16.9.2009 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 223/3 |
Communication de la Commission relative aux critères d'appréciation approfondie des aides régionales en faveur de grands projets d'investissement
2009/C 223/02
1. INTRODUCTION
1.1. Règles générales applicables aux aides régionales
1. |
Les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (1) (ci-après dénommées «lignes directrices») clarifient l'approche générale suivie par la Commission à l'égard des aides d'État à finalité régionale. Selon les modalités établies dans les lignes directrices, et en dépit des effets négatifs que les aides d'État à finalité régionale peuvent avoir sur les échanges et la concurrence, la Commission peut considérer des aides d'État comme compatibles avec le marché commun si elles sont accordées pour promouvoir le développement économique de certaines régions désavantagées de l'Union européenne. |
2. |
D'une manière générale, les lignes directrices tiennent compte de la gravité relative des problèmes affectant le développement de ces régions par la fixation de plafonds régissant les aides régionales. Ces intensités d'aide maximales vont de 10 à 50 % des coûts d'investissement admissibles, fondés essentiellement sur le PIB par habitant des régions considérées, tout en laissant aux États membres une certaine latitude pour tenir compte des particularités locales. Les cartes des aides régionales de chaque État membre sont publiées sur le site Europa (2). Ces intensités d'aide graduées reflètent la mise en balance que la Commission doit opérer entre, d'une part, l'effet positif qu'une aide régionale à l'investissement peut avoir, notamment parce qu'elle promeut la cohésion en attirant des investissements dans des régions défavorisées et, d'autre part, la limitation des effets négatifs que les aides de ce type peuvent avoir sur des entreprises à titre individuel, par exemple sur d'autres opérateurs économiques et sur des régions dont l'avantage concurrentiel relatif se trouve diminué d'autant. |
3. |
Un grand projet d'investissement est un investissement initial dont les dépenses admissibles dépassent 50 millions EUR (3). Les grands projets d'investissement sont moins touchés par les handicaps qui caractérisent les zones défavorisées que les projets d'investissement réalisés à moindre échelle. Le risque que les échanges soient affectés par de grands projets d'investissement et, partant, l'effet de distorsion visàvis de concurrents d'autres régions, se trouvent renforcés. Les grands investissements comportent en outre le risque que le montant d'aide dépasse le minimum nécessaire pour compenser les désavantages régionaux et le risque existe également que l'aide d'État en leur faveur ait des effets pervers tels que le choix inefficace d'un site, une distorsion accrue de la concurrence et, comme l'aide constitue un transfert à titre onéreux des contribuables en faveur des bénéficiaires, des pertes nettes de bien-être, c'est-à-dire que le coût de l'aide dépasse les avantages retirés par les consommateurs et les producteurs. |
4. |
Les lignes directrices prévoient également des règles spéciales pour les aides à finalité régionale en faveur de grands projets d'investissement (4). Un grand projet d'investissement est un investissement initial dont les dépenses admissibles dépassent 50 millions EUR en valeur actuelle. Les lignes directrices prévoient dans ce cas une réduction graduelle automatique des plafonds d'aide régionale de manière à limiter les distorsions de concurrence à un niveau auquel on estime que leurs avantages l'emportent sur le plan du développement des régions considérées (5). |
5. |
En outre, les États membres sont tenus de notifier individuellement tout projet d'aide en faveur de projets d'investissement si son montant dépasse le montant d'aide maximal admissible auquel peut prétendre un investissement dont les dépenses admissibles sont de 100 millions EUR selon les règles applicables (seuil de notification) (6). Dans le cas des aides notifiées, la Commission vérifie notamment leur intensité et leur compatibilité avec les critères généraux des lignes directrices et examine si l'investissement notifié représente une augmentation substantielle de capacité de production, tout en s'attaquant au problème d'un marché peu efficace, voire en déclin, ou s'il avantage des entreprises détenant des parts de marché élevées. |
1.2. Aides régionales soumises à une appréciation approfondie
6. |
En dépit de cette réduction progressive automatique, certaines aides régionales de montant élevé en faveur de grands projets d'investissement peuvent néanmoins avoir des effets substantiels sur le commerce et entraîner des distorsions notables de concurrence. C'est la raison pour laquelle la Commission avait autrefois pour politique de ne pas autoriser d'aides en faveur de grands projets d'investissement dépassant les seuils suivants (7):
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7. |
Toutefois, selon les lignes directrices actuelles, la Commission a opté pour une approche plus individualisée, qui permet de prendre en considération aussi concrètement que possible la cohésion et les autres avantages qui peuvent être tirés de tels projets. Il convient néanmoins de mesurer ces avantages par rapport aux effets négatifs probables qu'ils pourraient avoir sur les échanges et la concurrence et qu'il conviendrait également de déterminer aussi concrètement que possible. C'est la raison pour laquelle les lignes directrices prévoient à leur point 68 que la Commission ouvrira une procédure formelle d'examen, en vertu de l'article 88, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, dans les cas dépassant le seuil de notification et remplissant l'une ou plusieurs des conditions prévues aux points i) et j) de leur point 68 (seuils déterminant une appréciation approfondie, qui sont les mêmes que les seuils décrits au point 6 de la présente communication. L'objectif de l'enquête formelle est alors de vérifier en détail «si l'aide est nécessaire pour produire un effet incitatif pour l'investissement et si les avantages de l'aide l'emportent sur les distorsions de concurrence et les effets sur le commerce entre États membres qu'elles entraînent» (8). |
8. |
À la note 63 des lignes directrices, la Commission fait part de son intention d'élaborer «d'autres orientations sur les critères qu'elle entend prendre en considération pour cette appréciation». Elle présente ci-après des indications sur le type de renseignements qu'elle est susceptible de demander et sur la méthode qu'elle appliquera aux mesures soumises à une appréciation approfondie. Conformément au plan d'action dans le domaine des aides d'État (9), la Commission procédera à un examen global d'une aide en cherchant un équilibre entre ses effets positifs et négatifs afin de déterminer si, tout bien considéré, elle peut l'autoriser. |
9. |
L'appréciation détaillée de l'aide doit être proportionnée aux distorsions qu'elle peut provoquer. La portée de l'analyse dépendra donc de la nature de l'affaire. Par conséquent, la nature et le niveau des preuves requises dépendront aussi des caractéristiques de chaque dossier. De même, dans le respect des dispositions régissant la conduite de la procédure formelle d'examen établies aux articles 6 et 7 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (10), la Commission peut notamment inviter l'État membre à fournir des études indépendantes pour confirmer les renseignements contenus dans la notification, ou demander des contributions d'autres acteurs économiques actifs sur les marchés en cause ou d'experts en développement régional. En outre, elle recueille les observations des parties intéressées pendant la procédure formelle d'examen. La Commission déterminera à l'ouverture de la procédure les points essentiels sur lesquels elle souhaite recevoir des commentaires. |
10. |
La présente communication vise à assurer la transparence et la prévisibilité du processus décisionnel de la Commission, ainsi que l'égalité de traitement des États membres. La Commission se réserve de modifier et de revoir les présentes orientations à la lumière de l'expérience acquise. |
2. EFFETS POSITIFS DES AIDES
2.1. Objectif des aides
11. |
Les aides régionales poursuivent un objectif d'intérêt commun, promouvant des valeurs d'équité, qui est d'améliorer la cohésion économique en réduisant l'écart de développement entre les différentes régions de la Communauté. Aux termes du point 2 des lignes directrices, «En cherchant à surmonter les handicaps des régions défavorisées, les aides régionales nationales améliorent la cohésion économique, sociale et territoriale des États membres et de l'Union européenne dans son ensemble». Aux termes du point 3 de ces mêmes lignes directrices, «Les aides nationales à finalité régionale visent à soutenir le développement des régions les plus désavantagées en encourageant l'investissement et la création d'emplois. Elles favorisent le développement et la diversification d'entreprises situées dans les régions les plus désavantagées, notamment en encourageant les entreprises à y créer de nouveaux établissements». |
12. |
Pour les grands projets d'investissement qui atteignent les seuils déterminant une appréciation approfondie, l'État membre devra démontrer que l'aide vise à atteindre l'objectif d'équité en question. Il devra par conséquent apporter la preuve de la contribution du projet d'investissement au développement de la région considérée. |
13. |
Si l'objectif premier des aides régionales est de promouvoir les objectifs d'équité, tels que la cohésion économique, les aides régionales peuvent également résoudre des problèmes de défaillance du marché. Les handicaps régionaux peuvent être liés à des défaillances du marché telles qu'une information imparfaite, des problèmes de coordination, la difficulté de réaliser des bénéfices sur investissements dans les biens publics ou des effets externes liés aux investissements. Lorsque, outre des objectifs d'équité, une aide régionale répond à des problèmes d'efficacité, son effet positif global sera considéré comme plus marqué. |
14. |
La liste non exhaustive de critères indicatifs figurant ci-après peut servir à démontrer la contribution régionale d'une aide qui permet d'attirer des investissements et des activités supplémentaires dans la région. Ces effets positifs de l'aide peuvent être directs (par le nombre d'emplois directs créés) et indirects (par exemple, par l'innovation locale).
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15. |
Les États membres sont plus particulièrement invités à se fonder sur les évaluations de régimes ou d'aides antérieurs, l'appréciation de leurs effets par les autorités qui les octroient, les avis d'experts et d'autres études relatives au projet d'investissement à examiner. Le plan d'entreprise du bénéficiaire de l'aide peut fournir des indications sur le nombre d'emplois créés, les salaires payés (avec une augmentation de la prospérité des ménages comme effet indirect), le volume des ventes des producteurs locaux, le chiffre d'affaires produit par l'investissement et dont la région profite éventuellement par des recettes fiscales supplémentaires. |
16. |
Le cas échéant, il y a également lieu de prendre en considération le lien entre le projet d'investissement et le cadre de référence stratégique national, ainsi que le lien entre le projet et les programmes opérationnels cofinancés par les fonds structurels. Ainsi, la Commission peut plus précisément se référer à toute décision qu'elle aurait prise sur la mesure en cause dans le contexte de l'analyse de grands projets dans le cadre des fonds structurels ou du Fonds de cohésion (11). Une telle décision se fonde parmi d'autres éléments sur «une analyse coûts-avantages comprenant une analyse de risques, ainsi que l'incidence prévisible sur le secteur considéré et sur la situation socioéconomique de l'État membre et/ou de la région et, si possible, le cas échéant, des autres régions de la Communauté». |
2.2. Pertinence de l'instrument d'aide
17. |
L'octroi d'aides d'État sous forme de subventions à l'investissement n'est pas le seul instrument dont les États membres disposent pour soutenir l'investissement et la création d'emplois dans les régions défavorisées. Ils peuvent recourir à des mesures générales consistant notamment à développer l'infrastructure, à renforcer la qualité de l'enseignement et de la formation ou à améliorer l'environnement économique général. |
18. |
Les mesures pour lesquelles l'État membre a envisagé d'autres moyens d'action et pour lesquelles les avantages d'un recours à un instrument sélectif tel que les aides d'État sont établis, sont considérées comme des instruments adéquats. La Commission tiendra compte plus particulièrement de toute étude réalisée par l'État membre sur les effets de la mesure proposée. |
2.3. Effet incitatif
19. |
L'analyse de l'effet incitatif de l'aide constitue l'un des éléments les plus importants de l'appréciation approfondie des aides régionales en faveur de grands projets d'investissement. La Commission examinera si le projet d'aide a «réellement pour effet d'inciter à réaliser des investissements qui ne le seraient pas sinon dans les régions assistées» (12). Cette appréciation se fera à deux niveaux: d'abord, de manière générale, au niveau procédural, et ensuite, plus en détail, au niveau économique. |
20. |
Les lignes directrices fixent à leur point 38 des critères généraux permettant d'apprécier l'effet incitatif des aides régionales. Ces critères s'appliquent à l'ensemble des aides à finalité régionale et pas seulement aux aides en faveur de grands projets d'investissement. |
21. |
Dans le cas des aides à finalité régionale en faveur de grands projets d'investissement relevant de la présente communication, la Commission vérifiera en détail «si l'aide est nécessaire pour produire un effet incitatif pour l'investissement» (13). L'objectif de cet examen détaillé est de déterminer si l'aide contribue réellement à modifier le comportement du bénéficiaire dans le sens d'investissements (supplémentaires) entrepris dans la région assistée considérée. Il existe un grand nombre de raisons valables amenant une entreprise à s'établir dans une région donnée, même si elle ne reçoit aucune aide. |
22. |
Eu égard à l'objectif d'équité découlant de la politique de cohésion et dans la mesure où l'aide contribue à atteindre cet objectif, un effet incitatif peut être établi selon deux scénarios possibles:
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23. |
L'État membre doit démontrer à la Commission l'existence d'un effet incitatif de l'aide. Il devra prouver clairement que l'aide a un effet réel sur le choix de l'investissement ou le lieu retenu. Il devra préciser le scénario envisagé. Pour permettre une appréciation complète, l'État membre devra fournir non seulement des renseignements sur le projet bénéficiant de l'aide, mais également une description complète du scénario comparatif selon lequel l'État membre n'accorderait aucune aide. |
24. |
Selon le premier scénario, l'État membre peut prouver l'effet incitatif de l'aide en produisant des documents de l'entreprise montrant que l'investissement ne serait pas rentable en l'absence de l'aide et qu'aucun autre lieu d'implantation que la région assistée considérée ne pouvait être envisagé. |
25. |
Selon le second scénario, l'État membre peut prouver l'effet incitatif de l'aide en produisant des documents de l'entreprise montrant qu'une comparaison a été faite entre les coûts et les avantages d'une implantation dans la région assistée considérée et ceux relatifs à une autre région. Ces scénarios comparatifs devront être jugés réalistes par la Commission. |
26. |
Les États membres sont notamment invités à se fonder sur des évaluations de risques (notamment liés à un site donné), des états financiers, des plans internes d'entreprises, des avis d'experts et d'autres études relatives aux projets d'investissement examinés. Des documents où figurent des prévisions de la demande et des coûts, des prévisions financières, des documents soumis à un comité d'investissement et développant divers scénarios d'investissement, ou encore des documents fournis aux marchés financiers, peuvent contribuer à établir l'effet incitatif. |
27. |
Dans ce contexte, et plus particulièrement selon le premier scénario, le niveau de rentabilité peut être évalué à l'aide de méthodes en usage dans le secteur considéré, notamment pour évaluer la valeur actuelle nette du projet (VAN), le taux de rendement interne (TRI) ou le rendement du capital investi (RCI). |
28. |
Si l'aide ne modifie pas le comportement du bénéficiaire en stimulant des investissements (supplémentaires) dans une région assistée, elle n'a pas l'effet incitatif nécessaire pour atteindre l'objectif régional; dans ce cas, elle peut être considérée comme un apport de liquidités à l'entreprise. Par conséquent, suivant une appréciation approfondie des aides à finalité régionale en faveur de grands projets d'investissement, la Commission n'autorisera pas une aide lorsqu'il apparaît que le même investissement serait réalisé dans la région considérée, même sans cette aide. |
2.4. Proportionnalité des aides
29. |
Pour que l'aide régionale soit proportionnée, son montant et son intensité doivent être limités au minimum nécessaire pour que l'investissement soit réalisé dans la région assistée. |
30. |
Les lignes directrices visent à faire en sorte que les aides à finalité régionale soient proportionnées à la gravité des problèmes affectant les régions assistées en fixant des plafonds aux aides régionales en général et en prévoyant une réduction progressive automatique de ces plafonds pour les grands projets d'investissement (voir les points 1 et 3). |
31. |
Pour les aides à finalité régionale qui requièrent une appréciation approfondie, il est nécessaire de vérifier plus en détail l'application de ce principe général de proportionnalité fixé dans les lignes directrices. |
32. |
Selon le premier scénario, pour une incitation à investir, l'aide sera normalement considérée comme proportionnée si, grâce à elle, le rendement de l'investissement est conforme au taux de rendement normal appliqué par l'entreprise à d'autres projets d'investissement, au coût de capital de l'entreprise dans son ensemble ou aux rendements généralement observés dans le secteur considéré. |
33. |
Selon le second scénario, pour une incitation à choisir un lieu d'implantation, l'aide sera généralement considérée comme proportionnée si elle est égale à la différence entre les coûts nets d'un investissement dans la région assistée pour l'entreprise bénéficiaire et ceux d'un investissement dans la ou les autres régions. Tous ces coûts et avantages doivent pris en considération, et notamment les coûts administratifs, les coûts de transport, les coûts de formation non couverts par les aides à la formation, de même que les écarts de salaires. |
34. |
En fin de compte, ces coûts nets considérés comme liés aux handicaps régionaux entraînent une diminution de la rentabilité de l'investissement. C'est la raison pour laquelle les calculs utilisés pour analyser l'effet incitatif peuvent également servir à déterminer si l'aide est proportionnée. |
35. |
L'État membre doit démontrer la proportionnalité sur la base de documents appropriés, tels que ceux qui sont mentionnés au point 26. |
36. |
L'intensité de l'aide ne doit en aucun cas dépasser les plafonds des aides à finalité régionale corrigés par le mécanisme de réduction progressive prévu par les lignes directrices. |
3. EFFETS NÉGATIFS DES AIDES
37. |
Pour apprécier les parts de marché et la surcapacité potentielle sur un marché en déclin structurel, la Commission doit définir le marché de produit et le marché géographique en cause. En règle générale (15), ces marchés auront déjà été définis pour les aides à finalité régionale soumises à une appréciation approfondie. |
38. |
Deux indicateurs essentiels d'effets négatifs pouvant résulter des aides sont déjà relevés au point 68 des lignes directrices, à savoir des parts de marché élevées et une surcapacité potentielle sur un marché en déclin structurel. Ils sont liés à deux théories du préjudice dans le contexte de la concurrence, à savoir la création d'un pouvoir de marché et la création ou le maintien de structures de marché inefficaces. Une première mesure de ces deux indicateurs aura déjà été effectuée avant l'ouverture de la procédure d'examen. Afin de fournir tous les éléments nécessaires à la mise en balance finale, l'évaluation des deux indicateurs sera affinée dans l'appréciation approfondie. Un troisième indicateur d'effets négatifs pouvant résulter de l'aide soumise à une appréciation approfondie est l'influence qu'elle exerce sur les échanges. Bien que ces trois indicateurs soient considérés comme les principaux effets négatifs d'une aide à finalité régionale en faveur d'un grand projet d'investissement, la Commission n'exclut pas que d'autres indicateurs puissent également être utiles dans certains cas. |
39. |
La Commission mettra plus particulièrement l'accent sur les effets négatifs liés à la notion de pouvoir de marché et de surcapacité dans les cas où l'aide incite à modifier la décision d'investir, donc lorsqu’en l'absence de l'aide, l'investissement ne serait pas réalisé (premier scénario de l'effet incitatif). |
40. |
Si toutefois l'analyse comparative semble indiquer qu'en l'absence de l'aide, l'investissement aurait été réalisé de toute façon, éventuellement en un autre lieu (second scénario), et si l'aide est proportionnée, les indications éventuelles de distorsion, telles qu'une part de marché élevée et une augmentation de capacité dans un marché peu efficace seraient en principe les mêmes, indépendamment de l'aide. |
3.1. Éviction de l'investissement privé
3.1.1. Pouvoir de marché
41. |
Pour établir son niveau d'investissement optimal, sur les marchés qui ne comptent qu'un nombre limité d'acteurs (situation typique pour les grands projets d'investissement), chaque entreprise tient compte des investissements effectués par ses concurrents. Si l'aide incite une entreprise donnée à investir davantage, les concurrents peuvent réagir en réduisant leurs propres dépenses dans ce domaine. Dans ce cas, l'aide a pour effet d'évincer l'investissement privé. Si, de ce fait, ces concurrents se trouvent affaiblis, voire contraints de quitter le marché, l'aide fausse la concurrence. À cet égard, ainsi qu'il est indiqué au point 38, les lignes directrices font une distinction entre les cas où le bénéficiaire de l'aide détient un pouvoir de marché et ceux où l'aide entraîne une forte augmentation de capacité sur un marché en déclin. |
42. |
En règle générale, toute aide accordée à un seul bénéficiaire sur un marché concentré risque davantage de fausser la concurrence puisque la décision de chaque entreprise est susceptible d'affecter plus directement ses concurrents, surtout lorsqu'un acteur dominant sur le marché reçoit des subventions. Par conséquent, si l'aide permet à son bénéficiaire de maintenir ou d'augmenter son pouvoir de marché (16), l'aide à finalité régionale en faveur de grands projets d'investissement peut dissuader les concurrents d'investir et donc fausser la concurrence. Ce phénomène se produirait au détriment des consommateurs et c'est la raison pour laquelle la Commission souhaite limiter les aides d'État dans le cas des entreprises détenant un pouvoir de marché. |
43. |
Pour toutes les aides à finalité régionale qui dépassent le seuil de notification (point 64 des lignes directrices), la Commission doit évaluer (point 68 (i) des lignes directrices) la part des ventes du ou des produits considérés réalisée par le bénéficiaire de l'aide (ou le groupe auquel il appartient) sur le ou les marchés de produits et marchés géographiques en cause. Or, les parts de marché ne peuvent donner qu'une première indication de problèmes éventuels. C'est la raison pour laquelle, dans une appréciation approfondie, la Commission prendra au besoin en considération d'autres facteurs encore, notamment la structure du marché, en examinant la concentration sur celui-ci (17), les barrières éventuelles à l'entrée (18), la puissance d'achat (19) et les barrières à la sortie. |
44. |
La Commission tiendra compte des parts de marché et autres facteurs liés avant et après l'investissement (normalement l'année précédant le début de l'investissement et l'année suivant le stade de pleine production). Lorsqu'elle examinera en détail les effets négatifs, elle retiendra que si certains projets d'investissement sont exécutés dans des délais relativement brefs d'un ou deux ans, la plupart des grands projets d'investissement ont une durée beaucoup plus longue. C'est la raison pour laquelle, dans la plupart des cas, des analyses à long terme de l'évolution des marchés sont nécessaires. La Commission sait toutefois que ces analyses sont de nature plus spéculative, en particulier dans le cas des marchés très instables ou soumis à une évolution technologique rapide. Par conséquent, dans le cas d'une analyse de ce type, la Commission donnera moins de poids à l'effet négatif possible du pouvoir de marché ou à la possibilité d'un comportement d'exclusion. |
3.1.2. Création ou maintien de structures de marché inefficaces
45. |
C'est le signe d'une concurrence effective que des entreprises inefficaces soient contraintes de quitter un marché. À long terme, ce processus promeut le progrès technologique et une utilisation rationnelle de ressources rares dans l'économie. Toutefois, une expansion de capacité substantielle induite par l'aide d'État dans un marché peu efficace risque de fausser indûment la concurrence, car la surcapacité peut entraîner une compression des marges de profit et une réduction de la capacité des concurrents, voire leur sortie du marché. Dans ce type de situation, des concurrents qui, sinon, pourraient se maintenir sur le marché s'en trouvent évincés à cause de l'aide d'État. Des entreprises à faibles coûts peuvent également être empêchées d'y pénétrer et les concurrents peuvent se trouver moins incités à innover. Il en résulte des structures de marché inefficaces, également préjudiciables aux consommateurs à long terme. |
46. |
Pour déterminer si l'aide peut servir à créer ou à maintenir des structures de marché inefficaces, comme indiqué plus haut, la Commission tiendra compte de la capacité de production supplémentaire créée par le projet et de l'existence éventuelle d'un marché peu efficace (20). Selon les lignes directrices, une capacité supplémentaire ne sera considérée comme problématique que si elle est créée sur un marché peu efficace et que la capacité supplémentaire dépasse 5 % du marché considéré. |
47. |
Comme la capacité créée sur un marché en déclin absolu produira normalement plus de distorsions que sur un marché en déclin relatif, la Commission fera une distinction entre les cas dans lesquels, à long terme, le marché en cause est en déclin structurel (c'est-à-dire qu'il accuse un taux de croissance négatif) et ceux dans lesquels le marché en cause est en déclin relatif (c'est-à-dire qu'il accuse un taux de croissance positif, mais ne dépassant pas un taux de croissance de référence (voir point 48)). Lorsque la création de capacité due au projet se déroule sur un marché structurellement en déclin absolu, la Commission la considérera, en appliquant le critère de mise en balance, comme un élément négatif, peu susceptible d'être compensé par des éléments positifs. L'avantage à long terme pour la région considérée est également plus douteux dans ce cas. |
48. |
La faiblesse du marché sera normalement mesurée par rapport au PIB réalisé dans l'EEE pendant les cinq années précédant le démarrage du projet (taux de référence). Les données sur la performance passée sont plus facilement accessibles et moins spéculatives que les projections pour l'avenir. Pour les besoins de l'appréciation approfondie, la Commission prendra néanmoins aussi en considération les tendances escomptées, car l'augmentation de capacité fera sentir ses effets dans les années qui suivent l'investissement. La croissance prévisible du marché considéré et les taux d'utilisation de capacité qui s'ensuivraient, ainsi que l'effet probable de l'augmentation de capacité sur les concurrents par son incidence sur les prix et les marges de profit, peuvent servir d'indicateurs à cet effet. |
49. |
L'expérience montre aussi que dans certains cas, la croissance du produit considéré dans l'EEE ne constitue pas un critère approprié pour évaluer les effets de l'aide, notamment s'il s'agit d'un marché mondial et qu'il n'existe qu'une production ou consommation limitée des produits en cause dans l'EEE. La Commission examinera alors plus globalement l'effet de l'aide sur les structures du marché, en tenant compte notamment de son potentiel d'éviction des producteurs de l'EEE. |
3.2. Effets négatifs sur le commerce
50. |
Ainsi qu'il est expliqué au point 2 des lignes directrices, c'est la spécificité géographique des aides à finalité régionale qui les distingue d'autres formes d'aides horizontales. L'une des caractéristiques particulières des aides régionales est qu'elles visent à influencer le choix du lieu de réalisation des projets d'investissement. Lorsque les aides régionales compensent les coûts supplémentaires résultant des handicaps régionaux et encouragent les investissements supplémentaires dans les régions assistées, elles contribuent non seulement au développement de la région, mais également à la cohésion et, en dernière analyse, elles profitent à l'ensemble de la Communauté (21). En ce qui concerne les effets négatifs potentiels des aides régionales sur le choix des sites, ceux-ci sont déjà reconnus et restreints dans une certaine mesure par les lignes directrices, qui définissent exhaustivement les régions pouvant bénéficier d'aides régionales, compte tenu des objectifs d'équité et de cohésion, ainsi que les intensités d'aide admissibles. Les aides ne peuvent pas être accordées pour attirer des investissements en dehors de ces régions. Lorsqu'elle apprécie de grands projets d'investissement au regard des critères définis dans la présente communication, la Commission devrait disposer de tous les renseignements nécessaires pour pouvoir déterminer si une aide d'État entraînerait une perte d'emplois substantiels dans les sites existants de la Communauté. |
51. |
Plus concrètement, lorsque des investissements qui ajoutent une capacité de production sur un marché sont rendus possibles par l'octroi d'aides d'État, la production ou l'investissement dans d'autres régions de la Communauté risquent d'en pâtir. Ce phénomène est d'autant plus probable lorsque l'augmentation de capacité dépasse la croissance du marché, ce qui sera généralement le cas pour de grands projets d'investissement conformes au second critère du point 68 des lignes directrices. Les effets négatifs sur les échanges, qui correspondent à la disparition de l'activité économique dans les régions affectées par l'aide, peuvent se faire ressentir par des pertes d'emplois sur le marché concerné, au niveau des sous-traitants (22) et en raison de la disparition d'effets externes positifs (par exemple, effet de regroupement, diffusion des connaissances, enseignement et formation, etc.). |
4. MISE EN BALANCE DES EFFETS DE L'AIDE
52. |
Ayant établi qu'une aide est nécessaire à titre d'incitation à réaliser l'investissement dans la région considérée, la Commission mettra en balance les effets positifs et les effets négatifs d'une aide régionale en faveur d'un grand projet d'investissement. À cette fin, elle examinera avec soin les effets globaux de l'aide sur la cohésion dans la Communauté. Elle n'appliquera pas mécaniquement les critères définis dans la présente communication, mais procédera à une appréciation globale de leur importance relative. Aucun élément pris isolément n'est déterminant dans cette mise en balance et aucun ensemble d'éléments ne peut être considéré comme suffisant en soi pour garantir la compatibilité de la mesure en cause. |
53. |
Plus particulièrement, la Commission considère qu'attirer un investissement vers une région plus pauvre (définie par le plafond supérieur d'aides régionales) revêt un plus grand intérêt pour la cohésion régionale que si le même investissement est réalisé dans une région plus avantagée. Par conséquent, selon le deuxième scénario dans lequel il y a lieu de donner des preuves de l'existence d'un autre lieu d'implantation possible, une appréciation selon laquelle, en l'absence d'aide, l'investissement aurait été réalisé dans une région plus pauvre (davantage de handicaps régionaux – plafond d'intensité d'aide régionale plus élevé) ou dans une région considérée comme ayant les mêmes handicaps régionaux que la région cible (même plafond d'intensité d'aide régionale) constituera, dans l'examen sur la base du critère de mise en balance, un élément négatif qui n'est guère susceptible d'être compensé par des éléments positifs parce qu'il va à l'encontre de l'objectif même des aides régionales. À l'inverse, les effets positifs des aides régionales qui se bornent à compenser la différence de coûts nets liés à un autre site d'investissement plus développé (et qui remplit donc le critère de proportionnalité défini plus haut, outre les conditions de «l'effet positif» consistant en l'effet objectif, le caractère adéquat et l'effet incitatif), seront normalement considérés, selon le critère de mise en balance, comme de nature à compenser les effets négatifs éventuels de l'autre site pour de nouveaux projets d'investissement. |
54. |
Toutefois, lorsqu'il existe des indices fiables selon lesquels l'aide d'État entraînerait, dans des sites existants de l'Union européenne, une perte substantielle d'emplois qui, sinon, auraient probablement été préservés à moyen terme, les effets sociaux et économiques qui s'y feraient ressentir devront être pris en compte dans la mise en balance des effets de cette aide. |
55. |
À l'issue de la procédure formelle d'examen établie à l'article 6 du règlement (CE) no 659/1999, la Commission peut clore la procédure par une décision prise en vertu de l'article 7 de ce règlement. |
56. |
La Commission peut autoriser l'aide, la soumettre à des conditions ou l'interdire (23). Si elle adopte une décision conditionnelle en vertu de l'article 7, paragraphe 4 de ce règlement, elle peut l'assortir de conditions afin de limiter les distorsions potentielles de la concurrence et d'assurer la proportionnalité. Elle peut notamment réduire le montant ou l'intensité de l'aide notifiée à un niveau considéré comme proportionnel et donc compatible avec le marché commun. |
(1) JO C 54 du 4.3.2006, p. 13.
(2) http://ec.europa.eu/comm/competition/state_aid/regional_aid/regional_aid.html
(3) Tel que défini au paragraphe 60 et dans les notes de bas de page 54 et 55 des lignes directrices.
(4) Voir section 4.3 des lignes directrices.
(5) Voir point 67 des lignes directrices.
(6) Voir point 64 des lignes directrices.
(7) Voir point 24 de l'encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale en faveur de grands projets d'investissement de 2002 (JO C 70 du 19.3.2002, p. 8, modifié dans le JO C 263 du 1.11.2003, p. 3).
(8) Voir point 68 des lignes directrices.
(9) Voir points 11 et 20 du PAAE, (COM(2005) 107 final).
(10) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.
(11) Voir section 2 du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999, (JO L 210 du 31.7.2006, p. 25).
(12) Voir point 38 des lignes directrices.
(13) Voir point 68 des lignes directrices.
(14) Ces investissements peuvent créer des conditions qui permettent d'autres investissements à même de se passer de toute aide supplémentaire.
(15) Lorsque des doutes subsistent sur la définition appropriée du marché en cause, la Commission les mentionnera dans sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen en vertu de l'article 88, paragraphe 2, du traité.
(16) Le pouvoir de marché consiste dans la capacité d'influencer les prix, la production, la variété ou la qualité des biens et de services, ou d'autres facteurs de la concurrence sur le marché pendant une période significative.
(17) À cet effet, la Commission peut utiliser l'indice de Herfindahl-Hirschman (IHH), qui fournit une analyse sommaire de la structure du marché. Dans un marché comptant peu d'acteurs dont plusieurs détiennent une part relativement substantielle, une part de marché élevée du bénéficiaire peut poser moins de problèmes sous l'angle de la concurrence.
(18) Ces barrières à l'entrée comprennent les barrières juridiques (notamment les droits de propriété intellectuelle), les économies d'échelle et d'envergure, ou les obstacles à l'accès aux réseaux et à l'infrastructure. Lorsque l'aide se rapporte à un marché sur lequel le bénéficiaire de l'aide est établi de longue date, des barrières éventuelles à l'entrée peuvent renforcer le pouvoir de marché potentiel de ce bénéficiaire et donc ses effets négatifs éventuels.
(19) Lorsqu'il existe des acheteurs puissants sur le marché, il est moins probable que le bénéficiaire d'une aide puisse augmenter ses prix par rapport à ces acheteurs.
(20) Dans ce contexte, un marché est considéré comme «peu efficace» si son taux de croissance annuel moyen pendant la période examinée ne dépasse pas le taux de croissance du PIB de l'EEE.
(21) C'est ainsi qu'une activité supplémentaire ou une amélioration du niveau de vie dans la région assistée peut accroître la demande de produits et de services originaires d'autres parties de la Communauté.
(22) En particulier s'ils exercent leurs activités sur les marchés locaux de la région considérée.
(23) Lorsque l'aide est octroyée au titre d'un régime d'aides régionales existant, il convient toutefois de remarquer que l'État membre conserve la faculté d'accorder un montant correspondant à l'aide maximale qu'un investissement dont les dépenses admissibles sont de 100 millions EUR peut recevoir conformément aux règles applicables.