52013SC0204

DOCUMENT DE TRAVAIL DES SERVICES DE LA COMMISSION RESUME DE L’ANALYSE D’IMPACT Actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de l’UE sur les ententes et les abus de position dominante accompagnant la proposition de DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne /* SWD/2013/0204 final */


DOCUMENT DE TRAVAIL DES SERVICES DE LA COMMISSION

RESUME DE L’ANALYSE D’IMPACT Actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de l’UE sur les ententes et les abus de position dominante

accompagnant la proposition de

DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne

1.           Introduction

1.           Le droit à des dommages et intérêts en cas d'infraction aux règles de concurrence est garanti par le droit de l'UE. Les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) interdisent les accords anticoncurrentiels et les abus de position dominante. La Commission européenne, conjointement avec les autorités nationales de concurrence, est chargée de faire respecter ces interdictions (mise en œuvre par la sphère publique ou «public enforcement»). Dans le même temps, les dispositions du traité créent, pour les personnes, des droits et des obligations au respect desquels les juridictions nationales doivent veiller (mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée ou «private enforcement»). Parmi ces droits figurent celui de demander réparation de tout préjudice subi du fait d'une infraction aux règles de concurrence de l’UE. Depuis 2001, la Cour de justice a jugé à maintes reprises qu’en vertu du droit de l’UE, toute personne doit pouvoir demander réparation de tels préjudices (Courage et Créhan, C-453/99 et Manfredi, C-295-298/04). Plus de dix ans plus tard, la plupart des victimes d’une infraction au droit de la concurrence ne sont toujours pas en mesure d’exercer effectivement, à titre individuel ou collectif, ce droit à réparation garanti par le droit de l’UE. Cela est dû principalement à l’absence de règles nationales appropriées régissant les actions en dommages et intérêts. De plus, lorsque ces règles existent, elles diffèrent tellement d’un État membre à l’autre qu’elles se traduisent par des conditions inégales tant pour les auteurs de comportements illicites que pour leurs victimes.

2.           Mise en œuvre par la sphère publique/à l'initiative de la sphère privée. La jurisprudence récente aux niveaux national et de l'UE a également mis en lumière le fait que le droit à réparation garanti par le droit de l'UE peut parfois être en porte-à-faux avec l’efficacité de la mise en œuvre des règles de concurrence de l’UE par la sphère publique, c'est‑à‑dire par la Commission et les autorités nationales de concurrence (ANC). Tel est le cas lorsque la victime d’une infraction au droit de la concurrence souhaite accéder à des renseignements qu’une autorité de concurrence a obtenus dans le cadre d’un «programme de clémence» (voir ci-dessous au point 11). Depuis que la Cour de justice a statué en juin 2011 dans l'affaire Pfleiderer (C-360/09), en l’absence de règles de l’UE en la matière, les candidats potentiels à des mesures de clémence ignorent si les renseignements qu’ils transmettent à une autorité de concurrence finiront ou non par être divulgués à une victime de l’infraction au droit de la concurrence, ce qui peut les placer dans une position plus défavorable que les autres entreprises n’ayant pas coopéré avec l’autorité en cas de demande de dommages et intérêts. cette incertitude juridique peut donc porter préjudice à l’efficacité des programmes de clémence au niveau national ou de l’UE et, partant, à l’efficacité des mesures de mise en œuvre prises dans la sphère publique pour lutter contre les ententes secrètes.

3.           Objectifs de l'initiative. L’initiative actuelle concernant les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante poursuit deux objectifs principaux:

i)       garantir l'exercice effectif du droit à réparation conféré par le droit de l'UE; et

ii)       réglementer certains aspects essentiels de l’interaction entre la mise en œuvre du droit de la concurrence de l’UE par la sphère publique et sa mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée afin de trouver un équilibre entre la mise en œuvre par la Commission et les autorités nationales de concurrence, d’une part, et les actions en dommages et intérêts devant les juridictions nationales, d’autre part, et arriver ainsi à une mise en œuvre globale effective des règles de concurrence de l’UE.

2.           Problèmes à traiter

2.1.        Garantir l'exercice effectif du droit à réparation conféré par le droit de l'UE

4.           Suppression des obstacles à une réparation effective. À l’heure actuelle, la plupart des victimes d’infractions au droit de la concurrence de l’UE n’obtiennent toujours aucune réparation. Outre le manque de sensibilisation perçu, même les victimes qui souhaitent obtenir réparation sont confrontées à un équilibre risques/récompense très défavorable dû aux obstacles procéduraux et aux coûts que suppose l'introduction d'une action. Cette situation nuit au fonctionnement des règles de concurrence de l’UE et est difficilement conciliable avec le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective que garantit la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Dans son livre vert de 2005 sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, la Commission a relevé les principaux obstacles à une réparation effective. En 2008, elle a adopté un livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante qui présente une série de propositions sur la manière de supprimer ces obstacles et d’assurer une mise en œuvre effective à l'initiative de la sphère privée dans les États membres.

5.           Consultations publiques. Lors de la consultation publique sur le livre blanc et de deux consultations publiques qui ont suivi, la société civile et des acteurs institutionnels tels que le Parlement européen et le Comité économique et social européen ont accueilli favorablement les mesures proposées. De plus, le Parlement européen a explicitement plaidé pour l'adoption de dispositions au niveau de l'UE sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence.

6.           Contributions des parties prenantes. Dans les consultations publiques ci-dessus, les acteurs rejoignaient la Commission dans son analyse d’une série de grands obstacles qui empêchent une réparation plus effective:     

· des demandeurs potentiels ont souligné les difficultés auxquelles ils sont confrontés pour accéder aux éléments de preuve dont ils ont besoin pour prouver le bien‑fondé de leur demande. Par essence, les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence requièrent souvent un niveau exceptionnellement élevé d’analyse factuelle et économique coûteuse. Elles posent aux demandeurs des problèmes d’accès à des éléments de preuve cruciaux qui sont souvent tenus secrets par les défendeurs. Les parties prenantes ont également souligné l'absence de règles claires en ce qui concerne le moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût, autrement dit, la possibilité donnée à un défendeur de démontrer qu’un acheteur direct a répercuté sur ses propres clients plus en aval dans la chaîne de distribution la hausse de prix résultant d’une entente. Parmi les autres éléments importants qui peuvent réduire les chances de voir une action aboutir figurent les délais de prescription, c’est-à-dire le manque de temps pour intenter une action après la constatation d’une infraction. En l’absence de règles uniformes sur la valeur probante des décisions constatant une infraction, les coûts qu'entraîne une action peuvent augmenter sensiblement quand les parties doivent apporter la preuve de l'existence de l’infraction, même si celle-ci a déjà été constatée par une autorité nationale de concurrence. . En outre, la quantification du préjudice subi est souvent un exercice complexe et coûteux qui peut compromettre les chances de voir une affaire aboutir;

· les consommateurs et les PME sont handicapés par l'absence de mécanismes de recours collectif efficaces qui permettraient à nombre de consommateurs ou d’entreprises d’introduire leurs demandes conjointement et de partager les coûts et les charges d’une action en justice;

· les associations d’entreprises, tout en adhérant aux objectifs poursuivis par la Commission, ont généralement mis en garde contre les risques d’abus de procédure constatés dans d’autres juridictions et ont souligné la nécessité de prévoir des garanties contre les litiges non fondés abusifs, en particulier si les demandes sont introduites à titre collectif.

7.           Des conditions inégales dans le marché intérieur. Outre les obstacles spécifiques qui entravent l’exercice effectif du droit à réparation garanti par le droit de l’UE, il existe encore des règles nationales très diversifiées qui régissent les actions en dommages en intérêts pour infraction aux règles de concurrence. Cette diversité s’est accrue ces dernières années: elle créé une insécurité juridique pour toutes les parties concernées et peut entraver la mise en œuvre effective des règles de concurrence à l'initiative de la sphère privée, en particulier dans les affaires transfrontières. Elle génère aussi d'importantes distorsions de concurrence dans le marché intérieur, étant donné que la possibilité que les victimes obtiennent réparation et la probabilité que la responsabilité des auteurs d'une infraction soit établie varient selon leur lieu d’établissement et l’endroit où les demandes peuvent être introduites. La concentration actuelle des actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de la concurrence dans trois juridictions de l’UE, à savoir le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas constitue une bonne illustration du problème: les demandeurs estiment que les règles applicables dans ces pays sont davantage adaptées à leurs objectifs que dans d’autres. À l’inverse, il s’avère plus difficile pour les victimes d’infractions au droit de la concurrence établis dans d’autres États membres d’exercer effectivement le droit à réparation que leur confère l'ordre jurdique de l'UE. Cette mise en œuvre inégale peut même conférer un avantage concurrentiel à certaines entreprises qui ont violé l’article 101 ou 102 du TFUE et décourager l’exercice du droit d’établissement et de la liberté d'effectuer des livraisons de biens ou des prestation de services dans les États membres où le droit à réparation est mis en œuvre de manière plus effective.

8.           Coûts probables de la situation actuelle. On estime que les coûts liés à la mise en œuvre inefficace du droit de la concurrence à l'initiative de la sphère privée peuvent atteindre 23 milliards d’EUR ou 0,18 % du PIB de l’UE en 2012 – en termes de réparation dont sont privées les victimes chaque année dans l’UE. la résolution de ce problème aurait pour effet de transférer le coût des infractions aux règles de la concurrence des victimes vers les auteurs des infractions et permettrait de détecter plus facilement les distorsions de concurrence. En ce qui concerne la mise en œuvre générale des articles 101 et 102 du TFUE, la probabilité plus grande d’être tenu responsable d’un comportement illicite découragerait les comportements anticoncurrentiels (dissuasion accrue), avec les avantages qui en découlent pour le bien-être des consommateurs.

2.2.        L'interaction entre la mise en œuvre du droit de la concurrence de l’UE par la sphère publique et sa mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée

9.           Définitions. La mise en œuvre du droit de la concurrence par la sphère publique de l’UE relève de la compétence de la Commission et des ANC, qui sont habilitées à constater, à sanctionner et à prévenir les infractions aux règles de concurrence de l’UE. La mise en œuvre par la sphère publique relève également de la compétence des cours et tribunaux qui examinent les décisions prises par les autorités de concurrence. La mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée concerne la mise en œuvre des mêmes règles par l'intermédiaire des actions intentées devant des juridictions nationales. En l’absence de législation de l’UE en la matière, la mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée est presque exclusivement régie par le droit civil national. Elle peut être schématiquement sous‑divisée en trois types d'affaires:

i)       la réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence de l’UE (action en dommages et intérêts);

ii)       les demandes visant à obtenir la cessation du comportement qui enfreint le droit de la concurrence de l’UE (injonction); et

iii)      la déclaration de nullité des dispositions contractuelles qui enfreignent les règles de concurrence de l’UE.

10.         Complémentarité et interaction entre la mise en œuvre par la sphère publique et la mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée. Les deux types de mise en œuvre agissent de façon complémentaire pour l'application effective des articles 101 et 102 du TFUE. Une action de la sphère privée peut être portée devant une juridiction sans qu’une décision préalable ait été prise par une autorité de concurrence («actions autonomes»). Toutefois, des actions en dommages et intérêts pour infraction au droit de la concurrence sont le plus souvent introduites lorsqu'une autorité de concurrence a constaté une infraction aux règles de concurrence de l’UE (actions de suivi). L’interaction qui en résulte entre la mise en œuvre par la sphère publique et celle à l'initiative de la sphère privée concerne les aspects clés suivants:

i)       l’accès aux informations détenues par les autorités de concurrence;

ii)       la force obligatoire des décisions constatant une infraction; et

iii)      les délais de prescription applicables en matière d'actions en dommages et intérêts.

11.         Une question clé: la divulgation des documents fournis dans le cadre d'une procédure de clémence. Pour déceler et sanctionner les ententes secrètes, les autorités de compétence proposent d'offrir aux auteurs d’infraction une immunité d'amendes ou la réduction de leur montant en échange de leur coopération. Ces «programmes de clémence» constituent pour les autorités publiques un outil très efficace. Les victimes d'une infraction peuvent avoir besoin des renseignements qui ont été spontanément fournis par les auteurs de cette infraction pour les utiliser comme éléments de preuve et obtenir réparation. Dans la récente affaire Pfleiderer, les parties qui souhaitaient introduire une action en dommages et intérêts contre les membres de l'entente avaient demandé l'accès au dossier de clémence de l'autorité allemande de concurrence. La juridiction allemande a demandé à la Cour de justice si la divulgation de renseignements liés à la procédure de clémence était contraire au droit de l’UE. Dans son arrêt de 2011, la Cour a jugé qu’en l’absence de législation de l’UE en la matière, il appartient à la juridiction nationale de déterminer au cas par cas et selon la législation nationale les conditions dans lesquelles la divulgation de renseignements liés à la procédure de clémence aux victimes d’une infraction au droit de la concurrence doit être autorisée ou refusée. Cet arrêt a généré une incertitude considérable quant aux catégories de documents susceptibles d'être divulgués. Cette incertitude n’est pas seulement préjudiciable aux parties concernées par des actions en dommages et intérêts; elle peut aussi, plus spécifiquement, dissuader les participants à une entente de coopérer avec la Commission et les ANC dans le cadre de leurs programmes de clémence et nuire à la lutte contre les ententes, qui repose en grande partie sur les demandes de clémence. Une mise en œuvre plus faible des règles concernant les ententes diminuerait l’effet dissuasif de la mise en œuvre du droit de la concurrence par la sphère publique.

12.         Des problèmes similaires existent dans le cas des affaires faisant l’objet d’une procédure de transaction, dans lesquelles les parties reconnaissent leur participation à une entente en échange d’une procédure simplifiée et d’une réduction du montant de leur amende. L’incertitude quant à la divulgation des documents figurant dans le dossier d’une autorité de concurrence portant sur de telles procédures pourrait dissuader les entreprises de coopérer avec les autorités de concurrence dans le cadre de la procédure de transaction. Enfin, la divulgation de documents contenus dans le dossier d’une autorité de concurrence durant une enquête en cours pourrait mettre cette enquête en péril et, partant, réduire la capacité des autorités de concurrence à sanctionner les infractions au droit de la concurrence de l’UE.

3.           Les options envisageables

13.         Énumération des options. Pour palier les problèmes décrits ci-dessus, favoriser l'exercice effectif du droit à réparation par les victimes des violations des articles 101 et 102 du TFUE et arriver à un équilibre optimal entre la mise en œuvre des règles par la sphère publique et celle à l'intiative de la sphère privée, quatre options ont été envisagées. Elles ont été choisies sur la base de l’évaluation effectuée pour le livre blanc, qui est synthétisée dans une annexe du rapport d’analyse d’impact. Les mesures qui avaient déjà été écartées dans le livre blanc en raison d'un rapport coûts/bénéfices disproportionné n’ont pas été réexaminées. Deux exemples de ces options écartées sont les dommages et intérêts multiples (punitif) et un système prévoyant la communication de nombreuses pièces avant la tenue du procès. En outre, toutes les options relatives à une action de l’UE (options 2, 3 et 4) prévoient un cadre légal non contraignant pour quantifier les dommages et intérêts à accorder en cas d'infraction aux règles de concurrence. Ces orientations non contraignantes concernant l’une des questions les plus complexes et les plus coûteuses pour toutes les parties aux actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence ont reçu le soutien quasi unanime des parties prenantes, tant lors de la consultation publique sur le livre blanc que lors d’une consultation faisant suite à la publication d’un projet de document d'orientation en 2011.

14.         Option 1 – Aucune action de l’UE (situation initiale). La première option proposée dans le rapport était le scénario initial, qui n’entraînait aucune action au niveau de l’UE. Cela supposait l’examen du statu quo et de l’évolution probable en l’absence d’action de l’UE (analyse prospective).

15.         Option 2 – Acte contraignant basé sur le livre blanc (comprenant un système spécifique pour les recours collectifs). La deuxième option prévoit un instrument juridiquement contraignant reprenant les mesures proposées par la Commission dans son livre blanc, notamment un système de recours collectifs propre à la concurrence qui permettrait aux consommateurs et aux PME d'introduire conjointement leurs actions. Un tel instrument inclurait: des règles sur la divulgation proportionnée de catégories précises de preuves; une responsabilité limitée pour les auteurs d'infraction bénéficiant d'une immunité d'amendes; la force obligatoire des décisions finales par lesquelles les ANC constatent une infraction; la recevabilité du moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût pour permettre à l’auteur de l'infraction de démontrer que le demandeur des dommages et intérêts a répercuté le surcoût illicite sur ses propres clients; la facilitation de la preuve pour un acheteur indirect pour ce qui concerne l’ampleur de la répercussion; et un délai de prescription spécifique pour les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence.

16.         Option 3 – Réglementer l’interaction entre la mise en œuvre des règles par la sphère publique et leur mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée. La troisième option est un instrument contraignant qui revoit en partie les options proposées dans le livre blanc afin de tenir compte de deux manières des changements récents aux niveaux national et de l’UE: en renvoyant à une approche européenne horizontale distincte en matière de recours collectifs au lieu de prévoir un mécanisme sectoriel et en introduisant des limites à l’accès aux éléments de preuve visant à préserver l’efficacité des outils de mise en œuvre par la sphère publique. Ces deux grands changements ont en commun le fait qu’ils réduisent tous les deux dans une certaine mesure les avantages en termes de réparation effective qu'apporte l’option 2 afin de poursuivre des objectifs supplémentaires, c'est-à-dire une approche horizontale des recours collectifs, comme l’ont proposé certaines parties prenantes et le Parlement européen, et en particulier une meilleure protection de la mise en œuvre par la sphère publique à la suite de l’arrêt de la Cour de justice. L’option a donc été spécialement conçue pour apprécier si la perte des avantages en matière de réparation effective est compensée par une réduction des coûts de procédure et/ou par un équilibre optimisé entre la mise en œuvre des règles par la sphère publique et leur mise en œuvre à l'initative de la sphère privée. De manière plus spécifique, l’option 3 se différencie de l’option 2 sur les points suivants:

· en ce qui concerne la protection des outils de mise en œuvre par la sphère publique, l’option 2 protège de la divulgation, dans les actions en dommages et intérêts, uniquement les déclarations d’une entreprise effectuées en vue d’obtenir la clémence . L’option 3 ajoute la protection contre la divulgation des propositions de transactions et limite la divulgation lors des enquêtes menées par les autorités de concurrence. La protection envisagée des outils de mise en œuvre par la sphère publique ne rendrait pas excessivement difficile pour les victimes d’une infraction au droit de la concurrence l'obtention de la réparation du préjudice subi, compte tenu de la portée limitée de cette protection. Cette dernière est donc compatible avec le droit à une protection juridictionnelle effective inscrite dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne;

· en ce qui concerne la quantification du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle, l’option 3 – contrairement à l’option 2 – prévoit une présomption réfragable concernant l'existence d'un préjudice sous forme de surcoût dans les affaires d’ententes. Cette présomption repose sur les conclusions d’une étude externe qui a conclu que 93 % des ententes examinées causent un préjudice. Cette mesure a été introduite pour atténuer les effets d’un accès plus limité des demandeurs à certains types d’éléments de preuve qui auraient pourtant été utiles pour démontrer le préjudice causé par une entente. Pour le même motif, l’option 3 prévoit une règle selon laquelle le niveau de preuve exigé ne peut rendre l’exercice du droit à des dommages et intérêts pratiquement impossible ou excessivement difficile. Selon cette option, les États membres devraient permettre au juge d’estimer le montant du préjudice;

· en ce qui concerne les recours collectifs, l’option 3 ne prévoit aucune mesure propre à la concurrence. Tout en reconnaissant les spécificités de la mise en œuvre du droit de la concurrence de l’UE et la possibilité d’introduire des règles spécifiques, cette option repose sur une approche distincte mais horizontale des recours collectifs se fondant sur des initiatives ayant une portée plus large;

· enfin, l’option 3 prévoit des mesures concernant les procédures de résolution consensuelle des litiges qui visent à compenser l’absence de mécanismes spécifiques de recours collectif en en encourageant le recours, par les parties, à d'autres moyens procéduraux peu coûteux. Ces mesures supprimeraient les facteurs qui dissuadent actuellement les victimes de recourir à des procédures de règlement extrajudiciaire pour obtenir la réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence de l’UE.

17.         Option 4 – Initiative non contraignante de l’UE. La quatrième option (option 4) est un instrument non contraignant recommandant aux États membres de mettre en œuvre les mesures suggérées par l’option 3.

4.           Option privilégiée

18.         L’incidence des quatre options a été appréciée au regard des coûts et bénéfices suivants:

– Les options donnent de meilleurs résultats si elles

(1) garantissent une réparation intégrale pour la totalité du préjudice subi;

(2) protègent efficacement la mise en œuvre du droit par la sphère publique et garantissent un équilibre avec les actions en dommages et intérêts dans la mise en œuvre effective générale des articles 101 et 102 du TFUE;

(3) renforcent la sensibilisation, le respect des règles, la dissuasion et la sécurité juridique;

(4) permettent un meilleur accès à la justice;

(5) favorisent une utilisation plus efficiente du système judiciaire, en évitant par exemple les procédures abusives et les demandes non fondées;

(6) contribuent à l’instauration de conditions plus équitables en Europe tant pour les consommateurs que pour les entreprises;

(7) ont une incidence positive sur le bien-être des consommateurs et sur les PME; et

(8) stimulent la croissance économique et l’innovation.

– Pour ce qui concerne les coûts, le rapport examine l’incidence sur

(1) les frais de justice;

(2) la charge administrative;

(3) les coûts générés par les erreurs (la possibilité que des juridictions nationales émettent des décisions erronées); et

(4) les coûts de l'intégration des mesures proposées dans le système juridique national.

19.         Après évaluation des coûts et bénéfices des quatre options, la conclusion présentée dans le rapport est que l’option 3 est la mieux à même d’atteindre les objectifs fixés au meilleur coût. Un aperçu schématique de l’appréciation figure ci-dessous, avec les principales conclusions exposées dans le rapport.

Tableau (rapport d’analyse d’impact): résumé des incidences des options 1 à 4

Avantages apportés/Problèmes traités || Incidence par rapport à la situation initiale (de 0 à +++)

Option 1 || Option 2 || Option 3 || Option 4

1. Réparation intégrale || 0 || + + + || + + || 0 / +

2. Protection de la mise en œuvre effective par la sphère publique || 0 || + + || + + + || 0 / +

3. Sensibilisation, dissuasion, respect des règles et sécurité juridique accrues || 0 || + + + || + + + || 0 / +

4. Accès à la justice || 0 || + + + || + + + || 0 / +

5. Utilisation efficiente du système judiciaire || 0 || + + + || + + || 0 / +

6. Conditions de concurrence plus équitables || 0 || + + + || + + + || 0 / +

7. Incidence positive sur les PME et les consommateurs || 0 || + + + || + + || 0 / +

8. Stimulation de la croissance économique et de l’innovation || 0 || + + || + + || 0

Coûts || Incidence par rapport à la situation initiale (de 0 à — — -)

Option 1 || Option 2 || Option 3 || Option 4

1. Frais de justice || 0 || - - || - || 0 / — -

2. Charge administrative || 0 || - - || - || 0 / -

3. Coûts générés par les erreurs || 0 || - || 0 / - || 0 / -

4. Coûts de la mise en œuvre || 0 || - - || - || 0 / -

20.         Préférence donnée à l’action contraignante de l’UE. La préférence a été donnée aux options envisageant une action de l’UE. En effet,

– en ce qui concerne l’optimisation de l’interaction entre la mise en œuvre des règles de concurrence de l’UE par la sphère publique et leur mise en œuvre à l'intiative de la sphère privée, il est de plus en plus admis que cette question est mieux traitée au niveau de l’UE, notamment en raison des liens étroits entre la Commission et les autorités nationales de concurrence;

– en ce qui concerne l’amélioration des conditions procédurales pour que les victimes d’une infraction au droit de la concurrence de l’UE obtiennent réparation, l’expérience de ces dernières années a démontré qu’en l’absence de dispositions au niveau de l’UE, seuls quelques rares États membres prennent des initiatives législatives en la matière. Lorsque des mesures sont prises, elles ne couvrent que certains problèmes recensés par la Commission dans ses livres vert et blanc et ces initiatives n’ont fait que diversifier davantage le paysage juridique.

21.         L’absence de toute action de l’UE maintiendrait les divergences actuelles entre les législations nationales concernant les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence, ce qui nuirait à l'efficacité des actions en dommages et intérêts. Cela signifierait aussi que le marché intérieur resterait fragmenté pour ce qui concerne le niveau de protection judiciaire, ce qui pourrait encourager la recherche de la juridiction la plus favorable («forum-shopping») (généralement au détriment des PME et des consommateurs, qui sont moins mobiles). Il peut aussi en résulter des procédures plus complexes et donc coûteuses, en particulier dans les affaires transfrontières. La situation initiale envisagée par l’option 1 (aucune action de l’UE) a donc été écartée. De même, la préférence donnée à une action contraignante de l’UE, plutôt qu’à l’adoption de dispositions non contraignantes, a conduit à l’exclusion de l’option 4.

22.         La préférence donnée à une approche distincte, mais horizontale, des recours collectifs. À la lumière de la consultation publique, et en particulier de la résolution du Parlement européen du 2 février 2012, une approche horizontale semble aujourd’hui plus appropriée qu’une solution propre à la concurrence. La raison principale en est que le droit de la concurrence n’est pas le seul domaine du droit de l'UE dans lequel les préjudices causés touchent fréquemment une multitude de parties et où il est difficile pour les consommateurs et les PME d’obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice subi. Des problèmes similaires (frais de justice élevés par rapport aux dommages individuels) existent dans d’autres domaines du droit, comme le droit des consommateurs ou le droit environnemental. Les principes de base s’appliquant aux recours collectifs peuvent, dans une large mesure, être communs à tous ces domaines du droit. Une initiative horizontale peut également améliorer la cohérence entre les domaines lorsque les recours collectifs sont jugés nécessaires. Toutefois, dans la mesure où des dispositions spécifiques sont jugées nécessaires en ce qui concerne le droit de la concurrence, elles pourraient faire l’objet d’un chapitre distinct de l’instrument horizontal ou figurer dans des instruments juridiques distincts ultérieurs.

23.         La préférence donnée à un système plus équilibré de mise en œuvre par la sphère publique et à l'initiative de la sphère privée. Tant l’option 2 que l’option 3 satisfont dans une large mesure aux objectifs de l’initiative concernant les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante, étant donné qu’elles s'attaquent toutes deux aux principaux obstacles qui entravent actuellement les recours effectifs pour les victimes d’infractions aux règles de concurrence, en s’inspirant des traditions juridiques européennes. Les deux options prévoient aussi des garde-fous pour éviter les procédures abusives et les demandes non fondées. En tant que telles, elles ont un impact positif sur le droit fondamental à la protection juridictionnelle effective inscrite dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

24.         L’option 2 propose des mesures légèrement plus fortes en ce qui concerne la réparation intégrale de la totalité du préjudice subi. Toutefois, l’option 3 prévoit globalement un système plus équilibré. Elle améliore globalement la possibilité d’accéder aux éléments de preuve tout en offrant une meilleure protection pour la mise en œuvre effective par la sphère publique, en protégeant davantage de documents provenant des dossiers des autorités de concurrence. Tout en répondant à cet objectif en introduisant des garde-fous, l’option constitue malgré tout, en ce qui concerne le traitement de l’asymétrie de l’information, une amélioration dans le sens souligné par les parties prenantes lors des consultations publiques. L’introduction d’une présomption réfragable en ce qui concerne l’existence d’un préjudice sous la forme d’un surcoût dans les affaires d’ententes et de la possibilité d’estimer le montant du préjudice rend plus probable l’obtention d’une réparation des dommages causés.

25.         En ce qui concerne d’autres éléments, comme le moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût, les délais de prescription et la force obligatoire des décisions adoptées par les ANC, les options 3 et 2 ne se différencient pas. Dans les pays où des dispositions similaires sont en vigueur, elles constituent une mesure incitative importante pour les demandeurs. Leur application dans l'ensemble de l’UE augmenterait les chances de recours effectif pour les victimes d’infractions au droit de la concurrence et permettrait d'atteindre les objectifs de l'initiative actuelle (réparation, accès à la justice et conditions plus équitables). La force obligatoire des décisions des ANC garantit notamment une utilisation plus efficiente du système judiciaire.

26.         Coûts. En termes de coûts, l’option 3 offre de meilleurs résultats que l’option 2. Les frais de justice sont réduits du fait de l'introduction de la présomption réfragable concernant la quantification du préjudice et des mesures facilitant le recours aux procédures de résolution consensuelle des litiges. Les frais générés par les erreurs et la mise en œuvre sont également inférieurs dans l’option 3, principalement en raison de l’absence de disposition prévoyant l’introduction d’un cadre relatif aux recours collectifs propre au droit de la concurrence. Enfin, la protection accrue de la mise en œuvre par la sphère publique dans l'option 3 aurait pour effet de réduire la charge administrative.

5.           Conclusion

27.         L’option 3 a été retenue comme option privilégiée pour atteindre les objectifs de l’initiative concernant les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante

Synthèse du contenu de l’option retenue

Réparation intégrale || Toute partie lésée (acheteurs directs et indirects) peut demander la réparation intégrale du préjudice subi à la suite d’une infraction aux articles 101 et 102 du TFUE. La réparation intégrale inclut la réparation de la perte subie et du manque à gagner, plus les intérêts.

Divulgation des preuves || L’option retenue prévoit un régime de divulgation de catégories précises de preuves entre les parties à une action en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante. En outre, elle prévoit des garanties concernant la divulgation de documents provenant du dossier d'une autorité de concurrence.

Responsabilité limitée du bénéficiaire de l’immunité || Pour préserver l’attrait des programmes de clémence de la Commission et des ANC, la responsabilité du bénéficiaire de l’immunité est limitée à sa part du préjudice causé. Le bénéficiaire de l’immunité doit rester entièrement responsable lorsque les parties lésées ne peuvent obtenir réparation auprès des co-auteurs de l’infraction.

Force obligatoire des décisions des ANC || Les juridictions nationales saisies d'actions en dommages et intérêts sont liées par les décisions des ANC constatant une infraction aux règles de concurrence de l’UE.

Délais de prescription || Les délais de prescription ne doivent pas nuire au droit à une réparation intégrale. De plus, les victimes doivent effectivement pouvoir intenter une action en dommages et intérêts après l'adoption d'une décision définitive par une autorité de concurrence.

Répercussion du surcoût || Le défendeur peut invoquer la répercussion du surcoût comme moyen de défense contre une action introduite par l’acheteur direct. À l’inverse, pour faciliter les actions intentées par les acheteurs indirects, la démonstration de la répercussion du surcoût à leur niveau est facilitée.

Présomption de préjudice || Les victimes d’ententes pourront se fonder sur une présomption réfragable selon laquelle une entente entraîne un préjudice sous la forme d'un surcoût. De plus, les exigences prévues par le droit national pour quantifier le préjudice subi ne doivent pas rendre l’obtention d’une réparation pratiquement impossible ou excessivement difficile pour un demandeur.

Résolution consensuelle des litiges || La résolution consensuelle des litiges est facilitée, car elle peut constituer une solution plus rapide et moins coûteuse qu'une procédure judiciaire.