31.7.2012   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 229/103


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil instituant un instrument relatif à la coopération en matière de sûreté nucléaire»

COM(2011) 841 final

2012/C 229/19

Rapporteur: M. Richard ADAMS

Le 7 décembre 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 203 du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Conseil instituant un instrument relatif à la coopération en matière de sûreté nucléaire»

COM(2011) 841 final.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 mai 2012.

Lors de sa 481e session plénière des 23 et 24 mai 2012 (séance du 23 mai 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 146 voix pour, 5 voix contre et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité se félicite du règlement qui est proposé et il est favorable, sous certaines conditions, à ce que les pays tiers bénéficient dans une plus large mesure de l'expertise de l'UE en matière de sûreté nucléaire.

1.2   Le Comité constate que le contrôle de l'enveloppe financière, qui atteint le montant appréciable de 631 millions d'euros pour la période 2014-2020, sera confié à EuropeAid – direction générale Développement et coopération et régi par les règles et procédures communes à toutes les politiques d'aide et de développement. Ce dispositif devrait, à son estime, renforcer la fiabilité de cette coopération, sa transparence et sa cohérence avec les autres programmes d'aide.

1.3   Relevant que tous les deux ans à dater de 2016, il recevra de la Commission un rapport sur la mise en œuvre du programme, ses aboutissements et ses effets et retombées les plus importants en ce qui concerne l'aide financière extérieure de l'Union, le Comité compte bien être pleinement associé à ce processus d'examen et d'évaluation. La planification en temps opportun des examens à mi-parcours des programmes devait leur conférer un potentiel maximal de production de résultats et s'effectuer en collaboration avec les programmes géographiques et les délégations de l'UE dans les pays partenaires.

1.4   Il convient de noter que les avis de la société civile européenne à l'égard du développement de l'énergie nucléaire en général varient considérablement d'un État membre à l'autre et le règlement, sous certains aspects, devrait faire donner plus de relief à cet état de fait.

1.5   À l'intention des citoyens européens, en tant que contribuables, il y aurait lieu de préciser en particulier que la majeure partie des dépenses du programme seront affectées à des actions d'assainissement et que seule une faible fraction de l'enveloppe prévue ira à des programmes de conseil dans des économies émergentes dont la stabilité, au plan de la politique et de la société, peut être assurée.

1.6   Pour prêter assistance à des pays émergents, la Commission devrait proposer que les quelques États qui ont la capacité de fournir des activités de consultance en matière nucléaire élaborent une convention internationale sur les critères et préalables à respecter dans ces actions de conseil. Indépendamment d'un tel accord, il serait opportun que l'instrument relatif à la coopération en matière de sûreté nucléaire (ICSN) soit doté de critères clairs qui permettent de décider si un pays émergent:

respecte les critères minimums de stabilité nationale et internationale,

dispose des capacités et de la bonne préparation voulues afin d'assurer la mise en place de la structure administrative, scientifique et technique nécessaire pour se lancer dans la filière nucléaire,

est à même de dégager durablement les ressources financières, techniques et industrielles voulues pour garantir le degré élevé de compétence réglementaire pour fournir tous les instruments requis aux fins d'un fonctionnement sûr, ainsi que de prévoir un programme de gestion à long terme des déchets nucléaires.

1.7   Ces critères ne devraient pas figurer dans l'annexe du règlement mais être repris dans son texte même, car ils couvrent des principes généraux, d'une haute portée, touchant à la sûreté nucléaire internationale, à celle des relations internationales et à la sécurité internationale.

1.8   Des projets d'assistance ne devraient être menés dans un pays émergent que s'il est partie signataire du traité de non-prolifération et de ses protocoles, la convention sur la sûreté nucléaire ainsi que de la convention commune sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs.

1.9   Il ne devrait être fourni de ressources pour l'acquisition d'équipements techniques que dans des cas exceptionnels, en rapport avec une assurance de sécurité. La Commission devrait développer des critères à ce sujet et en rendre compte. L'assistance concernée ne devrait pas être octroyée à des opérateurs.

1.10   Pour favoriser la transparence, il est recommandé de diffuser les études de cas tirées du programme actuel, ainsi que d'améliorer la présentation du site d'EuropeAid et ses références croisées.

1.11   L'ICSN devrait mener une action de promotion et d'évaluation des possibilités existant pour incorporer des instruments contraignants dans le droit de tout pays couvert par ses activités dans la mesure où ils seraient susceptibles de mettre en œuvre ou de renforcer les traités, conventions et accords de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

1.12   Le Comité recommande tout particulièrement d'inclure dans le programme une aide aux organisations indépendantes ressortissant de la société civile dans les pays bénéficiaires ou ceux de leur voisinage qui souhaitent accroître par des actions spécifiques la fiabilité et la transparence de la culture de sûreté nucléaire.

2.   Introduction

2.1   Les questions de sûreté et de sécurité du nucléaire hors Europe viennent sporadiquement faire les gros titres de l'actualité, les exemples les plus frappants étant ceux de Three Mile Island, en 1979, de Tchernobyl, en 1986, et de Fukushima, en 2011. De tels accidents trouvent un écho mondial et attirent l'attention sur les effets catastrophiques qui peuvent résulter de défauts de conceptions, d'une culture médiocre en matière de sûreté ou de l'insuffisance de la sécurité opérationnelle et du cadre réglementaire.

2.2   En 2010, 441 réacteurs nucléaires étaient en activité dans 30 pays à travers le monde. Nombre d'entre eux ont été construits dans les décennies 1970 et 1980, pour une durée de vie moyenne d'environ 35 ans. En outre, 56 pays exploitent quelque 250 réacteurs civils de recherche. Plus de 60 nouveaux réacteurs nucléaires destinés à produire de l'électricité sont en construction et le nombre de ceux qui en sont au stade du projet dépasse les 150. Ces réacteurs supplémentaires seront installés avant tout en Chine, en Inde et en Russie mais aussi, peut-être, dans le Sud-Est asiatique, en Amérique latine et au Moyen-Orient. La demande d''électricité augmente inexorablement et certains États peuvent également chercher à exporter davantage encore d'électricité d'origine nucléaire.

2.3   Que nous assistions ou non à sa «renaissance» l'énergie atomique posera toujours, aussi longtemps que des centrales nucléaires seront en activité, d'importantes questions de sécurité du nucléaire, dont l'impact peut être planétaire. Telle est la raison pour laquelle l'UE avance que certains aspects de la sûreté du nucléaire représentent un domaine qui appellent à juste titre sa sollicitude et son engagement, d'autant que depuis le traité Euratom, de 1957, elle n'a cessé de développer dans ce secteur une expertise en matière de recherche, de technologie, d'exploitation et de réglementation. Hébergeant le tiers environ de la capacité nucléaire installée dans le monde et forte de l'expérience la plus étendue concernant des dispositifs divers et dynamiques dans le domaine réglementaire et sécuritaire, l'Europe dispose d'un important réservoir de connaissances en la matière. En fournissant un exemple tragique des faiblesses dont pouvaient souffrir les structures de sûreté de pays tiers, Tchernobyl a, en son temps, encouragé à adopter une approche de dynamisme et d'anticipation vis-à-vis de la coopération pour la sûreté et des risques de prolifération.

2.4   À partir de 1991, l'UE a apporté une assistance de grande ampleur à des pays tiers dans le cadre de son programme TACIS (Technical Assistance to the Commonwealth of Independant States, «assistance technique à la Communauté des États indépendants»). Cette aide a ciblé l'analyse de la sûreté, l'assistance sur site aux centrales nucléaires, avec, dans certains cas, la fourniture d'équipements destinés à améliorer le contrôle de leur fonctionnement, les activités de réglementation et d'autorisation et la gestion des déchets. L'Union a également pris part à des initiatives internationales plus larges, s'agissant notamment d'actions menées à Tchernobyl. Quelque 1,3 milliard d'euros ont été alloués à l'aide en matière de sûreté nucléaire, en Russie et en Ukraine tout particulièrement et, à une échelle nettement moindre, en Arménie et au Kazakhstan.

2.5   L'ICSN (1), qui a succédé à TACIS en 2007 a pour mission spécifique de promouvoir et développer la sûreté nucléaire et son champ d'application ne se limite plus aux États issus de l'éclatement de l'Union soviétique. Il dispose d'un budget de 524 millions d'euros pour la période 2007-2013 et finance des actions destinées à améliorer la sûreté nucléaire, la sécurité du transport, le traitement et l'élimination des déchets radioactifs, la réhabilitation d'anciens sites nucléaires, la protection contre les radiations ionisantes émises par les matières radioactives, la préparation aux situations d'urgence ou la promotion de la coopération internationale dans le domaine de la sûreté nucléaire.

2.6   L'UE travaille en collaboration étroite avec l'AIEA, en fournissant souvent les ressources pour la mise en œuvre de programmes qui, bien que recommandés par cette dernière, resteraient privés de financement à défaut de cette intervention.

2.7   Un nouveau défi est apparu dès lors que des pays tiers affichent l'intention de développer des capacités de production d'électricité d'origine nucléaire. Certains de ces États en phase d'émergence n'ont pas toujours des structures politiques stables et présentent des carences pour ce qui est de la séparation des pouvoirs, du contrôle démocratique, de l'existence de structures administratives éprouvées ou de l'expertise pour la gestion des technologies à haut risque. De nouveaux risques en matière de sûreté du nucléaire pourraient surgir dès lors qu'ils se trouveraient indirectement encouragés à développer les technologies nucléaires du fait du vernis de crédibilité que l'assistance dispensée par l'UE conférerait à leur programme en la matière.

2.8   Indépendamment de ces considérations et quelles que soient les intentions de pays tiers de se doter de capacités de production d'énergie nucléaire, le CESE a conscience que l'utilisation du nucléaire à des fins civiles débouche sur la production de plutonium ou d'autres matières radioactives, ainsi que sur l'acquisition d'un savoir-faire technique qui pourrait provoquer un péril nucléaire international et accentuer les tensions à ce niveau. Les pays tiers instables pourraient présenter des risques accrus à cet égard.

3.   Résumé de la proposition de règlement

3.1   Le règlement actuellement proposé, qui constitue une refonte de celui de 2007 instituant l'ICSN, procède notamment à une révision de son extension géographique, de façon à y inclure tous les pays tiers, dans le monde entier, et définit les priorités et critères de coopération. La responsabilité pour la mise en œuvre des actions incombe à EuropeAid – direction générale Développement et coopération (DEVCO), avec le concours des directions générales Action extérieure et Énergie et du Centre commun de recherche. Le règlement sera notamment soumis aux «Règles et modalités communes pour la mise en œuvre des instruments pour l’action extérieure de l’Union» (COM(2011) 842 final). Ce texte instaure également une procédure de mise en œuvre simplifiée pour l'instrument de la coopération au développement (ICD), l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH), l'instrument européen de voisinage (IEV), l'instrument de stabilité (IS), l'instrument d'aide de préadhésion (IAP) et l'instrument de partenariat (IP).

3.2   Le règlement soutient la promotion d'un niveau élevé de sûreté nucléaire et de radioprotection, ainsi que l'application de contrôles de sécurité opérants et efficaces des matières nucléaires dans les pays tiers. Dans une approche étendue, il couvre les questions touchant à l'extraction du combustible, à la construction, à l'exploitation et au déclassement des installations et à la gestion des déchets. Selon la Commission, les critères qui devront servir à mesurer les progrès accomplis seront l'évaluation par des pairs de l'AIEA, l'état d'avancement des stratégies en matière de combustible usé, de déchets nucléaires et de déclassement, les cadres législatifs et réglementaires concernés et la mise en œuvre de projets, ainsi que le nombre et l'ampleur des problèmes relevés dans les rapports correspondants de l'AIEA sur la sûreté nucléaire.

3.3   Le règlement s'emploie à assurer la cohérence de l'action envisagée avec les objectifs politiques de l'UE et les autres mesures de développement des pays tiers grâce à l'élaboration de documents de stratégie, qui seront suivis de programmes indicatifs pluriannuels, couvrant une période de quatre, dans une première phase, puis de trois ans.

3.4   Une annexe définit les mesures spécifiques financées, ainsi que les critères de coopération, dont les priorités qui guideront l'engagement du budget prévu, de 631 millions sur sept ans.

4.   Observations générales

4.1   Le Comité relève qu'il s'est développé, ces vingt dernières années, un processus grâce auquel l'assistance et les programmes de coopération en matière de sûreté nucléaire ont pris de l'extension. La proposition de règlement à l'examen poursuit dans cette voie et s'efforce de préciser que c'est la sûreté de l'énergie nucléaire, et non sa promotion, qui constitue sa visée primordiale (COM(2011) 841 final, annexe, critères, dispositions finales). Le Comité comprend que le but du programme n'est pas d'encourager les pays en phase d'émergence à mettre en œuvre la technologie nucléaire. À cette fin, il conviendrait de mieux mettre en évidence une présentation plus approfondie de la ventilation des dépenses dans le ICSN précédent et celui qui fait l'objet de la proposition à l'examen. Il serait possible, en particulier, de contribuer à dissiper certaines inquiétudes en précisant que la majeure partie des dépenses du programme seront affectées à des actions d'assainissement et que seule une faible fraction de l'enveloppe prévue ira à des programmes de conseil dans des économies émergentes.

4.2   Une telle démarche équivaudrait également à reconnaître que les phases antérieures du programme n'ont peut-être pas totalement fait ressortir ou explicité les préoccupations de sécurité qui motivaient le soutien apporté à certaines mesures opérationnelles qui, par ailleurs, concourent nécessairement à un fonctionnement tout à la fois plus étendu et plus sûr des centrales nucléaires. Si le recours à l'énergie nucléaire reste une question controversée au sein de l'opinion publique européenne, le consensus règne quant à la nécessité de favoriser en la matière les normes de sécurité les plus sévères.

4.3   Le Comité pense que la proposition à l'examen n'a pas traité intégralement, en particulier dans le cas d'économies instables en phase d'émergence, la question de savoir si en s'engageant ainsi par l'ICSN, l'Union européenne n'apporte pas un soutien et un encouragement tacites à des programmes nucléaires encore balbutiants. Tout en ayant saisi que l'instrument n'octroiera un financement à des projets que moyennant le respect de conditions strictes, il n'en préconise pas moins qu'avec chaque pays tiers, quel qu'il soit, la première étape consiste à mener, sur les questions relatives à l'énergie nucléaire, un débat exempt de toute condition préalable.

4.4   L'UE doit s'assigner pour objectif de ne pas contribuer à développer dans des pays tiers des capacités de production nucléaire qui pourraient engendrer des risques supplémentaires en matière de sûreté dans ce domaine ou des menaces de cet ordre susceptibles d'affecter la sécurité internationale. Le paragraphe 1.6 suggère des critères à respecter en la matière. En appliquant sur son territoire les normes les plus élevées de sûreté nucléaire, l'UE pourrait revendiquer de prendre la tête, à l'échelle mondiale, d'un mouvement qui vise à atteindre une sûreté et une sécurité maximales dans l'utilisation de l'énergie atomique à des fins civiles.

4.5   On peut également considérer que le programme ICSN est précieux et sert l'intérêt public de l'UE lorsqu'il porte sur des États dont la base en matière de science et de recherche est plus restreinte et qui se sont lancés dans des programmes de production commerciale d'électricité nucléaire ou ont l'intention de le faire, tout en respectant le minimum d'exigences en matière de stabilité. S'il est fort possible que l'appui donné aux bonnes pratiques, en articulation avec l'AIEA, ait renforcé l'encadrement technique et réglementaire dans des pays tiers aux ressources plus limitées, il peut s'avérer difficile de se représenter clairement de quelle manière les programmes actuels et futurs de l'ICSN parviennent à induire ces résultats positifs.

4.6   En conséquence, il est suggéré que la Commission prenne des mesures plus poussées pour mettre en évidence le rôle éminent que la sûreté jouera dans le prochain programme ICSN. Une telle démarche pourrait impliquer de publier des études de cas émanant de celui qui est en cours, d'améliorer la présentation du site Internet d'EuropeAid et ses références croisées et, d'une manière générale, de chercher à affirmer le profil d'un programme qui se caractérise par sa richesse de son contenu. Pareille telle approche serait par ailleurs de nature à favoriser la transparence et stimuler la responsabilité. Étant donné que le règlement encourage un haut niveau de sûreté nucléaire, on recommandera qu'il évoque des exemples parlants de ces normes exigeantes, comme la déclaration de l'Association des régulateurs du nucléaire d'Europe de l'Ouest (WENRA) sur les objectifs de sûreté des nouvelles centrales nucléaires.

5.   Observations particulières

5.1   On notera que contrairement à l'impression que pourrait donner le règlement à l'examen, les directives européennes sur la sûreté nucléaire ne contiennent pas de normes techniques en la matière et que les obligations de l'encadrement réglementaire ne comportent elles aussi que des exigences à caractère général, conforme à la convention sur la sûreté nucléaire.

5.2   La proposition fait également état du déroulement d'une évaluation complète dans l'UE en matière de sûreté. Les «essais de résistance» en cours de réalisation ne constituent cependant qu'une vérification complémentaire de sécurité, ne prenant pas appui sur des critères qui, en l'occurrence, tenteraient de répondre à la question des conséquences qu'aurait une défaillance des dispositifs de sûreté. En outre, il est notoire que ce processus présente certaines limites, eu égard au calendrier extrêmement court qui lui est imposé. Quelles que soient ces faiblesses, les atouts de la démarche de l'UE en matière de sûreté nucléaire reposent sur son intention de considérer ces essais de résistance comme une première étape pour faire évoluer et améliorer sa culture de sûreté nucléaire et atteindre les normes les plus élevées dans ce domaine. Les conclusions provisoires tirées des «essais de résistance» auxquels sont actuellement soumises les centrales nucléaires européennes montrent qu'il pourrait être nécessaire d'apporter des modifications, améliorations et mesures réglementaires supplémentaires. Il y aurait lieu qu'elles trouvent aussi rapidement que possible une traduction dans la mise en œuvre et l'activité de conseil du programme ICSN.

5.3   Il convient de considérer qu'institutionnellement parlant, l'UE ne dispose que d'une expertise très limitée en matière nucléaire et que la mise en œuvre des projets de l'ICSN est effectuée pour l'essentiel par des organisations des États membres. La Commission pourrait être bien placée pour offrir une évaluation et une réflexion critiques précieuses sur la diversité des normes et pratiques européennes mais devrait également s'employer à développer ses capacités propres et ses compétences indépendantes.

5.4   La proposition concernant l'institution de l'ICSN affirme qu'il a pour objectif d'éliminer le risque nucléaire. On relèvera toutefois que d'un point de vue technique et comme dans le cas de la suppression des dangers dans tout processus industriel complexe, il est impossible de garantir que l'on parvienne à ce but, en particulier pour ce qui est de prévenir tout accident nucléaire d'ampleur catastrophique, et il conviendrait de préciser que la visée qui est poursuivie réside dans la prévention des incidents et des accidents selon les meilleures normes connues. Il s'impose également de noter que dans toute filière, avoir la conviction que tout péril a été éradiqué ne favorise pas une culture de sûreté d'un haut niveau.

5.5   La Commission propose que les missions du service intégré d’examen de la réglementation (IRRS) et de l'équipe de l'AIEA chargée d'examiner la sûreté opérationnelle (OSART) aient valeur d'indicateurs mais leur apport ne revêt qu'une valeur limitée, dans la mesure où ces instances n'ont pas été conçues à des fins de contrôle: dans l'accident de Fukushima, par exemple, elles n'ont fourni aucune protection. En outre, aucun de ces deux types d'opérations ne se rapporte à la situation des centrales nucléaires du point de vue de la sûreté. Leur supervision internationale reste une question complexe et controversée.

5.6   Quand il y a lieu, les programmes ICSN devraient également envisager d'inciter chaque pays où ils interviennent à instaurer des outils législatifs à caractère contraignant dès lors que ces dispositifs confortent les traités, conventions et accords de l'AIEA.

5.7   L'exposé des motifs du règlement relève qu'à une majorité écrasante, les réponses fournies lors de la consultation publique sont favorables à ce que les futurs instruments et la mise en œuvre des projets ou programmes accordent une attention accrue aux systèmes de suivi et d'évaluation. Le Comité reconnaît que même si sa création est récente, EuropeAid – direction générale Développement et coopération s'appuie sur une expérience et une expertise de vaste ampleur dans ce domaine, dont il ne doute pas qu'elle tirera pleinement parti.

5.8   Le Comité note toutefois que la liste des mesures spécifiques qui sont soutenues ne comprend pas l'appui aux organisations indépendantes ressortissant à la société civile qui, au sein des pays bénéficiaires ou en dehors d'eux, souhaitent améliorer par des initiatives précises la responsabilité et la transparence en matière de culture de la sûreté nucléaire. Cette démarche peut s'effectuer par le truchement de l'instrument de stabilité, ou encore de l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme, et le Comité préconise avec la plus grande force que le programme ICSN reprenne cette assistance parmi les initiatives qui peuvent prétendre à son concours.

5.9   Le Comité prend acte de la souplesse qu'introduit la proposition à l'examen en rassemblant les mesures soutenues et les critères de coopération dans une annexe qui pourra faire l'objet d'une modification suivant la procédure d'évaluation prévue par le règlement commun de mise en œuvre. Il conviendrait toutefois d'envisager la possibilité que les grandes questions de principe relative à la sûreté et à la sécurité nucléaires internationales soient reprises dans le corps même du règlement.

5.10   Les critères de coopération sont définis avec une certaine marge. Le Comité s'en félicite pour ce qui concerne tous les pays qui possèdent des centrales nucléaires en fonctionnement. De même, il pourrait être opportun de nouer des contacts, à un stade exploratoire et préliminaire, avec un très large éventail de pays. Ce n'est pas en imposant des critères plus restrictifs quant aux pays habilités à bénéficier de l'ICSN que l'on garantira au mieux les intérêts de la société européenne en matière de sûreté. S'agissant des États qui sont décidés à effectuer leurs premiers pas dans la production d'électricité nucléaire, la conviction du Comité est qu'il est possible et judicieux de faire intervenir les capacités européennes d'accès, d'expertise, d'analyse et de conseil lorsqu'il est possible de s'appuyer sur les forces d'une société civile active, indépendante et organisée. Toutefois, il s'impose de montrer l'attention la plus soutenue pour la question de la stabilité politique à long terme des pays partenaires et leur capacité à garantir la sécurité civile.

5.11   Le Comité suggère dès lors que soit défini un socle minimum de conditions à remplir pour bénéficier d'une assistance au titre de l'ICSN et que l'UE et les quelques États en mesure de fournir des conseils afférents élaborent une convention internationale sur les préalables obligés dans le domaine de la consultance en matière de sûreté nucléaire (les débats menés au sein du groupe de travail sur la sûreté nucléaire du G8 et les discussions analogues qui se déroulent dans le cadre de l'AIEA ainsi que de l'UE pourraient constituer un point de départ pour cette action).

Bruxelles, le 23 mai 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO L 81, du 22.3.2007, p. 1.