14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/48


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Pour un meilleur accès aux informations scientifiques: dynamiser les avantages des investissements publics dans le domaine de la recherche»

COM(2012) 401 final

2013/C 76/09

Rapporteur: M. Gerd WOLF

En date du 17 juillet 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 TFUE, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Pour un meilleur accès aux informations scientifiques: dynamiser les avantages des investissements publics dans le domaine de la recherche»

COM(2012) 401 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 janvier 2013.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 16 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 151 voix pour et 5 abstentions:

1.   Conclusions et recommandations

1.1

L’accès aux informations scientifiques est une condition essentielle du succès de la recherche et de la promotion de l’innovation et, partant, de la compétitivité de l’Europe. Il comprend le transfert de connaissances entre les chercheurs, entre les partenaires de recherche, en particulier entre le secteur de la recherche et les entreprises, ainsi qu’entre les chercheurs et les citoyens.

1.2

À la lumière de ce qui suit, le Comité soutient les objectifs et les propositions formulés par la Commission, lesquels permettront, selon lui, de simplifier le travail scientifique – d’un point de vue technique, au moyen de l’internet – et d’en renforcer potentiellement l’efficacité.

1.3

Pour atteindre efficacement ces objectifs, il y a lieu de continuer à garantir à cet égard la qualité d’auteur et la propriété intellectuelle des chercheurs et de leurs organisations, de ne pas porter atteinte à la liberté de la science et de la recherche et d’éviter que les chercheurs ne soient confrontés à une surcharge de travail contreproductive ou à un surcroît de dépenses administratives.

1.4

Le libre accès aux publications scientifiques (au moyen de l’internet) élargit ou complète, au moyen des possibilités techniques actuelles, l’accès offert dans les bibliothèques. Cette pratique revêtant une grande utilité est aujourd’hui très répandue et devrait être poursuivie et complétée. Il convient de tendre vers une symétrie globale entre l’Europe et les pays non européens.

1.5

La sauvegarde d’informations scientifiques (stockage de données de la recherche) aux fins d’une éventuelle utilisation ultérieure est nécessaire. Elle fait aujourd’hui partie des bonnes pratiques scientifiques. Le Comité salue l’intention de la Commission de soutenir également, à l’avenir, les infrastructures nécessaires à cette fin. Dans la mesure où le stockage de données dans le cadre d’accords de projet doit être traité de manière plus détaillée, les décisions relatives à la portée, au format, au niveau de détail et à la description (avec des métadonnées) de ce stockage doivent être prises, selon le domaine concerné, de concert avec les chercheurs concernés.

1.6

Sur cette base se pose la question d’un libre accès au moyen de l'internet (donc général, global, gratuit, incontrôlé et inconditionnel) à des données de recherche stockées. Cette question présente de nombreux aspects. Elle a trait aux pratiques scientifiques appliquées jusqu’ici et doit être traitée de façon très nuancée et avec beaucoup de prudence. S’il peut exister des domaines de recherche pour lesquels un libre accès externe aux données peut s’avérer utile et ne présenter aucun risque, dans de nombreux autres domaines, certains aspects décisifs s’opposent à un tel accès. Il y a donc lieu d’éviter de généraliser.

1.7

Dans certains cas, les solutions possibles en vue de cet accès devraient s’appuyer, de manière progressive et à titre expérimental, sur des procédures volontaires déjà usuelles aujourd'hui aux fins d’un échange de données auto-organisé (par exemple, le CERN avec le World Wide Web) et devraient être testées de manière empirique dans le cadre d’un projet pilote, en accord avec les scientifiques qui participent au processus de recherche. Dans le cadre des procédures administratives y afférentes, il convient toutefois de ne pas contrecarrer les efforts de simplification déjà entamés en imposant de nouvelles exigences ou des procédures supplémentaires.

1.8

Sans préjudice de ce qui précède, le libre accès à une sélection adéquate des données sur lesquelles s'appuient les publications en libre accès pourrait s’avérer utile, surtout dans le cas d’une symétrie globale entre l’Europe et les pays non européens, pour autant que le surcroît de charges que cela implique s'avère acceptable et justifié.

1.9

Toutes ces mesures entraînent pour les chercheurs et leurs organisations des coûts supplémentaires parfois importants, dont il faut pleinement tenir compte dans la planification et l’affectation budgétaires.

2.   Contenu essentiel de la communication de la Commission

2.1

La communication porte sur les mesures prévues par la Commission qui ont pour but d’améliorer l’accès aux informations scientifiques et l’efficacité des investissements publics dans la recherche.

2.2

Les objectifs de ces mesures sont:

l’accès aux publications scientifiques,

la conservation des informations scientifiques,

l’accès aux données de la recherche.

2.3

En ce qui concerne l’accès aux publications scientifiques, deux modèles de libre accès sont aujourd’hui négociés avec les éditeurs de publications scientifiques:

la«voie dorée» (publication en libre accès): les coûts de publication ne sont plus à la charge des lecteurs (par l’intermédiaire des abonnements), mais des auteurs. Ces coûts sont généralement supportés par l’établissement universitaire ou l’institut de recherche auquel est affilié le chercheur, ou par l’organisme de financement qui finance les travaux de recherche;

la«voie verte» (autoarchivage): le chercheur dépose l’article publié ou le manuscrit définitif évalué par les pairs dans des archives en ligne avant ou après sa publication, ou parallèlement à celle-ci. L’accès à cet article est souvent soumis à une période d’embargo à la demande de l’éditeur afin que les abonnés continuent à bénéficier d’un avantage supplémentaire.

2.4

En outre, un calendrier est prévu pour la réalisation progressive de ces objectifs dans le cadre du programme Horizon 2020.

3.   Observations du Comité

La question traitée ici est celle du libre accès (c'est-à-dire général, gratuit, global et illimité) au moyen de l'internet à des publications futures et aux données de la recherche sur lesquelles elles s'appuient, lesquelles sont généralement aussi disponibles aujourd'hui en version numérisée.

3.1   Avis antérieurs

Dans son avis (1) sur le thème «Coopération et transfert de connaissances entre les organismes de recherche, l’industrie et les PME - un préalable important pour l’innovation», le Comité a déjà abordé la question qui fait aujourd’hui l’objet des discussions et a formulé des remarques fondamentales sur le sujet, qui restent d’application et qui avaient pour objectif d’améliorer le transfert de connaissances entre les partenaires de recherche (en particulier, entre le secteur de la recherche et les entreprises). Ce transfert a été vu comme un facteur essentiel à l’innovation et, partant, à la compétitivité de l’Europe. Ces remarques portaient également sur la gestion de la propriété intellectuelle née dans le cadre du processus de recherche et d’innovation, ainsi que sur la liberté des arts et des sciences (2)  (3).

3.2   Qualité d’auteur et propriété intellectuelle

Par la notion de qualité d'auteur et de propriété intellectuelle des chercheurs et de leurs organisations, il faut entendre, d’une part, la reconnaissance d’avoir effectué une découverte scientifique ou d’en avoir eu connaissance en premier, habituellement documentée au moyen d’un travail d’auteur dans une publication et, d’autre part, la reconnaissance du processus créatif ainsi que, le cas échéant, les droits d’exploitation (totale ou partielle) issus de ce processus, au cours duquel des innovations et des découvertes sont peut-être nées de nouvelles connaissances et font souvent l’objet d’une demande de protection par brevet. Le Comité se félicite dès lors de la déclaration de la Commission (chapitre 4.1), selon laquelle «[l]es politiques en matière de libre accès ne portent pas atteinte à la liberté de l’auteur en ce qui concerne sa décision de publier ou non. Elles n’ont pas non plus d’incidence sur le dépôt de brevets ou sur d’autres formes d’exploitation commerciale».

3.3   Délai de grâce ne portant pas préjudice aux innovations

Le choix entre d'une part une publication précoce des résultats scientifiques, qui impliquerait la perte de l’exigence de nouveauté liée aux découvertes qui pourraient découler de ces résultats, et d'autre part, afin d’empêcher cela, la rétention de la publication dans un premier temps, qui pourrait signifier la perte éventuelle du droit de priorité, concernant une découverte par exemple, est un dilemme compliqué susceptible d’entraîner des pertes, le cas échéant. Pour surmonter ce dilemme, le Comité réitère sa recommandation visant à prévoir un délai de grâce ne portant pas préjudice aux innovations lors de l’introduction de la demande de brevet européen (4).

3.4   Exemple du droit des brevets

Au terme d’années d'évolution sur le plan international, le droit des brevets est parvenu à établir et à maintenir un bon équilibre entre, d’une part, les exigences initiales de confidentialité liées à la propriété intellectuelle et, d’autre part, le libre accès à ses produits. Aussi les demandes de brevets sont-elles aujourd’hui rendues publiques après 18 mois et accessibles à tous au moyen de l’internet.

3.5   Données de la recherche

Une caractéristique de la procédure appliquée jusqu’à aujourd’hui, qui se manifeste plus ou moins fortement selon le domaine, est que:

i.

les données intervenant dans le processus de recherche, qui se fondent sur des données dites «brutes», sont tout d’abord calibrées et vérifiées afin de détecter d’éventuelles mesures erronées, leur cohérence est examinée dans le cadre d’un processus de formation d’opinion, leur importance est évaluée et, si nécessaire, elles sont comparées avec d’autres données de mesure ou associées à celles-ci avant d’alimenter un enregistrement valide et fiable et d’être rendues publiques, et

ii.

que les chercheurs chargés de ces données soient les premiers à publier des rapports sur celles-ci, à interpréter les résultats et à tirer les conclusions qui s’imposent.

3.6   Accord de principe

Compte tenu de ce qui précède, le Comité soutient les objectifs formulés par la Commission, lesquels permettront, selon lui, de simplifier le travail scientifique – d’un point de vue technique, au moyen de l’internet – et d’en renforcer potentiellement l’efficacité. Il recommande de continuer à développer progressivement les processus entamés ou les idées de départ en collaboration permanente avec les scientifiques qui participent activement au processus de recherche. Il y a lieu de tenir compte à cet égard des particularités des différentes disciplines de recherche et d’éviter que les chercheurs ne soient confrontés à une surcharge de travail contreproductive ou à un surcroît de dépenses administratives. Le chapitre ci-après aborde d’autres aspects et limitations.

4.   Observations particulières du Comité

4.1   Libre accès aux publications

Le libre accès aux publications scientifiques (au moyen de l’internet) élargit ou complète, à l’aide des possibilités techniques actuelles, l’accès offert dans les bibliothèques. Cette pratique revêtant une grande utilité est aujourd’hui très répandue et devrait être poursuivie avec vigueur et complétée.

4.1.1   Voie dorée ou voie verte

Le choix entre la voie dorée et la voie verte est une question de coût plutôt pragmatique. En effet, il y a lieu d’examiner s’il est possible ou souhaitable de se mettre d’accord avec l’éditeur sur l’option choisie. Ce qui est important, c’est l’accès par l’internet aux publications scientifiques et techniques, qu’il convient de ne pas trop différer.

4.1.2   Coûts majorés

Il est cependant apparu que les grands éditeurs facturaient un coût trop élevé pour cet accès. Une concurrence accrue dans les interactions entre les auteurs, les directeurs de publication et les éditeurs pourrait remédier à ce problème. Lors de l’évaluation des résultats scientifiques, le prestige de la revue qui publie ces résultats joue néanmoins un rôle. Le Comité encourage dès lors la Commission à poursuivre ses réflexions avec les organisations scientifiques concernant les moyens d'améliorer ce système. Ce faisant, il convient toutefois de ne pas restreindre la liberté des auteurs quant au choix de la revue.

4.1.3   Rapports préalables

Le Comité fait référence à la pratique répandue qui consiste à rendre préalablement accessible à la communauté scientifique, sous la forme de rapports – également par l’internet – de nouveaux résultats dont la publication dans des revues spécialisées est encore en cours d’évaluation par des experts externes (référents). Il en va de même pour les présentations effectuées au cours de symposiums et de conférences spécialisées, dont la fonction de liaison est donc très importante.

4.1.4   Accords internationaux - Symétrie

Il y a lieu d’éviter que d’importants déséquilibres apparaissent au niveau international entre l’Union européenne et les autres pays. Si les scientifiques ou les citoyens du monde entier peuvent accéder gratuitement sur internet à des publications scientifiques émanant de l’Union, il est également utile de garantir que les scientifiques ou les citoyens de l’Union puissent également accéder gratuitement à toutes les publications scientifiques originaires d'ailleurs. Le Comité soutient les efforts de la Commission visant à réaliser cette symétrie au moyen d’accords internationaux. Le travail scientifique ne sera véritablement simplifié qu’au moyen d’un flux d’informations général.

4.1.5   Conférences spécialisées et bibliothèques

Parallèlement, le Comité signale qu’il ne faut pas croire qu’un Open Access («accès libre») peut rendre superflues ou négligeables les autres formes d’échange d’idées et d’informations. Le travail devant un ordinateur ne remplace ni l’effet stimulant d’une conversation ou d’une discussion, ni l’environnement intellectuel d’une bibliothèque ou d’une conférence spécialisée.

4.2   Stockage de données

Dans la plupart des grandes organisations de recherche, le stockage de données fait déjà partie des bonnes pratiques scientifiques. Étant donné la très grande quantité de données traitées aujourd’hui, cette tâche est principalement une question de ressources et d’infrastructures disponibles, et donc d’investissement important en équipements et en personnel, afin de valider les séries de données, de trier ou de compresser, de réduire ou d’effacer des données brutes ou de décrire à l’aide de métadonnées, en évitant que des informations importantes ne soient perdues durant ces opérations. Sur ce point, il ya a lieu de tenir compte du rapport coût/investissement utile.

4.2.1   Promotion par la Commission

Le Comité se félicite des mesures actuelles et futures prévues par la Commission en vue d’encourager le stockage des données de la recherche et les infrastructures nécessaires aux fins de ce stockage.

4.2.2   Solutions spécifiques

Le Comité partage l’avis de la Commission selon lequel il ne convient pas de chercher des solutions générales, mais plutôt de veiller à ce que chaque domaine spécifique décide de façon autonome dans quelle mesure et avec quels moyens effectuer le stockage de données et dans quelle mesure il faut chercher à appliquer des normes. Chaque domaine devrait autant que possible appliquer des normes ouvertes et internationales en vue de permettre l’interopérabilité.

4.3   Libre accès externe aux données

L’intention de la Commission et d’autres partisans (5) d’encourager le libre accès (numérique) aux données de la recherche se fonde en particulier sur les objectifs suivants:

a)

renforcer la qualité du discours scientifique dans la mesure où, en règle générale, le suivi et l’évaluation détaillée des résultats de la recherche publiés exigent d’accéder aux données exploitées et aux outils utilisés pour leur exploitation;

b)

augmenter le rendement des ressources publiques utilisées pour collecter les données, grâce à l’utilisation ultérieure des données.

Le Comité peut a priori approuver pleinement ces objectifs dans leur ensemble.

La question reste toutefois de savoir avec quels instruments, à quel niveau de différenciation et dans quelle mesure ces objectifs doivent être réalisés, quelles sont les dépenses supplémentaires – également administratives– qui y sont associées, si le bénéfice attendu justifie ces dépenses et quels sont les aspects qui s’y opposent.

4.3.1   Procédure existante

Une caractéristique essentielle de la recherche scientifique est que le processus de connaissance et les données et sources obtenues dans le cadre de ce processus doivent être compréhensibles et reproductibles et que les conclusions qui en sont tirées doivent résister à des discussions et des débats. C’est la raison pour laquelle il existe dans la communauté scientifique, avant, pendant et après la publication dans des revues, des procédures bien établies et efficaces telles que des séminaires, des conférences, des expertises, des examens par des pairs, l’échange d’informations et de données, l’échange de personnel, etc. Les moyens modernes de l’agenda numérique sont également prévus à cet effet. C’est précisément aux fins de l’échange de données que le CERN (6) a proposé et développé avec des partenaires le World Wide Web (www).

4.3.2   Mesures supplémentaires

Les propositions de la Commission ne peuvent donc porter que sur les moyens de compléter, améliorer, simplifier et rendre plus efficaces les processus d’auto-organisation habituels. La communication n’expose pas de manière suffisamment claire les mesures concrètes supplémentaires prévues à cet effet; parmi les mesures envisageables figurent évidemment les projets pilotes.

4.3.3   Problèmes - Impossibilités

Si les attentes relatives au libre accès ont déjà été évoquées, il est également nécessaire de mettre en évidence les problèmes à résoudre, les exceptions et les impossibilités. Ces dernières concernent, par exemple:

la confidentialité lors de développements innovants, en particulier avec l’industrie (PME), ainsi que les aspects relatifs aux brevets;

la confidentialité des données relatives aux patients dans la recherche médicale;

la garantie de la qualité d’auteur (des chercheurs et des organisations de recherche) des données;

les malentendus lors de la récupération et de l’interprétation des données et les conséquences qui en découlent;

le cas échéant, les limitations du transfert de technologie prévues par la loi sur le contrôle des exportations;

la garantie d’une symétrie globale entre l’Union européenne et les pays tiers;

les dépenses en personnel et en équipements requises pour extraire les données pertinentes d'une kyrielle de données brutes souvent difficiles à démêler et les rendre compréhensibles et utilisables par des personnes extérieures.

À l’évidence, ces problèmes font obstacle à une introduction généralisée du libre accès aux données de la recherche.

4.3.4   Différenciation

Il s'impose donc de suivre une approche différenciée. Le Comité confirme qu’il existe des domaines dans lesquels le libre accès externe aux données de la recherche par l’internet peut être avantageux, par exemple pour les données météorologiques, le patrimoine génétique, les données démographiques ou des données définies tout aussi clairement et présentant un intérêt statistique (il reste toutefois à clarifier comment des «données» peuvent être définies).

En outre, il recommande toutefois de procéder avec retenue, par exemple:

i.

dans les cas d’expériences extrêmement complexes telles que les accélérateurs ou les installations d’essai dans la recherche sur la fusion, et

ii.

dans toutes les collaborations impliquant la recherche industrielle, y compris les PME.

4.3.5   Pour ce dernier cas précisément, le Comité relève une contradiction intrinsèque entre des objectifs qui encouragent, d’une part, le libre accès aux données de la recherche et, d’autre part, le renforcement de la promotion de l’innovation en mettant l’accent sur des partenariats entre le secteur public et le secteur privé, pour lesquels la confidentialité constitue une question clé. La tentative de concilier ces objectifs contradictoires, en distinguant entre d'une part les données «anodines» telles que celles de la recherche fondamentale et d'autre part les données innovantes de la recherche appliquée par exemple, n'est il est vrai pas dénuée de risques. Car une telle distinction «a priori» présuppose la capacité de se projeter dans l'avenir. Après tout, les nouvelles découvertes révolutionnaires de la recherche dite fondamentale peuvent s'avérer particulièrement innovantes et, si elles sont publiées à un stade précoce, se voir privées de la protection conférée par un brevet (voir également le paragraphe 3.3). C'est pourquoi il conviendrait de trouver ici une solution aussi pragmatique que dans le cas des publications «normales» (voir le paragraphe 3.2 et le chapitre 4.1 de la communication de la Commission).

4.3.6   Volontariat

Par conséquent, il convient de laisser les chercheurs participant à un projet de recherche particulier décider librement si, à partir de quand et, dans l’affirmative, jusqu’à quel niveau de détail ils donnent libre accès aux données obtenues dans le cadre du projet, sous certaines conditions. L’exemple du CERN montre justement que des processus ascendants volontaires sont davantage favorables à la question discutée dans le présent document que des règles imposées de force. Le Comité recommande de faire preuve de plus de confiance envers les forces d’auto-organisation du système économique. Il convient d’éviter toute ingérence forcée (voir paragraphe 4.3.10) dans la culture scientifique, qui s’est avérée très fructueuse jusqu’ici, mais qui est aussi très sensible.

4.3.7   Données issues de publications

La possibilité pourrait par exemple être envisagée de traiter électroniquement et de rendre librement accessible, parallèlement aux publications, une sélection (voir paragraphe 4.2) des données qui sont à la base des publications disponibles en libre accès. Mais l'on est là aussi en droit de se demander si les gains escomptés d'une exploitation en ligne des données par des tiers justifie véritablement les efforts supplémentaires que cela exige de la part des auteurs initiaux, ainsi tenus éloignés de leur propre activité de recherche, et il convient d'examiner cette question au cas par cas.

4.3.8   Projet pilote

Le Comité soutient les efforts de la Commission visant à lancer un projet pilote dans un domaine spécialisé plutôt simple et approprié dans le but d’acquérir de l’expérience. Un rapport devrait être établi concernant la valeur ajoutée ainsi obtenue.

4.3.9   Bureaucratie et acceptation

Le mécontentement important de nombreux chercheurs concernant la bureaucratisation excessive, par la Commission, des procédures de demande et d’octroi s’est légèrement apaisé grâce aux efforts de simplification et de continuité de l’instrument d’aide (7). Il pourrait toutefois être ravivé par de nouvelles exigences mal réfléchies, une ingérence dans les activités de recherche et par de nouveaux obstacles bureaucratiques.

4.3.10   Intérêt du «bailleur de fonds»

Le débat autour des thèmes évoqués ci-dessus soulève également la question de savoir si et dans quelle mesure le «bailleur de fonds» ou «contribuable», représenté ici par la Commission, devrait simplement exiger comme préalable à sa contribution que tous les résultats issus de la recherche soient rendus librement accessibles sur internet. Sans préjudice des observations formulées aux paragraphes 3.1 et 3.2, cette question n'est pas au cœur des réflexions développées dans le présent avis. Pour le Comité, l'important est plutôt de savoir quelles sont les procédures de financement et de gestion de la recherche à appliquer – dans l'intérêt justement du «bailleur de fonds» – pour obtenir des résultats scientifiques et économiques optimaux.

4.4   Charge supplémentaire pour le budget de la recherche

Toutes les mesures proposées par la Commission exonèrent le destinataire des informations (publications, données) de toute obligation de contrepartie financière. Ces coûts doivent en revanche être supportés par les auteurs des données et des publications, c'est-à-dire les chercheurs et leurs organisations. Ils doivent donc être imputés au budget de la recherche concerné – dans la mesure où il s’agit ici d’une aide de l’Union européenne, le budget en question est celui du programme «Horizon 2020». Il y a donc lieu de tenir compte de ces coûts dans le montant de l’aide concernée.

4.4.1

Dans le cas du libre accès à des publications scientifiques, le budget de la recherche concerné doit donc couvrir non seulement les dépenses nécessaires à l’obtention de nouveaux résultats de recherche, mais aussi celles liées à la mise à disposition de ces résultats.

4.4.2

Par ailleurs, il en va de même pour les coûts liés à l’augmentation du stockage de données et pour les dépenses en personnel et en infrastructure nécessaires à cet effet (notamment en tant que condition nécessaire pour le paragraphe 4.4.3).

4.4.3

Et, bien entendu, cela vaut d’autant plus pour les dépenses supplémentaires liées, le cas échéant, à l’établissement d’un accès public à toutes les données de recherche ou à certaines données de la recherche sélectionnées.

4.5   Possibles malentendus

Le Comité a l’impression que, dans le débat politique, certaines exigences relatives au libre accès et certaines raisons justifiant ce libre accès reposent également sur des malentendus qui concernent tant la méthode de travail utilisée dans la science et la recherche que la capacité de compréhension des questions spécifiquement scientifiques par le citoyen ordinaire. En effet, en règle générale, seuls les experts du domaine concerné comprennent les publications scientifiques. Le libre accès ne sert dès lors qu’à l’information des experts. Il en va de même pour l’accès aux données de la recherche.

4.6   Information des citoyens et des acteurs politiques

Par conséquent, les efforts visant à expliquer aux profanes les informations essentielles contenues dans les nouvelles connaissances sont d’autant plus importants. Le Comité a souligné à plusieurs reprises l’importance de ces moyens et reconnaît les efforts de la Commission en la matière, y compris s'agissant du portail CORDIS (8). Il y a lieu de mettre l’accent sur l’engagement du scientifique qui a le don de rendre compréhensible par tous les connaissances de son domaine. Enfin, il importe également que les acteurs politiques soient informés au mieux du contenu et de la signification des connaissances scientifiques ainsi que du potentiel de nouvelles recherches afin de pouvoir prendre des décisions éclairées.

4.7   Accès à une expertise

Les entreprises et les organisations de la société civile déplorent souvent l'accès insuffisant à une expertise spécialisée. C'est pourquoi il est particulièrement important, pour les PME notamment, de disposer au moins d'un expert interne ou externe capable de comprendre ces données ou d'avoir accès à un organisme de conseil correspondant. Par ailleurs, le Comité renvoie d'une part aux recommandations (formulées dans un avis antérieur (9)) qu'il a adressées à la Commission afin qu'elle crée un moteur de recherche spécifique dans ce domaine, et d'autre part au moteur de recherche (10) mis à disposition par l'Office européen des brevets, grâce auquel il est possible aujourd'hui d'accéder à la plupart des fascicules des brevets les plus récents disponibles au niveau international.

4.8   Accès internet à des publications antérieures

Au-delà du thème traité ici, il serait intéressant, notamment pour les sciences humaines, de rendre également accessibles sous forme électronique au moyen d'internet d'anciennes publications originales. Même s'ils ne font pas l'objet du présent avis, les efforts en ce sens sont expressément salués par le Comité.

Bruxelles, le 16 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 218 du 11.9.2009, p. 8, chapitre 3.

(2)  Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, article 13 (mars 2010): «La liberté académique est respectée».

(3)  Voir par exemple Torsten Wilholt in FORSCHUNG & LEHRE, 19e année 12/12, p. 984; www.forschung-und-lehre.de.

(4)  JO C 132 du 3.5.2011, p. 39, point 3.9.

(5)  P.ex.: www.royalsociety.org/uploadedFiles/Royal_Society_Content/policy/projects/sape/2012-06-20-SAOE.pdf, www.wissenschaftsrat.de/download/archiv/2359-12.pdf

(6)  Organisation européenne pour la recherche nucléaire.

(7)  JO C 48 du 15.2.2011, p. 129.

(8)  http://cordis.europa.eu/home_fr.html

(9)  JO C 218 du 11.9.2009, paragraphe 3.2.

(10)  http://worldwide.espacenet.com