52010DC0126




[pic] | COMMISSION EUROPÉENNE |

Bruxelles, le 31.3.2010

COM(2010)126 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN

L’assistance alimentaire humanitaire

SEC(2010)374

Introduction

Conformément à l’orientation du Consensus sur l’aide humanitaire[1], et plus généralement pour promouvoir les meilleures pratiques dans la fourniture d’assistance alimentaire humanitaire par l’Union européenne et ses États membres, les principaux buts de la présente communication sont les suivants:

1) porter à un maximum l’efficacité et l’efficience de l’assistance alimentaire de l’Union, conformément au mandat humanitaire de la Commission défini par le cadre juridique humanitaire, et conformément au règlement financier[2];

2) améliorer la cohérence, la coordination et la complémentarité des politiques entre la Commission, les États membres et les autres donateurs dans la fourniture d’assistance alimentaire;

3) informer les partenaires et les parties prenantes des objectifs, priorités et normes de la Commission dans la fourniture d’assistance alimentaire humanitaire.

La présente communication définit donc le cadre politique pour l’assistance alimentaire humanitaire de l’Union européenne. Elle explique les questions et tendances à prendre en compte; les concepts, définitions et objectifs qui devraient guider l’assistance alimentaire humanitaire; les principes qui devraient sous-tendre ce travail; et la portée des activités entreprises.

Le document de travail des services de la Commission qui l’accompagne explique, dans une perspective opérationnelle plus détaillée, comment la Commission programme, met en œuvre et coordonne son assistance alimentaire humanitaire.

La présente communication devrait être lue en regard de la communication de la Commission sur la sécurité alimentaire («An EU policy framework to assist developing countries in addressing food security challenges»). Deux communications distinctes sur ces thèmes proches sont jugées nécessaires pour respecter leurs orientations stratégiques différentes, à savoir l’assistance alimentaire liée à des objectifs humanitaires pour des populations affectées par des crises dans des contextes d’urgence et la sécurité alimentaire liée à des objectifs de développement. Les deux cadres politiques ont été conçus de manière à garantir la cohérence et à prévenir un chevauchement dû à un manque de coordination.

CONTEXTE

Le phénomène des catastrophes naturelles augmente, souvent exacerbé par l’impact du changement climatique, en affectant davantage de populations que par le passé. Les conflits et la répression continuent de miner la capacité des populations à maintenir leurs moyens d’existence au jour le jour, et engendrent souvent en grand nombre des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays. La croissance rapide de la population augmente les pressions qui pèsent sur les ressources naturelles. Dans de nombreuses régions du monde en développement, ces facteurs forcent des populations vulnérables à entrer davantage en concurrence pour les ressources naturelles et peuvent aboutir à la naissance de nouveaux conflits.

L’impact de ces tendances aggrave la vulnérabilité des populations les plus pauvres dans le monde, et plus particulièrement sur les plans alimentaire et nutritionnel. L’insécurité alimentaire chronique, là où l’insuffisance de la production alimentaire ou une incapacité à acheter des denrées alimentaires suffisamment nourrissantes aboutit à des inadéquations durables et persistantes dans la quantité ou la qualité des aliments consommés, est un facteur de malnutrition chronique. Cette situation a alors des conséquences irréversibles et dommageables pour le développement des enfants et la productivité à long terme, ce qui aggrave encore la pauvreté et la vulnérabilité. Les plus pauvres, avec une moindre capacité de résistance, subissent aussi de plein fouet l’exposition aux conséquences des catastrophes. Celles-ci peuvent provoquer des interruptions plus passagères mais dramatiques de la consommation d’aliments (insécurité alimentaire transitoire), qui entraînent une malnutrition aiguë et des risques élevés de morbidité et de mortalité.[3]

De fait, le nombre de personnes sous-alimentées qui sont affectées à la fois par l’insécurité alimentaire chronique et transitoire2 a augmenté de 172 millions, pour passer de 848 millions en 2006 à 1,02 milliard en 2009[4]. 95 % de ces personnes sous-alimentées vivent dans des pays en développement et une proportion croissante d’entre elles vivent en milieu urbain, où elles sont plus particulièrement exposées à l’impact de l’instabilité des prix des denrées alimentaires et des crises économiques/financières. La malnutrition aiguë est de plus en plus importante, puisqu’elle affectait 8 % des enfants âgés de moins de 5 ans dans le monde au cours de la période 1995-2003 et qu’elle est passée à 11 % au cours de la période 2000-2006[5].

10 % environ des personnes qui sont sous-alimentées connaissent l’insécurité alimentaire en conséquence d’une catastrophe ou d’une situation d’urgence et il faut s’attendre à ce que les besoins alimentaires qui en découlent sur le plan humanitaire et pour le développement continuent à augmenter. Il est donc essentiel que les ressources humanitaires disponibles soient utilisées de la façon la plus efficiente et la plus efficace en s’adaptant à cet environnement plus complexe et tendu, et que les décisions s’inspirent des meilleures pratiques, qui évoluent rapidement.

D ÉFINITIONS ET OBJECTIFS

L’assistance alimentaire humanitaire vise à garantir la consommation de denrées alimentaires suffisantes, sûres et nourrissantes dans l’attente, au cours, et dans le sillage d’une crise humanitaire, lorsque la consommation alimentaire serait autrement insuffisante ou inadéquate pour éviter une mortalité excessive[6], des taux d’urgence de malnutrition aiguë[7], ou des mécanismes d’adaptation nuisibles. Il s’agit notamment de garantir la disponibilité de nourriture, l’accès à des denrées nourrissantes, une bonne connaissance de la nutrition et des pratiques alimentaires appropriées. L’assistance alimentaire peut faire intervenir la fourniture directe de denrées alimentaires, mais peut faire appel à une large panoplie d’outils, notamment le transfert ou la fourniture de services pertinents, d’intrants ou de matières premières, d’argent liquide ou de bons, de compétences ou de connaissances.

L’assistance alimentaire humanitaire peut aussi servir à protéger et renforcer les moyens de subsistance d’une population affectée par une crise, à empêcher ou inverser les mécanismes d’adaptation négatifs (comme la vente de moyens de production ou l’accumulation de dettes) qui pourraient avoir des conséquences dommageables, tant à court terme qu’à long terme, pour la base de leurs moyens de subsistance ou leur situation au regard de la sécurité alimentaire et de la nutrition.

Une consommation alimentaire adéquate ne saurait en soi garantir une nutrition adéquate. Une mauvaise santé peut empêcher la digestion et l’assimilation d’éléments nutritifs, ce qui sera un facteur de malnutrition. En conséquence, il faudra aussi des interventions complémentaires, visant notamment à garantir la sécurité de la préparation des aliments (comme, par exemple, la fourniture de combustibles pour la cuisson) ou l’accès à l’eau potable ainsi qu’aux services d’hygiène et de santé, parallèlement à une assistance alimentaire directe, pour prévenir ou traiter la malnutrition.

Au niveau du concept, les 15 dernières années ont été marquées par une importante évolution, puisqu’on est passé d’une aide alimentaire à base de matières premières comme réponse par défaut à des besoins alimentaires d’urgence à une panoplie plus vaste d’outils d’assistance alimentaire humanitaire conçus pour agir sur les divers symptômes et causes de l’insécurité alimentaire transitoire.

Le cadre conceptuel suivant met en évidence les différentes causes profondes, les facteurs aggravants, ainsi que les symptômes et conséquences de l’insécurité alimentaire, qui sont eux-mêmes à la base des définitions et objectifs de l’assistance alimentaire humanitaire adoptés par la Commission:

[pic] Adapté du cadre conceptuel de l’UNICEF pour la malnutrition 1997

Conformément aux objectifs principaux de l’aide humanitaire de l’Union définis dans le règlement (CE) n° 1257/96 du Conseil du 20 juin 1996 concernant l’aide humanitaire, l’objectif principal de l’assistance alimentaire humanitaire est de sauver et de préserver des vies, de protéger les moyens de subsistance et de renforcer la capacité de résistance des populations qui sont confrontées à des crises alimentaires en cours ou prévues avec un degré élevé de certitude[8]ou qui se remettent de ces crises .

Ceci doit être réalisé par le biais des objectifs spécifiques de l’assistance alimentaire humanitaire, comme suit;

1) sauvegarder la disponibilité, l’accès et la consommation de denrées alimentaires adéquates, sûres et nourrissantes pour des populations affectées par des crises humanitaires en cours, prévues avec un degré élevé de certitude ou récentes, de manière à éviter une mortalité excessive[9], une malnutrition aiguë, ou d’autres effets et conséquences constituant des menaces pour la vie;

2) protéger les moyens de subsistance menacés par des crises récentes, en cours ou imminentes, réduire à un minimum les dommages pour la production alimentaire et les systèmes de commercialisation, et établir les conditions favorisant la réhabilitation et la restauration de l’autonomie; et

3) renforcer les capacités du système d’aide humanitaire internationale, pour que la fourniture d’assistance alimentaire soit plus efficace et plus effective.

PRINCIPES

Dans le respect de ces objectifs, la fourniture d’assistance alimentaire humanitaire devrait s’inspirer des principes suivants. Ces derniers sont cohérents avec les principes généraux régissant la fourniture d’aide humanitaire de l’Union européenne tels qu’ils sont énoncés dans le Consensus européen sur l’aide humanitaire:

Les modalités de l’assistance alimentaire doivent impérativement respecter les principes humanitaires fondamentaux d’ humanité , d’ impartialité , de neutralité et d’ indépendance . Les décisions concernant l’attribution de l’assistance alimentaire humanitaire seront strictement fondées sur les besoins. Le financement sera accordé de manière objective, en fonction de ces principes, pour améliorer la consommation alimentaire des personnes qui sont dans le plus grand besoin, sans parti pris ni préjugé.

À cette fin, l’Union et ses États membres veilleront à ce que leurs réponses en matière d’assistance alimentaire humanitaire soient précédées et inspirées par des évaluations détaillées des besoins et par des analyses causales qui soient aussi précises et d’actualité que possible.

Les priorités pour le financement des interventions d’assistance alimentaire humanitaire seront fixées en fonction i) de la gravité de la crise et de l’ampleur des besoins non satisfaits, ii) de l’urgence de la crise et iii) de l’impact attendu de la réponse. Néanmoins, l’Union s’est également engagée à faire preuve de solidarité au niveau mondial, à partager les efforts pour couvrir les besoins alimentaires urgents non satisfaits et à réagir aux crises oubliées.

L’Union européenne et ses États membres soutiendront les opérations d’assistance alimentaire humanitaire avec des ressources flexibles, de manière à fournir la réponse la plus appropriée et la plus efficace dans un contexte spécifique. La conception de toute réponse devrait passer par une comparaison de plusieurs solutions en matière d’activités et d’outils sur la base de leur rapport coût-efficacité pour faire face aux besoins définis.

Lorsque l’aide alimentaire sera considérée comme l’outil le plus approprié, les achats sur place (c’est-à-dire les achats dans le pays des opérations) ou, à titre secondaire, les achats d’aliments dans la région (c’est-à-dire l’approvisionnement auprès des pays voisins) seront privilégiés de manière à maximiser le caractère acceptable des produits alimentaires, protéger ou soutenir les marchés locaux, et réduire les coûts de transport et les délais de livraison.

L’assistance alimentaire humanitaire de l’Union devrait être axée sur les résultats, mesurer les retombées et l’impact de ses opérations (et évaluer également les pratiques d’autres acteurs ainsi que les recherches pertinentes) et en tirer des enseignements pour la conception des interventions d’assistance alimentaire humanitaire ultérieures.

L’Union européenne et ses États membres s’efforceront par conséquent de veiller à ce que toutes les opérations d’assistance alimentaire humanitaire qui sont financées puissent faire l’objet d’un suivi sans obstacle.

L’Union et ses États membres s’attacheront à ne pas nuire dans le processus de fourniture d’assistance alimentaire humanitaire. Par exemple, ils veilleront à ce que, dans toute la mesure du possible, les besoins alimentaires humanitaires soient satisfaits de façon à ne pas créer une dépendance indue à l’égard du système d’aide, sans perturber non plus le fonctionnement des marchés, sans exposer par ailleurs les bénéficiaires à des risques indus lors de la réception de l’aide, tout en réduisant à un minimum les impacts négatifs sur l’environnement et en veillant à ce que des conflits à propos des ressources naturelles ne soient pas déclenchés ou attisés. L’Union et ses États membres veilleront, particulièrement en cas de conflits, à évaluer correctement les risques en matière de protection et les possibilités de protection lorsqu’ils examineront les conséquences respectives d’une intervention et d’une non-intervention[10].

L’Union et ses États membres intégreront les perspectives alimentaires dans toutes les évaluations des besoins d’assistance alimentaire et dans les réponses qu’ils y apportent, et accorderont une attention particulière aux besoins nutritionnels spécifiques de groupes vulnérables définis (notamment les enfants de moins de deux ans et les femmes enceintes et allaitantes).

L’Union et ses États membres s’attacheront au respect de la dignité humaine dans la fourniture de l’assistance alimentaire humanitaire. Ils chercheront à associer les communautés bénéficiaires dans l’identification des besoins ainsi que dans la conception et la mise en œuvre des réponses. Ils veilleront à ce que les besoins particuliers de groupes vulnérables parmi leurs bénéficiaires (par exemple les personnes handicapées, âgées ou atteintes de maladies chroniques) soient pris en compte dans la conception des réponses d’assistance alimentaire humanitaire.

En reconnaissant la différence des besoins, des capacités et des rôles des femmes, des jeunes filles, des garçons et des hommes, l’Union et ses États membres chercheront systématiquement à intégrer les considérations d’égalité des sexes dans les évaluations des besoins alimentaires humanitaires, dans la conception des réponses d’assistance alimentaire humanitaire et dans l’analyse de leur impact.

Les opérations d’assistance alimentaire humanitaire et les interventions visant à développer la sécurité alimentaire devraient être conçues et mises en œuvre de telle sorte qu’elles garantissent ensemble une couverture optimale des besoins d’aide urgents et des besoins de développement, qu’elles se succèdent dans un continuum ou coexistent dans un contiguum 2, comme cela est le cas dans de nombreux États fragiles. Elles devraient être coordonnées et finalement imbriquées de manière à maximiser les possibilités d’obtenir des effets durables, dans la poursuite de l’objectif ultime de l’autonomie des victimes de crises alimentaires.

L’assistance alimentaire humanitaire de l’Union respectera donc les principes des «liens entre l’aide d’urgence, la réhabilitation et le développement» (LRRD) et facilitera leurs objectifs, conformément à la communication de la Commission de 2001 sur le sujet[11], au Consensus européen sur l’aide humanitaire de 2007[12] et aux dispositions de l’accord-cadre de partenariat[13].

CHAMP D’APPLICATION DES ACTIONS D’ASSISTANCE ALIMENTAIRE HUMANITAIRE

Afin de réaliser les objectifs définis plus haut, les actions d’assistance alimentaire humanitaire ont essentiellement pour vocation de sauver des vies en apportant une aide visant à répondre à des besoins humanitaires fondamentaux dans le domaine alimentaire et nutritionnel. Néanmoins, il s’agit aussi de remplir des fonctions de soutien, en contribuant plus particulièrement à réduire les risques et la vulnérabilité, et en améliorant le caractère approprié et efficace de l’assistance alimentaire humanitaire grâce au renforcement des capacités et des initiatives en leur faveur.

Le champ d’application opérationnel de l’assistance alimentaire humanitaire de la Commission

La Commission peut déclencher une réponse d’assistance alimentaire humanitaire dans les cas suivants:

1) en raison d’une consommation alimentaire inadéquate, lorsque des taux d’urgence[14] de mortalité ou de malnutrition aiguë ont été atteints ou dépassés, ou sont anticipés sur la base de prévisions fiables[15]; ou

2) des moyens de subsistance compromis ou des stratégies d’adaptation extrêmes (notamment la vente de moyens de production, les migrations induites par des pénuries alimentaires, le recours à des pratiques de survie à risque) présentent, ou ont une forte probabilité de présenter à terme, une grave menace pour la vie ou un risque de souffrances extrêmes, qu’ils découlent ou soient sources d’une consommation alimentaire inadéquate.

Reconnaissant qu’une crise alimentaire débute parfois, et devrait trouver une réponse, avant que l’état nutritionnel ne se détériore, la Commission n’attendra pas nécessairement que le taux de malnutrition aiguë augmente pour fournir une assistance alimentaire humanitaire mais répondra aussi à des risques humanitaires bien définis qui constituent une menace pour la vie. La Commission n’a pas non plus besoin qu’une catastrophe soit formellement déclarée pour réagir.

Lorsqu’elle se posera la question de savoir s’il convient de répondre à une crise alimentaire donnée et comment, la Commission accordera une attention soutenue aux avantages et inconvénients comparatifs de ses instruments humanitaires. Elle se fondera sur une analyse soigneuse des besoins et des causes; sur un examen du type de réponse qui sera le mieux à même de répondre à ces besoins de la façon la plus appropriée sans nuire; et sur un examen serré des différentes sources de financement existantes.

La Commission reconnaît que ses instruments humanitaires ne possèdent pas un avantage comparatif dans le règlement de l’insécurité alimentaire chronique. En principe, elle ne recourra pas à une assistance alimentaire humanitaire pour traiter l’insécurité alimentaire chronique, sauf dans les cas suivants: lorsque l’absence d’intervention présente un risque humanitaire immédiat ou imminent[16] d’une ampleur et d’une gravité significatives; lorsque d’autres acteurs plus appropriés, et notamment ceux qui gèrent ses propres instruments d’aide au développement, ne peuvent ou ne veulent pas agir et ne sauraient être persuadés d’agir; et lorsque, malgré ses inconvénients relatifs, son intervention peut, selon toute attente, avoir un impact positif dans les délais impartis. Dans ces cas, la Commission ne s’engagera dans l’assistance alimentaire humanitaire que sur la base du dialogue, de la coordination et d’actions de sensibilisation avec des acteurs potentiels du développement, là où ils existent, et après avoir défini une stratégie de sortie claire et réaliste, garantissant une transition coordonnée et évitant ainsi des chevauchements dus à une absence de coordination.

La Commission envisagera le retrait progressif de ses interventions d’assistance alimentaire humanitaire lorsque les indicateurs de malnutrition aiguë, de mortalité et de démarches extrêmes d’adaptation (liés à une consommation alimentaire inadéquate ou une piètre utilisation des aliments), seront revenus de façon stable au-dessous des seuils d’urgence[17], ou laisseront prévoir une stabilisation au-dessous de ces seuils, indépendamment de l’aide humanitaire de la Commission. Il s’agit pour la majorité de la population affectée par la crise d’obtenir, pendant une période prolongée et pour l’avenir prévisible, des améliorations de la consommation alimentaire et de l’utilisation de la nourriture, sans recourir à des stratégies d’adaptation nuisibles.

La Commission envisagera aussi le retrait progressif de son aide humanitaire lorsque des acteurs non humanitaires (par exemple l’État ou des acteurs du développement) seront capables de couvrir le déficit alimentaire de la population ou lorsque les besoins humanitaires de la population seront intégralement couverts par d’autres donateurs et acteurs humanitaires.

La Commission évaluera à tout moment ses stratégies de désengagement humanitaire sur la base d’une comparaison de ses avantages particuliers par rapport à d’autres acteurs disponibles et évitera de décourager d’autres acteurs, plus appropriés, de s’engager en retardant son propre désengagement. Elle incitera les acteurs les plus appropriés du milieu de l’aide d’urgence et de l’aide au développement à s’engager, en fonction du contexte et des besoins.

La Commission envisagera aussi de se retirer d’opérations d’assistance alimentaire humanitaire lorsque les principes essentiels de l’assistance alimentaire humanitaire ne peuvent être respectés et, en particulier, lorsque le risque de nuire l’emporte sur les avantages potentiels du maintien d’un engagement.

Répondre aux besoins alimentaires et nutritionnels fondamentaux des populations affectées par les crises

L’Union et ses États membres réagiront aux différents symptômes et aux causes sous-jacentes de l’insécurité alimentaire transitoire et de la malnutrition aiguë avec une gamme d’activités et d’outils, pour régler directement les problèmes de disponibilité des aliments, d’accès à l’alimentation et d’utilisation des denrées alimentaires. Ils faciliteront une programmation complémentaire, multisectorielle et intégrée pour garantir que les besoins humanitaires en matière d’alimentation soient traités de façon globale et efficace.

Le choix de l’instrument d’intervention et de transfert le plus approprié (par exemple en espèces ou en nature) doit être propre au contexte et reposer sur des faits; il doit par ailleurs faire l’objet d’un réexamen régulier. La pertinence et l’avantage comparatif de l’option proposée – ou de la combinaison d’outils à utiliser – doivent être démontrés sur la base d’évaluations des besoins et d’analyses causales qui soient aussi précises et d’actualité que possible.

L’assistance alimentaire humanitaire s’attachera plus particulièrement à fournir aux bénéficiaires un accès en temps utile à une alimentation sûre et équilibrée, en quantité et qualité suffisantes[18] pour satisfaire leurs exigences diététiques. Là où c’est possible, l’assistance alimentaire devrait aussi se conformer aux préférences alimentaires locales et être acceptable pour les bénéficiaires.

Le renforcement ou la protection des moyens de subsistance agricoles et non agricoles (par exemple la fourniture de services vétérinaires pour les troupeaux de bétail vulnérables, ou l’amélioration du stockage des récoltes de l’agriculture) constitue une intervention d’urgence légitime et appropriée dans certains contextes humanitaires, pour autant qu’ils sont déclenchés par des besoins urgents et répondent à des objectifs humanitaires dans un délai approprié et défini.

Parallèlement aux mesures d’assistance alimentaire qui ont trait directement aux exigences de la consommation alimentaire, des mesures complémentaires (par exemple les mesures de santé publique) sont considérées comme essentielles, même si elles n’ont pas de répercussions directes sur la disponibilité de nourriture, l’accès à la nourriture ou son utilisation. Elles ont un effet déterminant sur la façon dont le corps humain est apte à utiliser la nourriture et influencent ainsi les résultats nutritionnels. L’Union et ses États membres reconnaissent les besoins alimentaires et nutritionnels spéciaux de groupes spécifiques parmi leurs bénéficiaires (par exemple les jeunes enfants, en particulier de moins de deux ans[19], les femmes enceintes/allaitantes, les personnes âgées, et celles qui vivent avec le VIH/SIDA[20]). Lorsque ces groupes sont inclus dans des opérations d’assistance alimentaire humanitaire sur la base de leurs besoins alimentaires et nutritionnels, la réponse devrait prendre en considération leurs exigences particulières en fournissant des denrées alimentaires suffisamment nourrissantes et adaptées.

Actions de soutien

Les interventions alimentaires humanitaires de l’Union doivent prendre en compte les possibilités d’inclure la réduction des risques de catastrophes (RRC), la préparation aux catastrophes, l’atténuation de leurs effets ainsi que leur prévention dans les limites des missions humanitaires, des règlements et des objectifs de l’assistance alimentaire. La stratégie d’assistance alimentaire humanitaire de la Commission devrait être inspirée par la stratégie exposée dans la communication de la Commission sur une stratégie de l’UE pour le soutien à la réduction des risques de catastrophes dans les pays en développement[21].

La Commission reconnaît que les initiatives en matière de réduction des risques de catastrophes (comme les systèmes d’alerte précoce et les stocks alimentaires stratégiques) exigent souvent un soutien à long terme, une prise en charge nationale ou régionale et un examen minutieux des perspectives économiques et politiques. Il est donc estimé que le soutien de routine de ces initiatives se situe au-delà de l’avantage comparatif des acteurs humanitaires. Néanmoins, l’action humanitaire de la Commission peut rechercher des résultats simultanés de réduction des risques tout en fournissant une assistance alimentaire et peut aussi contribuer au renforcement, au pilotage et à l’extension à court terme d’initiatives de RRC, en collaboration avec des acteurs du développement. En respectant le principe «ne pas nuire», les actions devraient éviter d’aggraver la vulnérabilité des bénéficiaires et l’exposition aux risques liés à d’autres crises.

L’expérience et la gamme de compétences limitées des acteurs humanitaires limitent souvent le recours aux interventions d’assistance alimentaire les plus appropriées. En conséquence, l’Union et ses États membres reconnaissent la nécessité d’investir dans le renforcement de la capacité du système humanitaire à dispenser des formes plus variées et plus appropriées d’assistance alimentaire.

L’élévation des niveaux d’insécurité alimentaire chronique se traduit par l’accroissement du nombre de personnes qui seront vulnérables dans les crises à venir. Faute d’être enrayé, ce phénomène multipliera les exigences à l’égard de ressources humanitaires limitées. Il faut donc faire jouer la coordination et la sensibilisation pour influencer les débats de politique publique et les décisions en matière d’octroi de ressources des gouvernements nationaux et des acteurs du développement dans le sens de la satisfaction des objectifs en matière de sécurité alimentaire. Les campagnes de sensibilisation doivent viser les acteurs de l’État pour qu’ils s’acquittent de leurs responsabilités fondamentales en matière de sauvegarde de la sécurité alimentaire de leur population. Les campagnes de sensibilisation doivent aussi viser les acteurs du développement (y compris les gouvernements) pour ce qui concerne les besoins de développement des populations dans des contextes de crise.

Il faut promouvoir l’intégration efficace de l’assistance humanitaire et de l’aide au développement par le biais de la LRDD, en veillant à ce que le système d’aide international fonctionne de façon cohérente et transparente pour s’attaquer à la faim et à la vulnérabilité. Les campagnes de sensibilisation devraient veiller à ce que les efforts collectifs recouvrent simultanément les besoins d’urgence, de transition et de développement et facilitent l’émergence d’une bonne gouvernance et de politiques nationales et internationales allant dans ce sens (par exemple pour les échanges commerciaux et les migrations).

L’Union et ses États membres soutiennent l’idée d’une coordination inclusive de l’assistance alimentaire humanitaire régie par une gouvernance et un leadership forts et dotés de moyens. Cela passe par une coordination étroite avec les acteurs humanitaires nationaux compétents. Dans le cadre de la réforme de l’ONU et de l’action humanitaire, la Commission entérine «l’approche par groupes» en matière de coordination, et soutient tous les efforts pour qu’elle fonctionne de façon efficace dans les secteurs de l’alimentation et de la nutrition, en veillant à prendre en compte l’architecture mondiale de la gouvernance de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et de l’alimentation.

[1] En décembre 2007, le Conseil de l’Union européenne a adopté le Consensus sur l’aide humanitaire (Consensus européen sur l’aide humanitaire: 2008/C 25/01). Dans le plan d’action qui l’accompagne et qui a été adopté comme document de travail des services de la Commission en 2008 (Consensus européen sur l’aide humanitaire – Plan d’action: SEC(2008)1991), la Commission européenne prend implicitement acte du domaine en évolution rapide des meilleures pratiques dans le secteur alimentaire et s’engage plus particulièrement à élaborer des démarches diversifiées en matière d’assistance alimentaire et à ajuster ses politiques en conséquence.

[2] Règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil du 25 juin 2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248 du 16.9.2002, p. 1).

[3] Voir le glossaire à l’annexe A du document de travail des services de la Commission.

[4] Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 19 juin 2009.

[5] Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) «La Situation des enfants dans le monde», statistiques 2005 et 2008.

[6] La mortalité «excessive» implique la combinaison de mesures absolues en fonction de seuils d’urgence établis (conformément au manuel Sphere, à l’UNICEF et au comité permanent de la nutrition des Nations unies (SCN)), et de mesures relatives en fonction de références spécifiques au contexte.

[7] Suivant la définition du comité permanent de la nutrition des Nations unies (SCN) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

[8] De telles «prévisions» devraient se fonder sur des indicateurs d’alerte précoce et démontrer une inadéquation ou une détérioration critique de la consommation alimentaire qui, faute de déclencher une réaction précoce, deviendra une menace pour la vie dans un délai correspondant au mandat humanitaire de la Commission européenne.

[9] Voir les notes 6 et 7.

[10] Voir les lignes directrices de la DG ECHO pour le financement de la protection humanitaire; 21 avril 2009.

[11] Communication de la Commission sur les liens entre l’aide d’urgence, la réhabilitation et le développement, 2001: Conclusions .

[12] Consensus européen sur l’aide humanitaire, 2007: section 2.4, article 22; section 3.4, article 53; section 5; annexe.

[13] Accord-cadre de partenariat de la DG ECHO 2008: article 8.

[14] La Commission définit une urgence sur la base d’une combinaison de seuils absolus (par exemple Sphere, OMS etc.) et d’indicateurs relatifs au regard d’une norme contextuelle.

[15] Une telle «anticipation» devrait reposer sur des indicateurs d’alerte précoce qui démontrent une inadéquation ou une détérioration critique de la consommation alimentaire, lesquelles, faute d’une réponse précoce, deviendront une menace pour la vie dans un délai correspondant au mandat humanitaire de la Commission.

[16] Voir le glossaire à l’annexe A du document de travail des services de la Commission.

[17] Voir la note 14.

[18] La quantité, mesurée en composition énergétique, et la qualité, mesurée en termes de sécurité alimentaire et selon la composition en protéines, macro et micro-éléments nutritifs. La norme Sphere/OMS pour l’exigence quantité de nourriture/énergie est de 2 100 kilocalories par personne et par jour, en moyenne pour toutes les classes d’âge. L’OMS/l’UNICEF/le programme alimentaire mondial (PAM)/le Haut Comité des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sont convenus de normes pour la qualité de la nourriture/composition en micro-éléments nutritifs ( Food and Nutrition Needs in Emergencies, Nov. 2002) bien qu’elles fassent actuellement l’objet d’un réexamen.

[19] Les enfants de moins de deux ans étant ceux qui sont le plus exposés aux risques de maladie et de malnutrition, et pour lesquels il existe un créneau pour garantir des avantages sanitaires et cognitifs à long terme grâce à un apport adéquat d’éléments nutritifs.

[20] Voir les lignes directrices de la DG ECHO concernant le VIH, adoptées en octobre 2008.

[21] COM(2009)84.