4.10.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 299/115


Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre blanc – une stratégie pour des retraites adéquates, sûres et viables»

COM(2012) 55 final

2012/C 299/21

Rapporteur: Petru Sorin DANDEA

Corapporteur: Krzysztof PATER

Le 16 février 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le

"Livre blanc – une stratégie pour des retraites adéquates, sûres et viables"

COM(2012) 55 final.

La section spécialisée "Emploi, affaires sociales, citoyenneté", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 27 juin 2012.

Lors de sa 482e session plénière des 11 et 12 juillet 2012 (séance du 12 juillet 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 180 voix pour, 27 voix contre et 19 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Les systèmes publics de retraites constituent l'une des composantes majeures du filet de protection de la sécurité sociale dans la plupart des États membres ainsi qu'un volet fondamental du modèle social européen, les pensions étant la principale source de revenu des retraités. Le CESE regrette que la Commission, dans son livre blanc, se concentre davantage sur d'autres aspects des systèmes de retraite, sans chercher de solutions en vue de renforcer les régimes publics.

1.2   Les systèmes de retraite ne fonctionnent pas indépendamment des économies nationales. Aussi le CESE recommande-t-il aux États membres de concevoir leurs politiques de retraite en articulation étroite avec leurs politiques en matière de marché du travail et de protection sociale, leurs politiques fiscales et macroéconomiques (dans la mesure où les retraites sont financées par le montant prélevé sur le salaire des personnes durant leur vie active ou par les cotisations versées aux régimes de retraite privés), et en y associant activement les partenaires sociaux et les organisations de la société civile.

1.3   Il n'existe pas de solution universelle pour répondre au défi que pose le vieillissement de la population pour les régimes de retraite. La majorité des États membres qui ont réformé leurs systèmes de retraite au cours de la dernière décennie ont visé, par les politiques mises en œuvre, à en réduire les coûts, au moyen du relèvement de l'âge légal de la retraite et du passage à un système d'indexation des retraites sur l'augmentation des prix. Le CESE a déjà affirmé que le relèvement de l'âge légal de la retraite ne constituait pas une réponse suffisante au vieillissement de la population et attire l'attention sur le fait que cette démarche peut s'avérer préoccupante d'un point de vue social, car elle peut à long terme exposer de nombreux retraités au risque de pauvreté.

1.4   Le CESE estime que les États membres devraient redistribuer la richesse; ils devraient concentrer leurs efforts de réforme, pour les prochaines décennies, sur l'augmentation des ressources finançant les systèmes de retraire, sur l'extension du système de retraite afin qu'il couvre toutes les catégories socioprofessionnelles, sur l'augmentation de l'emploi, sur l'amélioration des mécanismes de prélèvement des cotisations, et sur la lutte contre le travail au noir et la fraude fiscale. Le CESE se félicite que le livre blanc insiste beaucoup plus fermement que les précédents documents de la Commission sur l'importance que revêtent le marché du travail et l'accroissement des taux d'emploi en vue de gérer avec succès l'évolution démographique et partant, d'atteindre les principaux objectifs concernant les retraites. Il est néanmoins regrettable que cette mise en exergue du rôle crucial joué par le marché du travail n'ait aucune répercussion notable sur les principales recommandations en matière de retraites, qui sont pour l'essentiel reprises en l'état de documents antérieurs.

1.5   Le CESE est d'avis que, dans le cadre des processus de réforme des systèmes nationaux de retraite, les États membres doivent prendre en compte le fait que la retraite constitue pour des millions de retraités la seule protection face au risque de pauvreté. Aussi recommande-t-il d'incorporer, dans les futures réglementations, des règles concernant la pension minimale ou des mécanismes garantissant les montants des pensions, afin d'assurer aux retraités des revenus qui soient supérieurs au seuil de pauvreté.

1.6   Par leur nature même, les systèmes de retraite sont faits pour fonctionner sur le long terme. Aussi convient-il que les États membres, dans le cadre du processus de réforme, prennent en compte des périodes suffisamment longues, adaptées à leur contexte économique et social national et bénéficiant d'une large acceptation des citoyens. Le CESE recommande d'adopter une telle approche, car il considère qu'une réforme du système de retraite qui consiste à transférer les coûts sur les jeunes générations actuelles de travailleurs ou les retraités actuels n'est pas équitable. Le Comité est favorable à une approche garantissant une équité entre les générations, sur le plan de la durabilité du système et du niveau adéquat des prestations, et assurant un niveau de vie décent.

1.7   Le CESE demande à la Commission et aux États membres de concentrer leurs efforts sur la promotion de mesures actives d'allongement de la vie professionnelle. Ce processus doit avoir pour principe de rapprocher l'âge effectif de départ à la retraite de l'âge fixé par la loi. C'est l'un des éléments clés pour garantir la viabilité des systèmes de retraite en Europe. Parmi ces mesures, les plus importantes consistent à se concentrer sur la négociation des conditions de travail entre les partenaires sociaux, pour ce qui est par exemple d'adapter les emplois aux capacités et à l'état de santé des travailleurs âgés, de tenir compte de la pénibilité de certains métiers, d'améliorer l'accès aux programmes de formation continue, de renforcer la prévention des invalidités, de permettre aux travailleurs de concilier vie professionnelle et familiale et d'éliminer les barrières juridiques, ou d'autre nature, qui entravent l'allongement de la vie professionnelle. Dans le cadre du processus de réforme, il faut changer l'attitude des employeurs envers cette tranche d'âge et développer chez les travailleurs âgés des attitudes positives, en leur permettant de choisir d'occuper leur emploi plus longtemps. Pour faire de l'allongement de la vie professionnelle une réalité, il est nécessaire d'opérer des réformes du marché du travail capables de créer les conditions permettant aux entreprises de proposer des emplois de qualité. Toutes ces mesures devront être définies et mises en œuvre en étroite coopération avec les partenaires sociaux. Le CESE estime que les régimes de retraite anticipée doivent malgré tout être maintenus pour garantir le droit à la retraite anticipée pour les travailleurs qui ont exercé sur une longue durée un emploi pénible ou dangereux, mais aussi pour ceux qui ont commencé leur carrière professionnelle très jeunes (avant l'âge de 18 ans).

1.8   Le CESE observe que les États membres ont déjà fait des avancées dans les réformes de leur régime de retraite obligatoire, mais il se dit en même temps convaincu qu'il faut améliorer le cadre juridique des régimes de retraite complémentaires, sachant qu'ils joueront un rôle dans l'adéquation et la viabilité futures des systèmes de pension. Le CESE est dès lors très préoccupé par certaines des propositions concernant les retraites professionnelles. Dans la mesure où les régimes de retraite se différencient grandement des services d'assurance-vie, le CESE ne souscrit pas à l'objectif affiché de réviser la directive IRP (institutions de retraite professionnelle) pour assurer "l'égalité de traitement par rapport à la directive Solvabilité II", mais recommande d'introduire des mesures spécialement conçues pour garantir les actifs des fonds de pension, après consultation préalable des partenaires sociaux et des autres parties prenantes.

1.9   Les retraites ont pour but d'assurer un revenu aux retraités; il s'agit d'un revenu de remplacement venant se substituer au salaire qu'ils touchaient pendant leur vie active, et qui est proportionnel à celui-ci. De l'avis du Comité, il sera à l'avenir nécessaire de réduire l'écart entre les retraites des travailleurs hommes et femmes et de garantir une couverture appropriée des risques vieillesse pour les travailleurs ayant exercé une profession atypique ou eu une carrière atypique. Les disparités qui continuent d'exister entre hommes et femmes sur le marché du travail ont de sérieuses conséquences sur les droits accumulés, et donc également sur le montant des retraites auxquelles peuvent prétendre les femmes. Le CESE appelle les États membres à rechercher, en coopération avec les partenaires sociaux, des solutions pour aplanir les disparités entre hommes et femmes en matière de droits à la retraite, lesquelles sont dues tant à la législation qu'à certains usages établis sur le marché du travail.

1.10   Le CESE encourage la Commission à mettre en pratique son intention d'utiliser, sur la période de programmation 2014-2020, une partie du FSE pour soutenir les projets favorisant l'emploi des travailleurs âgés ou l'allongement de la vie professionnelle. De même, il convient de soutenir les projets éducatifs destinés à accroître le niveau d'alphabétisation financière des travailleurs, et plus particulièrement en matière de planification des retraites. Le CESE estime que les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile peuvent, parallèlement à d'autres organismes publics, jouer un rôle important pour promouvoir ces projets.

2.   Introduction

2.1   Le 16 février 2012 (soit plus tard que prévu), la Commission européenne a publié son "Livre blanc – une stratégie pour des retraites adéquates, sûres et viables", à l'issue des consultations lancées lors de la publication du livre vert de juillet 2010. Si elle a repris à son compte une série de recommandations formulées par le Comité économique et social européen dans son avis sur cette question, la Commission n'a pas pour autant changé de position quant aux solutions que les États membres devraient adopter pour garantir des systèmes de retraite viables et sûrs dans un contexte de vieillissement, en mettant l'accent sur la réduction des dépenses liées aux retraites davantage que sur l'augmentation des ressources destinées à les financer. Elle recommande de surcroît de lier l'âge de la retraite à l'allongement de la durée de vie – points sur lesquels le CESE s'est maintes fois exprimé de manière critique.

2.2   Pour appuyer l'idée qu'il est nécessaire de réformer les systèmes de retraite, la Commission utilise des données statistiques susceptibles de présenter une image erronée des problèmes qui leur sont posés par le vieillissement de la population. Par exemple, le graphique de la figure 1 du livre blanc compare l'évolution du nombre de personnes de la classe d'âge 60 ans et plus avec celle de la tranche de 20 à 59 ans, en montrant que la première catégorie va augmenter d'environ 2 millions de personnes par an sur les deux prochaines décennies, alors que le deuxième groupe va baisser en moyenne d'un million par an. Or en 2020, l'âge légal de la retraite sera, dans la majorité des États membres, égal ou supérieur à 65 ans, ce qui signifie que la tranche d'âge des 60 ans et plus comprendra à la fois des actifs et des retraités. Comme il l'a déjà recommandé par ailleurs (1), le CESE est d'avis que pour étudier les effets du phénomène de vieillissement sur le financement des systèmes de sécurité sociale, il convient d'utiliser le rapport de dépendance économique, qui offre une image correcte des besoins réels de financement. La Commission reconnaît cet aspect dans son livre blanc. En ce sens, le CESE se félicite que celui-ci insiste beaucoup plus fermement que les précédents documents de la Commission sur l'importance que revêtent le marché du travail et l'accroissement des taux d'emploi en vue de gérer avec succès l'évolution démographique et partant, d'atteindre les principaux objectifs concernant les retraites. Il est néanmoins regrettable que cette mise en exergue du rôle crucial joué par le marché du travail n'ait aucune répercussion notable sur les principales recommandations en matière de retraites, qui sont pour l'essentiel reprises en l'état de documents antérieurs.

2.3   La Commission estime que la réussite des réformes des retraites dans les États membres est un facteur déterminant essentiel du bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire et qu'elle aura des incidences sur la capacité de l’UE à atteindre deux des cinq objectifs de la stratégie Europe 2020, à savoir relever le taux d’emploi à 75 % et réduire le nombre de personnes menacées de pauvreté d’au moins 20 millions. Le CESE a cependant attiré l'attention sur le fait (2) que nombre des mesures d'austérité appliquées par les États membres confrontés aux effets de la crise financière et de la dette souveraine sont susceptibles d'avoir une influence négative sur la réalisation de ces objectifs. Toutes les mesures de stabilité budgétaire doivent systématiquement s'accompagner d'investissements propices à l'emploi et de mesures visant la croissance.

2.4   La Commission entend suggérer aux États membres des orientations politiques et des initiatives pour répondre aux besoins de réformes mis en évidence, entre autres, dans les recommandations par pays adressées en 2011 dans le cadre du semestre européen. Le CESE regrette que ces recommandations soient notamment centrées sur le relèvement de l'âge légal de la retraite et sur la modification des systèmes d'indexation des retraites. Pour certains États membres, qui ont conclu des accords de type "standby" avec le FMI, la Banque mondiale et la Commission européenne, les recommandations comprenaient des solutions telles que le gel temporaire du montant des retraites, voire sa diminution.

3.   Observations générales

3.1   Les défis actuels en matière de retraites

3.1.1   Le Comité reconnaît avec la Commission que la viabilité et l’adéquation des systèmes de retraite dépendent de la mesure dans laquelle ils reposent sur les cotisations, les impôts et l’épargne des travailleurs. Or, ces contributions ne proviennent pas uniquement des personnes effectivement en activité, mais aussi des retraités eux-mêmes. Autrement dit, toute projection à long terme concernant l'équilibre entre les cotisants actifs et les bénéficiaires retraités devrait tenir compte de ces aspects.

3.1.2   Dans presque tous les États membres, les systèmes publics de retraites constituent la principale source de revenus des retraités. Il est dès lors impératif de déployer tous les efforts pour garantir leur viabilité et leur accessibilité à un coût raisonnable. Le CESE estime que le meilleur moyen d'assurer le financement des systèmes publics est d'avoir un taux élevé d'emploi et de recourir à des mesures de financement complémentaires, telles que celles prises dans certains États membres (par exemple, subventions budgétaires, revenus complémentaires, fonds de stabilité et de réserve). Ces systèmes de retraite sont fondés sur le principe de solidarité et créent une solidarité entre les générations et au sein de celles-ci, au bénéfice de la cohésion sociale. De plus, ils permettent d'accumuler des droits de retraite pendant des périodes de chômage, ou lorsque la carrière professionnelle est interrompue pour des raisons médicales ou familiales. Lors de la crise financière de 2008, ces systèmes ont montré qu'ils jouent un rôle de stabilisateurs financiers, même si le montant individuel des retraites a, dans certains États membres, été touché. Inversement, certains régimes de retraites financés par le secteur privé, qui avaient investi une partie de leur portefeuille d'actifs dans des produits financiers très risqués, ont enregistré de lourdes pertes qui se sont soldées par une réduction drastique de la pension de nombreux retraités. Les décideurs doivent tenir compte de l'incidence des coupes sur la demande mondiale, eu égard au fait que les prestations sociales ne constituent pas uniquement des "dépenses" puisqu'elles procurent des moyens d'action et de consommation à un tiers de la population de l'Europe.

3.2   Garantir la viabilité financière des systèmes de retraite

3.2.1   La Commission déclare que les retraites pourraient augmenter de 2,5 points de pourcentage du PIB à l'horizon 2060 (en moyenne de l'UE). Le CESE conseille aux États membres, comme il l'a déclaré dans ses précédents avis, d'être circonspects dans l'utilisation de ces chiffres aux fins d'une réforme des systèmes de retraite, puisqu'ils sont pour la plupart fondés sur des hypothèses à long terme qui ne se vérifient pas toujours dans les faits. Cependant, les dépenses liées aux retraites publiques dans les États membres vont actuellement de 6 % du PIB en Irlande à 15 % en Italie, soit une différence de 9 points de pourcentage du PIB. Cela montre qu'il peut exister une souplesse dans la composition des dépenses publiques, sans que cela affecte significativement la compétitivité des États membres qui, dans une perspective cyclique, pourraient avoir des dépenses plus élevées dans leurs systèmes de sécurité sociale.

3.2.2   Les réformes des systèmes de retraite entreprises par les États membres au cours de la dernière décennie ont visé avant tout à en réduire les coûts, au moyen du relèvement de l'âge légal de la retraite et du passage à un système reposant – majoritairement ou exclusivement – sur une indexation des retraites sur l'augmentation des prix. Le CESE estime que cette dernière modification peut avoir des effets négatifs à long terme, sous la forme d'une baisse considérable des pensions. Selon une étude de l'OIT (3), l'on observe qu'une différence de seulement 1 point de pourcentage entre l'augmentation des salaires et celle des retraites sur une période de 25 ans pourrait conduire à une baisse des retraites de 22 %.

3.2.3   Les systèmes nationaux de retraite ne fonctionnent pas indépendamment des économies nationales. Il s'agit en pratique de sous-systèmes, qui interagissent avec les autres, au niveau national et mondial. Aussi le CESE considère-t-il que, pour garantir la viabilité financière des systèmes de retraite, les États membres doivent concentrer leurs efforts, les prochaines décennies, sur la croissance de leurs recettes. Cette croissance ne peut pas être obtenue par la seule augmentation du nombre de cotisants actifs et en allongeant la durée de la vie active, mais doit aussi se faire par une meilleure gestion des finances publiques et par la lutte contre la fraude fiscale et le travail illégal. Une croissance durable et un niveau élevé d'emploi créeraient un environnement propice aux systèmes de retraite. Pour faire de l'allongement de la vie professionnelle une réalité, il est nécessaire d'opérer des réformes du marché du travail capables de créer les conditions permettant aux entreprises de proposer des emplois de qualité. De même, des conditions de travail décentes permettant de concilier vie professionnelle et responsabilités familiales peuvent contribuer à une augmentation du taux de fécondité, en faisant ainsi diminuer la pression du vieillissement sur le système de retraite. Dans le même temps, il convient de prendre des mesures visant à faire en sorte que chacun soit davantage disposé à travailler plus longtemps, mais aussi à se former tout au long de la vie et à recourir à la prévention en matière de santé.

3.2.4   Conformément à ce qu'il a exposé dans son précédent avis, le CESE souligne que les réformes des retraites (y compris le passage de systèmes de retraite fonctionnant exclusivement par répartition à des systèmes mixtes, associant systèmes obligatoires de retraite par répartition et systèmes par capitalisation) qui conduisent à modifier le financement des systèmes de retraite et ce faisant augmentent les passifs explicites du secteur public et diminuent les passifs implicites, ne devraient pas être pénalisées à court terme en raison d'une dette publique explicite plus élevée (4). Par conséquent, il conviendrait d'envisager une révision des règles du pacte de stabilité et de croissance.

3.3   Maintenir l’adéquation des prestations de retraite

3.3.1   La Commission reconnaît qu'avec les réformes réalisées par les États membres, les taux de remplacement des systèmes de retraite vont baisser dans la plupart des États membres. Les pensions de retraite constituant la principale source de revenu des Européens âgés, le CESE estime que les États membres doivent prioritairement maintenir l'adéquation des pensions pour leur assurer un niveau de vie décent.

3.3.2   Étant donné que les gouvernements ont la responsabilité de garantir une retraite adéquate à chaque citoyen européen âgé, le CESE estime que les États membres devraient envisager de proposer, en coopération avec les partenaires sociaux, une définition globale de cette notion de "retraite adéquate".

3.3.3   L'adéquation des revenus des futures générations de retraités dépendra de plus en plus de la création de piliers supplémentaires pour les retraites par capitalisation. Le CESE constate toutefois que certains États membres, qui ont favorisé les régimes obligatoires de retraite par capitalisation, financés par le transfert d'une partie des contributions du régime public de retraites, ont choisi de supprimer ces régimes, notamment en raison du déficit que leur fonctionnement a entraîné dans le budget du système public. Le CESE se prononce en faveur des régimes de pensions professionnelles par capitalisation, établis et administrés par les employeurs et les syndicats, et demande à la Commission de soutenir les partenaires sociaux afin de renforcer leurs capacités administratives dans ce domaine.

3.3.4   À la lumière de l'évolution progressive vers des régimes de retraite additionnelle par capitalisation, notamment des régimes liés à la participation au marché du travail, il est très important que les États membres garantissent des pensions de retraite adéquates aux personnes qui sont restées en dehors du marché de l'emploi tout au long de leur vie adulte. Ainsi il y a lieu de veiller à ce que les personnes exclues du marché du travail traditionnel en raison par exemple de handicaps graves ou de problèmes sociaux importants et complexes, bénéficient d'une pension suffisante afin d'éviter des inégalités sociales encore plus grandes à un âge avancé.

3.4   Accroître le taux d’activité des femmes et des travailleurs âgés

3.4.1   La Commission souligne que si l’Union atteint l’objectif qu’elle s’est fixé en matière d'emploi dans la stratégie Europe 2020, à savoir un taux d’emploi de 75 % dans la classe d’âge des 20 à 64 ans, et qu’elle réalise encore des progrès dans les décennies suivantes, le rapport de dépendance économique pourrait rester en deçà de 80 %. Cela signifie que la pression du vieillissement sur les systèmes de retraite pourrait rester supportable.

3.4.2   Le CESE ne souscrit pas à l'avis de la Commission selon lequel un âge de la retraite fixe créerait des déséquilibres majeurs entre la durée de la vie professionnelle et celle de la retraite. La plupart des États membres, dans les réformes des systèmes de retraite qu'ils ont réalisées ces dernières années, ont relié le droit à la retraite anticipée à la durée de la vie professionnelle, en réduisant significativement le nombre de salariés privilégiés. L'avis du CESE est que les régimes de retraite anticipée doivent être maintenus pour garantir le droit à la retraite anticipée pour les travailleurs qui ont exercé sur une longue durée un emploi pénible ou dangereux, mais aussi pour ceux qui ont commencé leur carrière professionnelle très jeunes (avant l'âge de 18 ans).

3.4.3   Le CESE s'est exprimé à de nombreuses reprises (5) sur les facteurs fondamentaux que les États membres doivent prendre en compte lors qu'ils mettent en œuvre des réformes conduisant à l'allongement de la vie active, et se félicite que la Commission ait repris un certain nombre d'entre eux dans le livre blanc. Cependant, le CESE estime que, au niveau des États membres, beaucoup reste à faire pour que les emplois soient véritablement adaptés aux capacités et à l'état de santé des travailleurs âgés.

3.5   Le rôle des États membres et de l’UE dans le domaine des retraites

3.5.1   Le CESE salue la décision de la Commission d'adopter une démarche globale concernant les réformes des systèmes de retraite, compte tenu de l'interdépendance qui existe en la matière entre les problématiques macroéconomiques, sociales et liées au marché du travail. Même si c'est avant tout aux États membres qu'incombe la responsabilité d'élaborer leurs systèmes de retraite, la Commission doit utiliser souplement les instruments à sa disposition pour offrir aux États membres un support consistant dans le cadre des réformes des systèmes de retraite; néanmoins, comme on évite en général de revenir en arrière, il convient de procéder sans toucher aux droits ni créer de nouvelles règles inspirées par la récession actuelle, lesquelles pourraient nuire aux intérêts des individus quand l'économie se rétablira. La stratégie Europe 2020 ainsi que le nouveau cadre européen de gouvernance procurent à la Commission un champ d'intervention suffisamment ample pour promouvoir des solutions concernant la réforme des retraites, tenant compte du fait que les retraites ne sont pas de l'épargne. Le CESE encourage également la Commission à confirmer son intention d'utiliser, pendant la période de programmation 2014-2020, une partie des fonds du FSE pour soutenir des projets visant à employer des travailleurs âgés ou à promouvoir l'allongement de la vie active. Une condition préalable à cela sera d'associer les partenaires sociaux et la société civile organisée à la mise en œuvre de tels projets.

3.5.2   Estimant que l'emploi et l'accroissement de la productivité du travail sont des éléments clés dont les États membres devraient se préoccuper, alors qu'ils sont confrontés aux effets du vieillissement de la population sur le système de retraites, le CESE recommande que toutes les politiques que les gouvernements prévoient de mettre en œuvre soient préalablement soumises à l'accord des partenaires sociaux.

3.6   La nécessité de réformes dans le domaine des retraites

3.6.1   Concernant les recommandations adressées aux États membres par la Commission relativement à la réforme des retraites, dans le cadre des analyses annuelles de la croissance de 2011 et 2012, le CESE fait les recommandations suivantes:

a.

le relèvement de l'âge effectif de la retraite doit résulter de politiques encourageant l'allongement de la vie professionnelle, négociées avec les partenaires sociaux, et non de mécanismes automatiques de relèvement de l'âge légal de la retraite, comme le recommande la Commission;

b.

la limite d'accès à la retraite anticipée doit tenir compte de la situation concrète de certains groupes de travailleurs, notamment ceux qui ont exercé un emploi pénible ou dangereux, ou qui ont commencé leur carrière professionnelle très jeunes (avant l'âge de 18 ans);

c.

la meilleure démarche pour relever l'âge effectif de la retraite est d'allonger la vie professionnelle en améliorant l’accès aux programmes de formation, en adaptant les lieux de travail à une main-d’œuvre plus diversifiée, en développant les possibilités d’emploi pour les travailleurs âgés, en promouvant le vieillissement actif et en bonne santé, et en éliminant les barrières juridiques, ou d'autre nature, qui entravent l'accès des travailleurs âgés au marché du travail;

d.

l'égalisation de l’âge légal de départ à la retraite des hommes et des femmes doit se faire en tenant compte de la situation spécifique du marché du travail de chaque État membre; il convient de veiller tout particulièrement à combler l'écart existant entre hommes et femmes en matière de droits à la retraite;

e.

encourager le développement de systèmes d'épargne-retraite complémentaire doit se faire avec la participation des partenaires sociaux, notamment sous la forme des régimes professionnels de retraites, lesquels ont montré à l'épreuve de la crise financière qu'ils sont plus sûrs que d'autres types de régimes par capitalisation, ainsi que sous la forme d'épargne privée assortie d'incitations fiscales ciblées, notamment à l'attention des personnes n'ayant pas les moyens d'accéder à de tels services.

3.7   Trouver un équilibre entre la durée de la vie professionnelle et la durée de la retraite

3.7.1   Le CESE estime que les États membres peuvent favoriser le relèvement de l'âge effectif de la retraite – ce qui revient à allonger la durée de la vie active – par des mesures actives pour encourager l'allongement de la vie professionnelle sur une base volontaire. Le relèvement automatique de l'âge légal de la retraite, sur la base de prévisions de l'augmentation de l'espérance de vie, pourrait s'avérer contreproductif, dans la mesure où de nombreux travailleurs âgés, notamment ceux qui connaissent des problèmes de santé, choisissent de se tourner vers d'autres piliers du système de sécurité sociale (6).

3.7.2   Le CESE est d'accord avec le point de vue de la Commission selon lequel la réforme des retraites ne doit pas se faire en en transférant les coûts sur les jeunes générations de travailleurs ou sur les seuls retraités actuels. Les États membres ont la possibilité de mettre en œuvre des réformes qui ne porteront pas atteinte aux intérêts des travailleurs ni à ceux des retraités.

3.7.3   Le CESE recommande aux États membres de faire en sorte que les mesures limitant l'accès à la retraite anticipée soient mises en œuvre en tenant compte des intérêts des travailleurs qui ont exercé sur une longue durée un emploi pénible ou dangereux, mais aussi des personnes qui ont commencé leur carrière professionnelle très jeunes (avant l'âge de 18 ans). Limiter l’accès à la retraite anticipée pour ces catégories de travailleurs équivaudrait, pour beaucoup d'entre eux, à annuler leur droit à la retraite. La Commission reconnaît que les travailleurs appartenant à ces groupes ont un état de santé et une espérance de vie inférieurs à ceux des autres travailleurs. De tels aménagements doivent rester de la compétence des États membres, en fonction de leurs pratiques et situations nationales, et se fonder sur les accords conclus avec les partenaires sociaux.

3.7.4   Le CESE prend acte de la position de la Commission selon laquelle il est nécessaire que les processus de réforme engagés par les États membres se concentrent sur l'encouragement de l'allongement de la vie professionnelle. Le simple relèvement de l'âge légal de la retraite ou la baisse des pensions induite par la modification des mécanismes d'indexation est susceptible de faire passer des millions de retraités sous le seuil de pauvreté.

3.7.5   Une enquête réalisée par Eurostat (7) montre que plus de 35 % des travailleurs de 50 à 69 ans se disent prêts à travailler jusqu'à un âge supérieur à 65 ans. Le CESE prend acte de la position de la Commission selon laquelle éliminer les barrières qui entravent l'allongement de la vie professionnelle active est une solution parmi d'autres qui s'offre aux États membres.

3.7.6   La Commission reconnaît que supprimer les disparités entre les hommes et les femmes en matière de retraite ne peut se faire par la seule égalisation de l’âge de départ à la retraite, et recommande aux États membres de recourir à une combinaison de politiques en matière de retraite et d’emploi visant à supprimer ces écarts. Le CESE recommande à la Commission d'envisager également, dans le cadre de la révision de la législation européenne en matière de retraites, la possibilité d'introduire des dispositions visant à supprimer les disparités entre les hommes et les femmes.

3.8   Développer l’épargne-retraite complémentaire privée

3.8.1   Le CESE salue la décision de la Commission d'améliorer la législation européenne en matière de retraites. Toutefois, le CESE estime qu'il faut tenir compte non seulement des aspects liés à l'activité transfrontière des fonds de pension et à la mobilité des travailleurs, mais aussi d'éléments ayant trait à la surveillance et au contrôle des institutions de retraite, aux coûts administratifs et à l'information et à la protection des consommateurs.

3.8.2   Le CESE est d'accord avec la proposition de la Commission de créer un système européen des services de suivi des retraites, en interconnectant les services de suivi nationaux. Cela représenterait un réel avantage pour les travailleurs ayant exercé leur activité dans plusieurs États membres.

3.8.3   Le livre blanc n'adopte pas une approche adéquate pour soutenir la fourniture à la fois efficace et économique des retraites professionnelles, et donc leur croissance dans l'avenir. En particulier, le CESE ne souscrit pas à l'objectif affiché de réviser la directive IRP (institutions de retraite professionnelle) pour assurer "l'égalité de traitement par rapport à la directive Solvabilité II". De telles mesures ne se justifient pas par une prétendue nécessité d'assurer une égalité de traitement avec les fonds de pension fournis par les assurances, dans la mesure où ces derniers fonctionnent de manière distincte. Dans la plupart des cas, les fonds de pension n'opèrent pas sur les marchés de détail et/ou sont des organisations sans but lucratif. Ils sont généralement fournis par l'intermédiaire d'un employeur ou d'un groupe d'employeurs dans un secteur donné, alors que les produits des retraites d'assurances peuvent aussi être fournis à des particuliers. Les fonds de pension ont un caractère collectif (soumis à des conventions collectives). Toutefois, le CESE soutient l'engagement de la Commission d'introduire des mesures spécialement conçues pour garantir les actifs des fonds de pension.

3.8.4   Parallèlement aux régimes publics de retraites, des systèmes complémentaires collectifs ont également été mis en place. Ces derniers, qui fournissent un revenu complémentaire aux retraités, devraient être généralisés à tous les travailleurs. Toutefois, ils ne doivent pas être une solution se substituant au paiement des retraites publiques, et sûrement pas compromettre la viabilité de celles-ci, dans la mesure où ils reposent sur des conventions collectives. Tous les salariés d'un secteur ou d'une entreprise devraient pouvoir accéder à ces systèmes complémentaires, qui traitent les hommes et les femmes sur un pied d'égalité. De plus, il importe que les partenaires sociaux soient associés à la mise en œuvre et au suivi de la gestion de ces régimes. Il conviendrait que les partenaires sociaux, parallèlement aux régimes de retraites complémentaires, qui fonctionnent généralement comme des fonds d'investissement, s'emploient à trouver des solutions pour couvrir d'autres risques qui engendrent souvent une réduction du futur revenu de retraite (risques au cours de la vie, périodes de maladie, voire de chômage ou d'absence professionnelle pour des raisons familiales), cela afin de garantir un niveau suffisant des futures retraites.

3.9   L’utilisation des instruments de l'Union

3.9.1   Le CESE encourage la Commission à utiliser tous les instruments à sa disposition, sur le plan du droit, du financement ou de la coordination, afin de soutenir les États membres dans leurs efforts pour garantir des systèmes de retraite adéquats et sûrs. De plus, il est essentiel, pour atteindre les objectifs visés, d'associer les organisations de la société civile et les partenaires sociaux à toutes les phases de la consultation, de la conception et de la mise en œuvre des politiques de réforme des retraites. Parallèlement, quand des règlements de l'UE ne concernant pas directement les systèmes de retraites sont proposés, il est important de prévoir une évaluation de leurs effets sur les systèmes de retraite, et notamment sur leur stabilité et sur le montant des futures pensions.

Bruxelles, le 12 juillet 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 318 du 29 octobre 2011, pp. 1-8

(2)  JO C 143 du 22 mai 2012, pp. 23-28.

(3)  OIT, La réforme des retraites en Europe centrale et orientale, 2011, p. 16, ISBN 978-92-125640-3 (web pdf).

(4)  C'est la situation qui domine dans certains États membres, qui ont mis en place des régimes complémentaires de pension en les finançant avec une partie des fonds des retraites publiques.

(5)  JO C 318 du 29 octobre 2011, pp. 1-8 JO C 161 du 13 juillet 2007, pp. 1-8 - JO C 44 du 11 février 2011, pp. 10-16

(6)  JO C 84 du 17 mars 2011, pp. 38-44

(7)  Le vieillissement actif et la solidarité intergénérationnelle - Un portrait statistique de l'Union européenne 2012, p. 57.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants, qui ont recueilli plus du quart des suffrages exprimés, ont été repoussés au cours des débats (article 54(3) du règlement intérieur):

Paragraphe 3.6.1, b.

Modifier comme suit le point b:

"(…) b.

la limite d'accès à la retraite anticipée doit tenir compte de la situation concrète de certains groupes de travailleurs, notamment ceux qui ont exercé un emploi pénible ou dangereux;"

Résultat du vote

Voix pour

:

88

Voix contre

:

124

Abstentions

:

14

Paragraphe 3.7.1

Modifier comme suit:

"Le CESE estime que les États membres peuvent favoriser la durée de la vie active . Le relèvement automatique de l'âge légal de la retraite, sur la base de prévisions de l'augmentation de l'espérance de vie, pourrait s'avérer contreproductif, dans la mesure où de nombreux travailleurs âgés, notamment ceux qui connaissent des problèmes de santé, choisissent de se tourner vers d'autres piliers du système de sécurité sociale6."

Résultat du vote

Voix pour

:

80

Voix contre

:

135

Abstentions

:

10

Paragraphe 3.7.3

Modifier comme suit:

"Le CESE recommande aux États membres de faire en sorte que les mesures limitant l'accès à la retraite anticipée soient mises en œuvre en tenant compte des intérêts des travailleurs qui ont exercé sur une longue durée un emploi pénible ou dangereux. Limiter l’accès à la retraite anticipée pour ces catégories de travailleurs équivaudrait, pour beaucoup d'entre eux, à annuler leur droit à la retraite. La Commission reconnaît que les travailleurs appartenant à ces groupes ont un état de santé et une espérance de vie inférieurs à ceux des autres travailleurs. De tels aménagements doivent rester de la compétence des États membres, en fonction de leurs pratiques et situations nationales, et se fonder sur les accords conclus avec les partenaires sociaux."

Résultat du vote

Voix pour

:

88

Voix contre

:

124

Abstentions

:

14