11.2.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 44/148


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen»

COM(2009) 154 final — 2009/0157 (COD)

2011/C 44/25

Rapporteur: M. CAPPELLINI

Le 20 novembre 2009, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen»

COM(2009) 154 final — 2009/0157 (COD).

La section «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 15 juin 2010.

Lors de sa 464e session plénière des 14 et 15 juillet 2010 (séance du 14 juillet 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 119 voix pour et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité se félicite de la proposition actuelle de la Commission, tout en reconnaissant qu'elle reste très en deçà des perspectives ouvertes par le Livre vert et encore plus des propositions formulées par le CESE dans son avis du 26 octobre 2005.

1.2   Le Comité estime que cette proposition de règlement offre à la société civile un instrument intéressant qui permet d'accroître la prévisibilité juridique en la matière et de régler plus rapidement et à moindre coût les successions internationales dans les États membres de l'UE. Le CESE attire l'attention de la Commission sur la nécessité de procéder à une révision des différentes versions linguistiques de la proposition de règlement afin de garantir leur cohérence ainsi que l'utilisation d'une terminologie juridique adéquate.

1.3   Le Comité exprime quelques préoccupations concernant notamment le rôle de la loi des États qui ne sont pas membres de l'UE, ainsi que certaines caractéristiques du certificat successoral. Afin d'y remédier, il recommande de reformuler l'article 26 et d'allonger le délai prévu au paragraphe 2 de l'article 43. Exposer et analyser en profondeur un document aussi compliqué que l'est cette proposition de règlement exigerait d'étirer le document de travail bien au-delà des normes habituelles du Comité.

1.4   Le Comité recommande vivement l'adoption des modifications suivantes à la proposition de règlement:

i.

insérer aux paragraphes 1.2 et 3.2 de son exposé des motifs les phrases: «Ces règles différentes entravent et retardent également l'exercice du droit de propriété de l'héritier légitime sur les biens du défunt» et «Une action unilatérale des États membres ne suffirait pas pour atteindre tous les objectifs de la présente proposition de règlement» (voir les paragraphes 3.4.3 et 3.4.4 ci-après);

ii.

ajouter à son article 1, paragraphe 1, l'expression «revêtant un caractère international», afin de poser clairement que cette proposition de règlement ne s'applique qu'à de telles successions (voir le paragraphe 4.1.1 ci-après);

iii.

remplacer dans son article 21, paragraphe 1, le terme «ultérieures à» par «supplémentaires à» ou «autres que» dans toutes les versions linguistiques (voir le paragraphe 4.3.8 ci-après);

iv.

remplacer les dispositions actuelles de son article 25 par les suivantes: «Caractère universel: le présent règlement précise la loi applicable même si cette loi n'est pas celle d'un État membre» (voir le paragraphe 4.3.9 ci-après);

v.

remplacer les dispositions actuelles de son article 26 (intitulé, dans la version anglaise, «renvoi» au lieu de «referral») par les suivantes: «Si le défunt n'avait pas choisi de loi selon l'article 17 et si la loi applicable en vertu du présent règlement est celle d'un État qui n'est pas membre de l'UE et dont les règles de conflit désignent comme applicable la loi d'un État, membre ou non membre de l'UE, qui appliquerait sa propre loi, alors la loi de cet autre État est applicable. Le présent article ne s'applique pas à des pactes successoraux dont le facteur de rattachement visé par l'article 18, paragraphe 2, est la loi avec laquelle les liens sont les plus étroits» (voir le paragraphe 4.3.10.1 ci-après);

vi.

ajouter l'adverbe «manifestement» devant l'expression «incompatible» pour toutes les versions linguistiques du règlement, ainsi que l'adjectif «international» à l'expression «ordre public» au moins en français et en italien (voir le paragraphe 4.3.11 ci-après);

vii.

remplacer à l'article 27, paragraphe 2 l'expression «ses modalités» par «ses dispositions» dans toutes les versions linguistiques (voir le paragraphe 4.3.12 ci-après);

viii.

prolonger à neuf ou douze mois la période visée à l'article 43, paragraphe 2 (voir le paragraphe 4.6.1 ci-après).

2.   Contexte

2.1   La proposition à l'examen traite d'une question complexe, qui est essentielle pour toute personne qui a sa résidence habituelle (y compris les quelques extensions prévues par l'article 6) dans l'Union européenne, quelle que soit sa nationalité. Un livre vert sur les successions et testaments (1) a lancé sur une large base un processus de consultation en matière de successions internationales, tant ab intestat que testamentaires.

2.2   L'importance concrète de la présente proposition de règlement, en tant qu'instrument uniforme de normalisation, résulte de la diversité actuelle des législations des États membres en ce qui concerne:

a)

la détermination de la loi applicable,

b)

le champ de compétence de leurs juridictions en matière de testaments et successions internationaux,

c)

les conditions de reconnaissance et d'exécution d'un jugement rendu dans un autre État membre de l'UE,

d)

les conditions de reconnaissance et d'application d'un acte authentique établi dans un autre État membre de l'UE.

2.3   Dans un souci de clarté, la proposition de règlement qui fait l'objet du présent avis vise à créer un régime uniforme pour ces règles, qui relèvent toutes du droit international privé, et à subordonner les effets des testaments et successions internationaux au droit qui leur est applicable selon la règle du for (un État membre de l'UE) en matière de conflits de lois que prévoit la proposition de règlement. À l'inverse, la présente proposition de règlement n'a pas vocation d'affecter en soi le droit matériel national des États membres de l'UE qui régit la qualité, les droits et les obligations des héritiers en matière de biens (ou de patrimoine) du défunt. De plus, le certificat successoral européen qu'institue le chapitre VI n'a pas nature d'exception mais ne fait qu'établir la preuve de qualité et ne prévoit pas de dispositions matérielles nationales uniformes sur les conditions nécessaires à la reconnaissance de ladite qualité. D'une manière générale, abstraction faite de la présente proposition de règlement, le droit matériel national ne relève pas des compétences prévues par l'article 65, lettre b, du traité.

3.   Observations générales

3.1   Dans son avis (2) sur le livre vert sur les successions et testaments, le CESE a notamment:

a)

salué le livre, considérant «les questions posées comme fondamentales et urgentes»,

b)

attiré l'attention de la Commission sur «les problèmes fiscaux qui peuvent se poser aux héritiers d'un patrimoine localisé dans deux ou plusieurs pays»,

c)

exprimé ouvertement son intérêt en faisant observer qu'il «considère la question des testaments et successions comme une question d’intérêt majeur pour les citoyens européens; la simplification des formalités comme la plus grande sécurité juridique et fiscale et la plus grande rapidité du règlement des successions internationales qu’ils attendent d’une initiative communautaire ne doivent pas être déçues».

3.2   Compte tenu de la structure et des dispositions concrètes que présente la Commission dans sa proposition de règlement, il convient, quatre ans après l'examen du livre vert, de mettre à jour cette déclaration d'intérêt du CESE pour la question des testaments et successions, qu'il considère «d’intérêt majeur pour les citoyens européens».

3.3   Le potentiel et les parties prenantes de la proposition actuelle de règlement

3.3.1   Il convient de relever que dans son avis (3), le CESE engageait la Commission à prendre en considération les questions fiscales et exprimait son intérêt pour une «plus grande sécurité (…) fiscale». Toutefois, eu égard à son champ d'application, vu l'étroitesse des compétences prévues par l'article 65 du traité, la proposition à l'examen traite des testaments et des successions sous l'angle du droit international privé et n'est pas destinée à exercer un effet direct sur le droit des États membres en matière de fiscalité des testaments et successions internationaux.

3.3.2   Si toute personne qui choisit de rédiger un testament le fait avant son décès et peut le révoquer jusqu'à ce qu'il survienne et si les règles relatives aux successions sont d'application dès qu'il meurt, il faut attendre ce moment pour que ledit testament et la succession prennent effet et aient valeur opérante sur le plan juridique et développent leurs conséquences patrimoniales. La proposition de règlement concerne donc tout un chacun, dans toutes les catégories d'acteurs de la société civile.

3.3.3   Cependant, par souci de clarté quant à son champ d'application, il convient de relever que la présente proposition de règlement:

a)

ne s'applique qu'aux testaments et successions qui présentent un caractère international – qu'elle ne définit d'ailleurs pas – et non aux successions purement nationales, qui sont bien plus nombreuses,

b)

s'applique aux individus, c'est-à-dire aux personnes physiques, et non aux personnes morales de droit privé ou public.

3.4   Objectifs et principe de subsidiarité

3.4.1   Si la proposition de règlement à l'examen vient sensiblement accroître la prévisibilité juridique de tous les domaines qu'elle régit, c'est assurément à cause de la nature uniforme et contraignante qu'un règlement européen revêt pour les États membres de l'UE, leur législation et leurs juridictions. Sa valeur ajoutée directe réside dans cet effet. C'est pourquoi il convient d'assurer prioritairement la qualité et la précision de la rédaction de ses dispositions.

3.4.2   L'objectif déclaré de «supprimer toutes les entraves à la libre circulation des personnes» ne devrait faire oublier que la question de savoir si un individu possède ou non la qualité «d'héritier» ou s'il possède des «droits» légaux sur les biens d'un défunt dans un État membre de l'UE ne relève pas des prescriptions du droit international privé, qui est l'objet de la proposition de règlement, mais des dispositions matérielles afférentes de la loi nationale des États membres de l'UE applicable aux testaments et successions. À cet égard, la proposition de règlement n'a pas pour conséquence de modifier les dispositions matérielles en la matière, car elle ne les harmonise pas. À la suite de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il convient de réexaminer l'exposé des motifs de la proposition de règlement et de le modifier si besoin est. Comme dans l'ensemble des avis qu'il a consacrés à cette thématique, le CESE réitère l'appel qu'il a lancé concernant la position du Royaume-Uni, de l'Irlande et du Danemark pour que ces États membres marquent leur volonté d'appliquer ce règlement.

3.4.3   Ces clarifications étant posées, on soulignera que le paragraphe 1.2 de l'exposé des motifs de la proposition de règlement allient à une constatation exacte («ces personnes sont donc aujourd’hui confrontées à des difficultés importantes pour mettre en œuvre leurs droits dans le contexte d'une succession internationale») une conclusion moins convaincante et de grande portée, dès lors qu'il s'agit du droit de propriété («ces règles différentes empêchent également le plein exercice du droit de propriété privée»). En lieu et place, il siérait d'adopter une formulation à la fois plus exacte et modérée, telle que: «Ces règles différentes entravent et retardent également l'exercice du droit de propriété de l'héritier légitime sur les biens du défunt».

3.4.4   L'expression «à l'encontre de» dont use l'assertion selon laquelle «Une action unilatérale des États membres irait donc à l'encontre de cet objectif» est quelque peu exagérée. Si les États membres de l'UE le souhaitent, ils peuvent sans tenir compte du règlement à l'examen, poursuivre au moins l'objectif d'uniformiser le choix de la loi applicable en ratifiant la convention de La Haye sur les successions de 1989. De l'avis du CESE, il serait plus opportun, semble-t-il, d'opter pour une formulation plus pondérée, par exemple: «Une action unilatérale des États membres ne suffirait pas pour atteindre tous les objectifs de la présente proposition de règlement».

4.   Observations particulières

4.1   Chapitre I: Champ d'application et définitions

4.1.1   La présente proposition de règlement vise à régir les testaments et successions qui présentent un «caractère international», mais sans définir en quoi consiste celui-ci. Dans un souci de clarté, il convient d'insérer dans la proposition de règlement à l'examen une indication pour signaler qu'elle ne s'applique qu'à des «situations revêtant un caractère international».

4.1.2   Comme l'indique son titre, la proposition de règlement régit à la fois la compétence (chapitre II) et la reconnaissance et l'exécution des décisions (chapitre IV), c'est-à-dire les deux branches du droit international privé qui, exception faite des règles sur la loi applicable, sont l'objet du règlement (CE) 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après «règlement 44/2001»), lequel exclut de son champ d'application les testaments et les successions. Cette exclusion explique qu'il soit si important que l'on ait opté pour qu'en matière de successions internationales, la proposition de règlement à l'examen s'étende et applique des règles uniformes aux trois branches du droit international privé, c'est-à-dire la loi applicable, la compétence et la reconnaissance et exécution des décisions.

4.2   Chapitre II: Compétence

4.2.1   Le Chapitre II (articles 3 à 15) est consacré à la «compétence» et s'applique à toutes les juridictions des États membres et, en tant que de besoin, aux autorités non judiciaires.

4.2.2   Une compétence générale est reconnue aux juridictions de l'État membre sur le territoire duquel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès, manifestement sans qu'il soit posé de conditions de nationalité. Il convient de noter que le régime général de compétence de l'UE, ou lex generalis, à savoir le règlement (CE) 44/2001 reconnaît déjà une juridiction générale sur la base du domicile, en écartant toute considération de nationalité.

Cette compétence générale en vertu de la proposition de règlement s'applique aux défunts qui étaient citoyens de l'UE mais également à ceux qui n'étaient pas ressortissants de l'UE, si au moment de leur décès, ils avaient leur résidence habituelle dans un État membre de l'UE.

4.2.3   Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'était pas située dans un pays de l'Union, les juridictions d'un État membre détiennent néanmoins une «compétence résiduelle» dans de nombreux cas, qui étendent leur compétence bien au-delà du simple cas où le défunt y avait son lieu de résidence habituelle au moment de son décès. Si elle n'est pas une condition aux fins de la compétence générale, la nationalité entraîne une compétence résiduelle.

4.2.4   La proposition de règlement ne prévoit pas que les juridictions de l'État membre dans lequel se trouvent les biens disposent ipso facto d'une compétence générale, sauf, en partie, pour ce qui concerne la transmission de ces biens, leur enregistrement ou leur versement dans la propriété publique.

4.3   Chapitre III: Loi applicable

4.3.1   Le chapitre III établit des règles uniformes (articles 16 à 28) en matière de loi applicable. La règle générale veut que la loi applicable à l'ensemble de la succession soit celle de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. Aucune autre condition, telle que la nationalité, n'est d'application. Il n'est fait aucune distinction entre biens mobiliers et immobiliers.

4.3.2   Il convient de relever que les règles de conflits de lois de la proposition de règlement, qui devront être appliquées par les juridictions des États membres de l'UE, déterminent la loi applicable sans prendre en considération si l'État de ladite loi est membre de l'UE ou non (article 25).

4.3.3   Traditionnellement, le droit international privé reconnaît «l'autonomie des parties», c'est-à-dire la faculté dont elles disposent de choisir la loi applicable. En vertu de la proposition de règlement, une personne peut décider que l'ensemble de sa succession soit régi par une seule loi mais il ne peut opter alors que pour celle de l'État dont il est ressortissant.

4.3.4   Par souci de prévisibilité juridique, un tel choix de la loi applicable à la succession doit être formulé expressément et être déclaré sous la forme d'une disposition à cause de mort.

4.3.5   Il convient de ne pas confondre le choix d'une loi applicable à la succession dans son ensemble avec une autre question, celle des «pactes successoraux». Un pacte qui concerne la succession d'une personne est régi par la loi qui, en vertu de la proposition de règlement, aurait été applicable à la succession de cette personne en cas de décès au jour où l'accord a été conclu. Il est alors fait usage d'autres facteurs de rattachement selon la règle de «favor validitatis».

4.3.6   Du point de vue du droit comparatif et du droit uniforme, la question du champ d'utilisation de la loi applicable est très importante. La proposition de règlement l'étend de telle manière qu'elle régisse l'ensemble de la succession, de son ouverture jusqu'à la transmission définitive de l'héritage aux ayants droit. L'intention est manifestement de traiter du plus grand nombre possible de questions légales aux termes d'une seule et unique loi applicable, de façon à accroître la prévisibilité juridique et réduire les complications et les pertes de temps liées à l'examen d'une ou plusieurs lois (souvent étrangères). La proposition de règlement à l'examen prévoit une longue liste de domaines régis par la loi applicable, qui n'est pas limitative et, de ce fait, couvre également les questions concernant la succession qui n'y figurent pas, depuis son ouverture jusqu'à la transmission définitive de l'héritage aux ayants droits.

4.3.7   Si la loi applicable régit la succession dans son ensemble, de son ouverture jusqu'à la transmission définitive de l'héritage aux ayants droits, elle ne fait pas obstacle à l'application de la loi de l'État du lieu de situation du bien dans la mesure où celle-ci, pour l'acceptation de la succession ou d'un legs ou la renonciation à ceux-ci, prescrit des formalités ultérieures à celles prescrites par la loi applicable à la succession.

4.3.8   En ce qui concerne cette disposition, on recommandera de vérifier si dans l'article 21, paragraphe 1, l'expression «formalités ultérieures à» (c'est-à-dire qui ont lieu ultérieurement) est correcte ou si l'intention était plutôt d'évoquer des formalités «supplémentaires à» ou «autres que». On avancera que dans le contexte de cette disposition, il serait préférable d'utiliser le terme «supplémentaires à» ou «autres que».

4.3.9   Le CESE estime qu'il faudrait clairement établir que la terminologie employée dans la disposition relative au «caractère universel» (article 25) ne renvoie qu'à l'objet réel du chapitre III du futur règlement: définir une loi applicable. Il serait donc à la fois plus simple et préférable de dire: «Caractère universel: le présent règlement précise la loi applicable même si cette loi n'est pas celle d'un État membre».

4.3.10   Si l'on écarte le cas du choix par le défunt de la loi de l'État dont il avait la nationalité (visé à l'article 17), le règlement proposé applique de manière générale la règle du for, de la juridiction de l'État membre de l'UE dans lequel il avait son lieu de résidence habituelle au moment de son décès. Cependant, en vertu de la compétence résiduelle (prévue par l'article 6), la loi d'un État qui n'est pas membre de l'UE peut s'appliquer. En ce cas, il s'impose d'éviter que le règlement à l'examen ne vienne détruire l'unité, profitable à tout défunt et héritier de celui-ci, des facteurs de rattachement qui pourraient déjà exister avec certains pays tiers et qu'il ne donne compétence à un système juridique national qui ne se considère pas, de son point de vue, comme applicable à la succession en question. Afin que cette situation ne se produise pas et pour assurer une coordination meilleure et plus équilibrée entre États membres et non membres de l'UE, on recommandera de remplacer comme suit les dispositions actuelles de l'article 26 (en l'intitulant, dans la version anglaise, «renvoi» au lieu de «referral»):

4.3.10.1

«Si le défunt n'avait pas choisi de loi selon l'article 17 et si la loi applicable en vertu du présent règlement est celle d'un État qui n'est pas membre de l'UE et dont les règles de conflit désignent comme applicable la loi d'un État, membre ou non membre de l'UE, qui appliquerait sa propre loi, alors la loi de cet autre État est applicable. Le présent article ne s'applique pas à des pactes successoraux dont le facteur de rattachement visé par l'article 18, paragraphe 2, est la loi avec laquelle les liens sont les plus étroits».

4.3.10.2

Cette nouvelle disposition adapte au règlement à l'examen (4), tout en s'efforçant de l'améliorer (5), une disposition similaire choisie pour l'importante convention de la Haye sur les successions aux mêmes motifs, à savoir «puisque la plupart des délégations (…) y ont reconnu le souci de ne pas détruire l'unité là où elle existe déjà (6)». De plus, ces dispositions du nouvel article 26 offrent une souplesse conforme au droit et à la pratique en matière de «renvoi» de certains États qui ne sont pas membres de l'UE, par exemple les États-Unis, pour ne citer qu'eux (7).

L'exclusion radicale de toute disposition en matière de «renvoi» dans les règlements «Rome I» et «Rome II» tient simplement à ce que leur objet (les obligations contractuelles et non contractuelles) est fort différent des affaires de successions. Que Rome I et Rome II procèdent à cette exclusion ne constitue pas en soi un argument sérieux pour exclure le nouvel article 26 qui est préconisé ci-dessus et, dans les affaires de succession, revêt une importance capitale et est bénéfique tant pour chaque défunt et ses divers héritiers, quels qu'ils soient, que pour une coordination des facteurs de rattachement qui soit plus équilibrée entre les États membres de l'UE et ceux qui ne le sont pas.

4.3.11   Les dispositions de l'article 27, relatif à l'ordre public, sont classiques mais néanmoins cruciales. Pour suivre un usage assez stéréotypé, on recommandera d'ajouter l'adverbe «manifestement» devant l'expression «incompatible avec l'ordre public» pour toutes les versions linguistiques du règlement, ainsi que l'adjectif «international» à l'expression «ordre public» au moins en français et en italien (et également, si besoin est, dans les autres langues). Spécifiquement conçue pour les questions de successions, l'exclusion de ce dispositif «au seul motif que ses modalités concernant la réserve héréditaire sont différentes de celles en vigueur dans le for» apparaît novatrice et utile.

4.3.12   La version anglaise de l'article 27, paragraphe 2 («its clauses regarding») n'est pas identique à la version française («ses modalités concernant»). Il y a lieu de préférer ici le terme «ses dispositions» (concernant etc.), pour toutes les versions linguistiques du règlement.

4.4   Chapitre IV: Reconnaissance et exécution

4.4.1   Sur le modèle du règlement (CE) 44/2001, le chapitre IV de la proposition de règlement comprend des articles sur la reconnaissance (29 à 33).

4.4.2   Le principe selon lequel les décisions rendues dans un État membre de l'UE en application de la présente proposition de règlement sont reconnues dans les autres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure, aboutira à simplifier les successions internationales en Europe.

4.4.3   La décision rendue dans un État membre n'est soumise à aucune révision sur le fond dans l'État membre saisi d’une demande de reconnaissance, et il n'est prévu que quatre cas où elle ne sera pas reconnue.

4.5   Chapitre V: Actes authentiques

4.5.1   Les successions internationales seront également simplifiées dans une mesure substantielle du fait qu'en vertu de la proposition de règlement, les actes authentiques reçus dans un État membre, qui sont fréquents en matière de successions, seront reconnus dans les autres.

4.6   Chapitre VI: Certificat successoral européen

4.6.1   Le certificat successoral européen prévu par la proposition de règlement constitue la preuve de la qualité d'héritier ou de légataire et des pouvoirs des exécuteurs testamentaires ou des tiers administrateurs. Il est recommandé de prolonger à neuf ou douze mois la période visée à l'article 43, paragraphe 2.

4.6.2   Le modèle de formulaire de demande devrait être simplifié et l'exigence d'informations inutiles par le paragraphe 4.7 devrait être supprimée.

Bruxelles, le 14 juillet 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  COM(2005) 65 final.

(2)  JO C 28 du 3.2.2006, p. 1.

(3)  JO C 28 du 3.2.2006, p. 1.

(4)  Et donc étend le fonctionnement du «renvoi» des pays non membres de l'UE à ceux qui le sont.

(5)  En excluant son action non seulement en cas de «professio iuris» (indication par le défunt de la loi applicable, article 17), mais également en fonction de facteurs de rattachement d'une nature ou d'une méthodologie différentes (clauses d'exception, comme la loi qui a les liens les plus étroits, visée à l'article 18, paragraphe 2).

(6)  Voir le rapport Waters, p. 553, Actes et documents de la XVIe Session du 3 au 20 octobre 1988, t. II, Conférence de La Haye de droit international privé, 1990. Article 4 de la Convention sur la loi applicable aux successions à cause de mort du 1er août 1989. Voir également: P. Lagarde: La nouvelle Convention de la Haye sur la loi applicable aux successions, RCDIP 1989, p.249 (258).

(7)  En ce qui concerne l'article 4 de la convention de La Haye, voir: E. F. Scoles: The Hague Convention on Succession («La Convention de la Haye sur les successions»), American Journal of Comparative Law 1994, p. 85, (113).