27.3.2010   

FR

Journal officiel de l’Union européenne

C 79/23


Avis du Comité des régions sur le «Livre vert RTE-T: un réexamen des politiques»

(2010/C 79/05)

I.   RECOMMANDATIONS POLITIQUES

LE COMITÉ DES RÉGIONS

Sur les fondements de la future politique dans le domaine des RTE-T

1.

accueille favorablement une révision en profondeur de la politique des RTE-T, qui apparaît nécessaire du fait des retards importants constatés dans la réalisation du réseau défini en 1996 et des contraintes qui pèsent sur le budget européen des transports et note que la crise financière rend plus impérieuse encore la nécessité d'optimiser les investissements à effectuer dans le cadre des RTE-T;

2.

souligne que dans le contexte actuel de crise économique, le développement du RTE-T et l'intégration des transports dans l'Union et dans les pays voisins constituent un enjeu considérable pour assurer la viabilité à long terme du marché intérieur et la cohésion territoriale, économique et sociale dans l'Union; appelle les États membres dans le cadre de la révision à mi-parcours des perspectives financières 2009-2010 à inverser la réduction drastique du budget des RTE-T;

3.

constate que le présent document constitue un complément important aux avis qu'il a adoptés précédemment, notamment sur «l'écologisation du secteur des transports» et la «mobilité urbaine»;

4.

attire l’attention de la Commission sur le fait que la réalisation d’infrastructures de transports ne peut pas être dissociée des deux autres volets de la politique des transports: d’une part la politique en matière de tarification et de régulation des trafics (par exemple à travers la directive Eurovignette); d’autre part l’amélioration de l’efficacité, de la qualité et de la sécurité des transports (par exemple à travers le développement de l’interopérabilité ferroviaire); et recommande donc à la Commission de développer ces trois volets de façon cohérente et simultanée;

5.

souhaite qu’une importance accrue soit donnée aux objectifs de développement durable et de protection de l’environnement et, en conséquence, que la politique des RTE-T favorise les modes de transports les plus respectueux de l’environnement (transports ferroviaires, maritimes et fluviaux);

6.

propose que soit prise en compte de façon spécifique l’existence de zones sensibles d’un point de vue environnemental, telles que les zones littorales et de montagne, où des mesures particulières devraient être prises en faveur d’un transfert des marchandises de la route vers le rail ou les autoroutes de la mer;

7.

regrette que le livre vert ne mette pas mieux en évidence l’importance des transports dans l’aménagement du territoire européen et, en pleine conformité avec le principe de cohésion territoriale, rappelle que l’un des objectifs essentiel des RTE-T est de contribuer à un meilleur équilibre entre les régions en permettant la libre circulation des personnes et des biens, en particulier entre les régions excentrées ou moins développées et les grands centres économiques européens, afin de donner à ces zones les impulsions économiques requises; et, pour ce qui concerne les régions ultrapériphériques, en tenant compte de leur droit à l’accessibilité;

Sur la planification du réseau

8.

considère souhaitable de limiter le réseau transeuropéen de transport aux axes de transport qui contribuent de façon forte aux objectifs stratégiques de l’Union européenne, en particulier la cohésion territoriale, dans une perspective de long terme (les «réseaux principaux») et dans le cadre d’une structure à deux niveaux consistant en un réseau RTE-T général et un réseau principal de transport;

9.

estime qu'il conviendrait, dans le cas du réseau général RTE-T, de créer un système souple se référant à des méthodes et à des principes généraux convenus au niveau de l'Union pour ajouter de manière efficace et rapide au réseau RTE-T différents éléments ou composants de réseau (nouveaux ports, nouveaux aéroports, nouvelles liaisons ferroviaires, etc.);

10.

estime inévitable de distinguer les réseaux de fret et de voyageurs, dont les finalités et les caractéristiques sont différentes, et souhaite que soient définies plus clairement les priorités entre les deux types de réseaux (aujourd’hui les arbitrages sont souvent faits en faveur des transports de voyageurs) dans les cas où cela se justifie; eu égard à la modicité des moyens disponibles, il est nécessaire de se fixer des priorités dans le développement du réseau global des RTE-T et, en l'occurrence, d'engager les ressources de manière ciblée pour éliminer les goulets d'étranglement du réseau;

11.

est d’avis que cette distinction ne nuit à une coordination étroite dans la définition et la mise en œuvre des deux réseaux, et qu’elle n’empêche pas d’assurer éventuellement les fonctionnalités fret et voyageurs, de façon temporaire ou définitive, au moyen d’une même infrastructure pour autant qu'il soit répondu efficacement aux nécessités de service liées au transport de marchandises et de voyageurs;

12.

recommande que les «réseaux principaux» transeuropéens de fret et de voyageurs incorporent les «projets prioritaires» actuels qui pourraient être étendus à d'autres projets et comprennent toutes les infrastructures nécessaires à la continuité des circulations (y compris les infrastructures d’ampleur limitée permettant une amélioration rapide de l’efficacité, de la qualité et de la sécurité des circulations), ce qui permettra l'émergence de corridors répondant aux souhaits des citoyens;

13.

considère que le réseau RTE-T redéfini devrait également englober les nœuds de transport situés sur les réseaux principaux et qui ont une importance considérable pour la cohésion et l'économie des régions de la Communauté. Ils sont souvent le siège d'une forte création de valeur, précisément, entre autres raisons, parce qu'ils présentent une structure multimodale. Ils sont la principale source de congestion et d’autres manques d’efficacité; le réseau RTE-T devrait en particulier inclure les infrastructures de contournement des grandes villes qui permettent de limiter la cohabitation entre les trafics de longue distance et les trafics périurbains quotidiens tout en cherchant des alternatives dans les zones qui ne sont pas encombrées;

14.

estime important que le réseau RTE-T soit défini dans une logique d’intermodalité et soit donc étendu aux grands pôles de correspondance et de logistique (gares, aéroports, ports, terminaux intermodaux) ainsi qu’aux infrastructures secondaires qui desservent ces pôles et assurent leur raccordement aux réseaux principaux;; dans cette optique, il serait opportun de prendre en compte la vocation maritime de certains corridors terrestres comme axe de base pour le réseau prioritaire en ce qui concerne le transport ferroviaire des marchandises lié au transport maritime, via la connexion des chemins de fer aux principaux nœuds de transport intermodal (ports et plateformes logistiques);

15.

considère également essentiel que les ports ayant une importance stratégique au plan européen, en particulier ceux liés à des plateformes multimodales européennes, qui assurent l’essentiel des échanges européens de marchandises avec l’extérieur et qui peuvent jouer un rôle accru dans les échanges intra-européens, soient reliés de façon efficace à l'arrière-pays et au réseau RTE-T ferroviaire et fluvial et préconise le développement des autoroutes de la mer, qui constituent une alternative flexible, respectueuse de l’environnement et facilitant l’intégration des régions reculées et périphériques; ce faisant, la priorité devrait être accordée aux moyens de transports que sont le rail et les voies de navigation intérieures lorsqu'il s'agit de relier l'arrière-pays aux ports européens;

16.

insiste sur la nécessité d’une association étroite des villes et des collectivités territoriales à la définition du réseau RTE-T et de ses priorités, en particulier en vue d’assurer la cohérence avec les planifications locales et régionales, et tout particulièrement pour la définition des pôles de transport et des infrastructures secondaires, étant donné que le développement des villes et des régions dépend dans une large mesure des infrastructures de transport et que, de ce fait, elles supportent également certains coûts et subissent divers impacts;

17.

note qu’à la différence d’une planification basée sur un réseau principal, la dimension de l’actuel «réseau global» nuit au développement effectif des RTE-T; dans ces conditions, est favorable à limiter le réseau global à la stricte application des dispositions législatives sur l'interopérabilité, la sécurité et le fonds de cohésion; note que le maintien du réseau global est la seule possibilité pour que les régions périphériques sans projets prioritaires puissent bénéficier des services d'infrastructures de transport financés par l'Union européenne, garantissant ainsi l'accessibilité de toutes les régions; le réseau global pourrait faire l'objet d'une évaluation selon des critères clairement définis se rapportant à la «valeur ajoutée européenne»;

18.

est favorable à une politique ambitieuse pour développer les systèmes «intelligents», intermodaux et interopérables d’exploitation et d’information des usagers, qui peuvent contribuer fortement à l’efficacité des transports de voyageurs et de fret; et recommande en particulier la mise en place d’une billetterie intégrée dans le domaine des transports ferroviaires internationaux de voyageurs;

19.

recommande la poursuite de l’effort de standardisation des dispositions techniques (à l’exemple des normes déjà adoptées dans le domaine ferroviaire) et des systèmes d’exploitation des transports afin d’offrir un cadre cohérent aux diverses infrastructures nationales et de permettre l'interopérabilité entre les normes et les systèmes de transports locaux, sans toutefois imposer quelque norme que ce soit aux autorités locales et régionales chargées du transport;

20.

demande que soit clarifié et précisé ce que le livre vert entend par «pilier théorique», le caractère trop vague de la définition actuelle ne permettant pas d’exprimer une opinion;

Sur la mise en œuvre de la politique des RTE-T

21.

considère nécessaire de concentrer les subventions européennes sur un nombre plus réduit d'opérations, en premier lieu sur les très grands projets transnationaux, qui souffrent souvent d’arbitrages des États en faveurs de projets strictement nationaux, et sur les opérations permettant une amélioration rapide de l'efficacité, de la durabilité environnementale, de la qualité et de la sécurité des échanges, toute décision en la matière devant s'appuyer sur une évaluation stricte de leur «valeur ajoutée européenne»; à cet égard, les mesures de cofinancement et autres mesures d'accompagnement doivent rester strictement neutres pour la concurrence. La fourniture d'une preuve de cette neutralité devrait faire partie intégrante de toute procédure d'autorisation;

22.

est favorable à l’adoption au niveau européen de méthodes d’évaluation socioéconomiques permettant de comparer les projets sur une base harmonisée et d’évaluer leur «valeur ajoutée européenne»;

23.

attire toutefois l’attention de la Commission sur les risques d’une attribution des financements européens sur cette seule base, les méthodes d’évaluation socioéconomique ayant un caractère conventionnel et ne pouvant donc pas prendre en compte la totalité des facteurs de la décision, en particulier en matière d’aménagement du territoire, de cohésion territoriale et d'accessibilité;

24.

souligne qu'il est nécessaire que les orientations dans le domaine des RTE-T comportent des dispositions garantissant que chaque État membre définisse une structure en vertu de laquelle les organes locaux et régionaux qui sont légalement responsables de la planification des transports et de la gestion des réseaux seront pleinement associés à la définition et à la mise en œuvre des orientations RTE-T, ce qui constitue la meilleure manière d'assurer le développement harmonieux des réseaux RTE-T locaux, régionaux et nationaux;

25.

estime fondamentale pour la réalisation des infrastructures ferroviaires, maritimes et fluviales, qui sont les plus respectueuses de l’environnement, la mise en place d’un cadre tarifaire et réglementaire qui les favorise, et souhaite donc qu’une politique ambitieuse soit menée dans ce domaine y compris au moyen d’une internalisation des coûts externes ou au moyen d'une aide européenne aux opérateurs de fret pour qu'ils utilisent des modes de transport durables tels que le transport ferroviaire ou maritime (c'est le cas de l'Ecobonus);

26.

estime essentiel d’accompagner la mise en œuvre du réseau RTE-T par des mesures en vue d’améliorer l’efficacité et la qualité des transports, et en particulier pour effacer les obstacles techniques et réglementaires au passage des frontières; ces mesures peu coûteuses peuvent produire des effets très importants;

27.

constate que l’opposition des populations ou des collectivités territoriales à certains projets d’infrastructures, en raison en particulier des nuisances des chantiers, peut conduire à des retards et à des surcoûts importants;

28.

propose donc d’étendre le financement européen aux actions que les États et les collectivités territoriales mettraient en œuvre, après concertation publique, afin de préparer les territoires à l’accueil des grands chantiers (par exemple en matière de formation de la main d’œuvre locale, d’hébergement des travailleurs, d’ajustement du tissu économique local aux besoins des chantiers, etc.) ce qui permettrait que ces chantiers soient également sources de retombées positives pour les territoires;

29.

propose de même que le financement européen soit étendu à certains investissements d’accompagnement, en vue de permettre une meilleure prise en charge des contraintes environnementales;

30.

considère nécessaire à la réalisation des très grands projets la contractualisation de la contribution européenne dans le cadre de plans de financement globaux, ce que ne permettent pas aujourd’hui les modalités d’attribution des subventions européennes qui sont limitées à une période budgétaire de sept ans (inférieure à la durée de réalisation des très grands projets);

31.

suggère que, sur la base du réseau RTE-T redéfini, soient signés des «contrats de programme» entre l’Union européenne et chaque État, définissant leurs engagements réciproques en matière de financement et de calendrier de réalisation; ces contrats de programme devraient couvrir non seulement les infrastructures faisant partie des RTE-T, mais aussi les infrastructures secondaires que les États (ou les Régions) s’engageraient à réaliser pour assurer le bon fonctionnement des réseaux principaux;

32.

constate que les outils de financements mis en place par l’Union européenne (la garantie de prêt et le capital-risque par exemple) sont bien adaptés aux projets dans lesquels le secteur privé assume des risques commerciaux, en particulier les projets routiers, dans lesquels l’apport financier du secteur privé peut être important (ces projets peuvent généralement être réalisés en concession);

33.

constate, en revanche, qu’ils sont mal adaptés aux projets ferroviaires, portuaires et intermodaux de transport de marchandises qui, sauf exception, ne permettent pas un transfert au secteur privé du risque commercial et qui ne bénéficient de ce fait que d’un apport financier privé marginal;

34.

estime que la création d’euro-obligations pourrait permettre de réaliser plus rapidement les projets prioritaires sous réserve qu’elle permette d’augmenter la part du financement communautaire;

35.

considère que, en dépit de leur complexité contractuelle, des partenariats public-privé peuvent aider à la réalisation de certains grands projets, d’une part en permettant un étalement des subventions publiques, d’autre part en bénéficiant de l’expérience opérationnelle du secteur privé, mais que ce type de montage ne change pas significativement les équilibres économiques à moyen terme;

36.

considère qu’une clarification des règles communautaires en matière de partenariat public-privé pourrait aider au développement de ce type de montage;

37.

considère favorablement une extension du rôle des coordinateurs européens, aujourd’hui en charge des seuls projets prioritaires, aux «réseaux principaux» du RTE-T redéfini;

38.

propose que les coordinateurs jouent également un rôle dans la définition et la mise en œuvre des mesures en vue d’améliorer l’efficacité, la qualité et la sécurité des transports, comme cela est déjà le cas sur certains projets prioritaires;

39.

considère qu'il existe un autre type de coordination possible que l'on pourrait appeler coordination par macrozones. Cette formule consisterait à diviser l'UE en zones présentant des caractéristiques et conditions similaires, ce qui permettrait aux États membres proches de collaborer plus facilement. Cette méthode faciliterait également la coordination dans le cas de corridors très étendus dans lesquels les régions d'origine et de destination n'ont pas grand-chose en commun.

Bruxelles, le 7 octobre 2009.

Le Président du Comité des régions

Luc VAN DEN BRANDE