11.2.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 44/110


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Promouvoir des emplois verts durables pour le paquet européen sur l'énergie et le changement climatique» (avis d'initiative)

2011/C 44/18

Rapporteur: M. IOZIA

Le 16 juillet 2009, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

Promouvoir des emplois verts durables pour le paquet européen sur l'énergie et le changement climatique.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er juin 2010.

Lors de sa 464e session plénière des 14 et 15 juillet 2010 (séance du 14 juillet 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 146 voix pour, 4 voix contre et 10 abstentions.

1.   Contenu essentiel de l'avis

1.1   «Je veux montrer qu'investir dans des technologies respectueuses du climat et efficaces d'un point de vue énergétique est économiquement avantageux. Les possibilités sont immenses.»

Connie Hedegaard, commissaire européenne en charge de l'action pour le climat.

1.2   Alors que s'ouvre le troisième millénaire, de nouvelles interrogations se posent quant à l'avenir de la planète. Les risques liés au changement climatique en cours, l'augmentation de la demande mondiale d'énergie, l'épuisement à relativement brève échéance des sources d'énergies traditionnelles, la prise de conscience accrue des citoyens, qui réclament des mesures à même de combattre et d'atténuer les effets négatifs des émissions de gaz à effet de serre, imposent de revoir notre modèle de développement, de restreindre la consommation et de développer l'utilisation de sources d'énergie alternatives et renouvelables qui permettent de réduire les émissions. Les politiques européennes devraient être axées sur le développement d’une Europe verte, sociale et compétitive.

1.3   Face à la nécessité de renforcer la sécurité d'approvisionnement et de réduire la dépendance à l'égard de zones politiquement instables ou concurrentes, tout en modifiant progressivement la combinaison énergétique au profit des énergies propres et renouvelables, la nouvelle économie verte apparaît comme un facteur de développement durable et de création d'emplois, susceptible de contribuer à l'établissement d'un nouvel équilibre économique, social et environnemental.

1.4   Le CESE se propose avec le présent avis d'analyser les perspectives des «emplois verts durables» et d'identifier les instruments permettant de les soutenir et de les promouvoir.

1.5   Pour évaluer les effets de ces nouvelles politiques, il faut avoir à l'esprit le «solde» entre les nouveaux emplois créés et les anciens emplois supprimés, c'est-à-dire les emplois dits «noirs» (mines de charbon, construction et entretien des centrales électriques conventionnelles, etc.). Des politiques ciblées de sauvegarde des revenus ainsi que de formation et de reconversion professionnelle doivent accompagner ces changements. La nouvelle économie verte, qui doit être vécue par les travailleurs et par les citoyens comme une grande chance, doit inclure les principes du travail décent et faire office de moteur d'un développement socialement, environnementalement et économiquement durable.

1.6   Une stratégie européenne de transition vers une politique économique et industrielle limitant les émissions de gaz à effet de serre doit se fonder sur le dialogue entre les gouvernements, les partenaires sociaux et la société civile concernant les changements économiques et industriels et les investissements à réaliser dans des technologies propices à la création de nouveaux emplois verts décents et dans le développement de nouvelles «compétences vertes».

1.7   La réussite de cette stratégie présuppose la participation des autorités nationales et locales, des entreprises et des syndicats, sur la base d'un dialogue constant, visant à examiner l'impact sur l'emploi et sur le marché du travail. Sans la participation des partenaires sociaux et de la société civile organisée, aucune avancée ne sera possible. Le CESE se félicite de la création d'une direction générale «Action pour le climat» (CLIM), chargée de coordonner les politiques internes et externes de l'Union concernant la limitation des effets du changement climatique et l'adaptation à celui-ci.

1.8   Le CESE juge indispensable de créer un dispositif permanent de consultation afin d'anticiper les retombées de la transition socio-économique, de coordonner les activités des conseils sectoriels et d'intensifier le dialogue entre les partenaires sociaux et les autorités publiques. L’Agence pour l’environnement devrait également se charger d'assurer la «traçabilité» effective des émissions à tous les niveaux de la production et du transport, selon la méthode de l'analyse du cycle de vie (LCA), conformément aux normes de la série ISO 14040 et aux dispositions du livre vert COM(2001) 68 final et de la communication COM(2003) 302 final sur la politique intégrée des produits. C'est également ce que suggèrent, du moins indirectement, les règlements européens EMAS (761/2001/CE) et Ecolabel 1980/2000/CE.

1.9   L'Union a un rôle déterminant à jouer dans la promotion des emplois verts. S'agissant des investissements, elle devrait privilégier une politique épaulant les activités et les secteurs correspondants, et s'engager conjointement avec les États membres en faveur d'une législation stable, qui diminue sensiblement les charges administratives et tienne systématiquement compte des besoins des PME. En ce qui concerne le marché de l'emploi, elle devrait lancer des programmes spécifiques pour soutenir la formation professionnelle, mais surtout la reconversion des travailleurs menacés par le changement industriel et qui risquent de perdre leur emploi actuel ou leur niveau de revenu. Par des incitations fiscales destinées aux entreprises et aux utilisateurs et par le recours à des fonds dégagés par adjudication publique des quotas d'émissions (ETS), les États membres doivent favoriser l’efficacité énergétique, l’investissement dans les énergies renouvelables et dans les activités de recherche et de développement. Une telle politique s'avère particulièrement urgente et impérative en cette période de crise.

1.10   Les marchés publics ont un rôle important à jouer. Ils génèrent plus de 15 % du PIB européen. Des clauses préférentielles pour les marchandises et les services écologiquement durables peuvent inciter le marché à accélérer les investissements dans les innovations technologiques.

1.11   L'Union dans son ensemble dépense encore trop peu pour la recherche, tant au niveau communautaire que national, puisqu'elle y consacre moins de 2 % du PIB, contre 2,6 % aux États-Unis et 4 % au Japon. L'Europe a besoin d'investir davantage dans la R&D et il est essentiel d'orienter cette recherche vers une société limitant les émissions de gaz à effet de serre.

1.12   Le plus fort potentiel de développement concerne l'ensemble des activités et des emplois traditionnels, qu'il est possible de «verdir». Le rôle de la société civile est essentiel à cette fin. L'éducation environnementale des jeunes générations, la formation professionnelle, la communication et l'information des entreprises, des travailleurs et des citoyens sont des activités préparatoires fondamentales pour l'émergence d'une nouvelle économie verte. Le CESE s'emploie activement à appuyer ces activités via le projet Pinocchio.

1.13   Le monde agricole pourrait pour sa part apporter une contribution de tout premier plan tant à la transformation des modèles de production qu'au développement de l'agroforesterie et à la production de la biomasse. De par le rôle qu'elles jouent dans la protection du territoire et de l'environnement, l'agriculture et ses organisations se situent à la pointe d'une vaste campagne de sensibilisation et d'information concernant les avantages de la nouvelle économie verte.

1.14   La biomasse est de loin la source la plus importante d’énergie renouvelable; les données de 2008 mettent en exergue au niveau européen une nette prépondérance des sources d’énergie biogènes par rapport à toutes les autres énergies renouvelables. Dans l’UE 27, les deux tiers de l’énergie primaire renouvelable, c’est-à-dire 66,1 % d’un total avoisinant 6 200 pétajoules (PJ), ont été produits à partir de la biomasse.

1.15   Dans un contexte de difficultés économiques et de disponibilités limitées de capitaux, il y a lieu de faire porter l’essentiel des efforts sur un nombre limité de priorités qui soient fondamentales pour l’Europe dans la concurrence mondiale, et destinées à défendre l’environnement et à éviter la perte d’emplois dans les années à venir. Les énergies renouvelables, le transport durable et les logements à très faibles émissions de CO2 sont les domaines que le CESE considère comme prioritaires.

1.16   Le secteur public doit soutenir autant que faire se peut ces domaines au cours de la phase de transition. Les politiques conjoncturelles (stop & go), un cadre réglementaire instable et incohérent et les entraves administratives constituent les principaux obstacles au développement d’activités et d’emplois verts de bonne qualité et dignes de ce nom.

2.   Introduction

2.1   Le marché de l'énergie

2.1.1   La crise financière et économique a incontestablement freiné le développement des activités liées à l'ensemble du secteur des nouvelles énergies.

2.1.2   En 2009, les transactions sur le marché du gaz et du pétrole ont connu une chute vertigineuse. En effet, elles ont enregistré un recul de 19 % en valeur, ce qui correspond à plus de 90 milliards de dollars (AIE, Perspectives énergétiques mondiales 2009). En dépit de ce gel de la consommation, les prévisions pour 2030 laissent escompter une augmentation de près de 40 % de la demande d'énergie, qui devrait atteindre 16,8 milliards de tonnes équivalent pétrole (tep).

2.1.3   Les sources d'énergie fossiles continueront malgré tout à représenter plus de 77 % de l'augmentation de la demande pour la période 2007-2030, avec une demande de pétrole qui passera de 85 Mb/j (millions de barils/jour) actuellement à 88 Mb/j en 2015, pour atteindre 105 Mb/j en 2030.

2.1.4   D'après les Perspectives financières mondiales 2009, le changement climatique peut être combattu et maîtrisé, mais cela ne peut se faire qu'au prix d'une transformation profonde du secteur énergétique. Le rapport propose le «Scénario 450», fondé sur des actions radicales et un calendrier rigoureux, afin de limiter à long terme la concentration de CO2 dans l'atmosphère à 450 ppm (parties par million) et de maintenir l'augmentation de la température mondiale à 2 °C maximum par rapport aux niveaux préindustriels. Dans ce scénario - selon l'IEA - la demande de combustibles fossiles devrait culminer d'ici à 2020 et les émissions de CO2 liées à l'énergie être ramenées à 26,4 Gt (gigatonnes) en 2030 par rapport à 28,8 Gt en 2007.

2.2   L’efficacité énergétique

2.2.1   Les programmes d'efficacité énergétique de l'Union européenne ont pour but de réduire l'intensité énergétique de 3,3 % par an sur la période 2005/2020, ce qui devrait permettre d'économiser 860 Mtep/an. Cet objectif ambitieux, qu'il faudrait dans la mesure du possible assortir de mesures contraignantes, nécessite des investissements colossaux qui devraient à leur tour générer des économies significatives, que la Commission évalue à 100 milliards d'euros par an (Communication de la Commission - Plan d'action pour l'efficacité énergétique: réaliser le potentiel, COM(2006) 545 final).

2.2.2   Le CESE s'est exprimé très favorablement dans plusieurs avis sur les initiatives européennes relatives à la diffusion de programmes d'efficacité énergétique (1). Mais il a malheureusement dû constater que les États membres ne faisaient pas preuve du même enthousiasme (2). Le Comité rappelle qu'«il est un aspect des politiques vertes qui est souvent négligé: leur apport bénéfique pour l'économie. L'“économie verte” constitue en effet une des voies à suivre pour sortir de la crise mondiale. Cette économie en phase d'émergence est en train de susciter de nouvelles possibilités d'emploi. M. Dimas, membre de la Commission européenne, a déclaré que sur la prochaine décennie, elle produira deux millions de postes de travail dans l'UE. Elle n'a donc rien d'un luxe.» (3)

2.2.3   La Commission doit s'apprêter à revoir la stratégie en matière d'efficacité énergétique. Les progrès enregistrés jusqu'ici n'ont pas donné les résultats escomptés. La stabilisation relative du prix du pétrole, qui est passé du niveau record de 147,27 dollars le baril le 11 juillet 2008 à une valeur moyenne de 53,56 dollars en 2009 (en 2008, le prix moyen du baril était de 91,48 dollars) (WTRG Economics) n'a certes pas favorisé les investissements.

2.2.4   La révision de la directive sur la performance énergétique des logements et des bureaux, qui élargira sensiblement l'éventail des destinataires obligés de procéder à des interventions structurelles sur les nouveaux logements et sur les logements à rénover, la législation sur les émissions des voitures et véhicules commerciaux légers exigent un effort considérable de la part de l'industrie pour atteindre les objectifs fixés en matière d'émissions, qui devraient se traduire par d'importants gains d'efficacité et une diminution correspondante de la consommation.

2.2.5   L’édition 2009 de l'EurObserv’ER (EurObserv’ER 2009 – État des énergies renouvelables en Europe - 9e bilan EurObserv'ER) a analysé dans 14 États membres de l’UE (Allemagne, France, Espagne, Danemark, Suède, Italie, Autriche, Pologne, Finlande, Royaume-Uni, Pays-Bas, Slovaquie, Slovénie et Luxembourg) l’impact direct sur l’emploi des différentes technologies liées aux énergies renouvelables. En 2008, les technologies en matière d’énergies renouvelables ont permis de créer ou de préserver un total de 660 000 emplois. Parmi ceux-ci plus de 42 % (soit environ 278 000) sont directement imputables aux sources d’énergie biogènes (de la biomasse dans un sens plus restreint). Les investissements dans les technologies d’exploitation de la biomasse créent des emplois stables, réduisent la dépendance énergétique de l’Europe et améliorent sensiblement le niveau des émissions de CO2.

3.   La crise et les emplois verts

3.1   La crise économique grève lourdement les comptes publics. Le déficit agrégé de la zone euro a été de 6,4 % en 2009 et est estimé par la Commission à 6,9 % pour 2010. Des plans de désendettement rigoureux s'imposent afin de ramener à brève échéance le déficit dans le cadre des paramètres du pacte de stabilité. Lorsque l’on évoque la nécessité de stimuler la croissance verte, le CESE met en garde contre les déclarations rhétoriques et l’inaction politique.

3.2   Les ressources disponibles pour poursuivre les programmes en faveur des énergies renouvelables et les programmes d'efficacité énergétique ne cessent de décroître. Les États membres devront destiner aux programmes d’efficacité énergétique ainsi qu'aux investissements dans les secteurs des énergies renouvelables, de la mobilité durable et des transports en général plus de la moitié prévue des moyens financiers dégagés par adjudication publique des droits d’émissions (ETS).

3.3   Il existe un risque d'avoir une perception faussée de la lutte contre le changement climatique, réduite à la seule limitation de la consommation. Il faut au contraire prendre en compte le retour énergétique sur investissement (EROI - Energy Return On Investment) et lier la notion de durabilité à celle de développement et promouvoir une nouvelle économie qui ne soit pas axée sur une «récession durable», un «chômage acceptable», ce qui conduirait inexorablement à la dégradation des conditions de vie des citoyens, sans améliorer de manière significative la santé de la planète.

3.4   Les entreprises, notamment les PME, subissent dans le même temps un net resserrement du crédit. L'amenuisement des ressources disponibles pour les activités ordinaires rend quasiment impossible le développement des investissements en faveur des restructurations, souvent onéreuses et qui ne sont amorties qu'après quelques années. Des politiques de soutien ciblées sont nécessaires.

3.5   L’OIT, en faisant connaître sa position en réponse à une récente initiative de la Commission (Duncan Campbell, directeur du Département de l'analyse économique et des marchés du travail du BIT), a proposé la définition suivante:

“Les emplois verts peuvent se définir comme des emplois réduisant l'«empreinte» environnementale:

en réduisant la consommation d'énergie et d'eau et la production de déchets;

en «décarbonisant» et en dématérialisant l'économie;

en réduisant les émissions de gaz à effet de serre;

en appliquant des politiques d'adaptation au changement climatique;

en protégeant et en assainissant l'écosystème.

3.6   D'après l’OIT, qui a réalisé depuis quelques années des études sectorielles dans le domaine des emplois verts, en coopération avec les organisations internationales des employeurs et des syndicats, les secteurs qui devraient être en première ligne sur ces questions sont les suivants:

Énergie

Gazéification intégrée/séquestration du carbone

Cogénération (production simultanée de chaleur et d’électricité)

Énergies renouvelables (énergie éolienne, énergie solaire, biocarburants, géothermie, hydraulique à petite échelle); piles à combustible

Transports

Véhicules plus économes en carburant

Véhicules hybrides-électriques, électriques, et à piles à combustible

Covoiturage

Transports publics

Transports non motorisés (vélo, marche) et modifications des politiques d’aménagement du territoire et des modes de peuplement (réduction des distances à parcourir et de la dépendance à l’égard des transports motorisés)

Entreprises

Contrôle de la pollution (épurateurs et autres techniques d’aspiration)

Efficacité de l’énergie et des matériaux

Techniques de production propres (prévention des substances toxiques)

Cycles de production conçus selon le principe «du berceau au berceau» (systèmes en boucle fermée selon la définition de William McDonough et Michael Braungart)

Bâtiments

Éclairage, appareils et matériels de bureau à haute efficacité énergétique

Chauffage et refroidissement solaires, panneaux solaires

Réaménagement des bâtiments anciens à l'aide des nouvelles technologies

Bâtiments verts (fenêtres, isolation, matériaux de construction, chauffage, ventilation et conditionnement de l’air éco-énergétiques)

Bâtiments solaires passifs, bâtiments à émissions nulles

Gestion des matériaux

Recyclage

Responsabilité étendue des producteurs, rappel des produits et remanufacturation

Dématérialisation

Durabilité et réparabilité des produits

Commerce de détail

Promotion de produits efficaces et utilisation de l’écoétiquetage

Plus grande proximité des magasins et des zones résidentielles

Minimisation des distances d’expédition (du lieu d’origine des produits au lieu de distribution)

Nouvelle économie des services (vente de services, pas de produits)

Agriculture

Conservation des sols

Réduction de la consommation des ressources en eau

Méthodes de culture biologiques

Réduction de la distance entre l’exploitation et le marché

Foresterie

Projets de boisement et de reboisement

Agroforesterie

Gestion durable des forêts et systèmes de certification

Fin du déboisement

3.7   Dans la plupart des secteurs, les emplois verts devront se caractériser par un niveau élevé de compétence et de formation professionnelle.

4.   Les principaux acteurs et les exemples de bonnes pratiques

4.1   Une audition (CESE, 23 mars 2010) a été organisée, au cours de laquelle quelques-uns des principaux représentants du monde associatif ont enrichi le débat par leur contribution.

4.2   Le président de la Confartigianato (confédération italienne de l'artisanat) de Bergame a présenté la semaine verte de l'énergie: 16 actions de sensibilisation et de discussion, 80 rapporteurs, plusieurs centaines de participants réunis pour approfondir les aspects réglementaires et techniques des économies d'énergie et de la durabilité environnementale. Il s'agit là d'un excellent exemple du rôle que les organisations catégorielles peuvent et doivent jouer dans la diffusion d'une nouvelle culture. De nouveaux services relatifs à l'énergie ont été présentés, tels que le «guichet énergie», qui dispense des conseils spécialisés aux entreprises; l'«accompagnement en matière de crédit», afin de soutenir les investissements avec l'aide du consortium de garantie de l'organisation; la «formation» technique, en coopération avec la faculté d'ingénierie de l'université de Bergame.

4.3   Le représentant du WWF en charge de la politique climatique et énergétique européenne a souligné dans son intervention l'impact positif que l'économie verte devrait avoir sur l'emploi, selon les études réalisées par son organisation. Les organisations environnementales sont bien entendu tout à fait favorables à une politique de soutien aux énergies à faible intensité carbonique ou, mieux encore, à taux d'émission zéro.

4.4   Le président du syndicat polonais des mines et de l'énergie a pointé les risques d'une politique qui pénalise de manière excessive les emplois dits «noirs». Il est impératif de préserver l'emploi grâce à des initiatives visant à créer de nouveaux emplois afin de compenser ceux qui seront supprimés. Il convient de penser en termes de «solde» entre les nouveaux emplois créés et les anciens emplois perdus. La question des salaires doit elle aussi être considérée avec beaucoup d'attention: certains nouveaux emplois verts sont moins bien rémunérés et le coût du kilowatt produit par le charbon est deux fois moins élevé que celui produit à partir de sources d'énergies renouvelables. Sans des politiques adaptées de soutien à l'emploi, il existe un risque réel de voir le chômage rapidement multiplié par deux. Il convient également de prévoir des formes appropriées de soutien à la mobilité des travailleurs.

4.5   Le président de la Fédération de l’industrie européenne de la construction a fait part du fort engagement et intérêt des entreprises européennes vis-à-vis de la modernisation et de l'amélioration de la performance des logements et des locaux professionnels publics et privés. Ce secteur ne réclame pas d'aides économiques particulières, mais aspire à une législation stable, garantie pour un certain nombre d'années, afin de pouvoir planifier des investissements et des programmes industriels. Le secteur de la construction doit pouvoir compter sur un flux financier approprié et continu, plutôt que sur des aides à court terme. Une politique fiscale adaptée pourrait inciter les ménages à s'orienter vers ce type d'investissement. Les entreprises sont disposées à apporter leur concours en ce qui concerne les indispensables mesures de formation de leurs salariés.

4.6   La présidente du Conseil des architectes d'Europe (CAE) a souligné la nécessité de développer encore la formation en matière d'architecture durable en Europe, de manière à promouvoir une vision globale de la programmation des interventions territoriales, d'où la nécessité de repenser la profession. Selon le CAE, il y a lieu de définir, en accord avec les organisations des constructeurs, des objectifs ambitieux en vue d'améliorer la qualité et l'efficacité énergétique des bâtiments. Le CAE, se fondant sur des expériences négatives récentes, a émis des doutes quant aux résultats d'un partenariat public-privé (PPP) en matière de marchés publics.

4.7   Le représentant de la Commission a mis en avant le potentiel élevé de création d'emplois. Les estimations font état de plus d'un million de nouveaux emplois. Le succès du deuxième congrès de la géothermie atteste de l'évolution possible dans ce domaine. En Suède par exemple, 33 pompes à chaleur par millier d'habitants ont été installées, contre 0,1 en Espagne. Les barrières administratives sont un sérieux frein au développement des énergies renouvelables. L'efficacité énergétique est la clé de voûte de tout le système, en particulier en ce qui concerne les bâtiments. Les emplois verts qui bénéficieront de l'aide des plans d'action nationaux seront durables et compétitifs.

4.8   L'intervention, très riche en éléments de réflexion et en informations, du représentant de l'université économique et technique de Berlin (Technische Universität Berlin) a mis en lumière la forte concurrence qui s'exerce au niveau international sur le marché des énergies renouvelables. Les États-Unis et la Chine en particulier se disputent ce marché. La Chine et Taïwan réalisent près de 50 % des exportations de panneaux solaires.

4.9   Le représentant de l'une des principales entreprises espagnoles de fabrication de turbines éoliennes a fait valoir l'importance stratégique de son secteur, qui doit son développement à des politiques intelligentes et courageuses, qui ont stimulé les investissements et ont été source de valeur ajoutée pour l'économie. En dépit de la crise, les perspectives futures sont favorables, à condition de poursuivre les politiques en faveur des énergies renouvelables. Lors de son intervention, il a cité le Président Obama: «The nation that leads the clean energy economy will be the nation that leads the global economy» («c'est de la suprématie dans l'économie des énergies propres que viendra la suprématie dans l'économie mondiale») (discours sur l'état de l'Union, prononcé par Barack Obama le 27 janvier 2010).

4.10   En conclusion, une responsable de la CES a souligné que la Confédération européenne des syndicats s'efforce d'appuyer les politiques de promotion et de soutien des emplois verts, qui doivent respecter la dignité des travailleurs, leurs droits et leur niveau de rémunération. Par définition, un travail vert doit être un travail décent. La CES juge indispensable de mener des politiques de transition, de soutien à la formation et d'anticipation des changements industriels.

5.   Quelles sont les perspectives?

5.1   Ces dernières années, les évaluations chiffrées les plus diverses se sont succédé, concernant les bénéfices potentiels sur l'emploi engendrés par les emplois verts, les mesures d'efficacité énergétique et les initiatives de lutte contre le changement climatique. Ces estimations font état de centaines de milliers de nouveaux emplois, lesquels ont toutefois du mal à se concrétiser. L'évaluation de l'accroissement net, c'est-à-dire en décomptant les emplois supprimés dans le secteur considéré, pose un sérieux problème.

5.2   Actuellement, les emplois «verts» sont au nombre de 4,6 millions si l'on se réfère aux éco-activités au sens strict. Ce chiffre devrait être de 8,67 millions, soit 6 % des travailleurs de l'UE 27, si l'on prend en compte les activités liées à des ressources environnementales, telles que la foresterie ou l'écotourisme. En se fondant sur la définition la plus large, l'on arrive à un chiffre impressionnant, à savoir un total de 36,4 millions de travailleurs, c'est-à-dire 17 % de la main-d'œuvre, en considérant également les activités indirectes et la sous-traitance (GHK et al. (2007)). Dans son récent document sur l'emploi en Europe (L'emploi en Europe en 2009), la Commission met bien en évidence ces différences. La croissance s'est plus particulièrement fait sentir dans le secteur des énergies renouvelables, l'agriculture biologique et, dans une moindre mesure, les activités liées à la rénovation du patrimoine immobilier.

5.3   Les principaux domaines d'activité. La construction

5.3.1   Avec 16,3 millions de travailleurs, c'est-à-dire 7,6 % de l'emploi total, le secteur de la construction se situe en tête des activités industrielles européennes: son chiffre d'affaires en 2008 a été de 1 305 milliards d'euros, soit 10,4 % du PIB. Les activités de sous-traitance emploient plus de 32 millions de travailleurs (FIEC, rapport annuel 2009).

5.3.2   L'industrie européenne de la construction participe activement à des projets et des initiatives visant à l'amélioration de l'efficacité et des économies d'énergie: dans le cadre du 7e programme-cadre, mentionnons les projets Sunrise, pour l'intégration du photovoltaïque dans les bâtiments, Cygnum, pour la réalisation de panneaux en bois préisolés - en utilisant des matériaux recyclés à faible coût qui permettront une plus grande accessibilité à un logement à faible consommation d'énergie -, et Mobi3con, un système opérationnel en trois dimensions à utiliser sur les chantiers, pour prévenir toutes les erreurs de conception et de réalisation, pour lequel la FIEC (Fédération de l'industrie européenne de la construction) prévoit des économies jusqu'à 6,2 milliards d'euros.

5.3.3   Malgré les graves répercussions de la crise financière, qui dans certains pays comme l'Espagne et l'Irlande ont de fait figé le marché, le secteur estime qu'au moins 800 000 nouveaux emplois devront être créés dans les années à venir pour des techniciens spécialisés et des ingénieurs, dans le cadre des programmes de performance énergétique des bâtiments. Rien que pour la France, les emplois dans le domaine de l'efficacité énergétique des bâtiments devraient passer de 169 000 en 2007 à 320 000 en 2012 (étude de l'ADEME, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, 2008).

5.3.4   Parmi les secteurs qui devraient faire appel à un nombre croissant de travailleurs figure celui des sociétés de services énergétiques (ESCO, Energy Service Company) (sociétés réalisant des interventions destinées à améliorer l'efficacité énergétique, prenant à leur compte le risque de l'initiative et libérant le client final de toutes les charges en matière d'organisation et d'investissement). L'essor de ces sociétés a été contrecarré dans certains pays par les grands producteurs, qui ont craint une forte baisse de la consommation (4).

5.3.5   La formation professionnelle et la formation continue sont la condition sine qua non d'une bonne gestion des réformes industrielles: la FIEC, Fédération de l'industrie européenne de la construction, et la FETBB, Fédération européenne des travailleurs du bâtiment et du bois, collaborent activement en vue de développer des initiatives conjointes en matière de qualifications professionnelles et de projets de formation transfrontaliers.

5.4   Les énergies renouvelables

5.4.1   En 2008, l'industrie photovoltaïque employait 190 000 personnes (130 000 emplois directs et 60 000 emplois indirects). Grâce au soutien dont bénéficie le marché de l’UE 27, l'industrie prévoit d'offrir d'ici à 2030 2,2 millions d'emplois, mais pour un effet net très limité: dans l'hypothèse de 15 % d'exportations, le solde net d'ici à 2030 pour l’UE 27 sera d'environ 162 000 emplois (20 000 en 2010 et 49 000 en 2020) (EPIA, European Photovoltaic Industry Association (Association européenne de l'industrie photovoltaïque), 2009).

5.4.2   L'industrie photovoltaïque fait appel à une main-d'œuvre hautement spécialisée, tant en ce qui concerne la recherche et le développement que l'entretien. Les architectes et les ingénieurs devront étudier l'intégration de ces dispositifs dans des environnements urbains caractérisés par des centres historiques présentant une haute valeur paysagère et artistique. En Europe, la capacité installée cumulée est passée de 1 981 MW en 2005 à 9 405 en 2008 et a pratiquement doublé entre 2007 et 2008 (EPIA - Global Market Outlook for Photovoltaics until 2013, étude réalisée en 2009 en collaboration avec le cabinet A.T. Kearney). Il convient d'organiser des cours spécialisés pour former dès à présent au moins 50 000 nouveaux travailleurs par an jusqu'en 2030. Les masters et les cours postuniversitaires préparant spécifiquement à l'utilisation de l'énergie photovoltaïque sont encore insuffisants.

5.4.3   Avec une puissance installée de 64 935 MW fin 2008, l'énergie éolienne est aujourd'hui déjà la première source d'énergie renouvelable. En 2007, elle représentait 108 600 emplois directs, et un nombre total de 154 000 emplois en tenant compte des emplois indirects. 59 % de ces emplois concernent l'industrie des turbines éoliennes et des composants. L'Allemagne, l'Espagne et le Danemark sont les pays comptant le plus grand nombre de travailleurs dans ce domaine (EWEA, European Wind Energy Association (Association européenne de l'énergie éolienne), 2009). L'association européenne du secteur estime que le nombre de ces travailleurs pourrait plus que doubler d'ici 2020 pour s'élever à 330 000.

5.4.4   Selon une étude réalisée en Espagne, pays qui a énormément investi dans les énergies alternatives, l'emploi devrait passer de 89 001 unités en 2007 à 228 000-270 000, par référence à deux scénarios distincts (ISTAS, Instituto Sindical de Trabajo Ambiente y Salud, 2009).

5.5   Les transports

5.5.1   L'industrie automobile et les transports routiers emploient près de 2,2 millions de travailleurs, chiffre qui atteint 9,8 millions si l'on tient compte des emplois dérivés (ACEA - Association des constructeurs européens d’automobiles), auxquels il faut ajouter les salariés des transports publics et ceux des transports privés. Le nombre total dépasse 16 millions de personnes si l'on prend en compte les chemins de fer, les compagnies de navigation, l'industrie et les services liés au transport aérien et le transport de marchandises sur route.

5.5.2   Ce secteur a énormément souffert de la crise, avec un repli de la production de 7,6 % pour les autobus, de 21,6 % pour les automobiles, de 48,9 % pour les minibus, et de 62,6 % pour les camions. La production s'est véritablement effondrée. La situation n'est pas meilleure dans les autres branches des transports, qui accusent un déclin généralisé des commandes et de l'activité.

5.5.3   Le secteur des transports sera plus que d'autres touché par les défis technologiques inhérents au paquet climatique et par la législation afférente concernant les émissions de CO2. L'inclusion des émissions générées par les transports aériens dans le système européen d'échange de quotas d'émission (ETS) mettra en difficulté les flottes les plus obsolètes, contraintes de payer des pénalités énormes pour leurs émissions. De plus, comme l'a déjà affirmé le CESE (5) à propos du transport maritime, «il est nettement plus compliqué [d’]appliquer [ce système] à cette branche du transport qu’au secteur aéronautique, en particulier dans le cas de l’affrètement à la demande, car les spécificités concrètes du transport maritime compliquent singulièrement les calculs requis par ce dispositif».

5.5.4   L'on s'attend à une croissance soutenue (et souhaitée) des activités ferroviaires, tant en ce qui concerne le transport de passagers que celui de marchandises. La hausse devrait être de 1 200 000 emplois pour le transport de passagers et de 270 000 emplois pour le transport de marchandises, contre une baisse de quelque 700 000 unités pour le transport routier (étude Syndex, CES et Istas, 2007) d'ici à 2030.

5.5.5   La mobilité urbaine durable, s’appuyant sur une politique claire en faveur des modes de transport non motorisés tels que le vélo ou les déplacements à pied, améliorera la qualité de la vie et contribuera de manière conséquente à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

6.   Actions positives pour la promotion des emplois verts

6.1   Des interventions majeures s'imposent de la part à la fois du secteur public, du secteur privé et d'un partenariat public-privé, pour relever les défis à venir, qui consistent à conjuguer le développement économique avec une réduction significative des émissions nocives et la possibilité de créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité.

6.2   À l'heure actuelle, l'état des finances publiques n'offre pas une marge de manœuvre significative, à la suite des interventions pratiquées pour soutenir un système financier en crise profonde et de la crise économique consécutive, qui a fait fondre les recettes fiscales de tous les États membres.

6.3   Le CESE propose la création d'un «Fonds souverain européen» garanti par la BEI et par des ressources spécifiques qui devraient être dégagées par le système européen des banques centrales et par la BCE, dans le but d'assurer la réalisation des objectifs d'efficacité et d'économies d'énergie. Un «plan Marshall» européen est nécessaire afin d'être bien armé pour affronter les exigences financières liées à la lutte contre le changement climatique.

6.4   La BEI, qui a le mérite d'être déjà engagée dans le financement d'activités liées au développement des énergies renouvelables, pourrait assurer la gestion de ce fonds et ventiler les ressources via les canaux du système bancaire européen.

6.5   Le principal problème est celui de la rationalisation des ressources. Il est indispensable de canaliser et de coordonner les Fonds structurels, les ressources du Fonds social européen et celles du 7e programme-cadre. La Commission, avec la nouvelle DG Énergie, pourrait se charger de cette coordination.

6.6   Des ressources financières privées sont nécessaires. Les initiatives relevant d'un partenariat public-privé devraient faire l'objet d'incitations opérationnelles et fiscales dans un cadre de référence fiable et stable.

6.7   Les organisations représentatives des entreprises et des travailleurs et les associations de la société civile engagées sur ce terrain peuvent jouer un rôle de premier plan pour ce qui est de diffuser les techniques, de faire connaître les possibilités existantes, de sensibiliser, d'éduquer et de former. La société civile devrait toujours être impliquée dans ce type de projets.

6.8   Les TIC ont un rôle fondamental à jouer dans l'optimisation des ressources. Une étude récente de la Commission («The implications of ICT for Energy Consumption», e-Business Watch, Study report no 09/2008, http://www.ebusiness-watch.org/studies/special_topics/2007/documents/Study_09-2008_Energy.pdf) met en évidence la nécessité d'exploiter tout le potentiel des TIC (6). Cela pourrait avoir une incidence très favorable sur la création de nouveaux emplois verts.

6.9   En ce qui concerne l'efficacité énergétique des bâtiments, le CESE a défini dans l'un de ses avis (7) les politiques adéquates à mener en vue de faciliter les contrôles sur les normes énergétiques des bâtiments et d'offrir aux utilisateurs finaux des facilités pour l'achat et la mise en œuvre d'équipements appropriés et la réalisation de travaux de rénovation concernant l'isolation thermique.

6.10   S'agissant des énergies renouvelables, il y a lieu de promouvoir des actions concernant le soutien à la R&D et des programmes visant la création d'un marché stable et autosuffisant, en soutenant les entreprises et les utilisateurs finaux via des allégements fiscaux et des incitations à la production et à la consommation d'énergies renouvelables. Ces programmes devraient être conçus à long terme, selon le modèle en vigueur en Allemagne, qui a prévu une diminution progressive des interventions publiques, en mettant les opérateurs et le public en mesure de programmer leurs investissements.

6.11   Un chapitre spécifique devra être consacré à l'éducation et à la formation (8). La première est indispensable à la diffusion des connaissances et à la sensibilisation des générations futures, tandis que la seconde est essentielle pour faire progresser les nouvelles technologies liées au développement de l'efficacité énergétique et à la lutte contre le changement climatique.

Bruxelles, le 14 juillet 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  JO C 10 du 15.1.2008, p. 22–35.

(2)  JO C 77 du 31.3.2009, p. 54–59, JO C 318 du 23.12.2009, p. 39–42.

(3)  JO C 277 du 17.11.2009, p. 20.

(4)  JO C 77 du 31.3.2009, p. 54–59, JO C 318 du 23.12.2009 p. 39-42.

(5)  JO C 277 du 17.11.2009, p. 20.

(6)  JO C 175 du 28.7.2009, p. 87-91.

(7)  JO C 162 du 25.6.2008, p. 62-71.

(8)  JO C 277 du 17.11.2009 p.15-19.