22.9.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/7


Rapport final du conseiller-auditeur dans l'affaire COMP/C-3/37.990 — Intel (1)

2009/C 227/06

L'affaire Intel compte parmi les affaires les plus complexes sur le plan procédural à ce jour. Le contentieux entre la plaignante, Advanced Micro Devices («AMD»), et Intel Corporation («Intel») dépasse largement la scène européenne. Il a donné lieu à de nombreuses contestations d'ordre procédural de la part de l'ensemble des parties et de personnes ayant communiqué des informations. Diverses questions de procédure, dont beaucoup sont explicitement mentionnées dans le projet de décision, touchaient aux compétences clés du conseille-rauditeur, ce qui l'a amené à porter une appréciation sur ces questions dans le présent rapport final.

Suite à la cessation des fonctions du conseiller-auditeur, M. Serge Durande, avec effet au 31 décembre 2007, le conseiller-auditeur responsable a changé en ce cas.

Le projet de décision appelle les observations suivantes:

I.   LA PROCÉDURE ÉCRITE

1.   La communication des griefs

La communication des griefs a été adoptée par la Commission le 25 juillet 2007. Intel a obtenu un délai de 10 semaines, soit jusqu'au 11 octobre 2007, pour y répondre. Le conseiller-auditeur, sur demande motivée de l'intéressée, a prolongé ce délai jusqu'au 4 janvier 2008, puis jusqu'au 7 janvier 2009, en raison principalement de problèmes, non réglés à l'époque, d'accès au dossier, ainsi que du fait qu'une analyse exhaustive des coûts moyens évitables liés aux activités d'Intel constituait un moyen de défense légitime par rapport aux appréciations complexes, fondées sur des modèles économiques, concernant les ristournes conditionnelles (2). Le conseiller-auditeur a considéré que les droits de la défense devaient pouvoir être pleinement exercés même si, conformément au projet de décision, démontrant par une appréciation économique que les ristournes conditionnelles étaient à même ou susceptibles d'entraîner une éviction anticoncurrentielle n'était «pas indispensable» en l'espèce afin de démontrer l'existence d'une pratique abusive (3).

Intel a répondu dans les délais à la communication des griefs.

2.   La communication des griefs complémentair

La communication des griefs complémentaire a été adoptée par la Commission le 17 juillet 2008. Celleci a, parallèlement, joint les constatations pertinentes établies dans le cadre de l'affaire COMP/C-3/39.493 à la procédure mise en œuvre dans l'affaire COMP/C3/37.990 et poursuivi la procédure engagée dans le cadre de cette dernière.

Intel a été invitée à répondre dans les huit semaines à la communication des griefs complémentaire. Par lettre du 15 septembre 2008, le conseiller-auditeur lui a accordé, sur demande motivée, une prolongation de ce délai jusqu'au 17 octobre 2008, en raison essentiellement de la complexité de l'affaire désormais jointe à la première et de l'ampleur des allégations, qui remontaient à 1997 et nécessitaient un complément d'enquête auprès de l'intéressée.

Intel n'a pas répondu à la communication des griefs complémentaire avant l'expiration du nouveau délai. En fait, le 10 octobre 2008, elle a saisi le Tribunal de première instance d'un recours tendant à obtenir, notamment, l'annulation de la décision du conseiller-auditeur du 15 septembre 2008 accordant un délai supplémentaire et a sollicité en outre des mesures provisoires (4).

Par ordonnance du 27 janvier 2009, le président du Tribunal de première instance a rejeté la demande de mesures provisoires présentée par Intel au motif que le recours au principal qu'elle avait formé était, à première vue, manifestement irrecevable. Ce rejet incluait celui du recours d'Intel tendant à obtenir une nouvelle prorogation du délai de réponse à la communication des griefs complémentaire du 17 octobre 2008, fixé au 17 juillet 2008.

3.   Lettre d'exposé des faits

Par lettre du 19 décembre 2008, la Commission a attiré l'attention d'Intel sur un certain nombre d'éléments de preuve concernant les griefs qu'elle avait formulés, précisant qu'elle pourrait utiliser lesdits griefs dans une éventuelle décision finale (lettre d'exposé des faits). La Commission l'a invitée à lui faire part de ses observations sur ces éléments avant le 19 janvier 2009. La direction générale de la concurrence a prolongé ce délai jusqu'au 23 janvier 2009. La lettre d'exposé des faits ne modifiait pas sur le fond les éléments de preuve à l'appui des griefs retenus par la Commission contre Intel et exposés dans la communication des griefs, ni la communication des griefs complémentaire. Intel a demandé un nouveau délai, alléguant le caractère incomplet du dossier [voir le point I.4. d) ci-après] et sa demande d'audition orale, toujours pendante, concernant certains documents (voir le point II.2. ci-après). Le conseiller-auditeur a rejeté cette demande par lettre du 22 janvier 2009.

4.   L'accès au dossier

a)   Préparation de l'accès au dossier: les accords de nondivulgation («Non-disclosure Agreements»)

Le dossier était, en l'espèce, exceptionnellement volumineux. Aux fins de la préparation de l'accès à ce dossier, divers fabricants de matériel d'origine (équipementiers, Original Equipment Manufactures, ci-après «OEM») ont conclu avec Intel des accords de nondivulgation, quoique différant sur les questions de détail. S'agissant des points spécifiques, certains accords renvoient au conseiller-auditeur en cas de différences entre les parties. Séparément, Intel a renoncé partiellement à son droit d'accès au dossier envers la Commission (5), pour autant que ce type d'accès constituerait une limitation aux droits d'accès au dossier d'Intel, tandis que chaque partie contractante renonçait à ses droits à la protection des secrets d'affaires et autres informations confidentielles échangé selon les conditions des accords. Le conseiller-auditeur a pris part à l'élaboration de ces accords de nondivulgation et encouragé leur conclusion dans la présente affaire.

b)   L'accord de nondivulgation Dell-AMD

Préalablement à l'audition orale relative à la communication des griefs, AMD a informé le conseiller-auditeur qu'elle avait conclu un accord de nondivulgation avec Dell, qui lui donnait accès aux déclarations de cette dernière utilisées dans la communication des griefs. Contrairement aux accords de nondivulgation passés avec Intel, cet accord, conclu par une partie ne jouissant pas en tant que telle de droits de la défense ni de droits d'accès au dossier, était purement bilatéral; il n'entraînait pas d'obligation ni de pouvoir pour la Commission. En conséquence, et contrairement aux affirmations erronées d'Intel, le conseiller-auditeur a continué de considérer l'ensemble des déclarations de Dell figurant dans la communication des griefs, dont la confidentialité vis-à-vis de la plaignante AMD avait été admise, comme demeurant confidentielles à l'égard de cette dernière durant toute la procédure administrative, en ce compris l'audition orale.

c)   Accès complet au dossier

En dépit des accords de nondivulgation susmentionnés [voir le point I.4. a) cidessus], la complexité du dossier et les nombreuses informations confidentielles qu'il contenait ont donné lieu à de multiples demandes d'accès au dossier de la part d'Intel. Pour pouvoir lui garantir un accès aussi étendu que possible, le conseiller-auditeur a dû examiner personnellement, à de très nombreuses reprises, des documents dont Intel prétendait avoir besoin pour pouvoir assurer sa défense efficacement. Après avoir examiné les arguments d'Intel, il a accédé à plusieurs de ces demandes.

Intel s'est plainte de ne pas disposer d'un accès total à des documents relatifs à une réunion tenue entre la Commission et un OEM (6). Sur demande motivée d'Intel, le conseiller-auditeur a examiné s'il existait un document écrit sur l'objet de cette réunion. Une «note au dossier» datant du 29 août 2006 a été révélée par la direction général et versée au dossier après que le conseiller-auditeur en eut décidé ainsi le 7 mai 2008. Simultanément, le conseiller-auditeur a estimé que cette note revêtait un caractère interne, au sens de l'article 27, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 et de l'article 15, paragraphe 2, du règlement (CE) no 773/2004. L'obligation d'établir ou non un compte rendu objectif ou une transcription exacte de cette réunion relève, en principe, de la bonne administration et cette question n'a donc pas à être examinée dans un rapport final du conseiller-auditeur.

Le conseiller-auditeur considère qu'Intel a bénéficié d'un accès complet au dossier.

d)   Accès aux documents non versés au dossier

Ainsi que cela est exposé en détail dans le projet de décision (7), Intel a demandé à la Commission, par lettre du 4 septembre 2008, qu'elle obtienne d'AMD une liste de 81 catégories de documents concernant un contentieux privé les opposant l'une à l'autre devant la Federal District Court du Delaware (ÉtatsUnis) et de lui transmettre ensuite ces documents, susceptibles selon elle de constituer des documents à décharge. Par la suite, le 25 septembre 2008, Intel a demandé à la Commission «d'inviter, à tout le moins, AMD à fournir tous les documents internes se rapportant aux allégations figurant dans la communication des griefs et dans la communication des griefs complémentaire». Par lettres des 17 et 29 septembre 2008, Intel s’est plainte auprès du conseiller-auditeur du «caractère manifestement incomplet du dossier» et de ce que ses droits de la défense étaient par conséquent compromis.

Le conseiller-auditeur a répondu par lettre du 7 octobre 2008, en se référant à ses lettres précédentes des 22 août et 15 septembre 2008 sur ce point, que la question de savoir si le dossier était, en tant que tel, complet ou incomplet différait de celle de savoir si un plein accès avait été donné à un dossier prétendument incomplet. En conséquence, les arguments quant au caractère soidisant incomplet d'un dossier ne permettent pas d'établir que l'accès à ce dernier, tel qu'il est constitué à un moment donné, est incomplet.

En outre, même s'il incombe au conseiller-auditeur, conformément au troisième considérant de son mandat, de contribuer à l'objectivité, à la transparence et à l'efficacité des procédures, il n’est habilité, ni par ledit mandat ni par la jurisprudence, à ordonner la réalisation d’une enquête afin de compléter un dossier prétendument incomplet. En conséquence, indépendamment de la question de savoir si les documents en question sont ou ne sont pas, en tant que tels, utiles à l'exercice des droits de la défense, il n'incombe pas au conseiller-auditeur de décider si certaines catégories de documents relevant d’une autre juridiction, quoique prétendument et potentiellement à décharge, sont décrites de façon suffisamment précise et argumentée et/ou devraient ou non être examinées. Il y avait donc lieu de considérer que la demande d'Intel dépassait les limites des pouvoirs du conseiller-auditeur.

e)   Version non confidentielle de la communication des griefs et de la communication des griefs complémentaire destinée à AMD, la plaignante

Il résulte de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 773/2004 que la plaignante a le droit de recevoir une version non confidentielle de la communication des griefs et de la communication des griefs complémentaire. Ce droit serait gravement compromis et la norme deviendrait sans objet si la version finalement reçue n’était pas compréhensible pour le bénéficiaire.

En ce qui concerne les informations fournies par les tiers et qui doivent être révélées non seulement au destinataire de la communication des griefs, mais également à un plaignant, il est essentiel d'établir une distinction entre, d'une part, les informations qui ne peuvent, en tant que telles, être considérées comme confidentielles et, d'autre part, les informations dont la confidentialité a été revendiquée et justifiée, mais qui seront divulguées afin de permettre la compréhension d’une version non confidentielle. Au-delà des secrets d'affaires qui ne devraient pas être divulgués, les demandes de confidentialité visàvis du plaignant sont, en principe et si elles s’avèrent justifiées, absolues. Toutefois, si la divulgation des informations en question est réellement indispensable pour comprendre l'allégation principale figurant dans la communication des griefs, se rapporte à des informations nécessaires pour démontrer l’existence d’une infraction et est réellement indispensable pour associer le plaignant à la procédure afin de lui permettre de formuler des observations en connaissance de cause, une telle divulgation devra faire l'objet d'une appréciation pondérée et motivée du conseiller-auditeur.

Le conseiller-auditeur a rejeté, tant pour la communication des griefs que pour la communication des griefs complémentaire, la demande de confidentialité quasi complète présentée par Intel et a dû examiner un nombre exceptionnellement élevé de demandes de confidentialité motivées et circonstanciées déposées par Intel et des personnes ayant communiqué des informations. Ni Intel, ni d'autres entreprises concernées n'ont dû lui demander d'adopter une décision en vertu de l’article 9 de son mandat (entamant la «procédure AKZO» (8).

Intel a informé la Commission le 17 mars 2009 que, en octobre 2008, elle a divulgué la version confidentielle de la communication des griefs à AMD dans le cadre du contentieux en cours aux États-Unis. Elle affirme avoir agi par inadvertance.

f)   Les tiers

Trois entreprises ont demandé à être autorisées formellement à prendre part à la procédure en tant que tiers intéressés. En réponse à ces demandes, le conseiller-auditeur a admis Silicon Graphics Inc. (25 septembre 2007), International Business Machines («IBM», 2 octobre 2007) et — juste avant l’audition orale — Hewlett Packard Company («HP», 10 mars 2008). Deux organisations de consommateurs ont également été admises en tant que tiers intéressés après avoir justifié d'un intérêt suffisant et de leur statut particulier, à savoir le Bureau européen des Unions de consommateurs («BEUC», 22 février 2008) et l’Union fédérale des consommateurs—Que Choisir, organisation de consommateurs française («UFC», 6 mars 2008). Toutes les parties ont demandé et obtenu un résumé non confidentiel de la communication des griefs et de la communication des griefs complémentaire. Aucune n'a formulé d’observations écrites.

g)   Demande relative à une nouvelle communication des griefs complémentaire en vue d'une justification objective

Dans sa réponse à la communication des griefs (9), Intel a fait valoir qu’une communication des griefs complémentaire était requise en vue d’une justification objective. Or il n'est pas nécessaire d'élaborer une communication complémentaire à cette seule fin. Bien que l’absence de justification objective constitue une condition négative pour ce qui est de la constatation d’un abus (10), la charge de la preuve incombe à la partie qui réclame une telle justification. Dans la mesure où Intel a présenté des justifications prétendument objectives pour les différents types de comportements exposés dans la communication des griefs, cellesci ont été traitées par la Commission. Le droit d'être entendu a donc été respecté à cet égard.

II.   LA PROCÉDURE ORALE

1.   L’audition orale relative à la communication des griefs

Cette audition a eu lieu les 11 et 12 mars 2008. Outre Intel et AMD, trois parties intéressées ont assisté à l'audition et présenté leur point de vue, à savoir HP, l'UFCQue Choisir et le BEUC. Outre les représentants des États membres, un représentant de la Federal Trade Commission a participé en tant qu’observateur, conformément aux arrangements administratifs passés avec les ÉtatsUnis de 1999. De surcroît, au-delà desdits arrangements, le conseiller-auditeur a également permis au procureur général (Attorney General) de l'État de NewYork (11) de participer à l'audition en qualité d’observateur. Intel y a explicitement consenti. Préalablement à son admission, le procureur général a exprimé son accord sur les engagements explicites concernant la confidentialité et l'utilisation des informations.

L'audition orale, en dépit de plusieurs séances à huis clos fondées sur des demandes de confidentialité légitimes, a été particulièrement utile, en ce qu’elle a donné à Intel l'occasion de présenter son point de vue sur les allégations et le raisonnement sousjacent (12), et plus particulièrement sur l'appréciation économique. À cet égard, il convient de noter que, pendant l'audition, la Commission a précisé à Intel, qui l’a bien compris, que l’appréciation économique n’était pas une condition indispensable à la constatation d’un abus.

Il n’est par conséquent pas nécessaire que le conseiller-auditeur prenne position sur l'appréciation économique et la conclusion selon laquelle les paiements d'Intel sont de nature à avoir des effets d'éviction anticoncurrentiels ou sont susceptibles d'avoir de tels effets (13).

2.   La demande d'audition orale concernant la communication des griefs et la lettre d'exposé des faits

Intel a réclamé une audition orale concernant: (a) certaines parties de la lettre d'exposé des faits; et b) la communication des griefs complémentaire.

a)

À la suite de la lettre d'exposé des faits, Intel a demandé, par lettre du 20 janvier 2009, une audition orale concernant certains documents d’AMD communiqués à la Commission le 28 mai 2008 («documents d'AMD — Delaware»). Le 22 janvier 2009, le conseiller-auditeur a rappelé qu'Intel n’était pas habilitée à présenter une telle demande et que la Commission n’était pas davantage tenue d'organiser une audition orale afin de respecter les droits de la défense de l'intéressée concernant une lettre d'exposé des faits.

En outre, il n'était pas possible d'accorder une audition orale portant uniquement sur les documents d’AMD — Delaware, étant donné, d'une part, que ceuxci avaient été remis dans le cadre de l'accès au dossier à la suite de la communication des griefs complémentaire, au sujet de laquelle Intel avait déjà eu la possibilité de répondre et de demander une audition orale, et, d'autre part, que l’objet d’une audition orale est défini par les allégations figurant dans la communication des griefs et/ou la communication des griefs complémentaire, et non par la partie intéressée. Il n'était donc pas possible d'accorder une audition orale ayant pour seul but d’exprimer des points de vue sur des documents donnés.

b)

Par communication du 5 février 2009 et lettre du 10 février 2009, Intel a réclamé une audition orale sur la communication des griefs complémentaire.

Il incombe au conseiller-auditeur, en vertu de son mandat, d'arrêter les décisions relatives aux auditions orales, y compris de recevoir ou de rejeter une demande d'audition présentée après l'expiration du délai de réponse à une communication des griefs.

Par lettre du 17 février 2009, le conseiller-auditeur a donc répondu à Intel que le droit subjectif à la tenue d’une audition orale n'existe que jusqu’à la fin du délai de réponse à la communication des griefs. Le fait de ne pas solliciter d'audition orale dans les délais impartis ne signifie pas automatiquement, dans tous les cas, qu’une audition ne puisse plus être tenue. L'article 10, paragraphe 2, du règlement (CE) no 773/2004, lu conjointement avec son article 12, n'empêche pas nécessairement une partie de demander une audition orale. Or, le fait de ne pas respecter ce délai impliquait qu'il n’était plus obligatoire d'accorder une audition. Le conseiller-auditeur a le droit et le devoir d’exercer son pouvoir d'appréciation dès lors qu’une demande, tardive mais dûment motivée, lui est présentée.

Le délai de réponse à la communication des griefs complémentaire n'a pas été prorogé. Le conseilleurauditeur a pris note de la position des services de la Commission, exposée dans leur lettre à Intel du 2 février 2009 (14), selon laquelle le bon déroulement de la procédure ne nécessitait pas la tenue d’une audition orale. Il a également tenu compte de tous les arguments avancés par Intel en faveur de la tenue d’une audition orale, qui portaient pour l’essentiel sur le droit «illimité» de l'intéressée à bénéficier d’une telle audition.

Aux fins de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le conseiller-auditeur est tenu de prendre en considération, entre autres, la nécessité d’une application effective des règles de concurrence, dont un aspect essentiel consiste en l'obligation, pour la Commission, d’agir dans un délai raisonnable lorsqu'elle adopte des décisions. Si les contraintes de délai inhérentes aux modalités de la procédure de concurrence ne peuvent justifier la violation du droit fondamental d’être entendu, aucun conflit de ce type n’est survenu dans la présente affaire. En l’espèce, Intel n'était nullement empêchée d’élaborer et de présenter en temps utile sa réponse à la communication des griefs complémentaire sur la base des informations dont elle disposait, à tout le moins à titre conservatoire, et ce d’autant plus qu’elle avait obtenu, de la part du conseiller-auditeur, une prorogation de délai. Intel a eu tout loisir de demander une audition orale entre la date de la communication des griefs complémentaire, soit en juillet 2008, et l’expiration du délai — prorogé — en octobre 2008. Il n'aurait pas été impossible d’accorder une audition même par la suite, si Intel l’avait demandé, ce qu’elle n’a pas fait. Rien n'aurait empêché le conseiller-auditeur de fixer les dates d’audition en tenant compte de la demande pendante de mesures provisoires, en respectant donc la procédure engagée devant la Cour de justice. Ainsi, bien qu’Intel ait généralement agi rapidement et dans les délais impartis durant toute la procédure et jusqu'à l'introduction d'un recours auprès du Tribunal de première instance, faisant pleinement usage de ses droits de la défense, le fait d’autoriser la tenue d’une audition orale, dans ces circonstances précises, le 17 février 2009 aurait sérieusement compromis le bon déroulement de la procédure dans des délais normaux. À la lumière de cet élément et d’autres aspects propres à l’affaire en cause, la demande d'audition a par conséquent dû être rejetée.

Intel n’a pas évoqué auprès du conseiller-auditeur la question du statut des déclarations écrites du 5 février 2009.

III.   CONCLUSIONS

Compte tenu de ce qui précède, je considère que le droit des parties d’être entendues a été respecté dans la présente affaire.

Le projet de décision ne retient que les griefs au sujet desquels Intel a eu l'occasion de faire connaître son point de vue.

Karen WILLIAMS


(1)  Conformément aux articles 15 et 16 de la décision 2001/462/CE de la Commission du 23 mai 2001 relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence (JO L 162 du 19.6.2001, p. 21), ci-après dénommée «le mandat».

(2)  Voir les considérants 1045 à 1156 du projet de décision portant sur cette analyse, par exemple les considérants 1066 et suivants concernant l'analyse de régression réalisée par Intel.

(3)  Ainsi que cela est précisé au considérant 925 du projet de décision, indiqué au point 337 de la communication des griefs et mentionné au point 260 de la communication des griefs complémentaire.

(4)  Voir, pour de plus amples informations, les considérants 18 et 22 du projet de décision, ainsi que l'ordonnance du président du Tribunal de première instance du 27 janvier 2009 dans l'affaire T-457/08, Intel Corp./Commission, non encore publiée au recueil.

(5)  JO L 123 du 27.4.2004, p. 18.

(6)  Pour de plus amples informations, voir les considérants 39 et suivants du projet de décision.

(7)  Considérants 71 et suivants.

(8)  Arrêt de la Cour de justice européenne dans l'affaire 53/85, AKZO Chemie BV et AKZO Chemie UK Ltd./Commission, recueil 1986, p. 1965.

(9)  Point 823.

(10)  Arrêt de la Cour de justice européenne dans l'affaire C-95/04, British Airways/Commission, recueil 2007, p. I-2331, point 69; affaires jointes C-468/06 à C-478/06, Sot. Lélos kai Sia et autres, point 39, 2008, non encore publiée au recueil, et plus récemment, l’arrêt du 11 décembre 2009 dans l’affaire 52/07, Kanal 5 Ltd., point 47, 2008, non encore publié au recueil.

(11)  Voir le considérant 35 du projet de décision.

(12)  Voir les considérants 281 et suivants du projet de décision.

(13)  Voir les considérants 1002 à 1578 du projet de décision.

(14)  Voir le projet de décision, considérant 24.