21.6.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 181/7


Avis du Comité économique et social européen sur les «Problèmes propres aux îles» (avis d'initiative)

2012/C 181/03

Rapporteur: M. José María ESPUNY MOYANO

Le 20 janvier 2011, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Problèmes propres aux îles».

La section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 mars 2012.

Lors de sa 479e session plénière des 28 et 29 mars 2012 (séance du 28 mars 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 129 voix pour, 4 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Les régions insulaires présentent des caractéristiques et des particularités communes de nature permanente, qui les distinguent nettement des territoires continentaux. L'article 174 du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) reconnaît que les territoires insulaires souffrent de désavantages concrets nécessitant une attention particulière. Le CESE considère néanmoins nécessaire de continuer d'œuvrer à l'adoption d'une stratégie appropriée répondant aux besoins spécifiques de ces régions insulaires.

1.2   Le CESE estime que la définition des îles utilisée par l'UE est inadéquate et devrait donc être revue et actualisée pour tenir compte de la nouvelle réalité d'une UE élargie incluant des États membres insulaires. Le CESE a préconisé dans de précédents avis (1) un aménagement de cette définition, recommandation qu'il réitère ici.

1.3   Les îles sont particulièrement affectées par les phénomènes migratoires ou les problèmes liés au vieillissement ou au dépeuplement. Ces situations peuvent entraîner la déperdition du patrimoine culturel, la fragilisation des écosystèmes et avoir des retombées économiques graves (emploi, jeunes, etc.).

1.4   Certaines îles sont confrontées à l'émigration de leur population vers des régions plus prospères, tandis que d'autres accueillent des immigrants qui contribuent au développement économique local. D'autres îles encore, de par leur situation géographique, sont confrontées à une immigration qui dépasse leur capacité d'accueil.

1.5   Le CESE est d'avis qu'il faut absolument améliorer l'accessibilité des îles et les possibilités de connexion avec elles et entre elles. La question de l'accessibilité étant essentielle si l'on souhaite améliorer l'attrait des régions insulaires, il conviendrait de diminuer les coûts du transport de marchandises et de passagers en appliquant le principe de la continuité territoriale et en améliorant le règlement européen no 3577/92.

1.6   L'agriculture, l'élevage et la pêche représentent une part importante de l'économie locale des îles et sont la principale source d'approvisionnement de l'industrie agroalimentaire. Mais ces secteurs sont fragiles, en raison de l'éloignement, de la dimension réduite des exploitations et d'une diversification insuffisante des productions, ainsi que des conditions climatiques.

1.7   Ces divers facteurs expliquent la faiblesse de l'industrie agroalimentaire insulaire, qui peut difficilement soutenir la concurrence des produits en provenance du continent ou de pays tiers, ce qui a pour effet d'affaiblir encore le secteur primaire.

1.8   Le CESE préconise que la PAC considère les îles comme des zones défavorisées, à l'instar des zones de montagne, et tienne compte de manière spécifique de l'insularité dans l'octroi des financements.

1.9   Nombreuses sont les îles européennes pour lesquelles l'activité touristique représente un facteur essentiel pour la survie de la population locale et pour la préservation de leur identité, de leurs traditions et valeurs culturelles et de leur paysage. Cette activité a permis de développer l'économie et l'emploi et de diversifier fortement la base économique, grâce aux services liés au tourisme. Mais l'économie des îles est devenue trop dépendante du tourisme, d'où la nécessité d'une diversification et d'une orientation vers des activités complémentaires à ce secteur et favorisant le développement économique insulaire lors de situations de crise telles que celle que nous traversons actuellement, qui affectent fortement le tourisme.

1.10   Le CESE fait sienne la requête du Parlement européen demandant que des stratégies spécifiques similaires soient instaurées pour les îles, les régions de montagne et d'autres zones vulnérables dans le cadre de l'initiative de la Commission visant à établir une stratégie pour un tourisme côtier et maritime durable, présentée dans sa résolution du 27 septembre 2011 (2).

1.11   Le CESE estime que les îles rencontrent des difficultés lorsqu'elles veulent participer aux programmes de RDI de l'UE, en raison de la taille réduite de leur marché intérieur et des structures limitées dont elles disposent pour la recherche et le développement. Le CESE juge également très important que l'UE continue d'aider les îles à développer les TIC, soutienne la création de structures de recherche et de développement et favorise la participation des PME insulaires aux programmes de RDI, le cas échéant en faisant intervenir les Fonds structurels.

1.12   La politique énergétique européenne à l'égard des régions insulaires devrait donner la priorité à la sécurité d'approvisionnement des îles, au financement du développement et à la réalisation de projets de production d'énergie à l'aide de nouvelles technologies et de sources d'énergie renouvelables, et enfin à la promotion d'une utilisation efficace de l'énergie, tout en protégeant l'environnement et le milieu naturel.

1.13   L'UE devrait faire entrer dans le cadre de la politique régionale la pénurie d'eau, la désalinisation de l'eau de mer, ainsi que d'autres possibilités techniques utilisées pour la collecte et la distribution d'eau, en tenant compte de la spécificité des régions insulaires.

1.14   Le CESE juge extrêmement important de développer des programmes de formation permanente spécifiques pour la main-d'œuvre insulaire travaillant dans les différents secteurs, en particulier dans le tourisme, qui constitue l'une des principales activités économiques des régions insulaires. Ces programmes devraient être financés par le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, avec l'engagement des États membres, des institutions et des acteurs économiques et sociaux.

1.15   L'éducation, la formation professionnelle et l'apprentissage permanent jouent un rôle essentiel dans la stratégie économique et sociale développée par l'Union européenne dans le cadre du processus de Lisbonne et de la stratégie Europe 2020. Le CESE invite à tenir compte des spécificités des régions insulaires, afin de garantir que l'éducation et les possibilités d'apprentissage permanent, dans toutes les régions et pour tous les habitants, soient prises en considération dans les stratégies nationales.

1.16   Le CESE appelle à la mise en œuvre des mesures envisagées dans le communiqué de Bruges sur la coordination de la formation professionnelle en Europe, qui a été adopté par les ministres de l'éducation de tous les États membres et les partenaires sociaux européens.

1.17   Le CESE demande à la Commission européenne de créer un «groupe interservices» spécifique pour les îles ou le cas échéant de l'inclure dans d'autres groupes interservices déjà existants.

1.18   Il est demandé à la Commission de veiller à ce que les régions insulaires bénéficient de dispositions spécifiques dans le nouveau cadre financier pluriannuel 2014-2020 et que ces régions soient prises en considération dans des programmes spécifiques de développement régional plus adaptés à leurs particularités. Il faudrait envisager la possibilité d'augmenter les niveaux de cofinancement par l'UE dans les domaines d'intérêt prioritaire pour le développement des îles.

1.19   Sachant que la stratégie Europe 2020 présidera aux actions futures de l'UE, le CESE juge nécessaire d'examiner quel est son impact sur les régions insulaires et comment elle contribue à atténuer les handicaps inhérents à l'insularité.

Compte tenu du caractère saisonnier de l'activité touristique dans les îles, le CESE réitère la demande qu'il avait adressée à la Commission et au Parlement européen dans son avis sur le thème: «Innovation dans le tourisme: définir une stratégie pour un développement durable dans les îles» (3) de donner un élan au projet CALYPSO relatif au tourisme social, avec la contribution des partenaires sociaux, attendu que ce programme peur avoir un impact sur le secteur touristique et un effet multiplicateur dans d'autres secteurs d'activité.

2.   Introduction

2.1   Les régions insulaires

2.1.1   Selon la définition d'Eurostat, une île doit répondre aux cinq critères suivants:

avoir une superficie d'au moins un kilomètre carré;

être séparée du continent d'au moins un kilomètre;

compter une population résidente permanente d'au moins 50 habitants;

ne pas avoir de lien physique permanent avec le continent;

ne pas abriter la capitale d'un État membre de l'UE.

2.1.2   Pour définir le concept d'île, il convient de se référer à la déclaration 33 du TFUE qui dispose que «la Conférence estime que les termes “régions insulaires” figurant à l'article 174 peuvent également désigner des États insulaires dans leur intégralité, sous réserve que les conditions nécessaires soient réunies».

2.1.3   Comme l'a indiqué le CESE dans un avis antérieur (4), cette définition ne tient pas compte des nouvelles réalités d'une Union européenne élargie incluant des États membres insulaires.

2.1.4   Selon cette définition, 14 (5) des 27 États membres de l'UE comptent des îles sur leur territoire. Leur importance doit être appréciée à la lumière du nombre élevé de personnes qui habitent les différentes îles de l'UE, à savoir 21 millions de personnes, ce qui représente, approximativement, 4 % de l'ensemble de la population de l'UE à 27.

2.1.5   Les régions insulaires présentent des caractéristiques et des particularités communes de nature permanente, qui les distinguent nettement des territoires continentaux.

2.1.6   Toutes les îles de l'UE présentent des spécificités qui les distinguent les unes des autres. Toutefois, les facteurs communs à tous les territoires insulaires de l'UE sont plus marqués que leurs différences et surtout, ils revêtent une grande importance pour des questions telles que le transport, l'environnement, le tourisme ou l'accès aux services publics essentiels.

2.1.7   Le TFUE comporte dans son article 174 un nouveau paragraphe selon lequel «une attention particulière est accordée (…) aux régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population et les régions insulaires, transfrontalières et de montagne».

2.1.8   Grâce à cet article, les territoires insulaires ont obtenu dans leur ensemble une reconnaissance de leurs désavantages concrets, qui méritent une attention particulière.

3.   Situation démographique des régions insulaires

3.1   Les phénomènes migratoires ou les difficultés liées au vieillissement ou au dépeuplement sont des problèmes qui affectent particulièrement les îles.

3.2   Certaines îles ou zones de territoires insulaires sont actuellement confrontées à de graves menaces de dépeuplement dues à l'exode de la population active, principalement des jeunes, au vieillissement de la population résidente ou aux rudes conditions climatiques. Cette situation peut entraîner la perte du patrimoine culturel ou la fragilisation des écosystèmes.

3.3   D'autres îles, de par leur situation géographique aux frontières extérieures de l'Union, sont confrontées à des flux migratoires inverses et à une immigration irrégulière en provenance de pays tiers, qui s'avère bien souvent disproportionnée par rapport à leurs capacités d'accueil.

3.3.1   Certaines îles connaissent des situations de crise humanitaire aiguë pour lesquelles il convient d'en appeler à la solidarité de l'Union européenne, notamment en continuant de partager les charges opérationnelles générées, grâce à une combinaison de ressources nationales et européennes.

3.3.2   Le CESE a proposé dans d'autres avis que dans le cadre d'une politique commune d'asile, l'on modifie le règlement de Dublin afin de faciliter la mobilité des demandeurs d'asile au sein de l'UE.

3.4   Par ailleurs, certaines îles connaissent une forte implantation de résidents étrangers ayant un pouvoir d'achat élevé qui contribuent au développement économique et social local, mais en cas de saturation du marché du logement, cette situation peut induire une hausse des prix, qui rend difficile l'accès au logement pour la population locale moins bien lotie économiquement.

4.   Accessibilité et insularité

4.1   Certaines des contraintes des territoires insulaires découlent de la discontinuité spatiale et de l'éloignement. Ces handicaps se répercutent sur les coûts de transport, de distribution et de production, plus élevés, et ont pour conséquence une moindre sécurité des approvisionnements et la nécessité de disposer de stocks et de capacités de stockage plus importants.

4.2   La preuve en est leur dépendance totale vis-à-vis des transports maritime et aérien. Ainsi, les régions insulaires sont placées dans une situation moins favorable que celle des autres territoires pour pouvoir bénéficier des avantages du marché unique européen en tant qu'espace homogène de relations économiques compétitives, notamment en ce qui concerne le redimensionnement des entreprises nécessaire pour pouvoir innover et réaliser des économies d'échelle et des économies externes.

4.3   Il importe à cet égard de rappeler que dans le cadre de l'initiative de l'UE du Ciel unique européen, l'on pourrait envisager des mécanismes de gestion du transport aérien selon une approche spécifique visant à garantir à tout moment l'accessibilité des régions insulaires.

4.4   Il ne faut pas oublier à ce propos la situation créée par l'évolution du nuage de cendres du volcan islandais Eyjafjallajökull, qui toucha de nombreuses zones de l'espace aérien européen pendant les mois d'avril et de mai 2010, entraînant la fermeture de nombreux aéroports du centre, du nord et même du sud de l'Europe.

4.5   Le problème le plus préoccupant n'a pas tant été l'interruption de l'arrivée de touristes mais bien l'impossibilité pour ceux qui séjournaient sur des îles de regagner leur pays d'origine et l'incertitude quant à la durée de cette perturbation.

4.6   Ce cas particulier montre bien toute la vulnérabilité des régions insulaires dans de telles circonstances. En effet, même si elle a affecté presque toute l'Europe, la fermeture de l'espace aérien européen a plus fortement touché (de manière négative) les régions insulaires concernées.

4.6.1   Une autre question à prendre en considération est celle du prélèvement d'une taxe sur le CO2 dans les transports aériens, dont la Commission prévoit l'introduction en 2012. Si cette taxe finit par entrer en vigueur, la Commission devra trouver une formule spécifique pour les régions insulaires, car elles sont beaucoup plus tributaires des transports aériens et les handicaps naturels dont elles souffrent en seraient encore aggravés.

4.7   La question de l'accessibilité est essentielle si l'on souhaite améliorer l'attrait des régions insulaires. Les réseaux transeuropéens de transport (TEN-T) doivent englober une vraie politique multimodale qui doit être appliquée également dans les îles. La création de couloirs maritimes et aériens entre le continent européen et les îles, moyennant le financement d'infrastructures fixes et mobiles, constituera une avancée dans cette direction.

5.   Agriculture et pêche

5.1   L'agriculture, l'élevage et la pêche représentent une part importante de l'économie locale des îles, notamment en termes d'emploi, ainsi qu'un appui de taille aux industries agroalimentaires locales, qui constituent l'essentiel de la production industrielle des îles.

5.2   Néanmoins, la production des îles dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche se caractérise par une grande fragilité due principalement aux difficultés découlant de l'éloignement, de la dimension réduite des exploitations, d'une diversification insuffisante des productions, de la dépendance à l'égard des marchés locaux, de leur fragmentation et des conditions climatiques. Ces divers éléments ont une incidence sur l'industrie agroalimentaire insulaire, qui dépend des produits locaux. La faiblesse de la production issue de l'agriculture et de l'élevage contribue elle aussi à fragiliser cette industrie.

5.2.1   Tous ces facteurs contribuent à réduire considérablement la compétitivité de la production des îles vis-à-vis des productions continentales et de celles en provenance de pays tiers.

5.3   En outre, l'agriculture locale est fortement dépendante de l'extérieur, tant pour ce qui est de l'approvisionnement en matières premières et en intrants que de la commercialisation des produits, dans un contexte d'éloignement géographique vis-à-vis des sources d'approvisionnement et des marchés.

5.4   Il en résulte que les producteurs agricoles des îles sont en situation d'inégalité pour affronter la concurrence des producteurs des autres territoires. Les producteurs locaux doivent recevoir l'aide nécessaire pour que l'agriculture des régions insulaires soit sur un pied d'égalité avec celle des autres territoires, par exemple grâce à des instruments spécifiques de la PAC destinés aux îles, et pour une meilleure promotion et reconnaissance des productions locales.

5.5   En ce qui concerne l'adoption de mesures spécialement destinées à compenser les désavantages liés à l'insularité dans ce domaine, un programme législatif spécifique serait idéal. C'est le cas du secteur primaire, particulièrement important sur les îles. Le Fonds européen pour la pêche ne prévoit pas d'interventions spéciales sauf en ce qui concerne les RUP et les îles mineures de la mer Egée.

5.6   Il en va de même des régimes de soutien direct prévus dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Les dernières réformes des régimes de soutien direct de la PAC, du développement rural et du FEADER n'ont pas tenu compte de l'insularité.

6.   Marché intérieur et tourisme

6.1   La petite taille des territoires insulaires, en comparaison de celle des territoires continentaux, conditionne de manière significative la production et la structure des marchés. La plus grande partie du tissu productif local de ces territoires est formée de petites et de micro-entreprises dont le niveau de vulnérabilité est plus élevé que celui des grandes sociétés.

6.2   Le tourisme a été et reste une ressource fondamentale de l'économie de nombreux territoires insulaires. En dépit des multiples différences existant entre elles, nombreuses sont les îles européennes pour lesquelles cette activité représente un facteur essentiel pour la survie de la population locale et pour la préservation de leur identité, de leurs traditions et valeurs culturelles et de leur paysage.

6.3   L'implantation du tourisme dans les régions insulaires européennes a permis de développer l'économie et l'emploi sur ces territoires et de diversifier fortement les fondements économiques, grâce aux services liés au tourisme. Il a également permis de rétablir et de protéger les traditions et la culture locales, ainsi que les espaces naturels et le patrimoine monumental.

6.4   Même si d'une manière générale le tourisme a été un facteur indubitablement positif, il convient également de reconnaître l'impact négatif qu'il a exercé sur certaines régions insulaires, concernant par exemple la précarité de l'emploi, le caractère saisonnier de l'activité, le faible niveau de qualification des salariés, la forte spéculation immobilière et une élévation du coût de la vie pour la population locale. Il a également entraîné de sérieux problèmes d'approvisionnement en eau et des difficultés pour la fourniture de services de base à la population (gestion des déchets, santé, etc.), avec un fort impact sur l'environnement. Actuellement, l'économie des îles est fortement dépendante du tourisme, d'où la nécessité d'une diversification et d'une orientation vers d'autres activités qui ne soient pas seulement complémentaires à ce secteur et qui favorisent le développement économique insulaire lors de situations de crise telles que celle que nous traversons actuellement, qui affectent fortement le tourisme.

6.5   Après l'approbation du TFUE, l'importance du tourisme dans l'UE a été explicitement reconnue. En juin 2010, la Commission a présenté une communication dans laquelle elle promeut un nouveau cadre pour une action coordonnée au sein de l'Union européenne visant à accroître la compétitivité et la capacité de développement durable du tourisme européen (6). Cette reconnaissance constitue une opportunité pour renforcer la compétitivité du secteur touristique européen, contribuant ainsi à la nouvelle stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive.

6.6   Au point 55 de sa résolution du 27 septembre 2011 (7), le Parlement européen «se félicite de l'initiative de la Commission visant à établir une stratégie pour un tourisme côtier et maritime durable et demande que des stratégies spécifiques similaires soient établies pour les îles, les régions de montagne et d'autres zones vulnérables».

7.   Recherche, développement et innovation (RDI)

7.1   L'innovation est un objectif essentiel de la politique économique, tant au niveau de l'UE - avec la stratégie de Lisbonne et la stratégie Europe 2020 – qu'au niveau régional, avec l'augmentation du pourcentage d'investissements publics dans la recherche, l'éducation, la formation et le soutien aux «secteurs les plus innovants» (entre autres, les transports, l'énergie, l'industrie verte, etc.). Cela vaut également pour les services, notamment ceux qui requièrent un niveau de connaissances et de qualifications considéré comme habituel dans la plupart des activités touristiques (entre autres, logement, restauration, services immobiliers, etc.).

7.2   Il y a lieu de promouvoir et de renforcer la société de l'information et les nouvelles technologies, qui constituent pour les îles des opportunités de diversification des activités et de progression des connaissances. L'utilisation des TIC réduit l'isolement en améliorant les procédures et les systèmes de gestion des entreprises et les relations extérieures, ce qui favorise l'amélioration de leur compétitivité et de leur productivité.

7.3   Le principal obstacle auquel se heurtent les régions insulaires souhaitant développer leur capacité d'innovation réside dans la faiblesse du tissu entrepreneurial, dans les niveaux de formation, l'accès au marché européen, les investissements limités dans les infrastructures de recherche, etc. Dans les régions insulaires, l'innovation doit être considérée dans une acception large, recouvrant par exemple la transformation, les méthodes de commercialisation, les techniques innovantes en matière de gestion ou d'organisation des entreprises. Les entreprises insulaires doivent s'efforcer d'améliorer leurs capacités de production et la qualité de leurs produits et d'avoir un meilleur accès au marché européen, dans des conditions de concurrence similaires à celles des régions continentales de l'Union européenne.

7.4   Par ailleurs, il convient de souligner les difficultés que rencontrent les îles lorsqu'elles veulent participer aux programmes de RDI de l'UE. En raison de la taille réduite de leur marché intérieur et des structures limitées dont elles disposent pour la recherche et le développement, il est beaucoup plus difficile pour les régions insulaires de participer à ces programmes.

8.   Énergie et eau

8.1   En raison de la forte dépendance des îles à l'égard de l'importation de combustibles, les variations des coûts de l'énergie se font plus fortement sentir dans les régions insulaires.

8.2   La politique énergétique européenne à l'égard des régions insulaires devrait donner la priorité à la sécurité d'approvisionnement des îles, au financement du développement et à la réalisation de projets de production d'énergie à l'aide des nouvelles technologies et des sources d'énergie renouvelables, et enfin à la promotion d'une utilisation efficace de l'énergie, tout en protégeant l'environnement et le milieu naturel.

8.3   La production, le stockage et la distribution d'électricité sont importants non seulement pour la satisfaction des besoins primaires en énergie, mais aussi pour la désalinisation de l'eau de mer, qui pourrait résoudre le problème de l'approvisionnement en eau potable de nombreuses îles.

8.4   Du fait de la superficie réduite des îles et surtout de leur constitution rocheuse, la plupart d'entre elles souffrent d'une pénurie d'eau. Cette situation fait obstacle au développement économique (le tourisme en particulier), sans compter ses répercussions sur la santé, l'agriculture et l'élevage.

9.   Formation et emploi

9.1   Conformément à l'étude récente Euroislands (8), le capital humain est un problème majeur des îles européennes, notamment en Méditerranée. Le niveau d'éducation est particulièrement bas, y compris dans les îles se caractérisant par un PIB par habitant plus élevé et comptant une université. Dans les îles nordiques, le capital humain est mieux préparé à affronter de nouveaux défis, mais même dans ces îles, la reconversion à partir des emplois traditionnels constitue un défi.

9.2   L'éducation, la formation professionnelle, l'apprentissage permanent et la connaissance d'autres langues étrangères jouent un rôle essentiel dans la stratégie économique et sociale développée par l'Union européenne dans le cadre du processus de Lisbonne et de la stratégie EuropeE 2020. Assurer l'éducation et offrir des possibilités d'apprentissage permanent dans toutes les régions et pour tous les habitants doit être la pierre angulaire des stratégies nationales. Le manque de personnel et la nécessité de pouvoir disposer d'une large gamme de services requiert une polyvalence professionnelle des habitants des îles, laquelle peut être obtenue au moyen de programmes de formation appropriés financés par l'UE.

10.   Politique régionale

10.1   La politique régionale représente le principal outil européen au service des territoires insulaires pour les aider à surmonter leurs contraintes structurelles et à exploiter leur potentiel de développement et de croissance. Néanmoins, il y a lieu d'améliorer cette politique afin que les îles, qui font partie intégrante du marché unique européen, en tirent le meilleur parti possible, tant en termes économiques que sociaux.

10.2   En général, les territoires insulaires sont désavantagés par rapport aux territoires continentaux. L'insularité ne figure pas au rang des thèmes prioritaires à l'ordre du jour de la politique régionale et de cohésion européenne. En outre, l'élargissement a radicalement modifié les priorités de l'agenda européen concernant ces politiques, ce qui n'a pas favorisé les politiques européennes relatives à l'insularité.

10.3   Il faut créer un cadre intégré qui réponde efficacement aux contraintes auxquelles sont confrontées les îles européennes. Il est donc nécessaire que les mesures et les politiques susceptibles d'influer sur les îles soient toujours précédées d'analyses d'impact, comme cela se fait dans le cas des régions ultrapériphériques; cela permettrait d'éviter les effets négatifs et les contradictions et de renforcer la cohésion territoriale. Cette analyse d'impact est particulièrement nécessaire dans le cas des politiques de transport, d'environnement et d'énergie.

10.4   Pour la période de programmation 2007-2013, le PIB par habitant est le seul indicateur utilisé pour déterminer l'éligibilité des régions dans le cadre des objectifs de la politique régionale. Cet indicateur ignore le fait que la cohésion comporte une dimension beaucoup plus vaste incluant des composantes sociales, environnementales, territoriales ainsi que des composantes liées à l'innovation et à l'éducation. De nouveaux indicateurs, utilisant des données statistiques plus pertinentes, devraient fournir une représentation précise du niveau de développement des îles et une bonne compréhension des régions qui souffrent de handicaps géographiques permanents.

10.4.1   Dans cette optique, il conviendrait d'intégrer les indicateurs de la stratégie Europe 2020 comme référence, en cohérence avec le cadre politique général de l'Union.

10.5   S'il a bien été tenu compte dans la programmation 2007-2013 du fait que les îles européennes sont éligibles à la coopération transfrontière, l'établissement du critère de distance maximale, fixée à 150 km, entre les frontières régionales a eu pour conséquence d'en exclure actuellement trois archipels (Cyclades, Hébrides et Baléares).

10.6   Le CESE préconise d'abandonner ce critère de distance (150 km) utilisé pour classer les îles dans la catégorie des régions frontalières qui sont éligibles à un financement au titre des programmes de coopération transfrontière relevant de la coopération territoriale dans le cadre de la politique de cohésion ou dans celui de la politique européenne de voisinage.

10.7   Il convient d'accorder une attention particulière aux îles concernées non seulement par un seul mais plusieurs des handicaps mentionnés dans l'article 174, comme les îles montagneuses ou à très faible densité de population. La même observation s'applique aux archipels souffrant d'une double ou multiple insularité. Ces territoires souffrent de handicaps supplémentaires découlant de leur fragmentation et de leur dimension géographique restreinte. Il convient également de signaler la situation d'un bon nombre d'îles côtières victimes de graves handicaps liés à la micro-insularité. Tout cela fait que les contraintes liées à l'insularité s'amplifient et que la population souffre souvent d'un manque de services.

10.8   En ce qui concerne les îles, il convient donc d'appliquer une approche intégrée des différentes politiques tant horizontalement (en adoptant une approche intersectorielle dans les principales politiques à impact territorial – PAC, PCP, aides d'État, etc.), que verticalement (en associant les dimensions régionale, nationale et européenne). Cette approche devrait également refléter les nouvelles orientations politiques établies par le traité sur l'Union européenne et l'importance accordée à des domaines particuliers, tels que l'énergie et le climat, le rayonnement extérieur de l'UE, ainsi que la justice et les affaires intérieures (9).

11.   Atouts et attraits des régions insulaires

11.1   D'après les conclusions de l'étude Euroislands menée dans le cadre du programme ESPON (10), il convient de souligner, s'agissant des atouts des îles, que leurs principaux avantages comparatifs sont la qualité de la vie ainsi que le patrimoine naturel et culturel. Les îles recèlent un patrimoine naturel et culturel très riche et présentent une forte identité culturelle. Il existe néanmoins une importante restriction, en ce sens que le patrimoine naturel et culturel constitue une ressource irremplaçable et non renouvelable.

11.2   Selon les recommandations présentées dans cette étude, les nouvelles technologies en matière de communication et d'information permettent d'atténuer l'impact négatif de l'insularité (petite échelle et isolement). Les nouvelles technologies peuvent également bénéficier aux petites et moyennes entreprises et aux services tels que l'éducation et la recherche, les services de santé, l'information, la culture et d'autres activités créatives. D'autres changements technologiques (développement de nouvelles formes d'énergies renouvelables, technologies de substitution partielle des ressources naturelles, avancées dans le domaine des transports, etc.) peuvent pallier les limitations imposées par l'insularité.

11.3   Dans les régions insulaires, les exemples de bonnes pratiques sont innombrables:

initiatives dans le domaine commercial: divers produits agricoles et manufacturés des îles (produits alimentaires et boissons) ont «résisté» à la concurrence au sein de l'Union européenne et sur le marché mondial en dépit de leurs prix relativement élevés, en raison de leur qualité (liée aux intrants locaux et aux méthodes traditionnelles de production) et/ou de leur singularité, et de la création d'une marque.

initiatives prises pour faire face aux défis environnementaux généraux, comme le changement climatique ou des problèmes spécifiques liés à l'insularité: on peut citer, à propos d'installations de production d'énergies renouvelables, l'île de Kythnos (Cyclades), Samsø, Eigg (Écosse), Gotland, Bornholm, les îles Canaries, etc.

Bruxelles, le 28 mars 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  «Une meilleure intégration dans le marché intérieur, facteur clé de la cohésion et de la croissance pour les îles», JO C 27 du 30.02.2009, p. 123, et «Innovation dans le tourisme: définir une stratégie pour un développement durable dans les îles», JO C 44 du 11.02.2011, p. 75.

(2)  Voir l'avis du CESE sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: L'Europe, première destination touristique au monde – un nouveau cadre politique pour le tourisme européen», JO C 376 du 22.12.2011, p. 44 et la résolution du Parlement européen sur «l'Europe, première destination touristique au monde - un nouveau cadre politique pour le tourisme européen» (2010/2206 (INI).

(3)  JO C 44 du 11.2.2011, p. 75.

(4)  «Une meilleure intégration dans le marché intérieur, facteur clé de la cohésion et de la croissance pour les îles», JO C 27 du 3.02.2009, p. 123, paragraphe 2.2.

(5)  Espagne, Irlande, France, Danemark, Italie, Finlande, Suède, Royaume-Uni, Grèce, Pays-Bas, Malte, Chypre, Estonie et Portugal.

(6)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – «L'Europe, première destination touristique au monde – un nouveau cadre politique pour le tourisme européen» COM(2010) 352 final.

(7)  Résolution du Parlement européen sur «l'Europe, première destination touristique au monde - un nouveau cadre politique pour le tourisme européen» (2010/2206 (INI).

(8)  Étude Euroislands: «Le développement des îles - les îles européennes et la politique de cohésion» (programme européen ESPON 2013).

(9)  Domaines pris en compte dans la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et aux Parlements nationaux sur «Le réexamen du budget de l'UE», COM(2010) 700 final.

(10)  Étude Euroislands: «Le développement des îles - les îles européennes et la politique de cohésion» (programme européen ESPON 2013).