28.1.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 24/29


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Renforcer la cohésion et la coordination de l'UE dans le domaine social grâce à la nouvelle clause sociale horizontale selon l'article 9 du TFUE» (avis d'initiative)

2012/C 24/06

Rapporteur: M. LECHNER

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Renforcer la cohésion et la coordination de l'UE dans le domaine social grâce à la nouvelle clause sociale horizontale selon l'article 9 du TFUE».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 28 septembre 2011.

Lors de sa 475e session plénière des 26 et 27 octobre 2011 (séance du 26 octobre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 113 voix pour, 1 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Une innovation fondamentale du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne réside dans sa clause sociale horizontale (CSH, article 9 TFUE), qui prévoit que «dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l'Union prend en compte les exigences liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale ainsi qu'à un niveau élevé d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine». Le Comité économique et social européen (CESE), dont la responsabilité pour ce qui est de contribuer à la dimension sociale de l'UE s'est accrue avec l'adoption du traité de Lisbonne, est d'avis que cette disposition ne peut constituer un grand pas en avant vers une UE plus sociale que si elle est dûment appliquée. Dans cette optique, il souscrit à nombre de conclusions et recommandations formulées dans une étude universitaire indépendante commandée par la présidence belge du Conseil de l'Union européenne au second semestre 2010 (1).

1.2   Le CESE souligne que mettre en œuvre la CSH, c’est appliquer le droit primaire, ce que tous les États membres se sont engagés à faire en signant et en ratifiant le traité de Lisbonne. Cette clause ne doit pas pâtir de limitations en ce qui concerne son champ d'application ou ses méthodes, mais doit au contraire être appliquée à toutes les politiques et activités pertinentes de l'Union, y compris en matière économique, que ce soit par les institutions de l'UE ou par les États membres.

1.3   La Commission européenne, qui s'est vu confier par le traité de Lisbonne la tâche de promouvoir «l'intérêt général de l'Union» (article 17, TUE), doit veiller à ce que cette clause soit appliquée comme il se doit, qu'il y soit fait référence et qu'elle soit pleinement prise en considération dans tous les documents pertinents, y compris les textes jurisprudentiels, et à ce qu'elle contribue à la réalisation des nouveaux objectifs du traité tant par l'Union européenne que par les États membres.

1.4   D'une manière générale, la Commission européenne devrait encore renforcer le rôle des analyses de l'impact social dans son système global d'analyse d'impact. Cela doit être reconnu comme un outil essentiel pour garantir de manière systématique que les objectifs sociaux communs de l'UE soient intégrés dans tous les domaines d'action européens concernés.

1.5   La CSH doit être appliquée aux grands domaines et à l'architecture d'ensemble de la nouvelle gouvernance socio-économique de l'UE approuvée par le Conseil européen en 2010 dans le cadre de la stratégie Europe 2020. Elle doit s'appliquer à ses trois priorités (croissance intelligente, croissance durable et croissance inclusive), ainsi qu'à la surveillance des progrès accomplis en direction des cinq objectifs fondamentaux de l'UE (qui doivent encore être transposés en objectifs nationaux et contribuer efficacement à la réalisation des objectifs européens), aux sept initiatives phares, aux dix lignes directrices intégrées pour les politiques économiques et de l'emploi, au «semestre européen» et à la nouvelle gouvernance économique.

1.6   Par conséquent, le CESE et toutes ses sections spécialisées doivent dûment tenir compte, dans leurs avis et leurs autres travaux, de la CSH et de toutes les autres clauses horizontales juridiquement contraignantes des articles 8 à 12 du TFUE, en vue de renforcer la dimension sociale de l'UE.

1.7   Pour chacun de ses avis destinés à la Commission européenne ou à d'autres institutions de l'UE, le CESE vérifiera à chaque fois si une évaluation d'impact social appropriée a été réalisée. Le cas échéant, le CESE plaidera auprès des organes compétents de l'UE pour qu'ils remédient à cette défaillance.

1.8   Le comité de la protection sociale (CPS), étant donné les responsabilités qui sont les siennes dans la coordination et la coopération de l'UE en matière sociale, a un rôle important à jouer pour garantir que la stratégie Europe 2020 ait une dimension sociale forte et, plus globalement, pour mettre en œuvre une Europe plus sociale. Il est essentiel qu'il joue à l'avenir pleinement son rôle dans la mise en œuvre et le suivi global de la stratégie Europe 2020, à égalité avec le comité de politique économique et le comité de l'emploi de l'UE.

1.9   Afin de promouvoir et de renforcer les analyses d'impact social aux niveaux nationaux et infranationaux, le CPS devrait en toute priorité approfondir les travaux existants sur cette question, en veillant à mieux cibler les nouveaux groupes vulnérables et les lacunes en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. Il devrait en outre promouvoir une meilleure compréhension de cet instrument, encourager les États membres à l'intégrer dès les premières phases de leurs processus d'élaboration de politiques, soutenir la création et la diffusion de connaissances sur les outils, les méthodes et les sources d'information requis pour le rendre efficace. En même temps, il devrait assurer un suivi et un compte rendu réguliers de l'utilisation des analyses d'impact social par les États membres, dans le cadre de l'élaboration des programmes nationaux de réforme (PNR).

1.10   Le CPS a décidé de publier un rapport annuel comprenant une évaluation des progrès effectués vers l'objectif global de l'UE en matière d'inclusion sociale et de réduction de la pauvreté, un suivi de la mise en œuvre des aspects sociaux des lignes directrices intégrées, et d'autres activités destinées à contrôler la dimension sociale et les politiques entreprises dans le cadre de la coordination et la coopération de l'UE dans le domaine social (2). Ce rapport pourrait utilement devenir l'évaluation annuelle de la dimension sociale de la stratégie Europe 2020 et alimenter l'analyse annuelle de la croissance établie par la Commission européenne, les lignes directrices de la politique de l'UE, ainsi que les éventuelles recommandations sociales faites aux États membres relativement à leurs projets nationaux de réforme. Comme arrêté par le CPS, cette évaluation se basera sur des rapports stratégiques annuels établis par les États membres sur les progrès accomplis en direction des objectifs sociaux communs de l'UE et sur des plans actualisés afin de tenir compte des cycles politiques nationaux.

1.11   Le CESE élaborera chaque année un avis relatif à l'application de la CSH, à laquelle sera consacré un important chapitre spécifique de l'avis, et à l'application des autres clauses sociales horizontales, de la Charte des droits fondamentaux et des autres dispositions sociales du traité de Lisbonne, ainsi que du droit dérivé et des autres mesures juridiques et politiques, considérés sous l'angle du respect et de la promotion des buts et objectifs visés. Il examinera et évaluera également dans quelle mesure ces dispositions contribuent au développement de l'UE dans le domaine social et dans celui des droits fondamentaux, et formulera des recommandations concernant les moyens d'atteindre plus efficacement ces objectifs grâce à des mesures concrètes. Une audition organisée sur ce thème permettra à d'autres grandes organisations représentatives de la société civile dans le domaine social de présenter leurs avis et contributions spécifiques. Cet avis annuel du CESE, assorti d'explications, sera soumis aux représentants des institutions européennes.

1.12   Il convient que le CESE ainsi que les conseils économiques et sociaux nationaux et institutions similaires des États membres jouent leur rôle en tant que parties prenantes dans la mise en œuvre de la CSH et des systèmes d'analyse de l'impact social, en soutenant les initiatives citoyennes européennes ainsi que les projets citoyens de dialogue civil touchant à des problématiques sociales. Le comité de pilotage Europe 2020 du CESE a également un rôle essentiel à jouer dans le suivi et l'élaboration de rapports sur le contenu et le processus des programmes nationaux de réforme.

1.13   Le CESE et la Commission européenne devraient conclure un accord interinstitutionnel spécifiant que la Commission transmet au CESE toutes les études d'impact portant sur les dossiers de la Commission, afin que le Comité puisse en tenir compte dans ses avis et rapports.

2.   Contexte entourant le développement d'une UE plus sociale

2.1   Le traité de Lisbonne et la stratégie Europe 2020 offrent d'intéressantes possibilités d'avancer vers un meilleur équilibre et un renforcement mutuel des objectifs économiques, sociaux et liés à emploi, et, partant, vers une Europe sociale plus forte. Comme le souligne l'étude universitaire susmentionnée, commandée par la présidence belge de l'UE en 2010, cinq possibilités se dégagent plus particulièrement (3).

2.1.1   Le traité de Lisbonne, par la CSH qu'il met en place, fournit une base juridique permettant de prendre en compte l'impact social des politiques, d'intégrer des objectifs sociaux transversaux dans tous les domaines d'action concernés (y compris les politiques et mesures qui n'ont pas de dimension sociale directe) en utilisant cette clause comme un instrument, ainsi que de contrôler l'impact des politiques et d'en rendre compte avec plus de rigueur.

2.1.2   Le traité et la stratégie Europe 2020 (avec ses objectifs fondamentaux et ses initiatives phares de l'UE) ont permis d'augmenter la visibilité potentielle et l'importance accordée aux problèmes sociaux - notamment, mais pas exclusivement, sur le plan de l'inclusion sociale et de la pauvreté.

2.1.3   La stratégie Europe 2020 ouvre la possibilité d'une approche beaucoup plus intégrée et coordonnée de la gouvernance en matière économique, sociale, d'emploi et même de questions environnementales. Cela pourrait permettre un véritable renforcement mutuel des actions politiques menées dans ces domaines.

2.1.4   Le nouveau traité offre une possibilité accrue de mieux garantir, renforcer et moderniser les systèmes de protection sociale nationaux, et également de mieux protéger les services d'intérêt général, notamment les services sociaux, ce qui pourrait contribuer à restaurer l'équilibre entre le niveau national et le niveau européen.

2.1.5   Le traité confère à l'UE une légitimité d'action dans un éventail de problématiques sociales plus large qu'auparavant, par exemple s'agissant de contribuer à un niveau élevé d'éducation et de formation, de protéger la santé humaine et de réduire les inégalités. Cela peut permettre une meilleure coordination de l'ensemble hétérogène des politiques «sociales», dans un sens plus large que précédemment.

2.2   Comme l'a souligné le Président de la Commission européenne, J.-M. Barroso, la stratégie Europe 2020, en fixant un objectif d'inclusion sociale, a mis en évidence trois dimensions de pauvreté et d'exclusion. Il est également essentiel, cependant, que les États membres et l'UE dans son ensemble continuent de suivre les performances en appliquant toute la gamme d'indicateurs sociaux généralement reconnus, qui sous-tendent la coordination et la coopération des actions dans le domaine social. (4)

2.3   En conformité avec le nouvel objectif européen de cohésion territoriale (introduit par le traité de Lisbonne) et l'objectif fixé par le récent réexamen du cadre budgétaire de concentrer les fonds de cohésion sur l'ensemble des objectifs de la stratégie UE 2020 et de renforcer la politique de cohésion en conséquence, l'objectif ultime qui mériterait d'être au centre des prochaines perspectives financières (pour la période après 2013) devrait être de garantir que les objectifs de l'UE en matière sociale soient parfaitement pris en compte dans les politiques et programmes «territoriaux» de l'UE. Cela consisterait à garantir que des liens soient tissés entre les objectifs sociaux et la politique de cohésion – c'est-à-dire à exploiter le potentiel du nouvel objectif de cohésion territoriale dans la réglementation de la prochaine programmation, à garantir l'application des principes de non-discrimination et d'accessibilité dans les dépenses des fonds structurels, à garantir que la politique de cohésion soit utilisée comme «volet préventif» (5) pour promouvoir des réformes structurelles et institutionnelles permettant d'améliorer les réalisations des objectifs de l'UE en matière sociale, mais aussi à intégrer l'approche territoriale en tant qu'élément majeur de la coordination et la coopération de l'UE dans le domaine social. Il importe de souligner qu'une dimension primordiale de cette «territorialisation» sera la participation active des responsables locaux et régionaux.

2.4   Il est essentiel que les objectifs de l'UE en matière d'inclusion sociale, tels que définis également dans la stratégie Europe 2020, soient transposés sous la forme d'objectifs nationaux (éventuellement aussi infranationaux) significatifs. Les objectifs nationaux devraient clairement contribuer à la réalisation globale de l'objectif de l'UE. Les objectifs devraient être fondés sur des données concrètes. Ils devraient être adaptés aux mécanismes qui causent la pauvreté et l'exclusion sociale et aux objectifs généraux fixés pour améliorer l'inclusion sociale. Ils doivent mesurer les résultats concrets des actions politiques et éviter l'écueil que certaines finalités de l'action soient déformées, oubliées ou ignorées pendant la réalisation de l'objectif. Pour garantir la pérennité d'un soutien public et politique, il convient que les objectifs soient fixés suivant un processus solide, rigoureux et transparent. Ils devront aussi prendre en considération le point de vue des parties prenantes. Il faut que les progrès enregistrés en matière de réalisation des objectifs de l'UE et des objectifs (infra)nationaux fassent l'objet de contrôles et de comptes rendus attentifs.

3.   Contexte de l'application de la clause sociale horizontale

3.1   Le traité de Lisbonne introduit quelques changements majeurs quant à la dimension sociale de l'UE. La clause sociale horizontale (CSH) (article 9 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) prévoit que «dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l'Union prend en compte les exigences liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale ainsi qu'à un niveau élevé d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine».

3.2   Cette CSH s'insère harmonieusement parmi les autres clauses horizontales dont dispose ce traité, à savoir: promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, combattre les discriminations, protéger respectivement l'environnement, les consommateurs, les animaux et les PME (articles 8, 10, 11, 12, 13 et 153 TFUE). L'Union européenne et tous ses organes – y compris le CESE, en tant qu'organe consultatif – ainsi que les États membres doivent obligatoirement respecter ces clauses horizontales dans l'ensemble de leurs propositions, politiques et actions pertinentes (6). Ceci s'applique aussi à tous les documents pertinents, y compris les textes jurisprudentiels.

3.3   La CSH a pour but de garantir que toutes les activités de l'UE prennent pleinement en considération la dimension sociale en suivant les six sous-objectifs de l'article 9 du TFUE, afin d'atteindre les valeurs et objectifs fondamentaux de l'UE conformément à ses compétences (articles 2 et 3 TUE et article 7 TFUE).

3.4   Le but essentiel des efforts des États membres est «l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de leurs peuples» (préambule au TFUE, troisième alinéa). L'Union et les États membres «ont pour objectifs la promotion de l'emploi, l'amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation» (article 151 TFUE).

3.5   Les institutions dotées du pouvoir décisionnel ne devraient limiter l'application de la CSH ni dans sa portée (par exemple, le combat contre la pauvreté et l'exclusion sociale), ni dans ses méthodes (par exemple, méthode ouverte de coordination dans le domaine de la protection et de l'inclusion sociales et systèmes d'analyse d'impact), pas plus qu'elles ne devraient limiter celle-ci aux interventions du comité de la protection sociale; elles devraient, au contraire, l'appliquer dans son acception la plus large dans toutes les politiques de l'UE, notamment la politique économique et extérieure. La CSH doit déboucher sur des textes législatifs qui garantissent la réalisation des nouveaux objectifs du traité tant par l'Union européenne que par les États membres.

3.6   Comme l'a souligné le Rapport général sur l'activité de l'Union européenne en 2010 (p. 121), le traité de Lisbonne confère au CESE une responsabilité accrue quant à sa contribution à la dimension sociale de l'UE.

3.7   Le CESE doit par conséquent dûment tenir compte, dans l'ensemble de ses avis et de ses autres travaux, de la CSH et de toutes les autres clauses horizontales juridiquement contraignantes des articles 8 à 12 du TFUE, ce qui contribue à renforcer la dimension sociale de l'UE. Ce faisant, le Comité soutiendra aussi l'approche volontariste et préventive de la CSH.

3.8   Le CESE a déjà adopté un avis détaillé sur la CSH et la MOC sociale (7) ainsi qu'un avis sur les avantages que présentent les prestations sociales pour la société en général (8), dans lesquels il relevait qu'une application concrète, efficace et dynamique de cette CSH dans la conception et la mise en œuvre des politiques européennes peut contribuer de manière essentielle à renforcer la cohésion et la coordination de l'UE dans le domaine social.

3.9   Au cours du deuxième semestre 2010, plusieurs conférences organisées à l'initiative de la présidence belge du Conseil de l'UE ont mis en exergue l'importance que revêtent pour le développement de la dimension sociale de l'UE la CSH et le système d'analyses de l'impact social (9). «La clause sociale horizontale du nouveau Traité de Lisbonne invite à accorder une attention accrue à la dimension sociale des politiques de l'UE. La prise en compte des conséquences sociales de l'ensemble des politiques européennes exige un dialogue structurel entre toutes les institutions européennes et au sein de celles-ci. À cet effet, il faut que la Commission européenne, le Parlement européen, le Conseil de l’UE, le Conseil européen et la Cour de justice de l'Union européenne s’engagent à établir un dialogue entre les institutions et au sein de celles-ci» (10).

3.10   Pour améliorer la coordination et la coopération dans le domaine de la politique sociale de l'UE, il existe, outre la CSH et les systèmes d'analyse d'impact (SAI), d'autres mécanismes tels que la MOC sociale, la politique de cohésion de l'UE, et les objectifs de l'UE en matière de protection et d'inclusion sociales (11).

3.11   Les SAI constituent un instrument important dans l'application et la mise en œuvre de la CSH; aussi la Commission soutient-elle ce mécanisme dans ses lignes directrices en matière de SAI, dans le cadre de la bonne gouvernance (12) et de la réglementation intelligente pour mieux légiférer (13).

3.11.1   La Commission européenne, le Conseil de l'UE et le Parlement européen ont passé un accord interinstitutionnel relatif à l'utilisation du système d'analyse d'impact (14).

3.11.2   La Commission européenne a elle aussi développé ses propres lignes directrices en matière d'évaluation des incidences sociales au sein du système d'analyse d'impact de la Commission (15); elle a prévu, pour l'année 2011, onze évaluations d'impact portant sur des questions sociales et relatives à l'emploi (16).

3.11.3   La Cour des comptes européenne a analysé de manière approfondie les évaluations d'impact pour la période 2005-2008 et leur a accordé une appréciation favorable (17).

3.11.4   Le Comité des régions coopère déjà avec la Commission européenne sur certains systèmes d'analyse d'impact (18).

3.11.5   Le Conseil a invité la Commission européenne à faire appliquer l'article 9 du TFUE et le SAI social (19), et la proposition 29 de l'Acte pour le marché unique suggère de mener une évaluation d'impact social.

3.11.6   Dans ses propositions législatives, la Commission a systématiquement tenu compte de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et a présenté en 2010 une stratégie visant à mettre celle-ci effectivement en œuvre (20), sur laquelle le CESE a d'ores et déjà émis un avis (21).

3.11.7   Le CESE a déjà adopté des avis favorables concernant l'introduction, l'élaboration et la mise en œuvre des analyses d'impact, ainsi que les études d'impact de développement durable et la politique commerciale de l'UE (22).

3.11.8   Les SAI sont un instrument de politique potentiellement puissant mais exigeant sur le plan pratique. Pour qu'ils puissent aller jusqu'au bout de leurs potentialités, et pour s'assurer qu'ils ne soient pas exploités pour donner une légitimité à des propositions de politique fixées à l'avance, il faut changer de culture d'élaboration des politiques, et faire en sorte que les fonctionnaires disposent de suffisamment de temps, de connaissances, de compétences et de soutien. Il importe d'encourager la participation des parties prenantes au processus. La mise en œuvre d'analyses d'impact doit s'avérer rentable et proportionnelle aux objectifs.

4.   Observations générales

4.1   La clause sociale horizontale (article 9 TFUE) constitue l'une des innovations principales du traité de Lisbonne en matière de politique sociale, et son potentiel doit être utilisé de manière optimale. Elle donne un mandat fort pour prendre en compte des objectifs dans toutes les politiques, initiatives et activités concernées de l'UE. Cet article devrait faire du développement d'une Europe sociale l'une des missions transversales de l'Union, qui affecte l'ensemble des domaines d'action politique. L'application de la CSH doit donc être également prise en compte dans les programmes de recherche européens.

4.2   La CSH est particulièrement importante et revêt un caractère urgent, dans la mesure où les effets de la crise économique, financière et budgétaire démontrent l'importance, tant pour l'UE dans son ensemble que pour chacun des États membres, d'une prise en compte pleine et entière de la dimension sociale de l'UE. Le déséquilibre existant entre le développement de l'intégration économique au sein du marché unique et l'approfondissement de la dimension sociale de l'UE doit être surmonté. La mise en œuvre de ce nouvel instrument peut ainsi contribuer à dissiper le malaise actuel et le scepticisme de plus en plus répandu dans certains États membres, tout en engageant davantage la responsabilité de ces derniers, quant à la valeur ajoutée qu'apporte l'Union européenne, en particulier en ce qui concerne le progrès économique et social et dans le domaine de la politique de l'emploi.

4.3   Pour chacun de ses avis élaborés à l'intention de la Commission européenne ou d'autres institutions de l'UE, le CESE se penchera à chaque fois sur la question de savoir si une évaluation d'impact social appropriée a été réalisée. Le cas échéant, il appellera instamment les organes responsables de l'UE à remédier à cette lacune.

4.4   Le Parlement européen a un rôle majeur à jouer dans l'application de la CSH, et entre autres dans l'évaluation, sur une base régulière, des analyses d'impact social entreprises par la Commission européenne et les autres organes de l'UE (23).

4.5   Les États membres sont également tenus d'appliquer la CSH et toutes les autres clauses horizontales dans toutes les propositions, politiques et mesures pertinentes et dans tous les documents pertinents, y compris jurisprudentiels. Pour ce faire, ils devraient recourir à des SAI sociaux.

4.6   Une réelle participation de la société civile organisée à chaque étape et à tous les niveaux est indispensable pour garantir une mise en œuvre efficace de la CSH et de la MOC dans le domaine social (24). Le CESE est un organe consultatif constitué de représentants d'organisations d'employeurs, de salariés, et d'autres parties représentatives de la société civile de l'ensemble des 27 États membres. Il rassemble par conséquent des acteurs majeurs de l'Union européenne et est dès lors idéalement placé pour apporter une contribution significative à la promotion et à l'optimisation du SAI.

4.7   Le CESE est à même de développer et d'intensifier les objectifs des États membres en matière de politique sociale, ainsi que le dialogue social et civil dans les États membres, en renforçant le partage d'informations ainsi que la coopération avec les conseils économiques et sociaux (CES) et institutions similaires des États membres et avec les partenaires sociaux, les représentants d'intérêts divers et les autres organisations concernées de la société civile œuvrant dans le domaine social, et ce à tous les échelons (de l'UE, national et régional). Le comité de pilotage Europe 2020 du CESE, qui fournit un suivi et des rapports réguliers sur le contenu et le processus des programmes nationaux de réforme, pourrait également, par ses travaux, contribuer à ces efforts.

4.8   La plateforme sociale européenne (25) et ses membres, qui comprennent un certain nombre d'organisations sociales sectorielles (notamment des organisations de femmes, des organisations de personnes âgées, de personnes handicapées, de personnes confrontées à la pauvreté et de personnes sans-abri, etc.), ainsi que d'autres organisations européennes et nationales représentatives de la société civile dans le domaine social, ont aussi un rôle important à jouer pour exiger que la CSH soit appliquée comme il se doit au niveau de l'UE et aux différents niveaux nationaux et infranationaux.

4.9   L'initiative phare de la stratégie Europe 2020 concernant la «Plateforme européenne contre la pauvreté et l'exclusion sociale» (26), ainsi que les travaux du CESE en la matière (27) et sur les autres initiatives phares de la stratégie Europe 2020, devraient aussi contribuer à assurer une application équilibrée de la CSH au niveau de l'UE et aux différents niveaux nationaux et infranationaux.

5.   Observations particulières

5.1   Les dispositions en matière sociale du traité de Lisbonne (notamment les articles 145 à 166 et 168 du TFUE) et de la Charte européenne des droits fondamentaux (notamment le chapitre IV consacré à la solidarité) donnent une forme concrète à la clause sociale horizontale, et doivent être pleinement respectées.

5.2   Le CESE élaborera chaque année un avis sur l'application de la CSH et des autres clauses sociales horizontales (articles 8, 9, 10 TFUE), de la Charte des droits fondamentaux (en prêtant particulièrement attention aux droits sociaux fondamentaux) et des autres dispositions sociales du traité de Lisbonne (en particulier les articles 145 à 166 et 168 TFUE), ainsi que du droit dérivé et des autres mesures juridiques et politiques, considérés sous l'angle du respect et de la promotion des buts et objectifs sociaux visés. Ce faisant, il examinera et évaluera dans quelle mesure ces dispositions contribuent au développement de l'UE dans le domaine social et dans celui des droits fondamentaux. Le cas échéant, cet avis contiendra également des recommandations concernant les moyens d'atteindre plus efficacement ces objectifs sociaux grâce à des mesures concrètes, tant au niveau européen qu'au niveau national. Le rapport annuel du CPS consacré à la dimension sociale de la stratégie Europe 2020 (28) sera pris en compte dans ce contexte.

5.2.1   Le CESE organisera à chaque fois, préalablement à l'élaboration de l'avis, une audition sur ce thème, au cours de laquelle d'autres grandes organisations représentatives de la société civile dans le domaine social auront la possibilité, avec les partenaires sociaux et les représentants d'intérêts divers, de présenter leurs avis et contributions spécifiques.

5.2.2   Cet avis annuel du CESE, assorti d'explications, sera soumis aux représentants des institutions européennes, notamment le Conseil européen, le Conseil, le Parlement européen, la Commission, la CJUE et la BCE.

5.3   Il convient que le CESE, les CES et institutions similaires des États membres jouent leur rôle en tant que parties prenantes dans la mise en œuvre de la CSH et des systèmes d'analyse de l'impact social, en soutenant les initiatives citoyennes européennes et les projets citoyens en matière de dialogue civil, touchant à des problématiques sociales.

5.4   Le CESE et la Commission européenne devraient conclure un accord interinstitutionnel spécifiant que la Commission devra transmettre au CESE toutes les études d'impact portant sur les dossiers de la Commission, afin que le Comité puisse en tenir compte dans ses avis et rapports.

5.5   Le CESE et toutes ses sections spécialisées doivent prendre dûment en compte la CSH, juridiquement contraignante, ainsi que toutes les autres clauses horizontales juridiquement contraignantes du traité (articles 8 à 12 TFUE), dans l'ensemble de leurs avis et autres travaux, en vue de renforcer la dimension sociale de l'UE (par exemple, clauses sociales dans les accords de libre-échange (29), dimension sociale du marché intérieur, études d'impact de développement durable et politique commerciale de l'UE (30)).

Bruxelles, le 26 octobre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Marlier, E. et Natali, D. (Éd.) avec Van Dam, R. (2010), Europe 2020: Towards a More Social EU? (Europe 2020: vers une UE plus sociale?), Bruxelles: PIE Peter Lang.

(2)  Avis du CPS sur la dimension sociale de la stratégie Europe 2020 (SPC/2010/10/7 final).

(3)  Voir note en bas de page no 1.

(4)  Préface de la publication «Income and living conditions in Europe» (Revenus et conditions de vie en Europe), Atkinson et Marlier, Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes (OPOCE), 2010.

(5)  Commission européenne (2010), «Améliorer la coordination des politiques économiques au profit de la stabilité, de la croissance et de l'emploi - Des outils pour renforcer la gouvernance économique de l'UE», COM(2010) 367 final.

(6)  Schorkopf, F. (2010), Art. 9 AEUV [Article 9 TFUE], in«Das Recht der Europäischen Union. Kommentar» [Commentaire sur le droit de l'Union européenne]; Nettesheim, Martin (Éd.).

(7)  Avis exploratoire du CESE sur «La méthode ouverte de coordination et la clause sociale dans le contexte de la stratégie Europe 2020» (JO C 44 du 11.2.2011, p. 23).

(8)  Avis exploratoire du CESE sur le «Développement des prestations sociales» (JO C 44 du 11.2.2011, p. 28).

(9)  C'est notamment le cas de la conférence sur le thème «Coordination de l'UE dans le domaine social dans le contexte de la stratégie Europe 2020: regard rétrospectif et construction de l'avenir», tenue les 14 et 15 septembre 2010, à La Hulpe (Belgique).

(10)  «La Clause Sociale Horizontale et le mainstreaming social dans l’UE», 3e Forum sur les services sociaux d'intérêt général, tenu les 26 et 27 octobre 2010.

(11)  Avis du CPS entériné par le Conseil des ministres EPSCO (Emploi, Politique sociale, Santé et Consommateurs) de juin 2011.

(12)  Avis du CESE sur le thème «Gouvernance efficace de la stratégie de Lisbonne renouvelée» (JO C 175 du 28.7.2009, p. 13).

(13)  INT/544, «Une réglementation intelligente» (rapporteur: M. PEGADO LIZ) (JO C 248 du 25.8.2011, p. 87).

(14)  Approche interinstitutionnelle commune en matière d'analyse d'impact (doc. 14901/05 JUR).

(15)  Lignes directrices pour l’évaluation des incidences sociales dans le cadre du système d'analyse d'impact de la Commission, 2009.

(16)  http://ec.europa.eu/governance/impact/planned_ia/roadmaps_2011_en.htm#empl (20.3.2011).

(17)  Rapport spécial no 3/2010: «L'analyse d'impact dans les institutions européennes: soutient-elle la prise de décisions?»(http://ec.europa.eu/governance/impact/docs/coa_report_3_2010_fr.pdf).

(18)  http://ec.europa.eu/governance/impact/ia_in_other/ia_in_other_en.htm (20.3.2011).

(19)  Conseil EPSCO du 6.12.2010, communiqué de presse. (http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/fr/lsa/118245.pdf).

(20)  Communication de la Commission, COM(2010) 573 final.

(21)  Avis du CESE sur la «Communication de la Commission – Stratégie pour la mise en œuvre effective de la Charte des droits fondamentaux par l'Union européenne» (JO C 376 du 22.12.2011, p. 74).

(22)  Avis du CESE sur le thème «Normes de qualité à respecter – études d'impact social» (JO C 175 du 27.7.2007, p. 21) et sur la «Consultation relative au projet de lignes directrices de la Commission concernant l'analyse d'impact» (JO C 100 du 30.4.2009, p. 28) et note de bas de page no 30.

(23)  Résolution du Parlement européen du 8.6.2011 (2011/2016 (IND)).

(24)  Voir note de bas de page no 8.

(25)  La plateforme des ONG européennes du secteur social (plateforme sociale) est l'alliance de fédérations et réseaux européens représentatifs d'organisations non gouvernementales actives dans le secteur social. Cf. http://www.socialplatform.org/.

(26)  Plateforme européenne contre la pauvreté et l'exclusion sociale. http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=961&langId=fr.

(27)  Avis du CESE sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Plateforme européenne contre la pauvreté et l’exclusion sociale: un cadre européen pour la cohésion sociale et territoriale», rapporteure: Mme O'NEILL, http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.en.soc-opinions.14953.

(28)  Avis du CPS sur la dimension sociale de la stratégie Europe 2020 (SPC/2010/10/7 final).

(29)  «Sozialnormen in Nachhaltigkeitskapiteln bilateraler Freihandelsabkommen» [Les dispositions sociales dans les chapitres relatifs au développement durable des accords bilatéraux de libre-échange], Lukas, Steinkellner, Institut Ludwig Boltzmann des droits de l'homme, Vienne 2010

(30)  Avis du CESE sur le thème «Études d'impact de développement durable (EID) et politique commerciale de l'Union européenne», REX/313, rapporteure: Mme Pichenot, http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.rex-opinions.18107; http://eur-lex.europa.eu/JOHtml.do?year=2011&serie=C&textfield2=218&Submit=Rechercher&ihmlang=fr.