21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/62


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile»

COM(2009) 611 final — 2009/0170 (COD)

2011/C 21/11

Rapporteur général: M. KRAWCZYK

Le 20 novembre 2009, le Conseil a décidé, conformément à l'article 80, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile»

COM(2009) 611 final – 2009/0170 (COD).

Le 15 décembre 2009, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux (article 59, paragraphe 1, du règlement intérieur), le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 463e session plénière (séance du 27 mai 2010), de nommer M. KRAWCZYK rapporteur général, et a adopté le présent avis par 157 voix pour et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le système européen actuel d'enquêtes sur les accidents d'aéronefs civils et de comptes rendus d'événements ne fonctionne pas de manière optimale. Il ne prend pas en compte le progrès significatif accompli sur la voie de la création d'un marché unique du transport aérien, notamment par la création de l'Agence européenne de la sécurité aérienne.

1.2   Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission européenne, qui constitue une avancée dans le bon sens en vue de remédier aux inconvénients que comporte l'actuelle fragmentation des enquêtes sur les accidents dans l'UE.

1.3   La proposition de la Commission prévoit la promotion de la coopération volontaire, par le biais d'un réseau européen des autorités responsables des enquêtes de sécurité dans l'aviation civile. Le CESE partage l'analyse de la Commission selon laquelle la création d'une agence européenne chargée des enquêtes sur les accidents dans l'aviation civile serait prématurée.

1.4   Le CESE voudrait insister sur le fait que l'objectif unique des enquêtes sur les accidents et les incidents doit être de prévenir ceux-ci, et non de chercher la faute et de désigner des coupables. Aussi le CESE estime-t-il essentiel d'améliorer encore la formulation de l'article 15 afin de garantir sa parfaite conformité avec les dispositions de l'annexe 13 de la convention de Chicago.

1.5   Le CESE souligne qu'il importe au plus haut point, dans l'intérêt de la sécurité aérienne, que le processus d'enquête sur les accidents soit véritablement indépendant, à l'abri de toute ingérence tant des parties concernées que du grand public, de la politique, des médias et des autorités judiciaires.

1.6   Le CESE aimerait souligner l'importance d'une «culture de la sécurité» et aussi l'importance qu'il y a à ce que tous les États membres de l'UE assurent la mise en œuvre d'une «culture juste» dans leur système pénal national. Il est nécessaire d'agir davantage au niveau de l'UE pour garantir que tous les États membres modifient leur système pénal national en vue de développer une «culture juste».

1.7   Le CESE insiste en particulier sur l'importance de créer, avec la collaboration d'autres parties prenantes, une «charte européenne de la culture juste».

1.8   Le CESE souligne qu'il est important que la procédure d'enquête sur les accidents soit pleinement indépendante de toute ingérence des parties concernées, y compris l'Agence européenne de la sécurité aérienne. Il importe donc d'introduire davantage de mesures de sauvegarde dans la législation pour garantir que les organes chargés des enquêtes sur les accidents conservent le rôle dominant.

1.9   Le CESE souligne qu'il est très important que les familles des victimes disposent d'une liste des passagers en temps utile. Mais il importe tout autant qu'elles disposent de la liste exacte.

2.   Introduction

2.1   L'avion constitue l'un des moyens de transport les plus sûrs. Les statistiques montrent qu'en dépit de l'augmentation massive du trafic aérien depuis la création du marché unique du transport aérien en 1992, l'Union européenne a réussi à accroître le niveau de sécurité de ce mode de transport, si bien que les compagnies aériennes de l'UE figurent parmi les plus sûres du monde.

2.2   Toutefois, rien n'est jamais acquis en matière de sécurité: des efforts constants sont nécessaires pour améliorer le niveau de la sécurité aérienne. Quel que soit le degré de fiabilité du secteur aérien de l'UE, il n'est jamais possible d'exclure que se produisent des accidents ou des incidents graves. Il est donc essentiel de réaliser des enquêtes indépendantes sur de tels accidents ou incidents. L'analyse des circonstances d'un accident donne lieu à des recommandations qui visent à éviter que ce type d'accident ne se reproduise à l'avenir.

2.3   L'obligation d'enquêter sur les accidents d'aéronefs civils est prévue par la convention relative à l'aviation civile internationale («Convention de Chicago»), à laquelle adhèrent tous les États membres. L'annexe 13 de cette convention définit en détail des normes et des pratiques recommandées.

2.4   Consciente de l'importance des enquêtes sur les accidents et les incidents, la Communauté européenne a adopté, dès 1980, la directive 80/1266/CEE sur la coopération et l'assistance mutuelle des États membres dans les enquêtes sur les accidents d'aéronefs (1). La directive de 1980 a été remplacée ultérieurement par la directive 94/56/CE (2). En outre, la directive 2003/42/CE (3) concernant les comptes rendus d'événements dans l'aviation civile a été adoptée en 2003.

2.5   Le système européen actuel d'enquêtes sur les accidents d'aéronefs civils et de comptes rendus d'événements ne fonctionne pas de manière optimale, en raison de sa fragmentation. Il ne prend pas en compte de manière appropriée le progrès significatif accompli sur la voie de la création d'un marché unique du transport aérien, qui a accru le pouvoir de l'UE dans le domaine de la sécurité aérienne, notamment par la création de l'Agence européenne de la sécurité aérienne. C'est pourquoi la Commission a adopté le 29 octobre 2009 un «Projet de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile», qui aurait pour effet d'abroger la législation existante en la matière.

3.   Proposition de la Commission

3.1   La proposition de la Commission prévoit la promotion de la coopération volontaire, c'est-à-dire qu'aux termes du règlement proposé, la coopération informelle existante se transformera en un réseau européen des autorités responsables des enquêtes de sécurité dans l'aviation civile (ci-après «le réseau»). Le réseau n'aura pas de personnalité juridique et son mandat sera limité à une mission de conseil et de coordination.

3.2   En outre, le projet de règlement complète la coopération volontaire par un certain nombre d'obligations légales, comme celles de:

transposer dans le droit de l'Union les normes et pratiques recommandées au niveau international en matière de protection des éléments de preuve et des informations sensibles sur la sécurité, conformément à l'annexe 13 de la convention de Chicago;

mettre en place des exigences communes en matière d'organisation des autorités nationales responsables des enquêtes de sécurité et renforcer le caractère indépendant de ces enquêtes;

mieux coordonner les diverses enquêtes portant sur les causes d'accidents et d'incidents;

préciser les droits et obligations mutuels de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) et des autorités nationales responsables des enquêtes de sécurité, sans compromettre l'indépendance de ces enquêtes;

définir les critères sur la base desquels les autorités responsables des enquêtes de sécurité désigneraient les représentants accrédités de l'État de conception;

répondre au besoin d'une «culture juste» en déterminant les grandes lignes du système non répressif de comptes rendus d'accidents ou d'incidents;

mettre en place des exigences communes aux transporteurs aériens de l'Union en ce qui concerne les listes de passagers et la protection des données qu'elles contiennent (c'est-à-dire l'article 23 de la proposition de règlement);

renforcer les droits des victimes d'accidents aériens et de leurs familles;

renforcer la protection de l'anonymat des personnes impliquées dans un accident;

créer un répertoire commun des recommandations de sécurité et des informations concernant leur suivi.

4.   Observations particulières

4.1   Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission européenne, qui constitue une avancée dans le bon sens en vue de remédier aux inconvénients que comporte l'actuelle fragmentation des enquêtes sur les accidents dans l'UE. Néanmoins, le CESE souligne qu'il importe de contrôler l'efficacité de la proposition, en tenant compte du fait que certains petits États membres ne disposent pas des compétences et/ou des moyens requis dans le domaine des enquêtes sur les accidents. Aussi le CESE encourage-t-il la Commission à définir des critères relatifs au niveau minimum requis de compétences techniques des organes chargés d'enquêtes sur les accidents ainsi que des enquêteurs, et à inciter les États membres à respecter leurs engagements en la matière.

4.2   Le CESE se félicite tout particulièrement de l'approche pragmatique de la Commission, basée sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Le CESE partage l'analyse de la Commission selon laquelle la création d'une agence européenne chargée des enquêtes sur les accidents dans l'aviation civile serait prématurée, même s'il convient de ne pas l'exclure à long terme. Le CESE souligne aussi qu'il importe de veiller à ce que le réseau soit ouvert aux pays tiers frontaliers de l'UE qui entretiennent une coopération étroite avec elle, notamment les États appartenant à la Conférence européenne de l'aviation civile (CEAC).

4.3   Le CESE souligne qu'il importe au plus haut point, dans l'intérêt de la sécurité aérienne, que le processus d'enquête sur les accidents soit véritablement indépendant, à l'abri de toute ingérence tant des parties concernées que du grand public, de la politique, des médias et des autorités judiciaires.

4.4   Le CESE voudrait insister sur le fait que l'objectif unique des enquêtes sur les accidents et les incidents doit être de prévenir ceux-ci, et non de chercher la faute et de désigner des coupables. Aussi le CESE estime-t-il essentiel d'améliorer encore la formulation de l'article 15 afin de garantir sa parfaite conformité avec les dispositions de l'annexe 13 de la convention de Chicago. En particulier, l'idée de faire intervenir davantage les autorités judiciaires et l'intérêt public à d'autres fins que celles des enquêtes sur les accidents serait contreproductive et dissuaderait de rapporter volontairement les événements ou les incidents. Le CESE estime qu'il est essentiel de maintenir une séparation stricte entre le processus d'enquête sur les accidents et toute procédure judiciaire. Ne pas aller dans ce sens pourrait avoir des effets préjudiciables sur la collecte d'informations intéressant la sécurité et par conséquent entraîner un risque de détérioration de la sécurité aérienne dans l'UE. Le CESE insiste sur le fait que cette disposition n'aura pas d'incidence sur le droit des victimes à obtenir une compensation par des procédures indépendantes, distinctes des processus d'enquête sur les accidents. Le CESE insiste sur l'importance de protéger les données sensibles en matière de sécurité ainsi que les employés qui rapportent des événements liés à la sécurité.

4.4.1   Le CESE reconnaît l'importance de la déclaration publiée le 26 avril 2010 par les organisations du secteur du transport aérien au sujet du règlement de l'UE sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile, dans laquelle elles expriment de sérieuses réserves vis-à-vis de la proposition de la Commission (soutenue par le Conseil «transports» du 11 mars 2010), à l'égard de ce qu'elles définissent comme la primauté de l'enquête judiciaire sur l'enquête de sécurité. Ce principe, selon les organisations signataires, compromettrait sensiblement la capacité des enquêteurs, dans le cas d'un accident, à obtenir de manière confidentielle les informations nécessaires à la détermination des facteurs qui contribuent aux accidents; les enquêteurs ne pourraient dès lors formuler en toute connaissance de cause les recommandations de sécurité qui sont nécessaires pour améliorer la sécurité dans l'aviation et éviter de futurs accidents, ce qui serait contraire aux intérêts des passagers aériens européens.

4.5   Le CESE aimerait souligner l'importance d'une «culture de la sécurité» et aussi l'importance qu'il y a à ce que tous les États membres de l'UE assurent la mise en œuvre d'une «culture juste» dans leur système pénal national. Dans l'intérêt de la sécurité aérienne, il est essentiel d'utiliser les conclusions des enquêtes sur les accidents pour prévenir de futurs accidents, et non pour sanctionner des erreurs involontaires, ce qui aurait pour effet d'entraver l'enquête en bonne et due forme sur un accident. Le CESE est d'avis que la réglementation devrait fournir un cadre où toutes les parties concernées par un accident puissent partager des informations et s'exprimer librement et en confiance. Pour garantir une communication ouverte et dans la confiance, il est nécessaire d'assurer la sécurité juridique, c'est-à-dire un ensemble solide de règles juridiques qui définissent sans ambiguïté les cas où des informations relatives à la sécurité peuvent être utilisées ou non, en dehors de l'enquête sur un accident. Sans une telle sécurité, les personnes concernées auraient peur de contribuer à l'enquête. Le CESE souligne qu'il est nécessaire d'agir davantage au niveau de l'UE pour garantir que tous les États membres modifient leur système pénal national en vue de développer une «culture juste». Le CESE insiste en particulier sur l'importance de créer une «charte européenne de la culture juste». Il se félicite donc de l'adoption par les partenaires sociaux du secteur de l'aviation civile européenne de la «Charte pour une culture juste», le 31 mars 2009.

4.6   Il importe, aux yeux du CESE, que les familles des victimes disposent d'une liste des passagers en temps utile. Mais il importe tout autant qu'elles disposent de la liste exacte. Ainsi, le CESE a le sentiment qu'il serait possible de maintenir la disposition fixant un délai d'une heure pour soumettre la liste des passagers à condition de prévoir quelques exceptions pour les cas où le délai serait techniquement intenable, en particulier pour des vols long-courriers partis de pays tiers. Il serait en effet facile pour une compagnie aérienne de produire une liste non vérifiée dans un délai d'une heure, alors qu'il est essentiel de disposer d'une liste vérifiée, notamment pour les vols long-courriers au départ de pays hors UE. Le CESE insiste également sur l'importance de protéger la vie privée et les données, et estime par conséquent qu'il est possible de se contenter des listes de passagers que les compagnies aériennes peuvent produire à partir des systèmes d'enregistrement et de réservation.

4.7   Le CESE souligne qu'il est important que la procédure d'enquête sur les accidents soit pleinement indépendante de toute ingérence des parties concernées, y compris l'Agence européenne de la sécurité aérienne. Il importe donc d'introduire davantage de mesures de sauvegarde dans la législation pour garantir que les organes chargés des enquêtes sur les accidents conservent le rôle dominant. En revanche, l'Agence européenne de la sécurité aérienne pourrait être associée (avec un rôle de conseil) à l'enquête au même titre que les autres parties concernées (compagnie aérienne, constructeur, etc.), mais sans être autorisée à influer sur le cours ou l'issue de l'enquête. Le CESE voudrait notamment faire remarquer que l'AESA ne devrait pas être autorisée à agir en tant qu'enquêteur accrédité sur les accidents, dans la mesure où cela conduirait à un conflit d'intérêts avec son rôle de régulateur de la sécurité et ne serait pas conforme à l'esprit de l'annexe 13 de la convention de Chicago. Néanmoins, le CESE entend aussi souligner combien il importe de transmettre les recommandations résultant des enquêtes à l'AESA, lorsque celle-ci en a besoin pour réagir à des problèmes immédiats de sécurité.

4.8   Le CESE est favorable à la proposition de créer une base de données centralisée des recommandations en matière d'enquête sur les accidents, qui comprendrait les informations concernant leur suivi. Toutefois, le CESE juge essentiel que l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) procède soigneusement, avant toute mesure réglementaire, à une évaluation du gain de sécurité et de l'impact réglementaire de toute recommandation relative à la sécurité – à l'image du système américain, où la FAA examine les recommandations émanant du Bureau national pour la sécurité des transports (US National Transport Safety Board, NTSB).

4.8.1   Le CESE encourage l'UE à prendre des mesures complémentaires pour garantir que les rapports relatifs à des incidents fassent l'objet de l'analyse approfondie qui s'impose et pour favoriser une mise en commun à l'échelle européenne des ressources en la matière.

4.9   Le CESE souligne qu'il importe, au nom de la sécurité, que tous les États membres de l'UE (et hors UE) soient à même de comprendre clairement le contenu du rapport d'enquête sur un accident (article 19). Il arrive fréquemment que les autorités civiles nationales responsables des enquêtes de sécurité ne publient des rapports que dans leur langue nationale, même si des personnes étrangères sont concernées. Le CESE recommande que chaque rapport d'enquête sur un accident soit au moins traduit en anglais.

4.10   Le CESE fait remarquer que la sécurité primera toujours sur d'autres exigences, telles que la protection de la propriété intellectuelle. Mais d'un autre côté, il importe de rehausser les mesures de protection de la propriété intellectuelle (article 15). Il convient que les informations commerciales sensibles ne soient partagées qu'avec les autorités, et soient protégées de toute divulgation aux concurrents. Les fabricants d'équipements d'origine ne devraient pas recevoir toutes les informations relatives aux Certificats de type supplémentaires ou à d'autres changements ou réparations, et inversement (dans la mesure où ces documents peuvent contenir des informations intéressantes du point de vue commercial et relevant de la propriété intellectuelle de l'organisme de conception (DOA), informations sans aucun rapport avec un accident ou incident donné).

Bruxelles, le 27 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  JO L 375 du 31.12.1980, p. 32.

(2)  JO L 319 du 12.12.1994, p. 14.

(3)  JO L 167 du 4.7.2003, p. 23.