. Il est fondamental et urgent de trouver des solutions pour actualiser en actualisant la législation existante ou élaborer une nouvelle législation adaptée aux risques recensés.»

Résultat du vote

Voix pour

:

77

Voix contre

:

140

Abstentions

:

10

Paragraphe 3.9

Modifier comme suit:

 

«L’Union européenne a été confrontée de manière persistante à une stagnation économique et des taux de chômage élevés. Le chômage constitue un aspect particulier de la santé au travail étant donné que, dans certains cas, il est associé à des maladies mentales. De même, les travailleurs actifs sur le marché du travail non déclaré peuvent dans certains cas être sont davantage exposés à des risques élevés et à des accidents du travail. Le CESE est convaincu qu’outre la réalisation d’investissements structurants, l’amélioration des conditions de vie, notamment en termes de santé et de sécurité au travail, constitue un apport très important à la croissance économique et durable, à la promotion d’emplois de qualité et à la cohésion sociale.»

Résultat du vote

Voix pour

:

62

Voix contre

:

145

Abstentions

:

10

Paragraphe 4.6

Modifier comme suit:

 

«Les États membres devraient encourager et promouvoir le dialogue social entre les employeurs et les représentants des travailleurs la négociation et les conventions collectives, garantissant ainsi un rôle important et effectif aux partenaires sociaux dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de santé et de sécurité ainsi que dans la promotion d’un environnement sûr et sain sur le lieu de travail.»

Résultat du vote

Voix pour

:

66

Voix contre

:

141

Abstentions

:

17