16.12.2014   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 451/87


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires et la directive 2013/34/UE en ce qui concerne certains éléments de la déclaration sur la gouvernance d'entreprise

[COM(2014) 213 final — 2014/0121 (COD)]

(2014/C 451/14)

Rapporteur:

M. SMYTH

Le 16 avril et le 6 mai 2014, le Parlement européen et le Conseil ont décidé respectivement, conformément aux articles 50 et 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires, et la directive 2013/34/UE en ce qui concerne certains éléments de la déclaration sur le gouvernement d’entreprise»

COM(2014) 213 final — 2014/0121 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 188 voix pour et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Les propositions de la Commission visant à modifier la directive sur les droits des actionnaires doivent être vues comme une étape d'un long voyage devant mener à une gouvernance d'entreprise et à un environnement pour l'investissement plus stables et plus durables en Europe. Au cœur de ces propositions figure l'idée selon laquelle si l'on parvient à encourager les actionnaires à adopter une perspective à plus long terme, l'on créera un meilleur environnement opérationnel pour les sociétés cotées.

1.2

Le CESE soutient les dispositions de la directive sur les droits des actionnaires, notamment celles visant à renforcer le lien entre la rémunération des administrateurs et la performance à long terme des entreprises.

1.3

Le CESE note que, dans son évaluation d'impact, la Commission fait valoir que ses propositions ne devraient entraîner qu'une augmentation marginale des contraintes administratives des sociétés cotées. Il sera important de faire le point sur cet équilibre lors de l'évaluation de la directive.

1.4

Le CESE accepte l'argument selon lequel une transparence accrue concernant l'impact des politiques d'investissement aidera les investisseurs à prendre leurs décisions en meilleure connaissance de cause et devrait améliorer la qualité de leur engagement envers les entreprises dans lesquelles ils investissent. Cette initiative devrait conduire à une amélioration de la performance à long terme des sociétés cotées.

1.5

Depuis le début de la crise financière, les décideurs se sont fixé un défi consistant à procéder à un changement de culture dans le secteur des entreprises et de la finance en Europe et de passer d'une performance à court terme à une perspective d'investissement à long terme plus durable. Pour autant qu'une telle évolution puisse être obtenue par le biais de la réglementation, la Commission fait un pas dans la bonne direction.

2.   Contexte de la proposition de directive

2.1

Il y a lieu de replacer la proposition de directive de la Commission à l'examen dans le contexte d'autres initiatives visant à améliorer le financement à long terme de l'économie européenne. On trouve au cœur de cette proposition la conviction qu'encourager les actionnaires à adopter une perspective à plus long terme contribuera à garantir un meilleur environnement opérationnel pour les sociétés cotées. Ces propositions découlent des résultats d'un vaste processus de consultation des parties intéressées portant sur la gouvernance d'entreprise. En 2010, la Commission a publié un livre vert sur le thème «Le gouvernement d'entreprise dans les établissements financiers et les politiques de rémunération» (1). Un autre livre vert a été publié en 2011 sur «Le cadre de la gouvernance d’entreprise dans l’UE» (2). Ces consultations ont débouché sur la publication en 2012 du «Plan d'action: droit européen des sociétés et gouvernance d'entreprise — un cadre juridique moderne pour une plus grande implication des actionnaires et une meilleure viabilité des entreprises» (3).

2.2

La directive repose sur une analyse d'impact portant sur les lacunes dans la relation entre les principaux protagonistes de la gouvernance d'entreprise, aussi appelée relation «principal-agent». Ce terme fait référence à la relation entre des agents (administrateurs) et des principaux (actionnaires, comme des investisseurs institutionnels, des gestionnaires d'actifs et des conseillers en vote ou «proxy advisors»). Cinq de ces lacunes sont mises en évidence: (i) l'engagement insuffisant des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d'actifs; (ii) l'inadéquation entre la rémunération et les performances des administrateurs; (iii) l'absence de droit de regard des actionnaires sur les transactions avec des parties liées; (iv) la transparence insuffisante des conseillers en vote; et (v) l'exercice difficile et coûteux, par les investisseurs, des droits découlant des valeurs mobilières.

2.3

Pour chacune de ces lacunes, la Commission étudie les options stratégiques pertinentes et définit cinq trains de mesures en faveur des objectifs suivants:

1)

la transparence obligatoire du vote et de l'engagement des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d'actifs, ainsi que de certains aspects des contrats de gestion d'actifs;

2)

la divulgation de la politique de rémunération et des rémunérations individuelles, en combinaison avec un vote des actionnaires;

3)

une transparence accrue et un avis indépendant sur les transactions plus importantes avec des parties liées, ainsi que la soumission des transactions les plus importantes à l'approbation des actionnaires;

4)

l'obligation, pour les conseillers en vote, de fournir des informations sur leurs méthodes et de divulguer leurs conflits d'intérêts;

5)

l'établissement d'un cadre permettant aux sociétés cotées d'identifier leurs actionnaires et l'obligation pour les intermédiaires de transmettre rapidement les informations liées aux actionnaires et de faciliter l'exercice de leurs droits.

3.   Les mesures prévues par la directive

3.1

S'agissant de la transparence requise des actionnaires, la Commission demande aux investisseurs institutionnels de rendre publique la manière dont leur stratégie d'investissement en actions est alignée sur leurs engagements et dont elle contribue aux performances de leurs actifs à long terme. De plus, les investisseurs institutionnels qui ont recours aux services de gestionnaires d'actifs seront tenus de divulguer les principaux éléments de l'accord passé, notamment l'alignement de la stratégie du gestionnaire d'actifs sur le profil de l'investisseur institutionnel, les stratégies d'investissement, l'horizon temporel de la stratégie, la manière dont sont évaluées les performances du gestionnaire d'actifs ou encore le taux de rotation du portefeuille cible. De même, le gestionnaire d'actifs aura l'obligation de tenir l'investisseur institutionnel informé, sur une base semestrielle, de la manière dont la stratégie d'investissement est déployée conformément à l'approche convenue.

3.2

Concernant le lien insuffisant entre la rémunération et les performances des administrateurs, la Commission est préoccupée par le fait que l'absence de contrôle efficace de la rémunération des administrateurs est susceptible de nuire aux performances à long terme de l'entreprise. Les conseils d'administration ou de surveillance élaborent la politique en matière de rémunération. Les sociétés cotées seront tenues de publier des informations détaillées sur la politique de rémunération et la rémunération individuelle des administrateurs. Les actionnaires auront le droit d'approuver la politique de rémunération ainsi que la mise en œuvre de celle-ci au cours de l'année précédente. La proposition de directive laisse à l'entreprise et à ses actionnaires le soin de déterminer le niveau et les conditions de rémunération.

3.3

Le problème du contrôle des transactions avec des parties liées découle essentiellement du fait que les actionnaires n'ont d'ordinaire pas accès à suffisamment d'informations concernant les transactions prévues et ne disposent pas d'outils adéquats pour s'opposer aux transactions (abusives). Les sociétés cotées devront dès lors soumettre à l'approbation des actionnaires les transactions avec des parties liées représentant plus de 5 % des actifs de l'entreprise. Elles seront également tenues d'annoncer publiquement ce type de transactions si elles représentent plus de 1 % de leurs actifs, et de les faire auditer par un tiers indépendant. Des exemptions sont prévues pour les transactions conclues entre l'entreprise et des membres de son groupe détenus à 100 % par l'entreprise.

3.4

Les conseillers en vote font des recommandations aux investisseurs quant à la manière de voter lors des assemblées générales des sociétés cotées. Le recours à ces conseillers a connu une croissance essentiellement due à la complexité des questions liées aux participations des investisseurs dans les entreprises, surtout lorsque celles-ci revêtent une dimension transfrontalière. Les conseillers en vote formulent des recommandations à l'attention des investisseurs au portefeuille très mondialisé et diversifié, et influencent considérablement leurs décisions de vote et, partant, la gouvernance d'entreprise. L'analyse d'impact réalisée par la Commission a mis en évidence des éléments probants tendant à mettre en doute la qualité et la fiabilité des conseils prodigués par les conseillers en vote, et de leur traitement des questions liées aux conflits d'intérêts. L'activité de ces conseillers n'est régie par aucune réglementation européenne. Certains États membres disposent toutefois de codes de conduite non contraignants. La directive à l'examen exige des conseillers en vote qu'ils mettent en œuvre des mesures qui garantissent que leurs recommandations de vote sont précises et fiables, qu'elles sont basées sur une analyse approfondie de toutes les informations à leur disposition et qu'elles ne sont pas affectées par un conflit d'intérêts existant ou potentiel. Le CESE croit comprendre que les conseillers en vote recherchent actuellement l'approbation de l'AEMF pour un code de conduite volontaire; il y a lieu de s'en féliciter.

3.5

Les investisseurs, et plus particulièrement ceux dont les participations ont une nature transfrontalière, rencontrent des difficultés dans l'exercice des droits découlant des actions qu'ils détiennent. Ces difficultés sont principalement liées à la capacité des entreprises d'identifier correctement les investisseurs, au fait qu'elles ne transmettent pas en temps voulu les informations aux actionnaires, et à la discrimination tarifaire dans les cas de participations transfrontalières. Les États membres devront faire en sorte que les intermédiaires offrent aux entreprises cotées la possibilité d'identifier leurs actionnaires. Il est également demandé aux sociétés cotées qui choisissent de ne pas communiquer directement avec les actionnaires de fournir à l'intermédiaire les informations relatives à l'exercice des droits découlant des actions de manière harmonisée et en temps opportun. L'intermédiaire devra pour sa part faciliter l'exercice des droits de l'actionnaire, notamment le droit de voter, qu'il soit exercé par l'actionnaire en personne ou en son nom, et informer en conséquence les actionnaires.

4.   Observations concernant la directive

4.1

La Commission fait valoir que les mesures présentées dans la proposition de directive ne devraient entraîner qu'une augmentation marginale des contraintes administratives des sociétés cotées. Dans la mesure où elles prévoient une exigence pour les entreprises de fournir aux actionnaires une information opportune et pertinente, elles constituent une bonne pratique et devraient dès lors être appréhendées sous cet angle. S'agissant des petites entreprises, le CESE est préoccupé par la possibilité d'un surcroît de charges administratives. Bien que la Commission s'engage à procéder à une évaluation de la directive après cinq ans de fonctionnement, le CESE estime que, dans la mesure où il est probable que les propositions n'entreront pas en vigueur avant au moins 18 mois, cette évaluation pourrait être effectuée plus tôt.

4.2

S'agissant de la question de la politique de rémunération et du lien entre la rémunération et les performances des administrateurs, le CESE est favorable aux propositions de la Commission visant à conférer aux actionnaires un droit de regard accru sur cette rémunération (4) Alors que le niveau de la rémunération demeurera du ressort du conseil d'administration, l'exigence d'un vote des actionnaires devrait accroître le niveau d'engagement entre le conseil d'administration et ses actionnaires.

4.3

L'argument selon lequel une transparence accrue concernant l'impact des politiques d'investissement aidera les investisseurs à prendre leurs décisions en meilleure connaissance de cause et devrait améliorer la qualité de leur engagement envers les entreprises dans lesquelles ils investissent est logique. Si les mesures proposées parviennent à susciter un engagement à long terme des actionnaires, elles devraient contribuer à améliorer l'efficacité et les performances des entreprises.

4.4

Ces propositions se situent dans la ligne des dispositions de la directive (5) et du règlement (6) sur les exigences de fonds propres (CRD IV) portant sur la rémunération, et complètent les règles en vigueur qui s'appliquent aux investisseurs institutionnels et aux gestionnaires d'actifs en vertu des directives OPCVM, MiFID et AIFM. Il y a lieu d'évaluer cette directive dans le contexte de cet environnement réglementaire réformé bien plus large.

4.5

En outre, elles s'inscrivent parfaitement dans le cadre général de la gouvernance d'entreprise dans l'UE qui permet aux États membres de mettre en place un cadre qui correspond mieux à leurs propres usages et pratiques. L'accent explicitement transfrontalier de certaines propositions de la directive souligne la nécessité d'adopter une série de règles européennes en matière de transparence et d'engagement.

4.6

Tout en acceptant que pour la plupart, les révisions proposées de la directive sur les droits des actionnaires visent à promouvoir un meilleur engagement des actionnaires à long terme, le CESE estime qu'un engagement à long terme de ce type devrait associer toutes les parties prenantes, y compris les employés, et suggère à la Commission de réfléchir à la meilleure manière d'associer les employés à la construction de la valeur créée à long terme (7).

4.7

Dans ses propositions, la Commission déclare que «l'objectif général de la présente proposition de révision de la directive sur les droits des actionnaires est de contribuer à la viabilité à long terme des entreprises européennes, de créer un environnement attrayant pour les actionnaires et de renforcer le vote transfrontalier en améliorant l'efficience de la chaîne de l'investissement en actions afin de contribuer à la croissance, à la création d'emplois et à la compétitivité de l'UE», avec la réforme en cours du secteur financier. Un changement de culture radical est en cours dans le secteur des entreprises et de la finance en Europe afin de passer d'une performance à court terme à une perspective d'investissement à long terme plus durable. La tâche ne sera pas facile. Si tant est qu'une réglementation suffise à déclencher une telle mutation culturelle, la Commission fait un pas dans la bonne direction.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  COM(2010) 284 final.

(2)  COM(2011) 164 final.

(3)  COM(2012) 740 final.

(4)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 70.

(5)  JO L 176, 27.6.2013, p. 338.

(6)  JO L 176, 27.6.2013, p. 1.

(7)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 35.