16.12.2014   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 451/123


Avis du Comité économique et social européen sur la «Révision des lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’État au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux»

[C(2014) 963 final]

(2014/C 451/20)

Rapporteur:

M. KRAWCZYK

Corapporteur:

M. WENNMACHER

Le 8 mai 2014, la Commission a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème:

«Aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes».

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 183 voix pour, 3 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement le nouveau règlement de la Commission européenne relatif aux lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes. Ce règlement, attendu depuis fort longtemps tant par les aéroports que par les compagnies aériennes, définit un cadre assorti notamment d’une période transitoire, qui traite quelques-uns des problèmes importants du secteur des transports de l’UE, en proie à de profonds changements.

1.2.

Le CESE regrette qu’en raison des pressions injustifiées qu’exercent des lobbys régionaux et des élus locaux, la version finale du règlement adopté par la Commission européenne ne prévoie pas suffisamment d’instruments qui permettraient d’améliorer sensiblement la transparence du marché/secteur européen de l’aviation. Il est nécessaire de mieux coordonner le développement des infrastructures terrestres du transport aérien aux différents échelons (UE, États membres, régions). Avant de dépenser l’argent des contribuables, y compris les ressources budgétaires de l’UE, il faut bien s’y préparer, en s’appuyant sur une étude de faisabilité qui ne soit pas faussée par les intérêts politiques locaux, mais validée par une demande économique et sociale pertinente. Cette étude devrait également évaluer le caractère durable du projet en intégrant des critères d’utilisation des sols, l’incidence sur l’emploi, les conditions de travail et les répercussions sur l’environnement. Il convient également de veiller à la cohérence avec des projets stratégiques européens, tels que le ciel unique européen et SESAR.

1.3.

Le CESE est préoccupé par le nombre croissant d’«affaires de concurrence» engagées par la Commission ainsi que par l’attitude inadéquate des États membres à l’égard de l’absence de conditions de concurrence équitables dans le secteur européen de l’aviation. En raison de la période transitoire extrêmement longue prévue avant que les aéroports deviennent rentables, des changements significatifs ne sont pas suffisamment encouragés dans ce domaine.

1.4.

Le Comité déplore vivement que l’on n’ait jamais réalisé l’étude qui devait présenter la situation existante en matière d’aides publiques et de mesures similaires dans le cadre de la mise en œuvre des lignes directrices pour l’aviation et qui était préconisée par le Comité dans son précédent avis. Cet état de fait a laissé trop de place au flou politique sur ce sujet tout en limitant la quantité de données solides permettant de proposer des solutions fiables. Le CESE réitère sa demande en ce sens, qui reste à ses yeux pertinente et justifiée. L’étude devrait fournir des informations sur le montant et le type des aides accordées, leurs effets réels sur le développement et sur l’efficacité de l’économie, et leur impact sur l’emploi, du point de vue quantitatif et qualitatif.

1.5.

Le CESE estime qu’il importe de stimuler le dialogue social et d’éviter tout dumping social dans ce domaine. Il est également important qu’un dispositif soit mis en place pour s’assurer que des données actualisées soient disponibles en permanence sur l’évolution du marché du travail dans le secteur de l’aviation.

1.6.

L’un des grands problèmes découlant de la mise en œuvre des lignes directrices précédentes résidait dans leur respect insuffisant. Le CESE craint qu’en raison du grand nombre d’«exceptions» prévues dans le règlement actuel, qui s’ajoute à la durée extrêmement longue de la période transitoire, un faible niveau de respect des lignes directrices pourra se perpétuer à l’avenir, ce qui nuirait à la réalisation de l’objectif principal de ce règlement, qui est l’établissement de conditions de concurrence équitables.

1.7.

Une application rétroactive des lignes directrices pour l’aviation en matière d’aides au fonctionnement devrait permettre aux aéroports et aux compagnies aériennes qui pendant des années ont dépassé le cadre fixé par les lignes directrices de 2005 de se conformer aux nouvelles règles. De même, une application rétroactive des nouvelles lignes directrices devrait faire en sorte de ne pas pénaliser les acteurs du marché qui ont respecté les lignes directrices de la Commission de 2005 applicables à l’époque.

1.8.

Des conditions de concurrence équitables sont indispensables pour rendre à nouveau durable le transport aérien européen. L’audition publique organisée par le CESE en 2014 a démontré clairement que l’actuelle «course aux subventions» compromet la situation de l’aviation européenne et porte un grave préjudice à sa pérennité.

1.9.

Le CESE souscrit à l’approche adoptée dans les lignes directrices quant à la réglementation des aides au démarrage pour les compagnies aériennes, tout en précisant que seules la mise en œuvre et l’application des nouvelles règles permettront de déterminer en fin de compte si l’objectif de clarté et de simplicité est atteint.

1.10.

En ce qui concerne les projets de nouvelles compagnies aériennes nécessitant un financement public important, le CESE considère que des programmes de sensibilisation et des dispositifs de soutien devraient être mis en place pour les propriétaires et les gestionnaires d’aéroports régionaux qui sont mal équipés pour traiter des questions de ce type.

1.11.

L’application des règles relatives aux aides d’État sur le marché intérieur doit être suivie dans les pays tiers également. Les autorités européennes doivent rester cohérentes et adapter leur politique relative à l’accès au marché de l’UE, en particulier pour les opérateurs qui bénéficient de conditions favorables dans leurs pays d’origine qui sont susceptibles de donner lieu à une concurrence déloyale. L’important est de garantir des conditions de concurrence équitables pour tous.

1.12.

Si le secteur de l’aviation de l’UE est appelé à répondre de manière durable à la demande croissante, il doit offrir des emplois de qualité et de bonnes conditions de travail, afin de respecter également les intérêts des voyageurs et les impératifs de sécurité. Comme cela a déjà été dit, il importe de stimuler le dialogue social et d’éviter le dumping social dans le secteur. Il existe d’ores et déjà plusieurs groupes au sein du secteur européen de l’aviation visant à dialoguer avec les partenaires sociaux concernés et il convient de les consolider davantage afin d’accroître leur efficacité et d’étoffer leur composition par des représentants des aéroports. Il y a lieu également de poursuivre la sensibilisation des opérateurs et de suspendre les aides d’État en cas de non-respect des règles applicables, en particulier en cas d’infraction au droit du travail.

1.13.

C’est pour cette raison également qu’il sera extrêmement important de suivre de près la mise en œuvre des «nouvelles» lignes directrices actuelles en matière de transport aérien. La Commission européenne devrait examiner le degré de réalisation des objectifs fixés et en faire rapport au plus tard dans les 12 mois.

2.   Introduction

2.1.

L’aviation européenne a été conçue comme un marché sur lequel les tarifs aériens sont définis par la demande et où les utilisateurs paient le coût du transport aérien à travers des taxes et des redevances, le but étant de mettre en place un «système de transport compétitif et économe en ressources» (Livre blanc sur les transports, 2011). Cependant, les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes ont créé des défaillances structurelles majeures sur le marché européen du transport aérien, auxquelles il convient de remédier.

2.2.

La Commission européenne envisage depuis longtemps de réexaminer les lignes directrices de 1994 sur l’application des articles 92 et 93 du traité CE aux aides d’État dans le secteur de l’aviation, ainsi que les lignes directrices de l’UE de 2005 sur le financement des aéroports et les aides au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux (ci-après dénommées lignes directrices pour l’aviation). Pour que les aéroports puissent obtenir un soutien là où il est vraiment nécessaire, des règles plus claires étaient depuis longtemps nécessaires, en particulier parce qu’il était largement admis que les précédentes lignes directrices pour l’aviation n’ont pas été efficacement appliquées.

2.3.

Lors de sa 482e session plénière, tenue le 11 juillet 2012, le Comité économique et social européen (CESE) a adopté un supplément d’avis sur le thème «Révision des lignes directrices de 1994 et 2005 sur l’aviation et les aéroports dans l’UE» (CCMI/95). Dans son avis, le CESE décrivait bien l’évolution du marché européen du transport aérien et les sérieux obstacles qui entravaient l’application des lignes directrices existantes, tout en formulant une série de conclusions et de recommandations.

2.4.

Le Comité y soulignait la nécessité d’un cadre juridique harmonisé dans l’UE qui s’applique à l’ensemble du secteur de l’aviation, empêche les pratiques incontrôlées en matière de subventions et garantisse des conditions de concurrence équitables pour tous les opérateurs du marché, y compris au niveau local.

2.5.

Il faisait également valoir que les nouvelles lignes directrices pour l’aviation devaient être établies par le moyen d’un ensemble de règles claires et simples, afin de garantir la sécurité juridique pour le secteur de l’aviation en Europe. Le CESE soulignait l’importance pour l’aviation d’une mise en œuvre correcte des lignes directrices, dont le respect était considéré de la plus haute importance.

2.6.

Selon l’avis précédent du Comité (CCMI/95), il était important que les nouvelles lignes directrices proposées par la Commission aient pour objectif la protection de tous les types de transporteurs contre l’octroi par des collectivités régionales ou des aéroports régionaux d’aides financières discriminatoires, opaques et de nature à créer des distorsions. Les financements publics ne doivent fausser la concurrence ni entre les aéroports, ni entre les compagnies aériennes.

2.7.

Le CESE insistait pour que les aides d’État aux investissements destinés aux infrastructures aéroportuaires et les aides d’État au démarrage en faveur des compagnies aériennes ne soient possibles que dans des cas clairement définis, et qu’elles soient limitées dans le temps et dans leur étendue. De plus, elles ne devraient être accordées que dans des circonstances exceptionnelles et en tenant dûment compte des principes de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination.

2.8.

En ce qui concerne la transparence, le Comité concluait que les conditions dans lesquelles l’aide publique était offerte devaient être rendues publiques. Les aides disponibles pour les aéroports et les transporteurs devraient faire l’objet d’une divulgation complète, de même que les conditions dans lesquelles des aides sont versées.

2.9.

De manière générale, le CESE était d’avis que les investissements privés ne peuvent pas être considérés comme des aides d’État. Dans le même temps, cependant, un opérateur du secteur public peut agir comme un investisseur privé si l’investissement est justifiable du point de vue commercial.

2.10.

Le CESE jugeait nécessaire de réaliser une étude afin de présenter la situation existante en matière d’aides publiques et de mesures similaires dans le cadre de la mise en œuvre des lignes directrices pour l’aviation. L’étude devait fournir des informations sur le montant et le type de l’aide accordée, ses effets réels sur le développement et l’efficacité de l’économie et son impact sur l’emploi, du point de vue quantitatif et qualitatif, en particulier de manière à évaluer dans quelle mesure les pratiques existantes provoquaient, ou non, une distorsion de la concurrence entre les aéroports comme entre les compagnies aériennes.

2.11.

Le CESE faisait remarquer que toute nouvelle ligne directrice devait prendre en compte l’intérêt des employés et des voyageurs. Étant donné que les ressources humaines constituent un paramètre de qualité essentiel dans le domaine du transport aérien, l’industrie de l’aviation civile se doit, pour être viable à long terme, de proposer des emplois de qualité et de bonnes conditions de travail. Dans cette perspective, il importe d’y stimuler le dialogue social et d’y éviter tout dumping social.

2.12.

Le CESE appelait également à l’élaboration d’une politique à long terme en ce qui concerne le développement des aéroports régionaux. Les lignes directrices pour l’aviation ne peuvent être appliquées avec succès que si l’on s’entend sur des priorités d’action claires pour le développement des aéroports régionaux. Il appartenait à la Commission de mettre au point cet ordre du jour politique, qui devait être élaboré sans plus tarder.

2.13.

Le CESE invitait les États membres à soutenir et à s’engager fermement dans la préparation et la mise en œuvre des nouvelles lignes directrices. Ce point était particulièrement pertinent en ce qui concerne l’attribution des fonds de l’UE dans le cadre du nouveau cadre financier pluriannuel. «Réaliser davantage avec des budgets moindres oblige à fixer des priorités claires. Le développement régional a certes une grande importance, mais il ne doit pas servir à justifier davantage le développement d’aéroports, dans les cas où il n’existe pas de possibilité de susciter une demande suffisante».

3.   Lignes directrices pour l’aviation — Situation actuelle

3.1.

Le 20 février 2014, la Commission européenne a adopté ses lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes, venant remplacer celles qui étaient en vigueur depuis presque dix ans (1994 et 2005).

3.2.

Les nouvelles règles autorisent l’octroi d’aides au fonctionnement aux petits aéroports non rentables pendant une période transitoire de dix ans. À l’issue de cette période, l’aéroport doit être en mesure de couvrir ses propres coûts. Le montant maximal autorisé de ces aides est le suivant:

50 % du déficit de financement initial des coûts d’exploitation pour les aéroports accueillant moins de 3 millions de passagers par an;

80 % pour les aéroports accueillant jusqu’à 7 00  000 passagers par an.

3.2.1.

Il sera toutefois toujours possible de bénéficier d’une compensation pour des coûts d’exploitation non couverts de services d’intérêt économique général (SIEG). Cela s’appliquera aux aéroports qui jouent un rôle important dans l’amélioration de la connectivité des régions isolées, éloignées ou périphériques.

3.3.

Des aides à l’investissement plus ciblées sont autorisées uniquement s’il existe un véritable besoin en termes de transport et lorsque les retombées positives sont évidentes. Des capacités de transport supplémentaires ne peuvent être créées que s’il existe une demande en ce sens. Aucune aide à l’investissement n’est possible lorsque l’investissement en question porte préjudice aux aéroports déjà en place dans la même zone de desserte, ni dans les zones qui sont déjà bien connectées par d’autres moyens de transport.

3.3.1.

Montant maximal autorisé des aides à l’investissement:

jusqu’à 25 % pour les aéroports avec un trafic annuel de 3 à 5 millions de passagers;

jusqu’à 50 % pour les aéroports avec un trafic annuel de 1 à 3 millions de passagers;

jusqu’à 75 % pour les aéroports avec un trafic annuel inférieur à 1 million de passagers;

aucune aide pour les aéroports dont le trafic annuel est supérieur à 5 millions de passagers (avec quelques exceptions mineures, telles que la relocalisation).

Le plafond des aides à l’investissement destinées à financer les infrastructures aéroportuaires peut être relevé de 20 % pour les aéroports situés dans des régions éloignées.

3.4.

Les compagnies aériennes pourront bénéficier d’une aide couvrant jusqu’à 50 % des redevances aéroportuaires pour toute nouvelle destination pendant 3 ans. Ces dispositions peuvent être assouplies pour les aéroports situés dans des régions reculées.

3.5.

Les arrangements entre les compagnies aériennes et les aéroports ne seront pas considérés comme une aide si un investisseur privé, opérant dans les conditions normales de marché, aurait accepté les mêmes termes. S’il n’est pas rentable, l’accord passé entre l’aéroport et la compagnie aérienne sera considéré comme une aide publique au transporteur.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE