19.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 18/18


Avis du Comité économique et social européen sur «L'éducation pour l'inclusion: un outil de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale» (avis exploratoire)

2011/C 18/04

Rapporteure: María Candelas SÁNCHEZ MIGUEL

Par lettre en date du 23 juillet 2009, M. Diego LÓPEZ GARRIDO, secrétaire d'État espagnol pour l'Union européenne du ministère des affaires étrangères et de la coopération, a demandé au Comité économique et social européen, au nom de la future présidence espagnole et conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, d'élaborer un avis exploratoire sur le thème:

«L'éducation pour l’inclusion: un outil de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 mars 2010.

Lors de sa 462e session plénière des 28 et 29 avril 2010 (séance du 28 avril 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 103 voix pour, 13 voix contre et 10 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE se félicite de la décision de consacrer l’année 2010 au redoublement des efforts visant à éliminer l’exclusion et la pauvreté, et souligne l’importance d’utiliser efficacement l’éducation et la formation comme instruments pour atteindre ces objectifs. L’éducation est reconnue comme un instrument de grande importance pour l’inclusion dans la société de ceux qui vivent dans la pauvreté.

1.2

Dès lors que le renforcement de l’éducation comme moyen de lutte contre les inégalités et la pauvreté figure parmi les priorités de la «Stratégie de l’UE pour 2020», et que le trio des présidences tournantes de l’UE composé de l’Espagne, de la Belgique et de la Hongrie compte parmi ses objectifs celui de «L’éducation pour tous», il est loisible de proposer une série d’actions visant à faire de l’éducation et de la formation des instruments efficaces de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

1.3

L’éducation est reconnue en tant que droit humain fondamental depuis les débuts de l’UE, et des efforts positifs considérables ont été déployés pour faire de ce droit un bien public à la portée de tous. Le CESE a contribué à ces efforts sous la forme d’un grand nombre d’avis en la matière. Dans tous ceux-ci, il est reconnu que l’objectif central de l’éducation reste la formation de citoyens libres, dotés d’esprit critique, autonomes et capables de contribuer au développement de la société dans laquelle ils vivent, dotés du niveau élevé de compétences nécessaire pour faire face à de nouveaux défis, en particulier dans le monde du travail, mais aussi conscients de partager des valeurs et une culture, et de la nécessité de préserver pour les générations futures le monde qu’ils habitent.

1.4

Le CESE recommande qu'à partir du concept d’éducation pour l’inclusion, l'UE et les États membres s'emploient à une révision des politiques éducatives, des contenus, des priorités et des structures de l’éducation, ainsi que de l’allocation de ressources, mais aussi à une révision et/ou actualisation des politiques en matière d’emploi, l'offre de services publics de qualité et une attention aux spécificités (enfants, personnes ayant des besoins spéciaux, immigrants, etc.), toutes ces politiques devant inclure une perspective de genre. L’éducation inclusive peut se développer dans de multiples contextes, formels et non formels, dans les familles, dans la communauté, et être telle que tout le poids de l’éducation ne retombe pas sur l’école. Loin d’être une question marginale ou focalisée uniquement sur les pauvres, elle doit être ouverte à tous les groupes sociaux qui en ont besoin. Les raisons qui nous poussent à opter pour une éducation inclusive sont:

éducatives: il est nécessaire qu’un système éducatif de qualité soit ouvert à tous dès la petite enfance;

sociales: l'éducation doit contribuer à un changement des mentalités en créant une société sans exclusion, exempte de discrimination et de préjugés;

économiques: l’éducation inclusive contribue à accroître la compétitivité face aux nouveaux défis économiques et aux nouvelles exigences du marché du travail.

1.5

Des débats ont eu lieu pendant de nombreuses années dans l'UE sur la reconnaissance des résultats de l’éducation non formelle, à savoir une éducation menée en marge des structures traditionnelles d'éducation, et qui complète l'éducation formelle en fournissant aux personnes des compétences pratiques, des compétences génériques, des exemples d'attitudes appropriées et en encourageant la citoyenneté active. Si ces débats n’ont pas débouché sur des accords au niveau de l'UE, l'éducation non formelle est progressivement reconnue comme facilitant l'accès au marché du travail. Le CESE considère que l’UE devrait analyser l’état de cette question dans l'optique de l'éducation pour l'inclusion, raison pour laquelle il recommande:

de rassembler des informations sur les dispositions institutionnelles et techniques existantes, de proposer l’établissement d’indicateurs susceptibles de mesurer les avantages potentiels de la reconnaissance de l’éducation non formelle, et de recueillir des données empiriques sur les personnes qui en bénéficient;

de revoir les modèles de reconnaissance des résultats de l’éducation non formelle, afin d’identifier les plus égalitaires, les plus efficaces et les plus avantageux, en particulier pour les personnes exclues socialement, et de garantir la qualité de l'éducation dispensée;

d'encourager l'échange d'expériences fructueuses entre les États membres;

de faire participer les partenaires sociaux, les organisations de la société civile concernées ainsi que les représentants de l'éducation formelle et non formelle à ce processus.

1.6

Le CESE a signalé dans de précédents avis que l’enseignement public de qualité pour tous est un instrument promoteur de l’égalité et de l’inclusion sociale. Dans ce sens, il est essentiel que tous ceux qui vivent en situation d’exclusion aient accès à une éducation majoritairement publique (1), de qualité, qui leur ouvre les portes du marché du travail et leur permette d’occuper des emplois dignes et bien rémunérés.

1.7

Le CESE recommande enfin que les activités susceptibles d’être développées, sans perdre de vue la cohérence avec les priorités politiques déjà définies, soient catalysatrices d’engagements plus audacieux et ambitieux dans ce domaine, et qu’elles touchent les institutions et les acteurs sociaux les plus variés.

1.8

La conférence organisée par le CESE du 20 au 22 mai 2010 à Florence sur «L'éducation pour lutter contre l'exclusion sociale» s'inscrit parfaitement dans cette optique. Elle se basera en effet sur une approche transversale et réunira un grand nombre d'acteurs dans ce domaine.

2.   Introduction

2.1

Le droit à l'éducation en tant que droit humain fondamental a été reconnu et inscrit dans tous les instruments dont s'est dotée l'Union européenne depuis sa naissance. L'Europe a déployé des efforts soutenus et positifs pour faire de ce droit un bien public à la portée de tous (2). Cependant, des pans de la population restent exclus de ses avantages, ce qui aggrave des situations de pauvreté non encore éradiquée. Les États membres, la Commission et le Parlement européen ont proposé et approuvé d'importantes mesures de lutte contre la pauvreté en recourant à une éducation publique, de qualité et accessible à tous en tant qu'outil d'inclusion. Dans le même esprit, l'UE a décidé que 2010 serait l'année européenne de lutte contre la pauvreté (3).

2.2

De même, l'inclusion sociale et la lutte contre la pauvreté sont parties intégrantes des objectifs de l'Union européenne en matière de croissance et d'emploi. La coordination des politiques nationales relatives à la protection et à l'inclusion sociale suit un processus d'échange et d'apprentissage, dénommé «méthode ouverte de coordination» (MOC), qui s'applique aux domaines relevant de la compétence des États membres, en vue de parvenir à une convergence entre les politiques nationales et d'atteindre des objectifs communs. La MOC contribue à la coordination des politiques sociales, en particulier dans le cadre de la stratégie de Lisbonne renouvelée.

2.3

Par ailleurs, l'éducation et la formation représentent des facteurs primordiaux pour améliorer le développement économique et la cohésion sociale dans nos sociétés. L'échec des efforts visant à réduire les niveaux de pauvreté et les répercussions de la crise économique actuelle du point de vue de l'exclusion sociale rendent d'autant plus pertinente la recherche d'instruments qui permettraient de marquer des points dans l'intégration active.

2.4

Parmi les priorités de l'UE pour la stratégie 2020 (4), la première consiste à «Créer de la valeur en fondant la croissance sur la connaissance». Il est ainsi reconnu que la connaissance est le moteur d'une croissance durable, et que ce sont l'éducation, la recherche, l'innovation et la créativité qui font la différence. Les conclusions du Sommet sur le travail organisé à Prague en mai 2009 vont dans la même direction. Dès lors, face à la crise économique actuelle, fortement ressentie par les travailleurs et les entreprises, en particulier les PME, et au chômage qui a atteint des niveaux historiques, proches de 20,2 %, avec de grandes différences entre les pays de l'UE, il est nécessaire d'intensifier toutes les actions qui contribuent à la création d'emploi, tout en renforçant l'égalité entre les européens, au premier chef desquelles la politique éducative.

2.5

L’enseignement public, qui est l'un des principaux instruments promoteurs d'égalité, fait face aujourd'hui à de nouveaux et de nombreux défis dans un monde de plus en plus globalisé, mais aussi plus inégal, divisé, et asymétrique. L’intégration scolaire et sociale de tous les apprenants est une priorité pour les pouvoirs publics et pour les organisations internationales ou régionales. L’éducation pour l’inclusion est une approche liée à la satisfaction des besoins d’apprentissage de tous les enfants, jeunes et adultes, et notamment de ceux issus des secteurs les plus touchés par la discrimination, la marginalisation, la pauvreté ou l’exclusion sociale.

2.6

L'éducation et la formation peuvent être des instruments efficaces de lutte contre la pauvreté et exclusion sociale. Les jeunes auxquels la société offre moins d'opportunités sont confrontés à des difficultés particulières, liées au fait qu'ils sont issus d'environnement défavorisés au plan éducatif, socio-économique et géographique, ou parce qu'ils sont affligés d'un handicap.

2.7

Selon les principes directeurs de l’UNESCO pour l’éducation inclusive, celle-ci est considérée comme un processus visant à tenir compte de la diversité des besoins de tous les apprenants et à y répondre par une participation croissante à l’apprentissage, aux cultures et aux valeurs de la collectivité, de manière à réduire l’exclusion sociale et la pauvreté. L'éducation inclusive appelle une transformation des contenus, des approches, des structures et des stratégies éducatifs, la refonte qui doit s'ensuivre des systèmes de formation d'enseignants, la disponibilité de ressources accrues, avec une vision commune qui englobe tous les apprenants, et la conviction qu’il est de la responsabilité du système éducatif général d’éduquer tous et toutes. L’éducation inclusive a pour objet d’apporter des réponses adéquates aux besoins d’apprentissage différents des groupes sociaux et peut être mise en œuvre dans le cadre de l’éducation tant formelle que non formelle.

2.8

Loin d’être une question marginale, uniquement relative à la manière d’intégrer certains apprenants dans l’enseignement général, ou une question ne concernant que les plus pauvres, la démarche de l’éducation inclusive consiste à faire évoluer les systèmes éducatifs et les autres cadres d’apprentissage pour les adapter à la diversité des apprenants, en se transformant en un puissant instrument dans la lutte contre la pauvreté. Elle doit permettre tant aux enseignants qu’aux apprenants de se sentir à l’aise avec la diversité et d’y voir un défi et une possibilité d’enrichissement pour l’environnement d’apprentissage plutôt qu’un problème.

2.9

L’apparition du chômage de masse fait naître des situations inédites de pauvreté. Aujourd’hui (5), la crise économique globale n'est qu’une confirmation douloureuse de cette situation. La pauvreté actuelle ne se caractérise pas uniquement par des revenus insuffisants; elle peut se manifester par des accès limités ou inexistants à la santé ou l’éducation, par un environnement dangereux, des discriminations ou préjugés, ou encore par l’exclusion sociale. Un emploi (si ce n'est pas un emploi de qualité) ne constitue plus en lui même un rempart suffisant contre la pauvreté. Et l’extrême pauvreté est plus répandue chez les femmes que chez les hommes: dans l’Union européenne, le risque d’extrême pauvreté est considérablement plus élevé pour les premières dans 17 des États membres. Les familles monoparentales dont le chef de famille est une femme courent un plus grand risque de tomber dans la pauvreté. Dans un monde où 60 % de la population ne vit qu'avec 6 % des revenus mondiaux, où 50 % ne vit qu'avec 2$ par jour et où plus d'un milliard de personnes ont un revenu inférieur à 1$ par jour, l'Europe ne peut se transformer en une forteresse ignorant l'environnement dans lequel elle évolue.

2.10

Les phénomènes croissants de pauvreté urbaine, l'exode de la population rurale vers les zones industrielles et l'immigration de masse constituent un défi pour les politiques sociales de la région. Selon des données EUROSTAT 2009,16 % de la population européenne vivent en-deçà des niveaux de pauvreté, tandis qu'un européen sur dix vit dans un foyer où aucun membre de la famille ne travaille. Dans plusieurs États membres, les enfants sont plus exposés à la pauvreté que le reste de la population: on estime que 19 % (soit 19 millions d'enfants) sont menacés. Il est absolument vital de contribuer à rompre l’engrenage qui mène tant de personnes à la pauvreté, en créant un environnement éducatif stable et sûr, capable de garantir aux apprenants le plein exercice de leurs droits fondamentaux, l’épanouissement de leurs capacités et la concrétisation d’opportunités d’avenir.

3.   Observations générales

3.1

La lutte contre la pauvreté constitue un élément majeur des politiques d’insertion et d’emploi menées par l’UE et les États membres. Jadis considérée comme une politique d’assistance, la lutte contre la pauvreté s’est transformée en lutte contre l’exclusion. Il ne s’agit plus seulement de préserver la société contre les conséquences redoutées de la pauvreté mais de garantir les droits humains de ceux qui sont touchés par ce phénomène. En 2007, au moment de décider que l’objectif de l’année 2010 serait «la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale», le Parlement et le Conseil européens ont déclaré que «il existe actuellement quelque 78 millions de personnes exposées au risque de pauvreté dans l’UE et ce chiffre ne cesse de croître. Cette situation étant en contradiction flagrante avec les principales valeurs communes de l’Union, des mesures s’imposent associant à la fois l’UE et ses États membres».

3.2

Par ailleurs, les États membres de l’ONU ont adopté en 2000 les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), visant notamment la réduction de moitié de l’extrême pauvreté. Ces objectifs – au nombre de huit – doivent être atteints d’ici à 2015. Toutefois, dans le cadre économique actuel, il est reconnu qu’il sera très difficile de faire en sorte que tous les objectifs soient atteints dans les temps. L’UE à précisément décidé de dédier l’année 2010 à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, avec l’intention de redoubler les efforts qu’elle déploie pour atteindre ces objectifs.

3.3

De façon réitérée, le CESE a estimé que la société de la connaissance est un instrument essentiel pour parvenir à la pleine intégration de tous les citoyens, et non seulement d’une élite, et de façon très particulière, qu’elle constitue l’un des moyens d’atteindre les objectifs établis lors du sommet de Lisbonne.

3.4

Le CESE a récemment estimé (6) que les personnes dotées d'un faible niveau éducatif sont celles qui sont le plus exposées aux risques d'exclusion et que le droit à l’éducation doit leur offrir des opportunités d’améliorer leur qualité de vie et d’accéder au marché du travail. Dès lors, les changements économiques, sociaux et technologiques exigent un ajustement du contenu de la formation, surtout si l'on veut répondre aux besoins du marché du travail. En ce sens, le CESE propose d'introduire des changements dans les études, tant scolaires qu'universitaires, de manière à pouvoir les compléter, en cas d'abandon, par une formation professionnelle qui faciliterait l'intégration dans le marché du travail (7). Il s'agit de prévenir et de réparer les dommages causés par l’exclusion sociale.

3.5

Dans cette perspective, le CESE (8) a adopté un avis dans lequel il accueillait favorablement la communication de la Commission sur le thème «Des compétences nouvelles pour des emplois nouveaux». Parmi ses conclusions, on détachera celle-ci: «rehausser les qualifications à tous les niveaux est la condition fondamentale d'une revitalisation de l'économie dans le court terme; c'est aussi, pour le long terme, une condition fondamentale du développement, de l'amélioration de la productivité, de la compétitivité, de l'emploi, de la garantie de l'égalité des chances ainsi que de la cohésion sociale».

3.6

Quoi qu'il en soit, une question est incontournable: celle de savoir ce que recouvre précisément le concept dont nous partons, à savoir celui de l’éducation pour l’inclusion, dès lors qu'au-delà de l'aspect stratégique, il s'agit d'un processus qui oblige à revoir non seulement les politiques éducatives, mais aussi les politiques liées à l'emploi, l'offre de services publics de qualité, et la prise en considération de la diversité de l'univers à éduquer (où l'on trouve hommes et femmes, enfants, jeunes et personnes âgées, migrants, chômeurs, moins-valides ou malades du HIV/SIDA, etc.). En définitive, l’éducation inclusive a pour objectif ultime l'éradication de l'exclusion sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de la conséquence d'attitudes négatives ou de l'absence de mise en valeur de la diversité. Ce processus peut être mis en œuvre dans des contextes multiples, formels ou informels, au sein des familles et de la communauté, afin de ne pas faire retomber tout le poids de cette mission sur l'école.

3.7

Les programmes d'éducation non formelle sont très souvent basés sur des formes de pédagogie et des méthodes de travail non hiérarchiques et participatives et sont étroitement liés à des organisations de la société civile et gérés par elles. De par sa nature et son approche ascendante, l'éducation non formelle a rempli son rôle d'outil efficace de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Dès lors, le CESE souligne que l'éducation non formelle peut également jouer un rôle important dans la mise en œuvre de la stratégie de l'UE «Europe 2020».

3.8

Le succès de l'éducation tout au long de la vie est renforcé par les programmes d'éducation non formelle qui viennent compléter et soutenir l'éducation formelle. Cette interdépendance peut par exemple jouer un rôle majeur pour rendre l'apprentissage plus attrayant aux yeux des jeunes et lutter ainsi contre les décrochages scolaires en introduisant de nouvelles méthodes, en facilitant les transitions entre l'éducation formelle et l'éducation non formelle et en reconnaissant les compétences (9).

3.9

L’OCDE a prêté une attention particulière à l'éducation informelle au moyen d’enquêtes et de projets divers (10). Il n’y a pas à l'heure actuelle de consensus sur la mesure et la manière dont les connaissances acquises par l'«éducation non formelle» et encore moins par l'«éducation informelle» doivent être reconnues. Cela suppose entre autres de reconnaître à d'autres parties prenantes, telles que les organisations de la société civile, la capacité d’enseigner en-dehors du système éducatif formel, et d’établir des normes d'évaluation pour apprécier les compétences acquises de cette manière. La reconnaissance des compétences et qualifications acquises relève des stratégies d'éducation tout au long de la vie déployées dans les différents États membres; dans certains, des procédures sont à l'étude pour la reconnaissance légale de ces compétences et qualifications par le biais des cadres nationaux de certification existants, en vue de permettre l'accès au marché du travail. Le CESE juge utile que l'UE analyse ce thème au niveau des États membres et recommande l'échange d'expériences et d'exemples fructueux entre les États membres.

3.10

Un risque important qu'il faut éviter est que les stratégies éducatives pour l'inclusion ne soient accessibles qu'aux pauvres, aux immigrants et à tous ceux qui ont abandonné le système scolaire pour quelque raison que ce soit. Cela isolerait les participants au lieu de les intégrer. Une solution envisageable consiste à laisser la porte de ces systèmes ouverte à d’autres groupes qui pourraient en avoir besoin (11). Par ailleurs, l’éducation non formelle ne se substitue pas à l’éducation formelle mais, si la valeur des connaissances acquises de cette manière est reconnue, elle la complète dans la mesure où les bénéficiaires de ces mesures se voient doter de la possibilité, s’ils le souhaitent et s’ils en ont besoin, de réintégrer le cursus éducatif formel.

3.11

Le CESE juge essentiel que toutes les personnes exclues aient accès à une éducation majoritairement publique (12), de qualité et qui leur donne accès au marché du travail et leur permette d'occuper des emplois dignes et bien rémunérés. Non moins important, cette éducation doit transmettre les valeurs fondamentales de citoyenneté, d'égalité effective entre les hommes et les femmes et de participation démocratique active. Le CESE mise sur une éducation susceptible de contribuer à l'épanouissement personnel et social des personnes, et qui ne soit pas considérée sous le seul angle de la transmission de qualifications et de compétences (conception utilitaire de l’éducation), une éducation grâce à laquelle des êtres humains ouverts et doués d'esprit critique pourraient participer activement à la vie de sociétés de plus en plus de justes au plan social et de plus en plus matures au plan politique.

3.12

Le CESE considère que promouvoir l'inclusion dans l'éducation revient à développer la capacité d'analyse critique et à contribuer à améliorer les cadres éducatifs et sociaux des apprenants afin de faire face aux nouveaux besoins du marché du travail et de la société. En somme, relier l'éducation à l'inclusion sociale suppose de la relier également aux objectifs de développement de la société et des territoires dans lesquels vit celle-ci, de manière à ce qu'elle soit un instrument d'éradication progressive de la pauvreté.

3.13

En résumé, les raisons pour lesquelles il est recommandé d'opter pour une éducation inclusive sont les suivantes:

éducatives: l'exigence que le système éducatif soit à la portée de tous («Objectif d'éducation pour tous 2015») suppose que ce système s'ouvre à la diversité de l'univers qu'il doit éduquer;

sociales: l'éducation peut et doit favoriser un changement des mentalités en contribuant à l'édification de sociétés exemptes de discrimination et de préjugés, au sein desquelles tous les habitants peuvent exercer leurs droits fondamentaux;

économiques: une éducation inclusive contribuera à accroître la compétitivité réelle des sociétés face aux nouveaux défis économiques, une compétitivité fondée sur le savoir-faire et non sur la concurrence déloyale. L'inclusion et la qualité se renforcent mutuellement.

4.   Objectifs spécifiques

4.1

L’année européenne de lutte contre la pauvreté compte 4 objectifs spécifiques:

—   reconnaissance: il s’agit de reconnaître le droit des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale à vivre dans la dignité et à prendre une part active à la société;

—   adhésion: l’année vise également à accroître l’adhésion du public aux politiques et actions d’inclusion sociale, en soulignant la responsabilité de chacun dans la lutte contre la pauvreté et la marginalisation;

—   cohésion: elle vise en outre à promouvoir une société vouée à la cohésion en sensibilisant le public aux avantages que comporte, pour tous, une société sans pauvreté et dans laquelle personne n’est condamné à vivre dans la marginalité;

—   engagement: l’année vise enfin à réitérer l’engagement politique ferme de l’UE à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale et à promouvoir cet engagement à tous les niveaux de pouvoir.

4.2

Les thèmes privilégiés par l’année sont les suivants:

a)

la pauvreté des enfants et la transmission intergénérationnelle de la pauvreté;

b)

un marché du travail favorisant l’inclusion;

c)

le manque d’accès à l'éducation et à la formation;

d)

la dimension de genre de la pauvreté;

e)

l’accès aux services de base;

f)

l’élimination de la discrimination, la promotion de l’intégration des immigrants et l’insertion sociale et professionnelle des minorités ethniques;

g)

la réponse aux besoins des personnes handicapées et des autres groupes vulnérables.

4.3

L’année 2010 donc est en Europe une occasion unique de sensibiliser et mobiliser un public très large et très diversifié s’agissant de la lutte contre la pauvreté et du rôle que peut jouer l’éducation afin d’avancer vers l’élimination de celle-ci. Une telle ambition ne peut être réalisée que si le message véhiculé est fort et clair et non multiple et diffus. C’est la raison pour laquelle le CESE propose d’articuler les activités autour d’un axe central: «L’éducation pour l’inclusion: un puissant outil de lutte contre la pauvreté. Pour une Europe sans exclusion sociale».

4.4

Pendant le premier semestre de 2010, c’est l’Espagne qui préside l'Union Européenne. L'Espagne a montré ces dernières années un intérêt particulier pour ce qui est la thématique de la lutte contre la pauvreté, l'élimination de l'exclusion sociale et l'éducation inclusive. Son tour de présidence ouvre l'Année européenne consacrée à ce sujet. L'ouverture a eu lieu à Madrid le 21 janvier 2010 et à la fin de juin aura lieu le Sommet européen habituel à l’occasion duquel l’Espagne passera le flambeau de la présidence tournante à la Belgique. L'intérêt et l'engagement assumé par l'Espagne en matière d'éducation pour tous, semble une excellente opportunité pour développer toute une série d'activités tendant à ce que cette année laisse des traces tangibles sous la forme de décisions politiques qui nous rapprochent du but souhaité, à savoir l’éradication de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

Bruxelles, le 28 avril 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Voir les «Orientations de l'UNESCO sur les politiques d'inclusion dans l'éducation» Paris 2009.

(2)  Charte européenne des droits fondamentaux (2000). De même, force est de mentionner la ratification par les pays européens de tous les traités internationaux en matière de droits de l'homme, en particulier la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (1989) et les pactes internationaux en matière de droits économiques, sociaux et culturels et de droits civils et politiques (1966).

(3)  JO C 224 du 30.8.2008, p. 106.

(4)  COM(209) 647 final du 24.11.2009. Document de travail de la Commission - consultation sur la future stratégie «UE 2020».

(5)  Chiffres clés de l'éducation en Europe (Rapport 2009 de la Commission européenne sur l'éducation en Europe) http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/key_data_series/105FR.pdf

(6)  JO C 128 du 18.5.2010, p. 10.

(7)  C 256 du 27.10.2007, p. 93.

(8)  JO C 128 du 18.5.2010, p. 74.

(9)  JO C 151 du 17.6.2008, p. 45 et JO C 318 du 23.12.2009, p. 113.

(10)  Par exemple: «Recognition of non-formal and informal learning in OECD countries: A very good idea in jeopardy?» (Lifelong Learning in Europe), Patrick Werquin, Paris, 2008.

(11)  OCDE, «Au-delà du discours: Politiques et pratiques de formation des adultes», Paris, 2003 et «Promouvoir la formation des adultes», Paris, 2005.

(12)  Voir les «Orientations de l'UNESCO sur les politiques d'inclusion dans l'éducation» Paris 2009.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats:

Paragraphe 1.5

Résultat du vote

Voix pour

:

44

Voix contre

:

61

Abstentions

:

14

Point 3.7

« Les programmes d'éducation non formelle sont très souvent basés sur des formes de pédagogie et des méthodes de travail non hiérarchiques et participatives et sont étroitement liés à des organisations de la société civile et gérés par elles. De par sa nature et son approche ascendante, l'éducation non formelle a rempli son rôle d'outil efficace de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Dès lors, le CESE souligne que l'éducation non formelle peut également jouer un rôle important dans la mise en œuvre de la stratégie de l'UE «Europe 2020».

Résultat du vote

Voix pour

:

37

Voix contre

:

73

Abstentions

:

10