52013DC0121

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL sur l'utilisation des ressources financières destinées au déclassement des installations nucléaires, et à la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs /* COM/2013/0121 final */


COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

sur l'utilisation des ressources financières destinées au déclassement des installations nucléaires, et à la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs

TABLE DES MATIÈRES

1........... INTRODUCTION........................................................................................................ 4

1.1........ CONTEXTE.................................................................................................................. 4

1.2........ MÉTHODOLOGIE....................................................................................................... 4

2........... LES PRATIQUES ACTUELLES DE FINANCEMENT COMPTE TENU DE LA RECOMMANDATION DE LA COMMISSION...................................................................................................... 6

2.1........ LE DÉCLASSEMENT D’INSTALLATIONS NUCLÉAIRES...................................... 6

2.1.1..... Le déclassement et la gestion des déchets........................................................................ 6

2.1.2..... Le principe du pollueur-payeur........................................................................................ 6

2.1.3..... Exhaustivité des ressources financières (y compris pour la gestion des déchets)................ 7

2.2........ ASPECTS INSTITUTIONNELS ET PROCÉDURAUX............................................... 7

2.2.1..... Article 41 du traité CEEA Proposition de régime de financement du déclassement............ 7

2.2.2..... Organisme national......................................................................................................... 7

2.3........ FONDS DE DÉCLASSEMENT................................................................................... 8

2.3.1..... Adéquation et origine des fonds...................................................................................... 8

2.3.2..... Type de fonds, contrôle de leur utilisation et révision........................................................ 9

2.3.3..... Nouvelles installations nucléaires..................................................................................... 9

2.4........ ESTIMATION DES COÛTS DU DÉCLASSEMENT................................................ 10

2.4.1..... Calcul distinct des coûts relatifs aux opérations techniques de déclassement et à la gestion des déchets 10

2.4.2..... Calcul des coûts et adéquation...................................................................................... 10

2.4.3..... Estimations des coûts spécifiques au site........................................................................ 10

2.5........ UTILISATION DES FONDS DE DÉCLASSEMENT................................................ 11

2.5.1..... Utilisation aux fins prévues et transparence.................................................................... 11

2.5.2..... Sécurité du profil de risque............................................................................................ 11

2.5.3..... Insuffisance des performances de gestion des fonds....................................................... 11

2.5.4..... Installations nucléaires non commerciales....................................................................... 12

3........... CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES...................................................................... 13

1.           INTRODUCTION

1.1.        CONTEXTE

En octobre 2004, la Commission a présenté au Parlement européen son premier rapport sur l’utilisation des ressources financières destinées au déclassement des centrales nucléaires[1]. Le rapport de 2004 ayant généralement été bien accueilli, cela a amené le Parlement européen à présenter un rapport d'initiative[2]. Dans ce rapport, le Parlement européen constatait que le déclassement est une question complexe et qu'une analyse plus approfondie était nécessaire pour comprendre les mécanismes de financement des États membres.

En 2006, la Commission a adopté une recommandation[3] sur la gestion des ressources financières destinées au déclassement, après un dialogue approfondi avec des experts des États membres et sur la base de sa propre expertise dans le domaine. En décembre 2007, la Commission a présenté son deuxième rapport au Parlement européen et au Conseil[4], portant sur la comparaison des pratiques des États membres et des exploitants d'installations nucléaires de l'UE en matière de ressources financières avec les critères précisés dans la recommandation publiée par la Commission.

L'une des conclusions du deuxième rapport précisait qu'il importait de demander aux États membres de fournir des informations plus détaillées et mieux structurées. Ce processus a permis d'élaborer les lignes directrices et le questionnaire sur lesquels repose le présent rapport, comme indiqué au chapitre suivant.

Le présent rapport n'a pas pour objet de proposer une première analyse des effets de la directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs[5], mais comme précédemment, il s'appuie sur les efforts soutenus consentis par les États membres et la Commission, en particulier au sein du groupe sur le financement des opérations de déclassement, en vue de la mise en œuvre de la recommandation susmentionnée. Le rapport vise à donner une vue d'ensemble de la situation dans les États membres. En particulier, il fait le point sur les progrès accomplis en matière d'harmonisation des régimes de financement du déclassement des installations nucléaires et de la gestion des déchets avec la recommandation de la Commission.

1.2.        MÉTHODOLOGIE

En 2004, la Commission a créé un groupe d'experts ad hoc, baptisé «groupe sur le financement des opérations de déclassement» (GFD). Le GFD a été officiellement mis en place par la recommandation de 2006 afin d’apporter un soutien à la Commission européenne dans la réalisation des tâches suivantes:

· promouvoir une bonne compréhension des politiques et stratégies en matière de déclassement, ainsi que des tâches et activités y afférentes;

· fournir des connaissances à jour sur les estimations du coût des opérations de déclassement et la gestion des provisions et/ou des fonds réservés à cet effet;

· étudier les possibilités de renforcer la coopération et l'harmonisation au niveau européen.

Le GFD est, dans l'UE, le seul groupe au sein duquel les États membres et la Commission se réunissent afin de mener ensemble une réflexion et des discussions sur les questions de financement des opérations de déclassement. C'est pourquoi ni l’ENSREG (groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire ) ni l'ENEF (Forum européen de l’énergie nucléaire) n'ont formé de sous-groupes s'occupant exclusivement des questions de financement des opérations de déclassement.

Les conclusions du deuxième rapport soulignent les avantages que présente l’étude de méthodes harmonisées de financement du déclassement dans l'UE, en tenant compte des différences qui existent entre les États membres sur le plan des stratégies utilisées.

En coopération avec la Commission, les experts nationaux du GFD ont élaboré des lignes directrices examinant en détail les différents aspects du financement du déclassement, en vue de parvenir à une interprétation commune de la recommandation3 publiée en 2006 par la Commission concernant le financement des opérations de déclassement. À partir de ces lignes directrices, le GFD et la Commission ont élaboré un questionnaire destiné aux États membres.

Ce questionnaire a été envoyé à tous les États membres en septembre 2010, et la plupart d’entre eux ont transmis leurs réponses au cours du premier trimestre 2011. Un premier échange de vues sur les réponses obtenues a eu lieu le 16 mars 2011, lors de la réunion annuelle du GFD. La Commission a continué de recevoir des réponses tout au long de l’année 2011. Certains États membres ont également été invités à clarifier ou à compléter certaines données.

Lors de la réunion du GFD du 12 mars 2012, le premier projet de document de travail des services de la Commission a été examiné en détail. La plupart des représentants des pays qui assistaient à la réunion ont fourni des mises à jour, des corrections et des ajouts à ce document, en particulier en ce qui concerne le chapitre décrivant leurs systèmes respectifs actuels en matière de financement du déclassement des installations.

Le chapitre suivant permet de comparer des extraits de la recommandation de 2006 et des lignes directrices avec l'état actuel du financement du déclassement dans les États membres, tel qu'il ressort des réponses au questionnaire et des renseignements obtenus par la suite. La numérotation des paragraphes reprend celle de la recommandation de 2006. Il s'agit en fait d'un résumé des informations recueillies auprès des États membres au moyen du questionnaire en ce qui concerne les principales dispositions figurant dans la recommandation.

2.           LES PRATIQUES ACTUELLES DE FINANCEMENT COMPTE TENU DE LA RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

2.1.        LE DÉCLASSEMENT D’INSTALLATIONS NUCLÉAIRES

2.1.1.     Le déclassement et la gestion des déchets

Tous les États membres sont d'accord sur le principe selon lequel, après leur mise à l'arrêt définitif, les installations nucléaires doivent être déclassées, et une gestion adéquate des déchets doit être assurée. Ils ont toutefois choisi des moyens très différents pour atteindre ces objectifs: certains États membres optent pour un déclassement immédiat tandis que d'autres préfèrent un déclassement différé, après une période initiale de confinement sûr. En ce qui concerne l’état final du site, certains visent à créer le retour à l'état d'origine (équivalent à un site vierge), d'autres la situation d'une friche industrielle. Comme l'obtention du statut de site vierge est plus onéreuse, elle requiert des ressources financières plus importantes qu’il y a lieu de réunir tout au long de la durée de vie de l’installation.

Conformément à la recommandation de 2006 de la Commission, chaque installation nucléaire devrait être couverte par une stratégie de déclassement associée à une politique de déclassement. Ces deux types de programmes existent dans la plupart des États membres. Mais dans certains, bien que la stratégie et le plan soient tous deux déjà établis en principe, les détails précis restent à définir. Or, seule une planification détaillée permet d'assurer l'obtention des ressources financières nécessaires.

2.1.2.     Le principe du pollueur-payeur

Tous les États membres sont d'accord sur le principe du pollueur-payeur. Dans les États membres qui disposent d'installations nucléaires commerciales, des systèmes élaborés ont été mis en place pour obliger le titulaire du permis d'exploitation à rassembler les ressources financières adéquates avant l'expiration de la durée de vie des installations, de façon à ce que ces ressources soient disponibles en temps voulu pour le déclassement des installations.

Les obligations individuelles doivent être clairement définies pour chaque installation nucléaire. Il est clair que dans tous les États membres, la responsabilité en ce domaine incombe au titulaire de la licence et que l'on sait de qui il s'agit.

Depuis la publication du dernier rapport sur le financement du déclassement, des progrès encourageants ont eu lieu dans la mise en œuvre de cette recommandation. Il existe à présent un consensus général au sujet des objectifs, ce qui permettra à la Commission, à l'avenir, de se concentrer davantage sur des points plus précis des régimes de financement.

Voici quelques exemples de bonnes pratiques en la matière:

· aux Pays-Bas, la plus récente révision de la loi sur l’énergie nucléaire, en vigueur depuis avril 2011, a établi l'obligation juridique claire de mise/mettre en place (d')un fonds de déclassement pour couvrir l’intégralité des coûts de déclassement. Alors qu'auparavant la notion de l'application du principe du pollueur-payeur était généralement acceptée et que les fonds étaient mis en place sans que l'on y soit contraint, il s'agit désormais d'une obligation juridique claire.

· en France, où une telle législation a été adoptée en 2006, il existe à présent des plans concrets visant également la mise en place d’un fonds pour le déclassement des installations de recherche financées par l'État.

· en Espagne, des changements législatifs récents ont encore davantage orienté le financement du déclassement, d'un système de redevance générale vers un système de contributions financières devant être versées par le titulaire de la licence.

2.1.3.     Exhaustivité des ressources financières (y compris pour la gestion des déchets)

Il convient de considérer les coûts de gestion des déchets comme faisant également partie des activités de déclassement.

Tous les États membres en sont conscients et des calculs distincts sont effectués dans l'ensemble de l'UE. En particulier, les États membres ayant des programmes nucléaires commerciaux importants peuvent recourir à des méthodes crédibles et fiables d'établissement des coûts, qui couvrent tous les aspects des activités de déclassement. On peut affirmer, en principe, qu'il en va de même pour ce qui est des coûts de gestion des déchets nucléaires, quoiqu'avec un degré d'incertitude plus élevé étant donné que la plupart des pays sont encore à un stade précoce de préparation en ce qui concerne le stockage définitif de ces déchets.

Certains États membres ont mis en place des régimes de financement distincts pour les opérations de déclassement et pour la gestion des déchets.

2.2.        ASPECTS INSTITUTIONNELS ET PROCÉDURAUX

2.2.1.     Article 41 du traité CEEA Proposition de régime de financement du déclassement

Le principe de la notification du régime de financement du déclassement dans le cadre de la procédure de notification prévue à l'article 41 du traité CEEA a généralement été respecté dans les notifications récemment reçues par la Commission. Toutefois, les notifications ne comportaient pas toujours une description complète du régime de financement du déclassement des installations intégré telle que requise par la législation. Une description des projets d'investissement et du régime de financement du déclassement prévu est requise (montant, plan de constitution des avoirs du fonds, modalités de gestion du fonds, etc.).

À l’avenir, toutes les notifications au titre de l'article 41 devront être accompagnées d’une telle description détaillée, au moins sous la forme d'un projet de loi. Il sera ainsi possible de consulter le GFD sur la proposition en question.

Cette recommandation se réfère de manière explicite au GFD et lui attribue un rôle. Elle fournit une base aux travaux du groupe: le mandat et les critères dans le cadre desquels le GFD doit donner son avis seront définis au sein de ce groupe, sur la base d'une proposition de la Commission.

2.2.2.     Organisme national

L’organisme national doit disposer des compétences techniques et financières nécessaires à l'exercice de ses fonctions.

Des organismes nationaux dotés de connaissances spécialisées existent dans la plupart des États membres. Dans les systèmes les mieux conçus, une organisation a été créée spécialement dans ce but et chargée d'exercer un contrôle indépendant sur le fonds. Dans d’autres États membres, les fonctions de l'organisme national sont exercées par le ministère compétent ou par des auditeurs indépendants spécialisés.

Dans certains cas, davantage de clarté serait souhaitable en ce qui concerne le degré d'indépendance de l’exploitant et la question de savoir qui assure effectivement les fonctions de contrôle indépendant du fonds. D’une manière générale, la question de l’indépendance de l’organisme national devrait être précisée dans les travaux à venir du GFD et dans de futurs rapports.

Tous les organismes nationaux ont le pouvoir d'appliquer des mesures correctives, en particulier en cas d’insuffisance des ressources. D’une manière générale, les titulaires de licence ont l'obligation de combler toute lacune en matière de ressources détectée par l'organisme national.

Tous les organes nationaux effectuent des contrôles périodiques sur les estimations des coûts de déclassement. Ces contrôles doivent être effectués au moins tous les cinq ans, même s'ils ont souvent lieu plus fréquemment.

L’organisme national a un rôle important à jouer dans l'examen de l'adéquation entre les montants disponibles dans le fonds et ceux qui seront nécessaires au déclassement. Si les coûts de déclassement augmentent au cours de la durée de vie active de l'installation, l'exploitant en est tenu pour responsable et doit alimenter le fonds en conséquence. Les États membres prennent déjà ce point très au sérieux. Pour améliorer le sentiment de sécurité à cet égard, il est recommandé aux organes nationaux de jouer un rôle encore plus important dans ce domaine (par exemple, par une augmentation de la fréquence des révisions ou par une mise en œuvre plus rapide des mesures correctives).

2.3.        FONDS DE DÉCLASSEMENT

2.3.1.     Adéquation et origine des fonds

Les systèmes en vigueur dans tous les États membres menant des activités nucléaires commerciales sont fondés sur un modèle de création de fonds de déclassement adéquats sur la base des revenus obtenus au cours de la durée de vie des installations.

Jusqu’à présent, le taux d'accumulation des ressources financières dans ces fonds semble généralement suffisant. La plupart des États membres ayant des programmes nucléaires commerciaux ont rassemblé des ressources substantielles; certains sont même près d'atteindre le montant nécessaire prévu. Lorsque les sommes collectées sont inférieures (en pourcentage du total) à celles qui étaient prévues à ce stade de la durée de vie des installations, cela peut être dû à des négociations en cours portant sur la prolongation de cette durée de vie. Les attentes concernant un prolongement de la durée de vie ne doivent toutefois pas conduire à un ralentissement des efforts de constitution des ressources financières.

Le calendrier de constitution des fonds s'étend en général sur l'ensemble de la période d'exploitation prévue. Des périodes plus courtes ne sont pas exclues et constituent un moyen de se prémunir en cas de circonstances imprévues telles qu'une fermeture anticipée.

Quant aux cas de fermetures anticipées imputables à des décisions politiques, il incombe en général au gouvernement responsable de combler le déficit qui en résulte pour le fonds. En cas d'accident, le régime international de responsabilité fondé sur les différentes conventions internationales s'applique.

Dans certains États membres, pour des raisons historiques, il existe des exceptions à la règle selon laquelle les fonds doivent être constitués à partir des recettes des activités nucléaires: il peut s'agir d'une fermeture anticipée (référendum réalisé après l'accident de Tchernobyl), de l'absence de constitution de fonds avant l’adhésion à l’UE ou de la faillite de l'exploitant. Même lorsque l'Union européenne a mis en place un système de fonds de soutien au déclassement des installations concernées, la responsabilité ultime continue néanmoins d'incomber au titulaire de la licence et à l'État concerné, qui doivent rassembler les ressources financières nécessaires au déclassement et à la gestion des déchets. Des efforts supplémentaires sont nécessaires à cet égard lorsque les fonds ne sont pas suffisants pour couvrir l’intégralité des coûts du déclassement.

À l’exception des cas liés à des raisons historiques mentionnés ci-dessus, pour toutes les autres installations nucléaires, le régime de financement doit être en parfaite conformité avec la recommandation et avec la directive 2011/70/Euratom sur la gestion des déchets.

Le programme de déclassement des installations nucléaires qui appartiennent à la Commission européenne en vertu du traité Euratom (à savoir, les installations nucléaires du Centre commun de recherche) fait l’objet, à intervalles réguliers, de communications spécifiques au Parlement et au Conseil. Les fonds de déclassement sont gérés par le Centre commun de recherche sur la base d'une programmation pluriannuelle approuvée par l’autorité budgétaire.

Exemples de bonnes pratiques:

· la Finlande et la Suède peuvent être mentionnées ici, à titre d’exemples de l’adéquation des sommes rassemblées jusqu'à présent dans un fonds séparé.

2.3.2.     Type de fonds, contrôle de leur utilisation et révision

Les États membres ont choisi un modèle qui correspond à l'un des types de fonds de déclassement suivants:

· un fonds interne séparé, qui est détenu par l'exploitant de l'installation mais en tant que fonds distinct ne pouvant être utilisé qu'aux fins de déclassement et de gestion des déchets, et sous le contrôle de l’organisme national. Des fonds de ce type existent par exemple en France, en Belgique et en République tchèque.

· un fonds externe séparé, c'est-à-dire non détenu par l'exploitant de l'installation; on trouve ce type de fonds en Finlande et en Suède, où il est également externe par rapport au budget de l'État, ainsi qu'en Hongrie, en Roumanie, en Slovaquie et en Bulgarie. Dans ces États membres, toutefois, les fonds font en quelque sorte partie du budget de l’État.

· un fonds interne non séparé. On trouve ce type de fonds en Allemagne, où le droit commercial oblige les sociétés exploitant des centrales nucléaires à constituer des réserves importantes dans leurs bilans financiers en prévision des coûts futurs de déclassement et de gestion des déchets.

Bien que le modèle de fonds recommandé soit celui d'un fonds séparé, un système sûr peut également être mis en place avec des fonds non-séparés mais bien contrôlés. Lorsque les ressources financières rassemblées dans un fonds séparé font à nouveau l'objet d'un prêt aux titulaires de licence, il importe qu'un organisme indépendant assure un contrôle accru.

Pour effectuer la révision, l’organisme national doit être totalement indépendant de l'exploitant et doté des pouvoirs nécessaires pour assurer que toute mesure corrective proposée sera mise en œuvre. Ces pouvoirs risquent d'être remis en question si les représentants du titulaire de la licence ont le droit de désigner des représentants au conseil d'administration de l'organisme national, comme c'est le cas dans certains États membres.

2.3.3.     Nouvelles installations nucléaires

Les États membres qui n’ont pas mis en place un régime de financement pleinement opérationnel et qui envisagent de construire de nouvelles installations nucléaires, en particulier de nouvelles centrales nucléaires, devraient adopter les lois nécessaires à l’établissement d’un régime de financement du déclassement solide avant la prise de décision d'investissement.

Les exemples les plus récents de nouveaux régimes de financement nous sont offerts par:

· le Royaume-Uni, où la construction de nouvelles centrales ira de pair avec la création d'un fonds externe et séparé.

· la Lituanie, où suite à la décision de construction d'une nouvelle centrale nucléaire près du site de l'ancienne centrale, un régime de financement est en cours d’élaboration.

· la Pologne, où une législation relative au régime de financement du déclassement a récemment été adoptée, bien avant que la décision concernant le projet de construction de centrale(s) nucléaire(s) ne soit prise.

2.4.        ESTIMATION DES COÛTS DU DÉCLASSEMENT

2.4.1.     Calcul distinct des coûts relatifs aux opérations techniques de déclassement et à la gestion des déchets

Le principe du calcul distinct des coûts relatifs au déclassement des installations et à la gestion des déchets est accepté dans tous les États membres; certains d'entre eux ont établi des fonds généraux séparés, mais distincts, pour le déclassement, d'une part, et pour la gestion des déchets, d'autre part.

Le calcul des coûts de la gestion des déchets comporte généralement un plus haut degré d'incertitude que le calcul des coûts de déclassement, en raison du stade précoce de la planification relative aux centres de stockage définitif.

La transposition de la directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011, qui établit un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs[6], doit conduire à la réalisation de progrès substantiels dans la planification financière des coûts de gestion des déchets.

2.4.2.     Calcul des coûts et adéquation

Comme indiqué ci-dessus, en collaboration avec l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN), la Commission a élaboré et proposé la méthode du «Livre jaune», outil aidant à estimer les coûts de déclassement. L'utilisation de cette méthode est fortement recommandée pour les calculs et les référentiels et, bien qu'elle ne soit pas obligatoire, elle pourrait néanmoins servir de base aux méthodes utilisées dans certains pays et les étayer. Depuis peu, la norme intitulée «International Structure for Decommissioning Costing» ((ISDC, ou structure internationale pour la tarification du déclassement), publiée par l'OCDE/AEN en 2012 (AEN no 7088), a été mise à jour et remplace le «Livre jaune». Il n'existe pas encore de système analogue pour l'évaluation des coûts des déchets nucléaires.

Il n’est pas certain que, dans tous les États membres, l’organisme national examine toutes les estimations de coût, comme il est censé le faire. La Commission continue à observer la situation.

2.4.3.     Estimations des coûts spécifiques au site

En ce qui concerne les coûts «spécifiques au site», et dans le cadre des objectifs d'exactitude et de transparence, il convient de ventiler par unité nucléaire les coûts relatifs à des sites comprenant plusieurs unités nucléaires. Le cas échéant, il est permis de recourir à une approche du type «constitution d'un parc homogène».

On observe une tendance générale dans les États membres à laisser de côté les estimations de coûts génériques en faveur d'estimations de coûts spécifiques liés au site en question. La plupart des États membres appliquent déjà strictement ce critère, ce qui constitue une évolution très positive.

2.5.        UTILISATION DES FONDS DE DÉCLASSEMENT

2.5.1.     Utilisation aux fins prévues et transparence

Les fonds de déclassement ne doivent être utilisés qu’aux fins précises pour lesquelles ils ont été établis, tels que prévues dans le plan de déclassement final, et non à d'autres fins. L’organisme national conserve une fonction importante lors de la phase de déclassement, en ce qui concerne le suivi et la vérification régulière de l'utilisation correcte des fonds.

Sur ce point, les réponses au questionnaire et aux demandes de renseignements ultérieures ne sont encore pas suffisamment précises. Cela pourrait être dû au fait que la plupart des fonds n'ont pas encore atteint leur phase de décaissement. Cette question devra à l’avenir faire l'objet d'un suivi attentif.

Deux exemples de bonnes pratiques à cet égard:

· en Suède, le fonds national publie une fois par an sur son site web un rapport très détaillé contenant toutes les informations pertinentes (en suédois et en anglais): http://www.karnavfallsfonden.se/ .

· au Royaume-Uni, le site web de la «Nuclear Decommissioning Authority» (NDA), (l'autorité chargée du déclassement des installations nucléaires britanniques) http://www.nda.gov.uk/ fournit des informations similaires.

2.5.2.     Sécurité du profil de risque

Afin d'assurer la sécurité du profil de risque, il convient de privilégier des actifs à faible risque tout en n’excluant pas les actifs à haut risque, mais en établissant des contraintes sur l’exposition au risque. La stratégie de gestion doit chercher à s'aligner sur le coût total des opérations de déclassement et à garantir la disponibilité des fonds au moment où ils sont nécessaires, sous le contrôle de l’organisme national.

Il convient d'obtenir un rendement satisfaisant du capital sans prendre de risque excessif: dans certains États membres, le fonds est autorisé à prêter à l'exploitant 75 % au maximum du capital déjà constitué, l'exploitant devant s'acquitter d'intérêts fixés par le gouvernement. Dans d'autres États membres, le fonds doit à tout moment couvrir les provisions actualisées, et les actifs admissibles sont fixés par décret, mais les exploitants ont la possibilité de décider librement sur cette base. Dans un cas précis, le fonds comporte également des restrictions en ce qui concerne l'admissibilité de certains actifs et doit viser le rendement le plus élevé possible dans ces conditions. Dans plusieurs États membres, le fonds est détenu ou établi par le Trésor public. En pareil cas, les réponses au questionnaire ne permettent pas de déterminer comment le capital est investi.

De nombreux États membres exigent que les fonds investissent dans une large mesure dans des obligations d'État. Les événements récents sur les marchés financiers ayant semé de graves doutes quant à la sécurité absolue des obligations d’État, il peut être souhaitable de revoir les hypothèses implicites qui sous-tendent la législation existante dans ce domaine.

La France, où des règles très détaillées sont en place pour les diverses catégories d’actifs éligibles et où une révision est en cours, offre, en l’espèce, un bel exemple de bonnes pratiques en matière d'investissement de fonds.

2.5.3.     Insuffisance des performances de gestion des fonds

La mise en évidence d’une inadéquation entre la valeur du fonds et celle des passifs relatifs au déclassement doit donner lieu à l'élaboration immédiate de mesures correctives destinées à être mises en œuvre à court terme. À cet égard, l'examen annuel des ressources financières rassemblées ainsi que la révision par l'organisme national des prévisions de coûts sont de la plus haute importance.

Ce principe est bien mis en œuvre dans tous les États membres qui ont opté pour des régimes de fonds internes. Dans tous les cas, l'organisme national effectue un contrôle périodique eu égard à cette exigence essentielle.

2.5.4.     Installations nucléaires non commerciales

Les installations dont il est question ici sont généralement des installations de service, qui appartiennent à l'État, telles que des centres médicaux, des centres de recherche, des installations de production d'isotopes et des accélérateurs de particules. Comme elles sont généralement placées sous la responsabilité de l'État, leur déclassement est financé par le budget national. Il conviendra néanmoins d'élaborer un plan final de déclassement donnant des précisions sur l’ampleur du passif et les coûts associés. Tous les États membres disposant de telles installations ont mis en place des plans de déclassement ou sont en train de le faire.

3.           CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Depuis la présentation du deuxième rapport sur le déclassement, en 2007, l'environnement juridique dans le domaine du déclassement et de la gestion des déchets a changé de manière significative avec l’adoption de la directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs[7]. Cette directive, qui doit être transposée dans le droit national des États membres au plus tard le 23 août 2013, prévoit en son article 9 que «Les États membres veillent à ce que le cadre national impose que les ressources financières suffisantes soient disponibles, le moment venu, pour la mise en œuvre des programmes nationaux visés à l’article 11, en particulier pour la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, en tenant dûment compte de la responsabilité des producteurs de combustible usé et de déchets radioactifs».

Ce principe, qui se retrouve dans la recommandation, fait à présent partie d'une législation contraignante qui sera transposée par tous les États membres. Les programmes nationaux sur le combustible usé et les déchets radioactifs devront couvrir tous les types de déchets et toutes les étapes de leur gestion, depuis leur production jusqu'à leur stockage définitif, et fournir une base de calcul suffisamment détaillée pour permettre l'estimation du coût à long terme en tant que variable servant à déterminer le montant adéquat de ressources financières à rassembler pour obtenir des fonds suffisants pour la gestion des déchets. L’obligation de couvrir toutes les étapes de la gestion des déchets, dès leur production, signifie qu'une grande partie des activités de déclassement sera également couverte.

Les programmes nationaux devraient fournir une estimation détaillée du coût de toutes les étapes de gestion des déchets jusqu’à leur stockage, y compris les activités associées telles que la recherche et le développement. Il convient également qu'ils fournissent des informations sur les modes de financement.

Si un programme national prévoyait seulement l'entreposage temporaire à long terme, mais pas de solution permanente de stockage, les ressources financières ainsi économisées risqueraient de permettre à l'exploitant de renforcer sa position sur le marché par rapport à ses concurrents dans les États membres où le financement d’une installation de stockage est obligatoire. Une telle situation pourrait apparaître comme une distorsion manifeste de la concurrence. Certaines estimations concluent à un avantage potentiel, sur le plan des coûts, de l'ordre de 3,5 à 4 % des coûts totaux de production supposés[8].

La directive comporte également des règles contraignantes en ce qui concerne les régimes de financement et la transparence, qui reflètent également certains principes de base de la recommandation. L'article 10 sur la transparence garantit le caractère public de l'information et le droit de participer de manière effective au processus décisionnel. L'article 12 sur les programmes nationaux prévoit l'obligation d’inclure une estimation des coûts et de mettre en place des systèmes nationaux ainsi qu’'une politique ou un processus assurant la transparence.

De par l'obligation faite aux États membres de mettre à jour leurs programmes nationaux et de les soumettre à l'évaluation par les pairs, la directive renforce la transparence et la qualité des mécanismes de financement de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs et des opérations de déclassement.

La directive 2009/71/Euratom[9], directive sur la sécurité nucléaire, s'applique au déclassement des installations nucléaires, puisque son champ d'action comprend toutes les installations nucléaires civiles exploitées sous licence — y compris les licences relatives au déclassement des installations nucléaires. Elle constitue une avancée supplémentaire décisive vers des règles contraignantes pour la constitution de fonds de financement adéquats pour le déclassement et la gestion des déchets des installations nucléaires. Ces règles constituent une base solide pour un cadre juridique commun et une culture de la sûreté bien établie dans l'UE. Avec la recommandation de la Commission de 2006, elles serviront de cadre pour la poursuite des travaux visant à améliorer encore la situation dans les États membres afin d'assurer que les ressources financières destinées au déclassement et à la gestion des déchets sont adéquates, disponibles et sûres.

Une fois achevée la transposition complète de la directive sur les déchets nucléaires, le groupe sur le financement des opérations de déclassement (GFD) devra néanmoins poursuivre ses travaux avec la Commission pour promouvoir une compréhension claire des politiques et stratégies en matière de déclassement, en fournissant des connaissances à jour sur les estimations du coût des opérations de déclassement et sur la gestion des fonds, et en explorant les possibilités de renforcer la coopération, voire l'harmonisation, à l'avenir.

D'autres éléments de progrès possible ont été examinés lors de la réunion de mars 2012 du GFD: les rapports établis conformément à la recommandation et à la directive sur les déchets nucléaires devraient être harmonisés; suite au premier rapport élaboré dans le cadre de la directive sur les déchets nucléaires, une réflexion sur les rapports établis en vertu de la recommandation sera nécessaire. Dans ce contexte, il serait également important de réfléchir aux liens entre le GFD et la directive sur les déchets nucléaires, en liaison avec le processus de transposition, ainsi qu’aux liens avec l’ENSREG et forum européen sur l’énergie nucléaire (ENEF). Il conviendrait d'élaborer un mandat révisé pour le GFD dans le cadre d'une coopération entre ce groupe et la Commission.

Un point important devant faire l'objet d'une réflexion commune serait les leçons à tirer des crises récentes du secteur bancaire et de la dette souveraine. Il est nécessaire que tous les États membres réagissent à la crise qui a secoué les marchés financiers au cours des deux dernières années; et une collaboration au sein du GFD pourrait à l'avenir contribuer à renforcer la solidité des ressources financières réservées au déclassement.

[1]               Rapport sur l’utilisation des ressources financières destinées au déclassement des centrales nucléaires de puissance, COM (2004) 719 final du 26.10.2004.

[2]               Résolution du Parlement européen sur l’utilisation des ressources financières destinées au déclassement des centrales nucléaires [2005/2027(INI)], P6_TA-PROV(2005)0432.

[3]               JO L 330 du 28.11.2006.

[4]               COM(2007) 794 final du 12.12.2007.

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2007:0794:FIN:fr:PDF

[5]               JO L 199, 2.8.2011, p. 48, ci-après dénommée «directive sur les déchets nucléaires».

[6]               JO L 199 du 2.8.2011, p. 48.

[7]               JO L 199 du 2.8.2011, p. 48.

[8]               DOCUMENT DE TRAVAIL DES SERVICES DE LA COMMISSION, document accompagnant la proposition révisée de DIRECTIVE (Euratom) DU CONSEIL sur la gestion du combustible nucléaire usé et des déchets radioactifs, ANALYSE D'IMPACT COM (2010) 618 final, chapitre 2.3.3.

[9]               JO L 172 du 2.7.2009, p. 218.