18.12.2010 |
FR |
Journal officiel de l’Union européenne |
C 347/28 |
Avis du Comité économique et social européen sur les «Incidences des accords de partenariat économiques sur les régions ultrapériphériques (zone Caraïbe)»
(avis d'initiative)
(2010/C 347/04)
Rapporteur: M. COUPEAU
Le 26 février 2009, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:
«Incidences des Accords de partenariat économiques sur les régions ultrapériphériques (zone Caraïbe)».
La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 2 février 2010.
Lors de sa 460e session plénière des 17 et 18 février 2010 (séance du 17 février 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis à l'unanimité.
1. Conclusions et recommandations
1.1 Le champ d’application de l’Accord de Partenariat économique (APE), signé le 15 octobre 2008 entre les 15 États membres du Forum des États ACP (1) Caraïbes (2) et l'UE, est particulièrement vaste. Toutefois, un certain nombre de facteurs, bien que cités par l’APE, fait obstacle aux objectifs d’intégration régionale, du développement durable ou encore de la coopération entre les États du Cariforum et les Régions ultrapériphériques (ci-après RUP). Même si les RUP jouissent d’une longue tradition européenne, elles sont géographiquement, historiquement, culturellement et économiquement liées aux États du Cariforum. Leur position stratégique permet d’établir des relations commerciales durables avec les îles voisines; elles sont donc les premières régions européennes concernées par l’APE.
1.2 Le CESE tient compte de la complexité des négociations, des risques potentiels et des opportunités que représente l’APE tant pour les États du Cariforum que pour les RUP et plus généralement pour l’UE.
1.3 Le CESE recommande vivement de consulter les autorités locales des RUP dans l'ensemble des concertations ayant trait à l’APE UE-Cariforum. Bien que ces RUP soient également des Départements Français d'Amérique (DFA), ce qui les différencie des États du Cariforum, elles sont à même d'apporter leur pierre à l’édifice d’une véritable intégration régionale.
1.4 Le CESE estime qu’il est également important d’intégrer plus la société civile et les autorités locales des RUP aux débats et aux différents Comités de suivi visant à la mise en œuvre de l’Accord, ce qui permettrait d’aboutir à l’objectif d’intégration régionale qui régit cet APE.
1.5 L’intégration progressive des États du Cariforum dans l’économie mondiale ne pourra aboutir tant que les difficultés liées aux transports (infrastructures et moyens de transports) ne seront pas résolues. Le CESE recommande à la Commission de placer la question du transport dans une vision plus large et de s’intéresser de plus près aux solutions concrètes envisagées de concert par les États du Cariforum et les RUP.
1.6 Dans l’optique de favoriser les relations commerciales dans la zone Caraïbe, le CESE recommande aux parties concernées d’envisager des réductions anticipées des droits de douane entre les RUP et les États du Cariforum.
1.7 Le CESE se réjouit que l’APE ait bien pris en compte la nécessité d’établir une procédure claire concernant les mesures sanitaires et phytosanitaire (SPS). Le CESE recommande néanmoins d’inclure les RUP dans l’autorité compétente pour la mise en œuvre des mesures SPS visant à faciliter le commerce intrarégional et dans les négociations ayant trait aux aménagements bilatéraux. Le CESE préconise également de faire jouir ces RUP d’une appellation «RUP» qui permettrait de distinguer leurs produits par la qualité et le respect des normes CE.
1.8 Le CESE recommande expressément de gérer les zones pêche et l’aquaculture des RUP en accord avec les États du Cariforum.
1.9 Le CESE préconise enfin de mieux structurer les services afin de créer un véritable tourisme Caribéen.
1.10 Le CESE est attentif à l’intégration des notions de respect de l’environnement et de protection sociale dans l’Accord et doit pouvoir donner une vision prospective pour l’ensemble de cette zone.
2. Introduction et observations générales
2.1 L’article 349 et 355 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, reconnaissent la spécificité des régions ultrapériphériques. En 1986, la Commission européenne a créé un Groupe interservices pour les RUP chargé de coordonner les actions communautaires en faveur de ces régions et de servir d’intermédiaire avec les administrations nationales et régionales concernées. Depuis 1989, ces régions bénéficient d’un programme spécifique visant à soutenir des mesures socio-économiques pour une meilleure convergence avec le reste de l’UE.
L’article 239 de APE UE-Cariforum tient compte de la proximité géographique des RUP de la zone Caraïbe (Martinique et Guadeloupe) avec les États du Cariforum pour «renforcer les liens économiques et sociaux existant entre ces régions et les États du Cariforum, les parties veillent à faciliter en particulier la coopération dans tous les domaines couverts par le présent accord ainsi qu’à faciliter le commerce de biens et de services, promouvoir les investissements et encourager les transports et les liens de communication entre les régions ultrapériphériques et les États du Cariforum». La participation conjointe des États Cariforum et des RUP aux programmes-cadres et actions spécifiques aux domaines couverts par l’APE est également affirmée dans cet article.
2.2.1 Le CESE tient à marquer l'importance des «Territoires Néerlandais d’Outre-mer» que sont les îles Bonaire, Curaçao, Saba, Saint-Eustache, Saint-Martin et Aruba et qui se situent dans la région Caraïbe. Toutefois, ces îles sont au point de vue européen, des «Pays et territoires d'outre-mer» ce qui les distingue juridiquement des RUP de la zone Caraïbe. Cependant, le CESE se doit de souligner que l'intégration régionale telle qu'envisagée par l'APE, ne saurait voir le jour sans une plus grande prise en compte des territoires liés aux États membres de l'UE (Pays-Bas, Royaume-Uni, France).
2.3 Le CESE a tenu à analyser l'impact économique et social de cet accord dans la zone Caraïbe et plus particulièrement sur les RUP. Il s’agit donc de déterminer l’efficacité, à court et à long terme, des efforts d’intégration régionale sur le plan des marchandises, des services, de la coopération et de la bonne gouvernance économique à travers des domaines liés au commerce (concurrence, investissement, propriété intellectuelle…).
L’intégration régionale au sens «large du terme» (Stratégie européenne RUP) est l’un des objectifs majeurs de l’APE mais également un objectif consacré à l'égard des RUP dans une optique d'insertion régionale. Cependant, un certain nombre de facteurs inhérents à l’Accord nuisent, d’une part, à l’intégration régionale et, d’autre part, à l’efficacité de l’APE.
2.4.1 L’absence de consultation des Conseils régionaux et des Conseil généraux des RUP dans le cadre des négociations de l’APE, a minimisé leur rôle dans la Caraïbe. Ces derniers ont une certaine expertise des secteurs offensifs et défensifs (3) des RUP et grâce à des Comités régionaux de pilotage ils peuvent faire à tout moment état du résultat de leurs études; les États généraux de l’Outre-mer, à l’initiative du gouvernement français, apportent, d’ailleurs, beaucoup d’éléments de réponses aux obstacles à l’APE. En outre, de par leur proximité géographique et culturelle, Ces institutions ont déjà un certain nombre de liens avec les États du Cariforum.
2.4.2 L’absence des RUP dans le Comité Cariforum-CE «Commerce et développement», le Comité parlementaire Cariforum-CE et surtout le Comité consultatif Cariforum-CE, réduit leur influence dans l’Union européenne. Le CESE recommande donc d’intégrer aux différents Comités de suivis précités, et selon les cas, des parlementaires, des membres de la société civile ou encore des représentants des autorités locales issus des RUP.
2.4.3 L’absence de consultation de la société civile des RUP qui se trouve au quotidien confrontée aux problèmes liés à la difficulté de faire du commerce avec les États de la Caraïbe (infrastructures, quotas, «négative listes») nuit aux échanges directs avec la société civile des États du Cariforum.
2.4.4 Le CESE encourage les parties concernées à favoriser l'entrée des RUP au sein des institutions régionales caribéennes, telles que le Cariforum ou l’OECS (4), en tant qu'observateurs. En effet, un certain nombre de décisions engageant la région caribéenne sont prises au sein de ces instances et tant que les RUP seront absentes, même en tant qu’observateurs, il ne pourra pas y avoir de véritable insertion régionale.
2.5 Le transport
2.5.1 Le CESE souligne que la libéralisation des biens et des services ne peut se faire que par le biais de moyens de transports et d’infrastructures adaptées. La zone Caraïbe ne jouit pas de moyens de transports suffisants. Il est vrai qu’il existe deux compagnies aériennes et deux compagnies maritimes qui assurent le transport de personnes entre les îles. Néanmoins, il ne s’agit pas d’une desserte régulière et le transport de marchandises n’est pas assuré. En dépit de l'allocation spécifique de 275,6 millions d'euros dédiée aux RUP (Guadeloupe, Martinique et Guyane) pour compenser les surcoûts liés à leur situation géographique, les RUP de la zone Caraïbe souffrent de problèmes de frets dont les coûts sont très élevés et d’une législation européenne en matière de cabotage inadaptée à des régions insulaires.
2.5.2 Pour pallier à ces difficultés, les RUP ainsi que les États du Cariforum ont pensé à un système de cargo ou de ferry. Toutefois, en l’absence de fonds nécessaires, ces projets n’ont pu aboutir.
2.5.3 Dans son article 37, l’APE fait référence aux transports dans un chapitre réservé à l’agriculture et à la pêche sans donner de solutions claires alors que les RUP et les États du Cariforum avaient déjà envisagé des solutions communes.
2.5.4 Il serait opportun dans le cadre du prochain programme FED de mettre en place une ambitieuse politique structurelle visant à doter l’ensemble de la Caraïbe d’un système de transport adapté à des régions insulaires.
2.6 La résolution des litiges civils et commerciaux n’a fait l’objet d’aucune mention dans l’APE. En cas de litige entre une entreprise venant du Cariforum et une autre venant des RUP, aucune disposition ne permet de résoudre les conflits de juridiction, les conflits de loi ou encore la procédure d’exequatur. L’accord ne prévoit que des solutions de règlement des différends nés de l’interprétation et de l’application de l’APE. Cependant, dans le cadre d’un APE, il serait opportun d’envisager des options juridiques à la hauteur d’un tel accord.
3. Observations particulières – Analyse de la zone Caraïbe
3.1 Agriculture
La banane est un fruit produit en quantité dans la zone Caraïbe et constitue l’une des principales ressources économiques des RUP. Avec plus de 10 000 emplois, les exportations de bananes représentent respectivement 14 % et 24 % des exportations guadeloupéennes et martiniquaises vers l’Union européenne; la banane a un poids économique et social prépondérant dans les RUP. L’Union européenne a toujours eu conscience de l’enjeu stratégique de la production de banane: le programme d’aide POSEI, approuvé par la Commission européenne le 22 août 2007, a prévu une enveloppe financière annuelle de 129,1 millions d’euros pour ces RUP. Néanmoins, cette aide paraît loin d’être suffisante car, outre les problèmes liés aux conditions météorologiques, la banane des RUP est menacée par les fournisseurs de bananes dollars dont la part de marché au sein de l’UE atteint 73,4 % depuis la libéralisation du marché (selon l’ODEADOM (5)). De surcroît, le 15 décembre 2009, l’UE a paraphé un accord avec les pays producteurs d’Amérique latine visant à abaisser les droits de douane sur la banane de 176 euros la tonne à 114 euros d’ici 2017, ce qui rend la situation des RUP et de certains États du Cariforum plus précaire.
3.1.1.1 La banane représente également un intérêt tout particulier pour les autres États du Cariforum. À titre d’exemple, à la Dominique, la banane représente, à elle seule, 18 % du PIB et emploie 28 % de la main-d’œuvre. La crise du secteur banane ne touche pas que les RUP si bien qu’à Sainte-Lucie, on ne compte désormais plus que 2 000 planteurs de bananes de nos jours, contre 10 000 en 1990.
3.1.1.2 Le CESE estime qu’il y aurait intérêt de constituer une organisation professionnelle inter-Caraïbe ayant pour but de fournir à l’UE une part plus importante dans la distribution de la banane de la Caraïbe. Ce d’autant que certains États du Cariforum (Sainte-Lucie, Dominique…) fournissent de la banane à d’autres pays (Canada…) ayant des normes sanitaires et de traçabilité proches de celles de l’UE.
3.1.2 Canne-Sucre-Rhum: la filière de la canne joue également un rôle très important au sein des RUP; avec respectivement 32 % et 13 % de la superficie agricole utilisée (SAU) en Guadeloupe et en Martinique, elle emploie plus de 6 500 personnes à temps plein. La production de sucre s’élève, pour la campagne 2006-2007, à 5 849T pour la Martinique et 80 210T pour la Guadeloupe. La production de rhum, s’élevant à 79 352 HAP (6) en Martinique et 74 524 HAP en Guadeloupe se révèle être d’une importance stratégique non négligeable quant à sa commercialisation en dehors des RUP.
Légumes et fruits ne sont pas des ressources suffisamment exploitées compte tenu de la richesse des sols de ces RUP. Cependant, il s’avère que les RUP ont opté pour une diversification de leur production agricole. L’année 2006 montre que la Guadeloupe a produit 17 218T de fruits et que la Martinique en a produit 8 666T. Cette même année, la Guadeloupe a produit 43 950T de légumes frais et la Martinique en a produit 37 892T. En outre, la Guadeloupe produit des plantes aromatiques et à parfums (vanille), du café, du cacao, des épices, des plantes médicinales (activité horticole représente 179 ha) et la Martinique produit principalement de l’ananas et certaines épices (activité horticole 105 ha). Par conséquent, il s’agit d’un pan agricole d’avenir d’autant que ces RUP désirent élargir les échanges avec les autres pays de la Caraïbe tant en ce qui concerne le commerce régional et international des produits qu’en ce qui concerne la recherche et le développement.
3.1.3.1 Le but de cette diversification est de satisfaire complètement la demande alimentaire interne (autosuffisance) car l’agriculture des RUP se caractérisait par la prédominance des cultures de banane et de canne destinées à l’exportation. À titre d’exemple, pour l’année 2008, l’importation de la viande de porc a connu une progression de 10 % en Martinique et 68,2 % en Guadeloupe. En outre, les légumes représentent 67 % des importations totales de produits frais en Guadeloupe. Pour atteindre cette autosuffisance, les agriculteurs des RUP ont récemment opté pour des organisations interprofessionnelles qui permettent de regrouper les acteurs du secteur de la production, en passant par l’agro-transformation et les approvisionneurs, pour aboutir à la distribution. Ainsi, l’ensemble de la chaîne est représentée et chacun des membres a un rôle important à jouer dans le processus décisionnel de l’interprofession (7). Cependant, ce système juridique n’existe pas dans les îles voisines qui souffrent d’une absence d’organisation ce qui les pénalisent pour faire du commerce agricole avec les RUP.
3.1.4 Obstacles au commerce de produits agricoles entre les RUP et les États du Cariforum
3.1.4.1 L’agriculture est au centre des moyens de subsistance et du développement de la région et donc un secteur défensif pour les RUP. Les soucis majeurs de la région sont notamment la sécurité alimentaire, l’absence d’infrastructures et les droits de douane limitant le commerce régional et la protection sociale.
3.1.4.2 Au point de vue de la sécurité alimentaire, les États du Cariforum ont une production de fruits et légumes ne répondant pas à l’intégralité de la législation européenne. Bien qu'utilisant des méthodes de HACCP (8), leur production ne répond pas aux standards de la législation européenne. Ceci est d'autant plus délicat que les RUP ne disposent pas de certains produits que les États du Cariforum possèdent en grande quantité.
3.1.4.3 L’APE prévoit dans son article 40 qu’en matière de sécurité alimentaire, les parties peuvent, dans des situations provoquant ou pouvant «provoquer de graves difficultés» recourir à la clause de sauvegarde. Cependant, l'accès dans de courts délais à cette possibilité peut-être difficile pour les RUP. En outre, les mesures sanitaires et phytosanitaires de l’Accord (9) (SPS) envisagent d’aboutir à des normes SPS intrarégionales, en accord avec les normes de l’OMC, afin d’aboutir à des mesures harmonisées avec celles de l’UE par le biais d’aménagements bilatéraux sur la reconnaissance de l’équivalence des mesures SPS. Cependant, les RUP qui s’astreignent à la législation européenne, ne jouissent toujours pas d’une appellation «RUP» concernant leur produits agricoles et de la mer telle que maintes fois demandée par le CESE (10), par les autorités locales (11) et par les Parlementaires européens (12). Enfin, les RUP ne font pas partie de l’autorité compétente pour la mise en œuvre des mesures SPS visant à faciliter le commerce intrarégional, ni des négociations ayant trait aux aménagements bilatéraux.
3.1.4.4 Le CESE partage donc avec l’APE le désir de développer les capacités de commercialisation pour «les échanges entre les États du Cariforum comme entre les parties, ainsi que l’identification des solutions envisageables pour améliorer l’infrastructure de commercialisation et le transport» (Article 43.2.b). L’Accord précise également que l’identification d’options de financement et de coopération pour les producteurs et les négociants fait partie des objectifs majeurs en matière agricole et de pêche.
3.1.4.5 Un certain nombre de produits transformés (confitures, café…) issus des RUP sont sanctionnés par des «negative lists» (taux de douane) aux douanes de certains autres pays de la Caraïbe, ce qui rend plus difficile leur vente au sein de ces pays. En dépit des articles 9 et suivants de l’APE relatifs aux droits de douane, les RUP, compte tenu de leur situation particulière au sein de la Caraïbe, de leurs spécificités reconnues par les articles 349 et 355 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le CESE recommande aux parties concernées d'envisager des réductions anticipées des droits de douane entre les RUP et les États du Cariforum dans l'optique de favoriser leurs relations commerciales dans zone Caraïbe.
3.2 Pêche
3.2.1 En matière de pêche, de grands progrès sont à faire après un désaccord initial au sujet de savoir si la pêche constituerait un accord séparé, ou si elle ferait partie d’un APE. La communauté européenne à refusé de traiter les questions de pêche régionale comme un accord séparé et a préféré conclure des accords bilatéraux sur l’accès à la pêche.
3.2.2 L’APE prévoit dans son article 43.2.e d’aider les opérateurs du Cariforum à se conformer aux normes techniques, sanitaires et de qualités nationales, régionales ou internationales en vigueur pour les poissons et produits de la pêche.
3.2.3 L’objectif de l’Union européenne, par le biais de la Politique Commune de la Pêche (PCP), est de privilégier une vision à long terme de la gestion de la pêche. Le principe de précaution régit la PCP afin de protéger et de conserver les ressources bioaquatiques et de réduire le plus possible les incidences des activités de pêche sur les écosystèmes marins. Toutefois, la zone Caraïbe, dans son ensemble, n’est pas dans la même situation, puisque les RUP restent soumises à une législation très rigide (zones d’interdiction totale de pêche, règlementation de la pêche à la langouste, au strombus gigas et au hérisson, dispositif de concentration des poissons (13)…) que ne connaissent pas les autres États du Cariforum. La gestion de la pêche est dévolue à chaque État membre, mais ne tient pas compte des particularités de la zone Caraïbe, ce qui pénalise la pêche hauturière dans cette zone.
3.2.4 Le CESE recommande donc de gérer la pêche dans le bassin caribéen en accord avec les États du Cariforum.
3.3 Aquaculture
3.3.1 La pêche dans la Caraïbe concerne particulièrement les espèces proches du littoral: le lambi (gros gastéropode marin dont on exploite la chair dans de nombreuses recettes locales), le mérou, la langouste, le vivaneau ainsi que plusieurs autres espèces des massifs coralliens. L’exploitation de ressources marines pélagiques débute seulement, en raison du manque de navires hauturiers et des carences liées aux eaux tropicales.
3.3.2 Ces dernières années, la demande des marchés locaux s’est développée grâce à l’industrie touristique. À cela, il faut ajouter des incitations à exporter sur le marché américain et européen, le résultat étant une surexploitation qui, à terme, mènera à une réduction majeure des ressources halieutiques dans toute la région.
3.3.3 Aujourd’hui presque tous les pays de la zone Caraïbe sont importateurs de produits de la mer. Jusqu’alors l’abondance avait éliminé tout intérêt de l’aquaculture et la majorité des pays de la région n’ont que peu de tradition d’élevage. Aussi, malgré l’accroissement de l’aquaculture planétaire, la région Caraïbe n’a que peu développé sa production aquacole.
3.3.4 Ce n’est qu’avec les années 2000 que l’on voit une nette amélioration de l’aquaculture. En 2004, la production aquacole de la Martinique atteint ainsi 97T (10 tonnes de langoustines de rivière, 12T de saint-pierre et 75T de loups de Caraïbes).
3.3.5 Les aides octroyées aux RUP pour la production aquacole sont principalement celles issues des conseils régionaux et de l’IFOP (14). Cependant, cette aide semble insuffisante tant l’avance de certains États de la Caraïbe est importante (en Jamaïque la production est estimée à 6 000T en 2002 selon la FAO) mais aussi parce que cette aide n’éradique pas encore la nécessité pour les RUP d’importer des produits de la mer en provenance du Venezuela, de l'Union Européenne et de certains pays d’Asie.
3.3.6 Le CESE recommande vivement d’envisager le développement aquacole commun dans la zone Caraïbe par des aides telles que le FED et le FEADER.
3.4 Tourisme
3.4.1 Le tourisme est une source de revenu importante pour les RUP. La zone Caraïbe dispose d’un avantage de départ. Son environnement naturel pour le tourisme est incomparable à toute autre région du monde. Sa situation géographique est unique, se plaçant parmi les marchés touristiques les plus importants au monde. En outre, étant donné le marché touristique mondial, les produits touristiques des deux cotés de l’Atlantique créent de nouvelles normes plus exigeantes afin de satisfaire aux attentes des touristes qui visitent la zone Caraïbe.
3.4.2 Néanmoins, le CESE se doit de souligner les disparités liées aux infrastructures touristiques existantes entre les RUP et les autres États de la Caraïbe qui mettent l’accent sur un tourisme de masse et plus diversifié (tourisme de croisière, tourisme nautique et, à moindre mesure, écotourisme) alors que les RUP obligés de se limiter à offrir un tourisme de niche, plus saisonnier et principalement francophone. Cette disparité est rendue possible par une certaine précarité sociale dont souffrent les travailleurs des États du Cariforum.
3.4.3 Le CESE tient également à souligner que le tourisme entre les îles est assez restreint. En effet, mis à part le tourisme de croisière, il s’avère que seules deux compagnies aériennes et deux compagnies maritimes assurent la desserte entre les îles de la Caraïbe. En outre, lorsque les habitants d’un État du Cariforum veulent se rendre dans les RUP voisines, ils doivent faire une demande de visa qui peut prendre plusieurs mois avant de pouvoir s’y rendre. La conjonction de ces deux éléments limite le tourisme mais aussi les relations commerciales régionales.
3.4.4 Le CESE se réjouit que l’APE ait été attentif aux services touristiques en lui accordant un certain nombre de règles en matière de prévention des pratiques anticoncurrentielles, de PME, de normes de qualité et environnementales, de coopération et d’assistance technique. Cependant, aucune disposition ne fait mention d’un tourisme caribéen, notamment avec les RUP, seule la présence temporaire de personnes physiques à des fins professionnelles est envisagée dans le cadre de l’APE.
3.4.5 L’espace Caraïbe, tel que définit par le secrétariat des Nations unies (15) compte 250 millions d’habitants, et les seules îles de la Caraïbe comptent 41 millions d’habitants. Toutefois, cet espace se caractérise aussi comme une zone souffrant d’interconnexions difficiles entre les îles, ce qui ne favorise pas un tourisme régional. Par conséquent, manquer l’opportunité d’un marché touristique Caribéen au sens large serait dommageable pour les RUP comme pour les États du Cariforum.
3.4.6 Le CESE estime qu'il serait profitable de créer une zone de tourisme caribéenne en structurant mieux les services.
3.5 Services
3.5.1 Le commerce de services est en pleine expansion: le succès de ce secteur est réel, c'est donc un secteur offensif pour les RUP. Alors que la part des exportations de marchandises dans l'économie des Caraïbes a diminué, celle des exportations de services s’est accrue, en grande partie grâce au tourisme. La région a pleinement conscience du potentiel que représente le commerce de services. Le tourisme, l’assurance, la construction, les services environnementaux, les énergies renouvelables, conseil (qualité et marketing), maintenance qualifiée, la communication, les transports, voilà autant de secteurs qui favorisent le commerce et la croissance économique de la région.
3.5.2 Le CESE estime que les RUP ont un rôle important à jouer dans l’exportation de services au sein de la zone Caraïbe car des pays tels qu’Haïti et la République dominicaine, qui représentent à elles seules un peu moins de 20 millions d’habitants, sont désireuses d’acquérir des services de santé ou des services aux entreprises selon le modèle des RUP. En outre, en matière de téléphonie mobile, certains opérateurs sont déjà présents dans certains États de la Caraïbe (République dominicaine) mais ils pourraient et voudraient avoir une place plus importante.
3.5.3 En dépit des articles 75 et suivants de l’APE qui ne s’attardent qu’au commerce entre les États du Cariforum et l’UE continentale, la libéralisation accélérée des services dans la Caraïbe (République Dominicaine) en y incluant les RUP permettrait de saisir certaines opportunités pour chaque partie de l’accord dans une logique gagnant-gagnant.
3.6 PME/PMI
3.6.1 Les PME et PMI ont besoin d’un environnement stable avec des règles transparentes et un accès aux procès les plus avancés. Depuis l’année 2000, les trois-quarts des entreprises qui composent le tissu économique des RUP sont de petites unités n’ayant aucun salarié (INSEE (16)). En 2007, les créations d’entreprises ont connu un essor non négligeable. L’industrie (18 %), le commerce de gros et de détail (12,8 %) mais surtout les services (un peu plus de la moitié des créations d’entreprises) ont fait l’objet d’un bond important.
3.6.2 Les PME/PMI des départements d’outre mer présentent inévitablement des coûts et des prix supérieurs à celle des pays voisins, mais elles représentent aussi les garanties de qualité à la norme CE. Ces garanties imposées aux RUP, et que les États du Cariforum ignorent, doivent faire l’objet d’une appellation «RUP» (voir aussi 3.1.4.3).
3.6.3 Dans une approche globale, le CESE estime qu’il serait d’un grand intérêt d’améliorer l’accès à ce type de structures pour un bon fonctionnement du marché Caribéen. Dès lors, sur la base conjointe des travaux entamés par la Commission (17) et du CESE (18) au sein de l’UE, il serait opportun de proposer des solutions concrètes en faveur de la création de petites et moyennes unités de production. Ainsi, la mise en place de délais de paiement, la réduction des charges bureaucratiques, la mise en réseau, les investissements ou encore la formation tout au long de la vie dans les petites et moyennes entreprises seraient autant d’instruments permettant à la région de la Caraïbe d’avoir une compétitivité pérenne.
3.6.4 Il serait donc judicieux dans le cadre du programme de développement régional et/ou du prochain FED de mettre en place une politique audacieuse visant à favoriser la création de PME/PMI en réseau avec l’ensemble de la région Caraïbe.
Bruxelles, le 17 février 2010.
Le Président du Comité économique et social européen
Mario SEPI
(1) Les ACP sont les 79 États d'Afrique, Caraïbe et Pacifique qui ont signé l'accord de Lomé en 1975. Puis, l'accord de Cotonou en 2000.
(2) Le 11 décembre 2009, Haïti s'est joint à cet accord.
(3) Les comités consultatifs des RUP ont déterminé un certain nombre de secteurs dans lesquels elles ont des parts de marché importantes et qui sont porteurs pour leurs économies (secteurs sensibles) et d’autres secteurs qui se révèlent être en danger et qui seraient, sans l’aide de l’UE, susceptible de disparaître rapidement (secteurs défensifs).
(4) Organisation of the Eastern Caribbean States: une organisation régionale regroupant neuf États de la Caraïbe.
(5) Office pour le développement de l’économie agricole des départements d'outre-mer (ultramarine).
(6) Hectolitres d'alcool pur.
(7) IGUAFLHOR est l’Interprofession Guadeloupéenne de Fruits et Légumes et de l’Horticulture.
(8) Hazard Analysis and Critical Control Point: système d’autocontrôle d’origine américaine, est utilisé dans le domaine agro-alimentaire et est basé sur sept principes fondamentaux. C’est donc un système qui identifie, évalue et maîtrise les dangers significatifs au regard de la sécurité des aliments. Ce système est intégré dans certains actes européens (directive 93/43: hygiène des aliments) et absent d’autres (règlement 178/2002).
(9) Articles 52 et suivants de l’APE.
(10) JO C 111, 19.8.2008, p. 72.
(11) États généraux de l’outre-mer.
(12) Par exemple Madeleine Degrandmaison MPE.
(13) Note, de la direction-générale - politiques internes de l’union, la pêche en Martinique, janvier 2007.
(14) Instrument structurel d’orientation de la pêche dont dispose la Commission visant à adapter et à moderniser les équipements du secteur.
(15) L'espace Caraïbe comprend l'arc antillais (Grandes Antilles et Petites Antilles), la péninsule du Yucatán, la façade caraïbe de l'Amérique centrale, ainsi que les plaines côtières de Colombie, du Venezuela et le plateau des Guyanes.
(16) Institut national de la Statistique et des Études économiques.
(17) COM(2007) 724 final et COM(2008) 394 final.
(18) Avis sur «Les différentes mesures politiques, hormis un financement approprié, susceptibles de contribuer à la croissance et au développement des petites et moyennes entreprises»JO C 27 du 3.2.2009, p. 7; avis sur les «Marchés publics internationaux»JO C 224 du 30.8.2008, p. 32; avis sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: “Think Small First”: Priorité aux PME – Un “Small Business Act” pour l'Europe»JO C 182 du 4.8.2009, p. 30.