10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/45


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — stratégie pour une compétitivité durable du secteur de la construction et de ses entreprises»

COM(2012) 433 final

2013/C 198/07

Rapporteur: M. Aurel Laurențiu PLOSCEANU

Corapporteur: M. Enrico GIBELLIERI

Le 7 septembre 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil - Stratégie pour une compétitivité durable du secteur de la construction et de ses entreprises"

COM(2012) 433 final.

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 mars 2013.

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 128 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE accueille favorablement le plan d'action de la Commission sur la compétitivité durable du secteur de la construction, publié en juillet 2012.

1.2

Le CESE reconnaît l'importance stratégique du secteur de la construction dans l'économie européenne, tant pour sa contribution au PIB que pour son rôle dans l’emploi, ainsi qu'en tant que vecteur de croissance économique.

1.3

Le CESE estime que le secteur de la construction est un acteur essentiel pour la réduction de la demande énergétique de l'UE et de l'empreinte écologique de l'homme, ainsi que pour l'atténuation des/l'adaptation aux effets du changement climatique. Le CESE espère que le plan d'action proposé aidera le secteur à relever ces défis importants pour la société.

1.4

Le secteur de la construction, qui représente près de 10 % du PIB de l'UE, est essentiel pour la santé de l'ensemble de l'économie. Pour relancer la croissance, les décideurs politiques nationaux doivent nouer un dialogue avec le secteur de la construction, comme la Commission l'a fait à travers sa communication, et veiller à ce que le secteur apporte - à condition de bénéficier de conditions correctes sur le plan financier et réglementaire - la croissance, les emplois et la protection de l'environnement que les citoyens de l'UE sont en droit d'attendre.

Le CESE est d'avis que le secteur de la construction ne nécessite pas d'aide financière directe du type des subventions, mais que le plan d'action devrait viser à mettre en place un cadre politique et réglementaire qui permettra au secteur de jouer au mieux son rôle de contributeur à la croissance économique, au bien-être social et à la gestion environnementale, notamment en garantissant un flux suffisant d'investissements publics et de financements privés pour soutenir des projets viables, ainsi qu'un financement de l'économie des États membres qui soit majoritairement assuré par des crédits bancaires, en imposant des mesures immédiates et efficaces pour améliorer l'accès des PME au crédit, y compris par la mise en place de mesures spécifiques de garantie et de contre-garantie.

1.5

Pour assurer la compétitivité du secteur de la construction en Europe, tant sur le plan interne que par rapport à l'extérieur, il est essentiel que le cadre réglementaire et de normalisation de l'UE soit simple, stable et cohérent.

1.6

Le CESE est parfaitement conscient que si les mesures d'austérité servent à rééquilibrer les déficits structurels, elles ne conduisent pas à un renouveau de la croissance; au contraire, elles exacerbent la crise économique dans de nombreux pays. L'investissement dans des bâtiments et des infrastructures durables est nécessaire pour garantir la future croissance européenne ainsi que des perspectives d'emploi.

1.7

La société civile organisée invite la Commission, le Parlement européen, le Conseil et les gouvernements des États membres à considérer les investissements dans les bâtiments durables et les infrastructures vitales comme une contribution stratégique à la future croissance économique et aux emplois de demain, et non comme un nouveau type de dépenses publiques. Par ailleurs, le CESE préconise de ne pas utiliser le niveau de ces investissements dans le calcul de la performance d'un pays relativement au pacte de stabilité et de croissance.

1.8

La rénovation du parc immobilier vieillissant de l'UE présente un potentiel colossal pour la réduction de la demande énergétique, ce qui permettrait d'atteindre les objectifs de l'UE de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre et la demande énergétique, mais aussi de diminuer les importations d'énergies fossiles et de garantir qu'une partie plus importante de la richesse de l'UE reste sur son territoire, en aidant par là-même à maintenir ou à créer des emplois dans le contexte actuel de crise économique et financière. Pour réaliser ce potentiel, les pays de l'UE doivent garantir qu'ils disposent d'incitations financières et fiscales appropriées pour orienter le marché vers davantage d'économies d'énergie et s'assurer de réduire les lacunes en matière de qualifications.

1.9

Un autre grand défi est la modernisation des infrastructures européennes de transport, d'énergie et de haut débit, afin de répondre aux besoins des générations futures et de garantir la compétitivité de l'Europe sur le plan international et son attractivité pour les investissements directs étrangers (IDE). Si les gouvernements négligent de voir l'importance de ce genre d'investissements, l'Europe risque de prendre du retard par rapport à d'autres régions du monde, tant sur le plan économique qu'en termes de bien-être social.

1.10

Le changement démographique impose de nouveaux défis à l'environnement bâti, lesquels devront être relevés par le secteur, en particulier les effets du vieillissement de la population sur l'accès à l'environnement bâti. Le CESE prend acte des travaux actuellement menés par le Comité européen de normalisation (CEN), qui a été mandaté par la Commission européenne pour adapter les normes concernées aux principes de la conception universelle ("design for all"). De plus, le secteur de la construction est confronté au vieillissement de la main-d'œuvre. À cet égard, le CESE rappelle la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive (1) et souligne que ce défi se pose à l'économie dans son ensemble.

1.11

En sus de sa contribution à l'atténuation des changements climatiques, le secteur de la construction devra relever les nouveaux défis pour l'environnement bâti que pose l'adaptation aux effets de ces mêmes changements climatiques. Il s'agit notamment des effets des phénomènes climatiques extrêmes, qui requièrent un environnement bâti plus résilient, ainsi que des structures adéquates de protection. Le CESE fait valoir qu'il convient de tenir compte également de ces éléments dans le cadre des méthodologies techniques normalisées existantes, telles qu'Eurocodes.

1.12

Face à ces défis, le secteur de la construction a un rôle essentiel à jouer, à condition que les investissements dont il a besoin lui soient accessibles, et que l'on garde à l'esprit que les emprunts obligataires pour le financement de projets sont un moyen de lever des fonds privés complémentaires pour financer des projets, mais qu'ils ne peuvent remplacer les investissements publics.

1.13

De nombreuses entreprises du secteur de la construction, notamment des PME, sont soumises à de fortes pressions en raison des retards de paiement de leurs clients du secteur public comme du secteur privé. La directive 2011/7/UE concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales doit être dûment appliquée, si l'on souhaite garantir la survie des entreprises du secteur. Pour mettre en œuvre pleinement les dispositions de la directive 2011/7/UE et réaliser ses objectifs, le CESE insiste particulièrement sur l'importance de réduire à 30 jours maximum les délais de paiement/réception dans les marchés publics et sur la garantie de leur respect sous la forme d'un acquittement effectif des factures, en adoptant les mesures budgétaires et administratives adéquates (notamment concernant l'obtention de crédits bancaires pour le règlement des arriérés). Le CESE souscrit à l'importance de résoudre en priorité le problème des arriérés enregistrés avant la transposition de la directive 2011/7/UE. En effet, les retards de paiement de factures très importants dans le cadre des différents marchés publics pèsent gravement sur la compétitivité, la rentabilité et la viabilité des entreprises. Les pays qui ont appliqué jusqu'à présent des périodes de paiement plus courtes ne devraient pas utiliser les dérogations prévues par la directive pour allonger ces périodes. Dans ce cadre, le CESE recommande de limiter à 30 jours maximum la période autorisée pour le paiement des factures (procédures d'acceptation et de vérification comprises).

1.14

Pour ne pas compromettre ou réduire sensiblement les chances de relance économique, le CESE souligne la nécessité de relancer et de renforcer les crédits bancaires en faveur des investisseurs et de l'économie réelle; il recommande d'éviter d'exercer une surveillance prudentielle excessive lors de l'octroi de crédits et de renoncer à privilégier le développement des placements sous forme de titres financiers, au détriment des crédits aux entreprises qui ont survécu en période de crise. Les prêts relais sont vitaux pour la survie quotidienne de nombreuses entreprises, notamment des PME. Par conséquent, la restriction des prêts bancaires qui a lieu actuellement constitue une réelle menace pour la viabilité de ces entreprises. Afin de ne pas aggraver la situation de l'offre de prêts, déjà réduite à la portion congrue, il convient que les règles prudentielles financières telles que celles proposées par l'accord de Bâle III ne mettent pas un frein supplémentaire aux prêts consentis par les banques à l'économie réelle. À cette fin, l'obtention de financements bon marché de la BCE doit être subordonnée à l'obligation d'en faire profiter l'économie réelle dans une large mesure.

1.15

Pour disposer d'un secteur de la construction qui soit durable et concurrentiel, il est crucial de garantir de bonnes conditions de travail dans le secteur. En 1993, le rapport Atkins (2) est arrivé à la conclusion qu'un secteur de la construction qui dépend de formes d'emplois précaires telles que le faux travail indépendant décourage la productivité. Par conséquent, le plan d'action devrait prévoir également des stratégies destinées à stabiliser l'emploi et à lutter contre les pratiques illicites dans le secteur, telles que le faux travail indépendant.

1.16

Indépendamment des formes d'emploi, il est nécessaire de mettre en place des incitants pour développer les qualifications de la main-d'œuvre et lui offrir des possibilités de formation tout au long de la vie.

1.17

Le contournement des règles et des obligations sociales crée une distorsion du marché de la construction. Il faut donc garantir des conditions de concurrence égales pour tous respectant les réglementations existantes et les normes de protection sociale en vigueur dans le pays d'accueil. À cette fin, il convient d'appliquer des mécanismes appropriés de mise en œuvre pour conforter les conditions qui prévalent dans le pays hôte.

1.18

Le CESE appelle les institutions européennes et les États membres à renforcer leurs politiques et à prendre des mesures concrètes contre l'influence de la corruption et des organisations criminelles sur les marchés publics, notamment ceux concernant de grands projets d'infrastructure, qui crée une concurrence inacceptable et déloyale par le recours aux menaces et à la violence, en portant atteinte à la liberté et à la démocratie.

1.19

Le CESE souligne que les États membres devraient être autorisés à imposer les mesures de contrôle ou formalités administratives existantes ou supplémentaires qui sont jugées efficaces et nécessaires, notamment l'obligation de s'assurer de la bonne mise en œuvre des mécanismes de vérification, de suivi et d'application ainsi que de la conduite d'inspections efficaces et appropriées, de manière à garantir le respect de la législation nationale et de la directive 96/71/CE relative au détachement de travailleurs.

1.20

Les travailleurs immigrés devraient se voir garantir des conditions sociales minimales et/ou une égalité de traitement fondées sur les conditions et réglementations en vigueur dans le pays d'accueil. Il convient de mettre en place des mécanismes d'application appropriés pour combattre dans le respect de la loi le dumping social et les inégalités de traitement des travailleurs immigrés.

1.21

Il faut renforcer la part que représente la R&D dans le secteur de la construction, en tant qu'instrument permettant d'améliorer la productivité. Il convient de développer une politique en faveur de l'innovation permanente, d'une hausse de productivité fondée sur une main-d'œuvre compétente, de nouveaux produits "intelligents" et d'une "organisation intelligente du travail", ainsi que d'emplois de qualité. À cet égard, la technologie environnementale peut être un des moteurs de ce nouveau développement.

1.22

Le CESE est favorable à ce que des conditions contractuelles équitables et équilibrées soient mises en place dans tous les États membres de l'UE et s'appliquent aussi aux entreprises de pays tiers présentes sur le marché de la construction de l'UE. Il est essentiel de promouvoir la notion d'"offre économiquement la plus avantageuse" (en lieu et place de l'offre la moins chère) ainsi qu'une approche cohérente concernant le rejet des offres anormalement basses, en tant que piliers d'une concurrence efficace et loyale.

1.23

Afin que le secteur de la construction contribue davantage au développement durable, le CESE recommande que les actifs soient évalués et chiffrés sur la base de leur cycle de vie. Le cas échéant, ces évaluations devraient être fondées sur les normes produites ou adoptées par le Comité européen de normalisation (CEN).

1.24

Le CESE se félicite de la création du forum de haut niveau de l'UE sur la construction et entend y prendre part afin d'accroître la cohérence des politiques de l'UE ayant trait au secteur de la construction.

2.   Contexte

2.1

Le secteur de la construction de l'UE-27 a été gravement touché par la crise financière qui a éclaté en 2008 et le ralentissement économique qui s'en est suivi dans l'activité de construction. Le début de la crise de la dette souveraine de la zone euro et l'imposition de programmes d'austérité dans de nombreux États membres ont retardé le retour à la croissance.

2.2

Néanmoins, en 2011, le secteur de la construction a dégagé un chiffre d'affaires de 1 208 milliards d'euros, ce qui représente 9,6 % du PIB de l'UE-27 et 51,5 % de la formation brute de capital fixe (3).

2.3

Du point de vue des entreprises, le secteur de la construction compte 3,1 millions d'entreprises dont 95 % sont des PME comprenant moins de 20 employés et dont 93 % ont moins de 10 ouvriers.

2.4

Le secteur de la construction est le plus gros employeur industriel en Europe: il comptait 14,6 millions d'ouvriers en 2011, soit 7 % du total de l'emploi et 30,7 % de l'emploi industriel. Depuis 2008, le nombre d'emplois n'a cessé de diminuer.

2.5

Si l'on prend en compte l'effet multiplicateur (une personne employée dans ce secteur entraîne l'emploi de deux autres personnes dans un autre secteur), ce sont au total 43,8 millions de travailleurs dans l'UE qui dépendent directement ou indirectement du secteur de la construction.

2.6

Dans les différents États membres, le secteur de la construction a été touché par des facteurs économiques similaires, qui sont pour l'essentiel:

les effets durables de la pénurie de crédit, qui a limité les prêts;

le retrait des mesures restantes en matière de reprise;

le début de la crise de la dette souveraine durant l'été 2010;

et la mise en œuvre qui a suivi de mesures d'austérité dans toute l'Europe.

2.7

Les efforts consentis au niveau national ont été sapés par les mesures d'assainissement budgétaire et fiscal ainsi que par des coupes majeures dans les investissements, destinées à résoudre la crise de la dette souveraine.

2.8

Cette situation a encore affaibli la confiance toujours fragile des entreprises et des consommateurs.

2.9

L'ensemble des résultats du secteur de la construction devrait, selon les prévisions, avoir baissé de plus de 2 % en 2012, tous les segments du secteur ayant enregistré une baisse.

2.10

Une analyse de la Banque mondiale comptait la construction parmi les secteurs touchés par la corruption et par le crime organisé, qui se manifestent:

dans l'attribution des projets suivant un intérêt politique – et non par voie d'adjudication;

dans les moyens par lesquels sont obtenues les accréditations, concernant la procédure de certification pour les bâtiments.

Les États membres de l'UE repèrent des phénomènes de corruption qui se manifestent:

dans les pratiques d'ingénierie financière et l'incapacité à payer à temps les travaux entrepris par les entreprises de construction;

la permanence de barrières techniques, administratives ou réglementaires qui créent une distorsion du processus d'adjudication.

3.   Proposition de la Commission

3.1

La stratégie proposée poursuit les objectifs suivants:

relever les principaux défis auxquels le secteur de la construction est confronté sur le plan de l'investissement, du capital humain, des exigences énergétiques et environnementales, de la réglementation et de l'accès aux marchés, à l'horizon 2020;

proposer un plan d'action à court et moyen terme pour relever ces défis.

3.2

La proposition à l'examen a pour objet:

de promouvoir la demande d'environnement bâti durable, et en particulier la rénovation de bâtiments;

d'améliorer la performance de la chaîne d'approvisionnement/de valeur et celle du marché intérieur des produits et services de construction;

d'élargir les perspectives de marché au niveau international pour les entreprises de construction de l'UE.

3.3

Le plan d'action proposé est centré sur les 5 objectifs suivants:

3.3.1

promouvoir des conditions d’investissement favorables

3.3.2

renforcer le capital humain dans le secteur de la construction

3.3.3

améliorer l’utilisation efficace des ressources, les performances environnementales et les perspectives commerciales des entreprises

3.3.4

renforcer le marché intérieur de la construction

3.3.5

promouvoir la compétitivité des entreprises de construction de l’UE au niveau mondial

3.4

Sur le plan de la gouvernance, il est proposé de mettre en place un forum stratégique tripartite (associant la Commission, les États membres et les parties prenantes) chargé de suivre les avancées de la mise en œuvre de la stratégie.

4.   État actuel du secteur de la construction - analyse AFOM

4.1   Atouts

4.1.1

L'atténuation des/l'adaptation aux effets du changement climatique et la réduction de l'empreinte écologique de l'humanité.

L'activité de construction est une activité locale et à forte intensité de main-d'œuvre. Ainsi, sa production ne peut pas être délocalisée, ce qui garantit que l'emploi reste sur le territoire de l'UE.

43,8 millions de travailleurs de l'UE-27 dépendent toujours, directement ou indirectement, du secteur de la construction.

Le nombre élevé de microentreprises et de PME actives dans le secteur de la construction démontre qu'il s'agit d'une activité fortement ancrée dans les communautés locales et qui reflète la diversité des traditions et cultures locales.

Dans de nombreux États membres, le secteur de la construction, associé aux instances de l'enseignement professionnel, joue un rôle central pour fournir une activité d'apprentis aux jeunes travailleurs, garantissant en cela la mobilité sociale.

4.2   Faiblesses

4.2.1

Dans de nombreux pays, le secteur de la construction souffre de réglementations, par exemple en matière de règles de responsabilité, qui entravent la constitution d'associations de coopération entre entreprises; il présente une chaîne de valeur complexe et un fort risque de conflits et d'inefficacité. Ce trait est un obstacle à l'accroissement de sa compétitivité.

4.2.2

En dépit de récentes améliorations, comme la publication, en novembre 2010, du manifeste intitulé "Construire la prospérité pour l'avenir de l'Europe" par la plate-forme informelle "Forum européen de la construction", retravaillé par la suite en janvier 2013 spécialement dans le contexte de la communication de la Commission, le secteur est composé d'un nombre tel de diverses parties prenantes qu'il a du mal à coordonner tous les différents points de vue et à parler d'une seule voix au niveau national ou européen.

4.2.3

Dans certains cas, le secteur a tendance à suivre les flambées immobilières spéculatives, comme celle qu'ont connue de nombreux États membres pendant la décennie 2000-2010, entretenue par la possibilité de contracter des crédits à faible taux d'intérêt pour le développement de l'immobilier.

4.2.4

Les mesures politiques destinées à encourager les formes spécifiques de construction – tels que les incitants fiscaux pour les rénovations améliorant l'efficacité énergétique ou pour les travaux de mise en conformité, ou encore les prix de rachat garanti destinés à soutenir la microproduction d'énergie renouvelable – sont souvent imprévisibles, à court terme et sujettes à des restrictions avant que leurs avantages ne se fassent véritablement sentir.

4.2.5

Les marchés publics sont traditionnellement accordés sur la base du prix le plus bas. Une telle pression pour réduire le montant des offres empêche les entreprises d'innover dans leurs processus de production et d'investir dans des matériaux nouveaux et innovants. De plus, les marchés publics ne permettent pas souvent de présenter des variantes. Cette absence de possibilité de proposer des variantes, couplée à des régimes d'assurance restrictifs, constitue encore une barrière au renforcement de l'innovation.

4.2.6

L'investissement dans la R&D est faible dans le secteur de la construction par rapport à d'autres industries. Cela est dû à la nature fragmentée du secteur, au fait que les travaux de construction sont soumis à des réglementations et prescriptions rigoureuses, et aux marges de profit généralement serrées du secteur. Le CESE prend note des partenariats public-privé en matière d'efficacité énergétique (bâtiments économes en énergie - Energy-efficient Buildings, EeB), qui associent des aides de l'Union européenne en faveur de la R&D à un cofinancement du secteur privé.

4.2.7

Malgré les grandes avancées accomplies ces dernières années, le secteur de la construction connaît encore un problème d'image, et améliorer ses résultats en matière de santé et de sécurité reste encore une priorité. De manière plus générale, malgré la récession, le secteur a toujours des difficultés à attirer un nombre suffisant d'ingénieurs qualifiés issus de l'université. Ce problème ne fera que s'accentuer avec l'évolution démographique. C'est au secteur lui-même de remédier à son problème d'image et de parvenir à attirer des jeunes travailleurs qualifiés.

4.3   Possibilités offertes

4.3.1

L'objectif de performance énergétique du parc immobilier, tant au niveau de l'UE qu'au niveau national, constitue une formidable occasion pour le secteur d'augmenter son activité avec les technologies existantes. Néanmoins, il faut que les gouvernements nationaux reconnaissent ce potentiel et fournissent l'aide financière requise ainsi que les incitants fiscaux nécessaires.

4.3.2

Il conviendrait que les États membres et l'Union européenne coordonnent des programmes d'investissement à grande échelle dans les infrastructures clefs et le bâtiment, en allant plus loin que les montants proposés par le mécanisme pour l'interconnexion en Europe dans le prochain cadre financier pluriannuel.

4.3.3

À moyen et long terme, le secteur dispose du potentiel pour parvenir à une économie durable et à faibles émissions de carbone, à condition que soient mis en place des incitants réglementaires et financiers.

4.3.4

Le secteur de la construction sera en première ligne pour relever les défis de l'atténuation des/l'adaptation aux effets du changement climatique.

4.3.5

Le développement de nouvelles technologies fondées sur l'informatique, comme la modélisation des données du bâtiment (ou BIM, Building Information Modelling), est en train de susciter de l'innovation et d'améliorer l'efficacité du secteur.

4.4   Menaces

4.4.1

La principale menace qui pèse sur le secteur de la construction est le manque d'investissements publics et privés, lequel a déjà causé la faillite d'entreprises pourtant viables et entraîné une chute colossale du niveau d'emploi depuis 2008. Si elle doit durer, cette récession du secteur de la construction entraînera une pénurie permanente d'architectes, de dessinateurs-projeteurs, d'ingénieurs et d'artisans.

4.4.2

Corrélée à la première, une deuxième menace pèse sur le secteur: le vieillissement de la main-d'œuvre et le manque de jeunes travailleurs qualifiés pour remplacer les départs. Les données chiffrées d'Allemagne montrent qu'en 2011, 44 % de la main-d'œuvre du secteur avait plus de 45 ans.

4.4.3

Une autre menace est l'arrivée de contractants de pays tiers sur les marchés publics de l'UE. Ces entreprises, souvent possédées par l'État, ont dans certains cas utilisé des fonds publics de leur pays d'origine pour court-circuiter la concurrence équitable, par exemple dans des affaires comme la construction de l'autoroute A2 en Pologne, en 2009, qui concernait une entreprise nationale chinoise. Ce type de concurrence déloyale, d'une part, fait baisser la qualité des constructions et, d'autre part, tire vers le bas les salaires des travailleurs locaux du secteur de la construction.

4.4.4

La pression exercée par les pouvoirs publics pour faire des économies dans le cadre de marchés publics conduit à l'apparition fréquente d'offres anormalement basses. De telles offres réduisent la qualité de l'environnement bâti, menacent le bien-être social des travailleurs et augmentent les coûts sur le long terme.

4.4.5

Le secteur de la construction est une activité qui fait déjà l'objet d'une réglementation très rigide, ce qui est justifié, mais la législation adoptée par l'UE concernant ce secteur risque d'être contre-productive si elle n'est pas coordonnée.

4.4.6

La forte mobilité de l'emploi est l'une des caractéristiques essentielles du secteur de la construction dans l'UE. Il ne convient pas que le recours à de la main-d'œuvre venue d'autres pays, et notamment à des travailleurs indépendants et à des travailleurs temporairement détachés, soit utilisé suivant une forme de dumping social pour éviter de payer les contributions de sécurité sociale et contourner les obligations sociales en vigueur dans le pays d'accueil.

4.4.7

Concernant l'industrie des matériaux de construction, l'accès aux matières premières et l'utilisation efficace des ressources constitueront un grand défi dans l'avenir.

5.   Points de vue des partenaires économiques et sociaux et de la société civile organisée

5.1

Les vues exprimées lors de l'audition organisée par la CCMI le 19 décembre 2012 ont mis en exergue les points suivants:

5.1.1

La publication de la communication de la Commission arrive à point nommé et tient compte de nombreux éléments attendus par le secteur de la construction.

5.1.2

La stratégie proposée ne prévoit pas de dispositif pour faire face à l'impact du changement climatique sur le secteur.

5.1.3

Le financement des projets et la tendance aux retards de paiement restent des sujets importants figurant à l'ordre du jour de l'industrie de la construction.

5.1.4

Le vieillissement de la main-d'œuvre du secteur de la construction est très sensible et il convient d'y remédier en attirant de jeunes travailleurs qualifiés.

5.1.5

Il convient d'adopter une approche renforcée pour remédier aux principales menaces et faiblesses et garantir la réalisation des objectifs de la stratégie UE 2020 et du RTE-T.

5.1.6

Sans une conception et une exécution de qualité, il ne sera pas possible de parvenir à une construction durable ou à une compétitivité durable du secteur de la construction. Une conception et une exécution de haute qualité ne peuvent être obtenues en accordant la préférence à des offres fondées sur le seul critère du prix le plus bas et en ignorant les coûts à long terme.

5.1.7

Les marchés publics pour les services de construction, traditionnellement accordés sur la base du prix le plus bas, empêchent les compagnies d'innover dans leurs processus de production et d'investir dans des matériaux nouveaux et innovants. L'innovation est également entravée par des régimes d'assurance qui pénalisent les entreprises désireuses de diversifier leurs pratiques de travail ou d'utiliser des matériaux innovants.

5.1.8

Il existe une concurrence déloyale entre les entreprises de l'OCDE et celles des pays BRICS, à laquelle il faut remédier par des solutions spécifiques.

5.1.9

L'on pourrait à nouveau envisager une réduction de TVA pour les logements abordables comme un incitatif possible.

5.1.10

Il convient également de développer et de renforcer le partenariat social – qui a fait naître plusieurs ONG paritaires – dans le secteur de la construction au niveau des États membres, parallèlement au dialogue social, afin de répondre aux défis très spécifiques auxquels le secteur est confronté (santé et sécurité, formation, congés payés, etc.).

5.1.11

Il est également nécessaire et judicieux de mettre en place un code de déontologie pour réduire l'incidence de la corruption.

5.1.12

Il est nécessaire de renforcer la communication sur les politiques d'investissement afin d'améliorer les stratégies des entreprises, qui sont dans l'immédiat fondées essentiellement sur une logique de survie à court terme.

5.1.13

Le forum de haut niveau sur la construction créé par la Commission, qui a commencé ses travaux en janvier 2013, est plus que nécessaire, et il conviendrait que le CESE y soit associé.

6.   Observations générales

6.1

Suivant les prévisions, le développement du secteur de la construction se caractérise par:

la performance énergétique des bâtiments et la gestion efficace des ressources dans la production, le transport et l’utilisation de produits pour la construction de bâtiments et d’infrastructures;

l'économie à faibles émissions de carbone, et son impact très important sur le secteur du bâtiment et de la construction;

des défis internationaux, à savoir:

une concurrence déséquilibrée et mondialisée;

l'efficacité énergétique;

les bâtiments durables;

la résilience aux catastrophes;

le climat à l'intérieur des bâtiments;

la réutilisation, la récupération et le recyclage des bâtiments et matériaux;

la conception sur mesure pour répondre aux demandes futures des clients;

le vieillissement de la main-d'œuvre;

les procédures en matière de marchés publics;

les partenariats public-privé (PPP);

les problèmes spécifiques de santé et de sécurité;

l'éthique des affaires.

6.2

Il est nécessaire qu'il y ait une "chaîne trophique" dans le secteur de la construction, entre les acteurs impliqués: les sociétés de construction, les urbanistes, les architectes, les concepteurs, les promoteurs, etc., devraient participer à des domaines de connaissance spécifiques tels que le financement, les assurances, les marchés publics, le marketing et l'enseignement.

6.3

Afin de combattre les manifestations de corruption et de crime organisé, les entreprises de construction sont en train de fixer un éventail complexe de mesures et de réformes structurelles, notamment:

la suppression des barrières techniques, administratives et réglementaires qui existent actuellement et créent une distorsion des procédures d'adjudication pour les travaux d'infrastructure, de construction et d'assemblage, en simplifiant le cadre réglementaire spécifique et en imposant des exigences fermes aux acteurs impliqués;

la révision des contrats en cours et des mécanismes de paiement impliquant la participation de fonds de l'UE, en améliorant le flux de documents, en augmentant la responsabilité des entités de surveillance et de contrôle et en utilisant un compte de garantie bloqué pour chaque projet; des audits et des contrôles conjoints ou croisés menés à la fois auprès du bénéficiaire et de l'entreprise de construction, concernant les paiements dus et les travaux bénéficiant de financements conjoints de l'UE et des États membres, dans le cadre de projets mis en œuvre grâce à un financement européen.

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Communication de la Commission COM(2010) 2020 du 3 mars 2010: "Europe 2020 - Une croissance intelligente, durable et inclusive".

(2)  Secteur, Strategic Study on the Construction Sector: Final Report: Strategies for the Construction Sector, WS Atkins International (1993).

(3)  Rapport statistique R54 de la Fédération de l'industrie européenne de la construction (FIEC).