15.11.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 351/21


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Éradication de la violence domestique à l’encontre des femmes» (avis d’initiative)

2012/C 351/05

Rapporteur: Mário SOARES

Le 24 mai 2012, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Éradication de la violence domestique à l'encontre des femmes».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 septembre 2012.

Lors de sa 483e session plénière des 18 et 19 septembre 2012 (séance du 18 septembre 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 138 voix pour, 3 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

En 2006 déjà, le CESE s'est prononcé sur la violence domestique contre les femmes (1), en exprimant la préoccupation de la société civile à l'égard de cette question. Les recommandations formulées à cette occasion restent d'application et ne sont donc pas reprises dans le présent avis.

1.2

En sa qualité de représentant de la société civile et conscient que la problématique de la violence à caractère sexiste, notamment la violence domestique, est une question qui interpelle chacun, le CESE réaffirme son engagement dans la lutte contre ce fléau par tous les moyens possibles et envisage notamment la possibilité d'organiser tous les deux ans un débat sur cette problématique.

1.3

Le CESE adresse aux institutions européennes et aux États membres les recommandations suivantes:

1.3.1

droits humains: envisager la violence à caractère sexiste dans le cadre domestique comme une question relevant des droits humains, ce qui permettra d'élaborer une réponse globale et multisectorielle au problème;

1.3.2

paradigmes de la sécurité et des risques: adopter des mesures en vue de modifier les paradigmes de la sécurité et des risques, en enracinant la conviction que la violence contre les femmes dans le cadre domestique n'est pas un problème individuel et isolé, appartenant à la sphère privée, mais une question de sécurité et d'ordre public;

1.3.3

prévention: développer une politique de prévention de la violence domestique en créant des espaces pluridisciplinaires de soutien, dotés de ressources et d'un personnel spécialisé, ainsi que des plans d'action interministériels associant les hommes et les jeunes aux efforts pour éradiquer la violence domestique;

1.3.4

politiques de protection: garantir aux femmes victimes de violences un accès prioritaire au logement, à une aide économique, à la formation, ainsi qu'à un travail décent et conforme au principe "à travail égal, salaire égal";

1.3.5

harmonisation des critères statistiques: poursuivre l'harmonisation des critères d'enregistrement des cas de violence sexiste, afin d'assurer la comparabilité des données recueillies;

1.3.6

éducation: garantir que l'éducation contribue à la transformation des mentalités, ce qui exige, entre autres choses, de mettre en œuvre de véritables programmes coéducatifs, de mettre fin au langage sexiste dans les manuels scolaires, ainsi qu'une formation initiale et continue des professeurs qui tienne compte de la problématique de la violence à caractère sexiste, notamment domestique;

1.3.7

médias: garantir une application effective de la directive "Services de médias audiovisuels" (2), de manière à mettre un terme à la transmission par les médias, et en particulier la publicité, d'une image négative de la femme;

1.3.8

santé: renforcer la conviction que la violence domestique contre les femmes est une variable de risque sous l'angle de la santé;

1.3.9

coresponsabilisation: renforcer et appuyer les mesures qui favorisent la coresponsabilité des hommes et des femmes à l'égard de la prise en charge des enfants, des parents plus âgés ou qui ont des besoins spéciaux;

1.3.10

organisations de la société civile: soutenir les organisations qui œuvrent en faveur des femmes victimes de violence domestique ou qui développent des actions de sensibilisation/formation s'inscrivant dans la lutte contre la violence sexiste;

1.3.11

Année européenne de la lutte contre la violence sexiste: consacrer une année européenne à la lutte contre la violence sexiste;

1.3.12

la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention de et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique: Le CESE invite instamment l'Union européenne et tous les États membres à signer, ratifier et mettre en œuvre cette convention adoptée en 2011.

2.   Introduction

2.1

Toute violence exercée à l'égard d'un individu est une atteinte à sa dignité, à son intégrité physique et psychologique, aux droits humains ainsi qu'aux fondements d'une société démocratique.

2.2

Les États ayant obligation de respecter, protéger et promouvoir les droits de leurs citoyens, ils doivent investir des ressources publiques importantes dans des services et du personnel spécialisés à même de s'acquitter de cette mission.

2.3

La violence publique est condamnée par la société et celle-ci soutient les actions que les États mettent en œuvre pour réprimer et sanctionner ceux qui s'en rendent coupables.

2.4

Il existe cependant une autre violence, plus silencieuse, qui s'exerce à l'intérieur des foyers et qui affecte d'une manière parfois plus brutale ses victimes: la violence domestique.

Tous les membres d'une famille peuvent être victimes, de façon occasionnelle ou en permanence, de différents types de violences, qui peuvent aller jusqu'à la mort.

2.5

Si chacun d'entre eux mérite que les autorités y soient attentives, s'en préoccupent et prennent des mesures, il n'en est pas moins vrai que le groupe le plus systématiquement touché est celui des femmes. La violence domestique reste l'une des principales causes de mortalité féminine dans le monde. C'est pourquoi le présent avis est centré sur la violence domestique contre les femmes.

2.6

L'Union européenne définit la violence contre les femmes comme "tout acte de violence dirigé contre les femmes, causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou la vie privée" (3).

2.7

En dépit des efforts consentis depuis plusieurs décennies par les pouvoirs publics et divers secteurs de la société, organisés ou non, cette forme de violence est toujours considérée comme un problème d'ordre privé, alors qu'il s'agit en vérité d'un problème public.

2.8

La violence domestique est un crime qui doit être sanctionné par la loi. Le CESE reconnaît les efforts réalisés par différents pays de l'Union pour sanctionner par des mesures plus sévères tous ceux qui le commettent. Il importe néanmoins également d'identifier les causes profondes sous-jacentes à ce phénomène et de définir les stratégies nécessaires pour le combattre, y compris par une meilleure compréhension du phénomène par les hommes.

2.9

Par ailleurs, la crise économique est en train d'affecter sérieusement les politiques sociales dans de nombreux pays de l'UE. Des services publics de base, comme la santé, l'éducation et les services sociaux sont réduits alors que les familles, en particulier les femmes, en ont davantage besoin. On assiste à la fermeture de services d'assistance spéciale pour les femmes et de centres d'accueil de femme maltraitées, à la réduction des budgets des services nationaux pour l'égalité entre les hommes et les femmes, à la suppression de projets de prévention, de campagnes dans les médias, etc.

2.10

Les inégalités économiques et la discrimination à l'encontre des femmes dans des domaines tels que l'emploi, les salaires, l'accès à d'autres ressources économiques et le manque d'indépendance économique, mais aussi la persistance des stéréotypes sexistes et d'une société patriarcale réduisent la capacité de la femme à agir et accentuent sa vulnérabilité à l'égard de la violence domestique.

2.11

La crise économique actuelle et les politiques en vigueur qui sont censées la combattre, de même que la libéralisation des économies et la privatisation du secteur public ont pour effet non seulement de renforcer la division sexiste du travail mais aussi d'accroître les inégalités, exacerbant les facteurs qui provoquent la violence.

2.12

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) (4) a reconnu les effets préjudiciables de la mondialisation sur les structures sociales. Une mondialisation sans règles peut produire des formes aggravées de violence contre les femmes, notamment sous forme de trafic d'êtres humains.

2.13

Les femmes appartenant à des groupes minoritaires, les immigrées, les femmes pauvres vivant dans des communautés rurales ou isolées, les femmes purgeant une peine de prison, celles internées dans des institutions, les handicapées mentales ou physiques et les femmes âgées sont les plus exposées au risque de subir des violences.

2.14

Le présent avis d'initiative se propose de dresser le bilan de la violence domestique contre les femmes en Europe, de présenter une vision d'ensemble des mesures prises et de susciter une prise de conscience sociale plus aiguë du problème.

2.15

Le CESE, qui est la voix de la société civile organisée, est disposé à organiser en collaboration avec les organisations qui s'occupent de ce type de violence un forum de discussion afin de débattre de propositions en vue de son éradication et de partager des exemples de bonnes pratiques conduisant à des mesures préventives efficaces.

3.   La convention du Conseil de l'Europe – Un instrument à ratifier et à appliquer

3.1

En 2011, le Conseil de l'Europe a adopté une convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (5). Il s'agit du premier instrument international juridiquement contraignant qui crée un cadre juridique global en vue de prévenir la violence, protéger les victimes et condamner les agresseurs. C'est un appel lancé en faveur d'une plus grande égalité entre hommes et femmes, car la violence contre les femmes est profondément enracinée dans les inégalités entre les sexes et perpétuée par une culture patriarcale et d'indifférence vis-à-vis de cette réalité.

3.2

La convention en question prend en considération tous les types de violence (physique, psychologique, harcèlement sexuel, mariage forcé, mutilation génitale féminine, harcèlement, stérilisation ou avortement forcé), sans distinction d'âge, d'origine ethnique de nationalité, de religion, d'origine sociale, de situation migratoire ou d'orientation sexuelle de la victime.

3.3

Jusqu'à présent, seuls 20 pays ont signé (6) cette convention, dont certains avec des réserves (Allemagne, Serbie et Malte) et un seul l'a ratifiée (7). Le CESE exhorte tous les États membres à signer, ratifier et appliquer la convention d'Istanbul le plus rapidement possible.

4.   Observations générales

4.1

45 % des femmes dans l'UE disent avoir été victimes une fois ou l'autre de violence sexiste. Entre 40 et 45 % d'entre elles rapportent qu'elles ont fait l'objet de harcèlement sexuel au travail. On estime qu'en Europe, 7 femmes meurent des suites de violences sexistes chaque jour (8).

4.2

En outre, il s'agit d'un phénomène qui a un fort impact économique. On estime en effet que la violence contre les femmes dans les 47 pays membres du Conseil de l'Europe a un coût annuel d'au moins 32 milliards d'euros.

4.3

Une enquête de l'Eurobaromètre de 2010 a permis d'observer que ce phénomène est largement connu des citoyens (98 % des personnes interrogées) et présente une grande incidence (une personne sur quatre dit connaître une femme victime de violence domestique et une sur cinq affirme connaître un auteur de telles violences).

4.4

En 1980 déjà, la deuxième conférence mondiale sur la condition juridique et sociale de la femme mettait en évidence que la violence contre les femmes est le crime le plus passé sous silence du monde. Treize ans plus tard, la conférence mondiale sur les droits de l'Homme de Vienne reconnaissait les droits de la femme au titre des droits humains. Les États membres de l'UE se sont engagés à atteindre les objectifs fondamentaux de la plateforme d'action de Pékin de 1995.

4.5

Dans la déclaration finale du second sommet européen des femmes au pouvoir (Cadix, mars 2010) (9), 25 femmes ministres et de nombreux responsables politiques de toute l'UE ont reconnu que l'égalité entre hommes et femmes doit encore être concrétisée dans les faits et que la violence contre les femmes est un problème persistant de violation grave des droits humains. Le document affirme que les stéréotypes sexistes continuent à engendrer des discriminations et met en garde contre le fait que les nouvelles générations reproduisent des comportements sexistes.

4.6

Les institutions européennes ont produit divers documents d'analyse et d'action, qui sont mentionnés ci-après de manière non exhaustive:

4.6.1

Conseil européen:

Conclusions du Conseil sur l'éradication de la violence à l'égard des femmes dans l'Union européenne (8 mars 2010), qui appelle la Commission et les États membres à poursuivre leurs efforts dans la lutte contre la violence contre les femmes et à promouvoir des actions pour assurer leur financement.

4.6.2

Parlement européen:

Résolution sur les priorités et la définition d'un nouveau cadre politique de l'Union en matière de lutte contre la violence à l'encontre des femmes (2011).

En septembre 2011, le Parlement européen a soutenu l'octroi du bénéfice de la décision de protection européenne aux victimes de violence sexiste, de harcèlement sexuel, de séquestration et de tentative d'assassinat. Cette mesure a constitué un pas important pour la mise en place d'une espace européen de protection des femmes.

4.6.3

Commission européenne:

Charte des femmes (2009), plan d'action mettant en œuvre le programme de Stockholm (2010), stratégie pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2010-2015.

Diverses études ont été menées sur la violence contre les femmes afin d'approfondir la connaissance de ce problème.

Adoption le 18 mai 2011 d'un ensemble de propositions visant à renforcer les droits des victimes de crime (directive horizontale établissant des normes minimales concernant le droit, le soutien et la protection des victimes de la criminalité; règlement relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile).

Financement de programmes spécifiques comme Daphné III, ainsi que d'organisations européennes de lutte contre la violence envers les femmes (lobby européen des femmes).

4.7

Par ailleurs, les États membres, sans toutefois que ce soit toujours le cas, ont adopté des législations visant à criminaliser la violence domestique, à prendre des mesures plus draconiennes contre l'agresseur, à classer la violence domestique parmi les crimes relevant de l'ordre public, etc.

4.8

Bien que des données fiables et comparables sur la violence domestique continuent à faire défaut aux niveaux national et européen, les chiffres connus sont suffisamment alarmants pour ne pas avoir de doute sur l'ampleur du problème (10).

4.9

Malgré les chiffres et une élaboration plus rigoureuse de la législation, il est vrai que l'impression généralisée que nous vivons dans une société égalitaire persiste au sein de la population, ce qui peut fausser le débat non seulement sur la violence domestique mais aussi sur d'autres types de violence et d'inégalités entre les femmes et les hommes, telles que les écarts de salaires, les promotions dans le déroulement des carrières, etc.

4.10

Une forme de violence oubliée car invisible pour le monde extérieur est la violence psychologique. Il est temps de rompre ce silence et de reconnaître que cette forme de violence constitue une violation des droits humains qui doit être intégrée dans la législation relative à la violence sexiste.

4.11

Les femmes qui survivent à la violence psychologique et qui, dans de nombreux cas, sont gravement traumatisées tout le reste de leur vie, ont besoin d'une aide globale pluridisciplinaire dans un environnement réhabilitant sûr. Forcées à vivre isolées de la société, sans preuves tangibles d'actes de violence, elles craignent que personne ne les croie. Pour leur réadaptation, il est essentiel que les prestataires de soins accordent du crédit à leur parole.

4.12

La violence domestique a non seulement un impact sur la victime directe mais touche également ceux qui l'aident ou ont connaissance du problème, et notamment les enfants que leur fragilité émotionnelle rend particulièrement vulnérables, les effets pouvant perdurer durant toute la durée de leur existence.

4.13

Bien que les crimes domestiques ne se résument pas à des agressions contre les femmes. il faut savoir pourquoi d'autres crimes commis dans le cadre domestique, comme la pédophilie (90 % des faits sont commis par des proches) sont considérés comme répugnants, alors que dans le cas de la violence domestique, on s'interroge encore sur les raisons qui ont amené l'agresseur à commettre de tels actes.

5.   Observations particulières et propositions d'action

5.1

Il importe de répondre à la question fondamentale de savoir pourquoi ces crimes sont souvent excusés par la société ou pourquoi on recherche chez la femme agressée la justification des violences commises. Les raisons fréquemment avancées d'ordre culturel et social, en plus d'être fausses, ne font que favoriser le maintien du statu quo.

5.2

L'idée que la violence domestique trouve ses racines dans une culture et une tradition anciennes renforce le présupposé erroné que la culture est une ensemble figé de croyances et de pratiques. Au contraire, elle se développe et se renouvelle sans cesse, précisément parce qu'elle est hétérogène et incorpore des valeurs qui sont en concurrence entre elles, la capacité d'évoluer lui est inhérente.

5.3

La culture est intimement liée à l'exercice du pouvoir: les normes et les valeurs acquièrent force d'autorité quand leurs défenseurs détiennent le pouvoir ou des postes d'influence.

5.4

Les femmes également sont des acteurs de la culture, en influençant ceux avec qui elles vivent. Leur participation à la société et à la culture est essentielle pour la transformation des mentalités, des usages et des coutumes pernicieuses pour leur image et leur situation.

5.5

Ceci explique l'importance accordée à la réflexion sur la sous-représentation des femmes aux différents niveaux de pouvoir. Aussi longtemps que ce problème ne sera pas suffisamment résolu et que les femmes ne disposeront pas de la représentation économique, sociale et politique à laquelle elles ont droit de par leur nombre et leurs capacités, la recherche d'une issue au problème de la violence à leur encontre restera difficile et trop lente. Bien que les politiques publiques contre la violence sexiste jouent un rôle important, l'accès des femmes à l'exercice paritaire du pouvoir pourra modifier l'image traditionnelle de sa place dans la société.

5.6

Les modèles d'identification à un sexe qui, au fil des siècles, ont fait de la passivité, de l'abandon et de la soumission des vertus féminines et de l'agressivité, de la force et de l'action des qualités masculines ont contribué à une conception de la relation affective qui, des siècles durant, a cantonné la femme dans une position d'infériorité et de dépendance.

5.7

Une relation basée sur des modèles d'identification présupposant la soumission de l'un à l'autre n'est plus tolérable. Aussi, les hommes et les femmes doivent-ils se poser la question de leur positionnement face à ces modèles. Ce questionnement doit se fonder sur l'affirmation des valeurs de liberté, d'autonomie et d'épanouissement personnel.

5.8

Dans un grand nombre de cas de fémicide (11), un pourcentage important des victimes avait déjà dénoncé des actes de violence ou des menaces. Cela démontre l'importance du travail préventif. Dans de trop nombreux cas, aucune mesure n'avait été prise pour protéger la victime de son agresseur.

5.9

Le travail préventif peut et doit inclure entre autres:

une action thérapeutique sur l'agresseur ou l'agresseur potentiel. Il ne s'agit pas de trouver une excuse ou une circonstance atténuante pour l'acte violent ni d'exposer la victime à des situations incontrôlables mais bien de travailler sur les causes et de tenter de récupérer l'agresseur, ce qui aura des résultats bénéfiques pour tous;

le lancement de plans d'action interministériels pour la détection et la prévention précoces de la violence domestique par un système d'orientation et d'information opérant au sein des services éducatifs, sociaux et de santé;

la participation des hommes et des jeunes garçons aux efforts en vue d'éradiquer la violence envers les femmes et les jeunes filles;

la mobilisation de la jeunesse au moyen d'une campagne d'éducation en faveur d'une approche globale de la prévention et des interventions précoces, et une offre accrue de formation des professionnels travaillant auprès des jeunes;

le suivi des couples séparés pour cause de violence domestique afin de protéger les femmes susceptibles d'être victimes d'actes de harcèlement et de persécution, qui ont souvent une issue fatale.

5.10

Les services spécialisés de protection des victimes de violence domestique doivent bénéficier d'un personnel disposant d'une formation spécifique, ainsi que de ressources qui garantissent l'exécution des mesures arrêtées sous peine de les rendre inefficaces.

5.11

Il est important de créer des espaces pluridisciplinaires d'aide pour écouter, comprendre les femmes et donner du crédit à ce qu'elles disent. Dans le phénomène de la violence domestique interagissent des facteurs psychologiques, culturels et religieux ainsi que des coutumes enracinées depuis des siècles. Il n'a pas une cause unique et il ne peut être traité exclusivement par des mesures policières et pénales. Un appui pluridisciplinaire coordonné qui évite l'exposition de la femme à une violence répétée est un élément fondamental de la lutte contre ce phénomène. Il faut être particulièrement attentif aux femmes souffrant d'un handicap et aux femmes immigrées, qui sont plus vulnérables. De tels espaces de soutien doivent également inclure de manière systématique les victimes indirectes de violence, surtout les enfants.

5.12

Il importe de modifier le paradigme de la sécurité qui est trop lié au crime organisé, au terrorisme, aux atteintes aux personnes et aux biens, au trafic de stupéfiants et presque jamais au danger que peuvent courir de nombreuses femmes dans leur foyer ou sur leur lieu de travail. Si l'on avait intégré dans la sécurité davantage de critères humanistes et centrés en priorité sur la prévention, de nombreuses vies auraient été épargnées. Les nouvelles technologies peuvent offrir une protection accrue, comme les bracelets électroniques qui empêchent un agresseur en liberté de s'approcher de ses victimes quand il est soumis à un ordre d'éloignement.

5.13

En ne permettant pas de rendre compte de la véritable dimension du problème, les statistiques sur la violence domestique ne décrivent pas le phénomène avec rigueur. C'est pourquoi il s'avère urgent d'homogénéiser les critères d'enregistrement de la violence domestique pour que les données soient comparables au niveau européen.

5.14

Les gouvernements doivent valoriser et appuyer, y compris financièrement, le travail des organisations de la société civile (organisations de femmes, de défense des droits de l'homme, des syndicats, etc.) sans succomber à la tentation de les contrôler ou de diminuer leur autonomie.

5.15

Un domaine particulièrement important est celui de l'éducation. Celle-ci peut aussi bien perpétuer les modèles et les pratiques discriminatoires comme elle peut jouer un rôle de transformation des mentalités et des comportements individuels et collectifs. L'école doit promouvoir une éducation non sexiste et une approche coéducative fondées sur l'égalité des droits et des chances, en visant un développement complet de la personne, loin des stéréotypes et des rôles attribués en fonction du sexe, ainsi qu'en rejetant toute forme de discrimination qui nuirait aux femmes. L'école peut être un moyen de déconstruire l'image stéréotypée des rôles de la femme et de l'homme qui est généralement véhiculée dans les médias et un excellent observatoire de la violence sexiste.

5.16

Pour que l'école puisse développer ce rôle positif, il est essentiel que la formation initiale et continue des enseignants porte également sur la violence sexiste, notamment domestique. La révision périodique des programmes et des livres doit être une pratique constante pour éradiquer toute espèce de langage sexiste.

5.17

Le secteur de la santé est lui aussi d'une importance cruciale. En plaçant les femmes et les adolescentes au centre des stratégies de santé, il est possible de renforcer la conviction que la violence contre les femmes dans l'espace domestique est une variable de risque et non un problème isolé.

5.18

Il est nécessaire de revoir de manière périodique et systématique les procédures d'enregistrement et de notification en évitant des formules qui imposent aux professionnels des charges administratives, manquent de souplesse ou ne sont pas durables. Ces procédures doivent offrir la possibilité d'enregistrer le problème de santé comme une variable de risque (par exemple dans le cadre des consultations de planning familial ou prénatales) et de différencier clairement les besoins en milieu urbain et en milieu rural.

5.19

Dans tous les secteurs liés à la problématique de la violence sexiste, il importe de s'assurer que la sensibilisation et la formation sont efficaces et adaptées aux réalités, de même que les moyens et ressources nécessaires. Il y a lieu également de cartographier régulièrement la situation afin que les informations disponibles soient conformes à la réalité.

5.20

S'agissant de la sensibilisation et de la formation, il est important de distinguer la sensibilisation (destinée à tout le personnel qui travaille dans l'institution), la formation (dispensée à tous ceux qui sont en contact avec les victimes et peuvent contribuer à la détection du problème) et la formation spécifique (que doivent posséder tous ceux qui assistent les victimes). Il faut accorder une attention particulière à la formation des agents de police et des juges en raison du rôle qu'ils jouent dans la réception de la plainte et le jugement de l'agresseur. Leur action peut aider à transformer une expérience traumatisante en un nouvel espoir. Il est également nécessaire que les institutions pénitentiaires mettent en place des programmes internes destinés aux femmes victimes et aux hommes coupables de violence sexiste, ainsi que pour sensibiliser davantage à ce problème le personnel pénitentiaire de tous les États membres de l'Union.

5.21

Enfin, aborder la problématique de la violence domestique contre les femmes comme une question relevant des droits de l'Homme accroît les responsabilités des États membres en matière de prévention, d'éradication et de sanction de ce type de violence, ainsi que l'obligation de rendre compte du respect de ces obligations.

5.22

Le fait de lier la violence sexiste aux droits humains permet d'accéder à un vaste ensemble de mécanismes de responsabilisation des États membres au niveau international et régional, ainsi que de passer par les organes relevant des traités sur les droits de l'Homme, les tribunaux pénaux internationaux, ainsi que le système régional européen des droits de l'Homme (Cour européenne des droits de l'Homme – mécanisme du Conseil de l'Europe).

5.23

En abordant la violence contre les femmes comme une question relevant des droits humains, nous sommes amenés à y apporter une réponse globale et plurisectorielle qui ajoute une dimension, celle des droits de l'homme, aux efforts déployés dans tous les secteurs. Cela nous impose de renforcer et d'accélérer les initiatives dans tous les domaines en vue de prévenir et d'éradiquer la violence contre les femmes, y compris au niveau pénal, en matière de santé, dans le cadre des politiques de développement local ou régional, de l'aide humanitaire, etc.

Bruxelles, le 18 septembre 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 110 du 9.5.2006, p. 89-94.

(2)  Directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010.

(3)  http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cmsUpload/16173cor.fr08.pdf.

(4)  WHO Multi-Country Study on Women’s Health and Domestic Violence Against Women: Initial Results on Prevalence, Health Outcomes and Women’s Responses (L’enquête multipays de l’OMS sur la santé des femmes et la violence domestique à l’encontre des femmes) (Genève, OMS, 2005).

(5)  Convention du Conseil de l'Europe adoptée le 11 mai 2011 à Istanbul (Turquie) (www.coe.int/conventionviolence).

(6)  Albanie, Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, France, Grèce, Islande, Luxembourg, Ancienne République yougoslave de Macédoine, Malte, Monténégro, Norvège, Portugal, Royaume-Uni, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède et Ukraine.

(7)  Turquie.

(8)  Baromètre 2011, “National Action Plan on Violence against Women in the EU” (Plan d'action national contre la violence à l'égard des femmes), European Women’s Lobby, août 2011 (www.womenlobby.org).

(9)  http://www.igualdad.us.es/pdf/Docuemta_Otros_Cumbre.pdf.

(10)  Voir le rapport "Combattre les crimes d’honneur en Europe", présenté le 8 mars 2012, Journée mondiale de la femme, pour la fondation Surgir (institution sans but lucratif ayant son siège en Suisse).

(11)  Selon la définition des Nations unies, le "fémicide" est le meurtre d'une femme parce qu'elle est une femme. Constitue un "fémicide" la violence continue à l’égard d’une femme à l'intérieur ou à l'extérieur du cercle familial, qui culmine par son assassinat. Les recherches sur le phénomène de "fémicide" menées dans différents pays montrent que c'est dans le cadre privé, des relations intimes, que ces crimes sont les plus fréquents.