22.9.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/40


Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante»

COM(2008) 165 final

2009/C 228/06

Le 2 avril 2008, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le

«Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante»

La section «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 mars 2009 (rapporteur: M. ROBYNS de SCHNEIDAUER).

Lors de sa 452e session plénière des 24 et 25 (séance du 25 mars), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 54 voix pour, 4 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

L'accès à un recours effectif devant un tribunal est un droit fondamental inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Aussi le CESE insiste-t-il pour favoriser l'accès des citoyens à un tel recours, notamment quand il s'agit de réparer les infractions aux règles sur les ententes et abus de position dominante, dont les victimes sont les concurrents qui respectent les règles, mais aussi les consommateurs, les PME et les salariés des entreprises concernées, et qui mettent en péril l'emploi et le pouvoir d'achat de ceux-ci. Le Comité accueille favorablement le livre blanc de la Commission, qu'il soutient concernant cet aspect. Il met l'accent sur la nécessité de disposer de moyens plus efficaces pour permettre aux victimes d'infractions aux règles sur les ententes et abus de position dominante d'obtenir la réparation intégrale des dommages subis, conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes. Il est essentiel pour la société dans son ensemble de disposer d'un système qui soit équilibré et attentif aux intérêts de tous.

1.2

Le principe directeur de la politique de concurrence doit rester l'application ferme, dans la sphère publique, des articles 81 et 82 du traité CE par la Commission et les autorités nationales de concurrence. Le Comité a conscience des nombreux obstacles et barrières qui entravent l'application des règles dans la sphère privée pour des victimes faisant valoir des droits individuels et collectifs et demandant une pleine réparation; il se félicite des efforts entrepris par la Commission pour traiter ces problèmes. Ces actions en dommages et intérêts sont nécessaires à une application efficace des articles 81 et 82 du traité CE; ce système complète l'action des pouvoirs publics dans ce domaine, mais ne saurait ni la remplacer ni la compromettre. Par ailleurs, une amélioration des conditions de réparation privée aura des effets bénéfiques du point de vue de la dissuasion d'infractions futures.

1.3

Le CESE juge nécessaire un cadre juridique qui améliore les conditions juridiques dans lesquelles les victimes exercent leur droit, conféré par le traité, de demander réparation de tous les dommages subis du fait d'une infraction aux règles de concurrence communautaire. À cette fin, il convient d'adopter, au niveau communautaire et des États membres, les mesures nécessaires, contraignantes ou non, pour améliorer les procédures juridictionnelles de l'Union européenne, et offrir une protection minimale satisfaisante du droit des victimes. Les règlements extrajudiciaires peuvent seulement venir compléter les procédures juridictionnelles. Ils peuvent constituer une alternative intéressante en raison des procédures moins formelles et moins coûteuses qui les caractérisent, à condition que les deux parties impliquées soient réellement disposées à coopérer et uniquement s'il existe réellement une possibilité de recours judiciaire.

1.4

S'agissant des actions collectives, le CESE considère qu'il est nécessaire de mettre en place des mécanismes adéquats pour qu'elles puissent être exercées de manière efficace, en se basant sur une démarche européenne ainsi que sur des mesures enracinées dans la culture et les traditions juridiques européennes, qui permettent de faciliter l'accès à la justice des entités qualifiées par la loi et des collectifs de victimes. Les mesures de suivi devraient constituer des garde-fous adéquats contre la mise en place de caractéristiques qui, dans d'autres systèmes juridiques, ont démontré qu'ils étaient plus propices aux abus. Le Comité appelle la Commission à organiser une coordination avec d'autres initiatives, afin de faciliter les recours, par exemple avec l'initiative actuellement en cours à la DG SANCO.

1.5

Les propositions avancées dans le livre blanc portent sur un cadre juridique complexe qui affecte les systèmes nationaux de procédure et notamment les règles relatives à la qualité pour agir, à la divulgation, à la faute et à la répartition des coûts.

1.6

L'accès aux preuves et la divulgation inter partes devraient reposer sur l'établissement des faits et un contrôle juridictionnel strict de la plausibilité de la demande d'indemnisation et de la proportionnalité de la demande de divulgation.

1.7

Le Comité demande à la Commission d'assurer un suivi du livre blanc et de proposer les mesures adéquates permettant d'atteindre les objectifs de celui-ci tout en respectant le principe de subsidiarité et en veillant parallèlement à ce que l'application de ce dernier ne constitue pas une entrave à l'élimination des obstacles existants concernant l'accès des victimes d'infractions aux règles sur les ententes et les abus de position dominante à des mécanismes de réparation efficaces leur permettant d'être indemnisées pour les dommages qu'elles ont subis.

2.   Introduction

2.1   Le CESE souligne que les individus ou les entreprises qui sont victimes d'infractions au droit de la concurrence doivent pouvoir demander à obtenir des dommages et intérêts de la partie qui a causé le dommage. À cet égard, le Comité remarque que les assureurs ne couvrent pas les conséquences (notamment le versement de dommages-intérêts) de comportements anticoncurrentiels intentionnels. Le Comité est convaincu que cela renforce l'effet dissuasif pour les entreprises, dans la mesure où les entreprises qui commettent des infractions aux règles sur les ententes et abus de position dominante devront supporter l'entièreté des coûts afférents à la réparation des dommages qu'elles ont causés, et devront payer les amendes encourues.

2.2   Comme l'a déjà fait observer le Comité (1), la politique de la concurrence est étroitement liée à d'autres politiques comme le marché intérieur et la politique des consommateurs. Par conséquent, il convient de s'efforcer autant que possible de coordonner les initiatives ayant pour but de faciliter les recours.

2.3   La Cour de justice des Communautés européennes a garanti le droit des victimes, qu'il s'agisse de citoyens ou d'entreprises, à obtenir réparation des dommages dus au non-respect des règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante (2).

2.4   À la suite du débat public auquel avait donné lieu la publication en 2005 du livre vert de la Commission intitulé «Actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante» (3), le CESE (4) et le Parlement européen (5) avaient appuyé le point de vue de la Commission et invité celle-ci à prendre des mesures concrètes. En particulier, le CESE avait accueilli favorablement l'initiative de la Commission, mis l'accent sur les obstacles que rencontraient les victimes lorsqu'elles voulaient obtenir réparation et rappelé le principe de subsidiarité.

2.5   En avril 2008, la Commission a présenté des suggestions spécifiques dans son livre blanc (6). Des thèmes liés aux actions en dommages et intérêts en matière d'entente et d'abus de position dominante y sont analysés et des mesures visant à faciliter de telles actions y sont détaillées. Les mesures et choix de politique proposés sont liés aux neuf sujets suivants: qualité pour agir; accès aux preuves; effet contraignant des décisions des ANC; nécessité de l'existence d'une faute; dommages et intérêts; répercussion des surcoûts; délais de prescription; coûts des actions en dommages et intérêts; et interaction entre les programmes de clémence et les actions en dommages et intérêts.

2.6   Lors de l’élaboration de son livre blanc, la Commission a procédé à de larges consultations auprès des représentants des gouvernements des États membres, des magistrats des juridictions nationales, des représentants de l’industrie, des associations de consommateurs, de la communauté judiciaire et de nombreuses autres parties intéressées.

2.6.1   Une concurrence non faussée fait partie intégrante du marché intérieur et est essentielle à la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. L'objectif premier du livre blanc de la Commission est d'améliorer les conditions juridiques dans lesquelles les victimes exercent leur droit, conféré par le traité, de demander réparation de tous les dommages subis du fait d'une infraction aux règles de concurrence communautaires. En conséquence, l'indemnisation intégrale des victimes est, de loin, le premier principe directeur.

2.6.2   Le livre blanc aborde les aspects suivants:

qualité pour agir, acheteurs indirects et recours collectifs;

accès aux preuves: divulgation inter partes;

effet contraignant des décisions des autorités nationales de concurrence (ANC);

nécessité de l'existence d'une faute;

dommages et intérêts;

répercussion des surcoûts;

délais de prescription;

coûts des actions en dommages et intérêts;

interaction entre les programmes de clémence et les actions en dommages et intérêts.

3.   Observations générales

3.1   Le CESE est favorable à un système efficace qui permette aux victimes d'infractions aux règles sur les ententes et abus de position dominante de recevoir une réparation équitable des dommages subis. À l'heure actuelle, il est loisible à des victimes d'infractions aux règles de concurrence de réclamer des dommages et intérêts par le moyen du droit général de la responsabilité civile de leur État membre. Toutefois, la Commission a estimé que de telles procédures ne sont pas appropriées dans les cas où plusieurs victimes ont subi des dommages de même nature.

3.2   Le Comité reconnaît l'importance des questions que soulève le livre blanc. Les observations qui suivent porteront principalement sur les sujets que le Comité considère comme les plus sensibles dans le cadre du débat en cours. Le Comité demande à la Commission de veiller à ce que, dans tous les États membres de l'UE, un dédommagement efficace soit prévu pour les victimes d'infractions au droit de la concurrence et de proposer à cette fin les mesures nécessaires de suivi du livre blanc sur le plan communautaire. Le Comité souligne qu'il convient de prendre en compte le principe de subsidiarité lorsque l'on envisage des propositions spécifiques d'échelon européen, et rappelle que ces propositions devraient être compatibles avec les systèmes juridiques et procéduraux des États membres.

3.3   Le CESE considère que les victimes doivent obtenir une réparation complète de la valeur réelle des dommages subis, ce qui inclut non seulement la perte réelle ou le dommage matériel et moral, mais aussi le manque à gagner et le droit de percevoir des intérêts.

3.3.1   Le CESE juge approprié que l'intervention communautaire proposée par la Commission prenne en considération deux types d'instruments complémentaires:

d'une part, la codification dans un instrument législatif communautaire de l'acquis communautaire relatif aux types de dommages que les victimes d'infractions aux règles de concurrence peuvent se voir indemniser;

d'autre part, l'établissement d'un cadre contenant des orientations non contraignantes pour l'évaluation des dommages et intérêts, pouvant inclure des méthodes d'approximation ou des règles simplifiées pour l'estimation des dommages subis.

3.4.   Le CESE considère que des dommages et intérêts doivent pouvoir être alloués à toute personne lésée qui peut rapporter la preuve d'un lien de causalité suffisant avec l'infraction. Il convient en tout état de cause d'éviter les situations pouvant entraîner un enrichissement sans cause, s'agissant par exemple d'acheteurs qui ont répercuté le surcoût. Le CESE considère, indépendamment du niveau auquel cette disposition serait adoptée (national ou communautaire), que dans cette hypothèse, les défendeurs devraient être en droit d'invoquer la répercussion des surcoûts comme moyen de défense contre une demande d'indemnisation desdits surcoûts. S'agissant de la charge de la preuve, le niveau de preuve requis pour ce moyen de défense ne devrait pas être inférieur à celui imposé au requérant pour prouver les dommages subis.

3.5   Compte tenu des divergences actuelles concernant le calcul des délais de prescription, il est important du point de vue de la sécurité juridique d'harmoniser les critères appliqués en la matière. Le CESE considère à cet égard:

que le délai de prescription ne doit pas commencer à courir avant le jour où l'infraction prend fin, en cas d'infraction continue ou répétée, ou avant le moment où la victime peut raisonnablement être considérée comme ayant pris connaissance de cette infraction et des dommages qu'elle lui cause;

qu'un nouveau délai de prescription de deux ans minimum doit commencer à courir le jour où la décision constatant l'infraction, sur laquelle le requérant s'appuie pour intenter une action, est devenue définitive.

3.6   Interactions entre l'application dans la sphère publique et les actions en dommages et intérêts

3.6.1

Étant donné qu'il s'agit d'une question d'intérêt public, c'est aux pouvoirs publics que doit continuer d'appartenir à titre principal la compétence en matière de réglementation des marchés et d'application des règles de concurrence dans l'UE. En conséquence, le CESE estime que toute future action doit maintenir le principe d'une application efficace du droit dans la sphère publique, tout en permettant aux victimes d'infractions aux règles de concurrence d'obtenir plus facilement réparation des dommages subis. L'application du droit dans la sphère publique joue un rôle fondamental dans la lutte contre les comportements anticoncurrentiels, et ce d'autant plus que la Commission et les autorités nationales de concurrence (ANC) jouissent de prérogatives uniques en matière d'enquête et de règlement.

3.6.2

L'application dans la sphère publique porte avant tout sur le respect des textes et sur la dissuasion, l'objectif d'actions en dommages et intérêts est d'obtenir intégralement réparation des dommages subis. Cette réparation comprend le dommage réel, le manque à gagner et les intérêts.

3.6.3

Dans le contexte d'une évaluation des mesures relatives à une réparation réelle et intégrale, le CESE attend du cadre envisagé d'orientations pour l'évaluation des dommages et intérêts que ce cadre définisse des orientations pragmatiques à l'usage des tribunaux des États membres, conformément à la description du livre blanc.

3.7   Règlements extrajudiciaires

3.7.1

Si un cadre plus efficace pour le recours judiciaire des victimes d'infractions au droit de la concurrence est indispensable, le CESE approuve le fait que la Commission encourage les États membres à élaborer des règles de procédure favorisant les accords transactionnels. Les règlements extrajudiciaires, en tant que solution de rechange par rapport aux recours en justice, sont susceptibles de jouer un rôle complémentaire important dans l'attribution de dommages et intérêts aux victimes, sans limiter d'aucune manière l'accès aux tribunaux. Ils pourraient permettre en effet de parvenir à une solution équitable plus rapidement, à un coût moindre, dans une atmosphère moins conflictuelle entre les parties et, parallèlement, en réduisant l'engorgement des tribunaux. Par conséquent, le CESE invite la Commission à encourager le recours à des modes de règlement extrajudiciaires dans l'UE et à en améliorer la qualité. Toutefois, le CESE fait remarquer que les mécanismes alternatifs de règlement des litiges ne peuvent constituer une solution de rechange crédible au dédommagement des victimes que dans la mesure où il existe d'autres dispositifs permettant un recours judiciaire efficace auprès des tribunaux, y compris les mécanismes collectifs. En l'absence d'outils efficaces de recours, il n'y a pas de motivation suffisante pour parvenir à un règlement équitable et rapide des litiges.

4.   Observations particulières concernant le livre blanc

4.1   Du fait de l'ampleur actuelle des échanges juridiques, il convient d'instituer au sein des ordres juridiques des mécanismes permettant de regrouper ou de mettre en commun les demandes individuelles émanant des victimes d'infractions aux règles de concurrence.

4.1.1   Le CESE approuve l'approche de la Commission, qui a décidé, afin d'assurer l'efficacité des recours collectifs en faveur des victimes, de combiner deux mécanismes complémentaires:

d'une part, des actions représentatives, intentées par des entités qualifiées (associations de consommateurs, associations de protection de l'environnement, organisations professionnelles, associations de victimes), sur le bien-fondé desquelles le CESE s'est déjà en grande partie prononcé (7);

d'autre part, des actions collectives, dans lesquelles les victimes décident de mettre en commun leurs demandes d'indemnisation individuelles pour les dommages qu'elles ont subis.

4.2   Observations concernant les recours collectifs:

4.2.1

La faculté pour les victimes d'infractions aux règles de concurrence (qu'il s'agisse de concurrents qui respectent les règles, de consommateurs, de PME ou de salariés des entreprises concernées, qui sont les victimes indirectes de pratiques mettant en péril leur emploi et leur pouvoir d'achat) d'obtenir une réparation satisfaisante constitue une préoccupation de premier ordre pour le CESE, lequel a exprimé son point de vue sur la «Définition du rôle et du régime des actions de groupe dans le domaine du droit communautaire de la consommation» dans son avis d'initiative (8). À l'instar d'avis antérieurs, il y affirme que l'admission de la nécessité de recours va de pair avec l'existence de procédures adéquates pour reconnaître et faire valoir ces droits. La création d'une action collective européenne est l'une des options possibles en jeu dans le débat sur la manière de conférer à de tels recours une efficacité. Le CESE considère que les mesures de suivi devraient être équilibrées et fournir des garanties efficaces pour éviter les abus. Elles devraient être conformes à d'autres propositions relatives aux recours collectifs, notamment celles en cours à la DG SANCO, et doivent faire l'objet d'un traitement coordonné et cohérent de manière à éviter des duplications inutiles d'instruments judiciaires créant d'énormes difficultés de transposition et d'application dans les États membres.

4.2.2

Le Comité ajoute sa voix au large consensus qui s'est dégagé entre acteurs politiques et parties prenantes en Europe pour considérer que l'UE ne doit pas courir le risque de connaître des abus tels que ceux qui existent aux États-Unis. Les mesures de suivi devraient refléter les traditions culturelles et juridiques de l'Europe, n'avoir pour but que la réparation, et créer un juste équilibre entre les parties, pour aboutir à un système qui préserve les intérêts de la société dans son ensemble. Il demande que soient évités des honoraires subordonnés aux résultats (contingency fees) ou des systèmes suscitant l'intérêt économique de tierces parties.

4.3   Observations concernant la preuve

4.3.1

S'agissant d'un accès effectif aux preuves, qui fait partie du droit à une protection juridictionnelle efficace, le CESE juge favorablement le fait que soit assuré dans l'ensemble de l'UE un niveau minimal de divulgation inter partes pour les affaires de dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence. Il pourrait être utile à cette fin d'étendre les compétences du juge national concernant la divulgation de certaines catégories de preuves pertinentes, pour autant que cette divulgation s'inscrive dans les limites établies par la jurisprudence de la CJCE, en particulier sous l'angle de sa pertinence, nécessité et proportionnalité.

4.3.2

Le CESE reconnaît les obstacles actuels auxquels sont confrontées les victimes et se félicite des efforts de la Commission pour améliorer l'accès aux preuves. Il souligne qu'il ne faudrait pas négliger les différences qui existent entre les systèmes procéduraux des États membres. Les obligations de divulgation devraient être soumises à des garanties précises et être proportionnées à l'affaire.

4.3.3

Le CESE demande à la Commission de soumettre les obligations de divulgation à des garanties précises, étant donné que le problème consiste à maintenir un système qui respecte l'équilibre entre l'accès effectif aux preuves et les droits de la défense. Le CESE note qu'une stricte surveillance par un juge peut être utile à cet égard.

4.3.4

Lorsqu'une infraction à l'article 81 ou 82 du traité CE est constatée au niveau communautaire, les victimes de ladite infraction peuvent, en vertu de l'article 16, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003, utiliser cette décision comme une preuve irréfutable lors d'une action civile. Le CESE estime qu'en vertu du principe d'équivalence des règles de procédure, une disposition analogue devrait s'appliquer pour toutes les décisions des autorités nationales de concurrence (ANC) constatant une infraction à l'article 81 ou 82.

4.4   Observations concernant la participation et la représentation des victimes

4.4.1

Concernant les actions collectives assorties d'une option de participation explicite (opt-in) et d'une option de non-participation explicite (opt-out), le CESE se réfère aux avantages et inconvénients de ces mécanismes, tels qu'il les a décrits dans son avis du 14 février 2008 (9). Dans cet avis, le CESE soulignait en particulier que, tout en présentant certains avantages, l'option de participation explicite était difficile à gérer et onéreuse, entraînait des retards dans la procédure et ne convenait pas à une grande partie des consommateurs, étant donné qu'ils ne disposaient pas des informations adéquates sur l'existence des procédures en question. Pour autant, le CESE observe que certains États membres ont adopté des modèles différents de recours judiciaire comportant à la fois le système des options de participation explicite et de non-participation explicite.

4.4.2

Ces réserves valent aussi pour les «actions représentatives». Dans la mesure où le livre blanc fait référence non seulement aux victimes identifiées mais aussi aux victimes identifiables, des actions au nom d'un groupe de personnes non identifiées ne semblent pas exclues. Si l'identification individuelle des victimes peut contribuer à établir les plaintes, il existe des situations où l'extension à toutes les victimes potentielles serait adéquate, notamment lorsque de nombreuses victimes sont concernées. Le CESE suggère à la Commission de clarifier cette proposition.

4.4.3

Le CESE rappelle ses recommandations concernant l'importance du rôle du juge, recommandations qu'il a formulées dans ses précédents avis. Les juges peuvent être aidés par une formation spécifique, afin de leur permettre de mieux vérifier les critères de recevabilité et l'évaluation des preuves, ainsi que l'accès aux preuves, étant donné que l'introduction d'actions collectives suppose par définition la probabilité que la même plainte ne serait pas déposée à titre individuel. C'est pourquoi il faut que le juge joue un rôle important et actif pour ce qui est de déterminer quelles sont les demandes légitimes et de déclarer ces demandes recevables dès un stade précoce.

4.4.4

Les associations de consommateurs et les associations professionnelles qualifiées constituent des candidats naturels pour représenter les victimes dans des actions représentatives. Le livre blanc de la Commission permet expressément aux associations professionnelles agréées d'intenter aussi des actions représentatives au nom de leurs membres. Étant donné que d'autres organisations reconnues qui répondent à certaines normes pourraient aussi avoir des raisons légitimes d'introduire une action collective, il conviendrait d'évaluer avec soin si cela pourrait provoquer des situations où des demandes multiples et concurrentes seraient présentées concernant des dommages causés par la même infraction. Il serait souhaitable que les victimes se fassent représenter par une entité représentative unique pour conférer une efficacité à l'action.

4.5   Remarques concernant l'effet contraignant des décisions finales des autorités nationales de concurrence (ANC):

4.5.1

Dans le principe, le CESE partage le sentiment de la Commission selon lequel les décisions définitives des ANC qui s'appuient sur la constatation préalable d'une infraction par la même autorité dans les affaires de dommages et intérêts devraient valoir présomption irréfragable de l'infraction. Il estime que les juridictions nationales sont les mieux placées pour évaluer le lien causal entre l'infraction et les dommages et intérêts réclamés, et qu'il convient que ce soient elles qui restent exclusivement habilitées à le faire.

4.5.2

Le CESE note également que la valeur des décisions définitives des ANC suppose que l'on accorde l'attention qui convient au niveau d'harmonisation des contrôles et des garanties de procédure dans les États membres.

4.6   Observations sur la nécessité de l'existence d'une faute:

4.6.1

Dans certains États membres, la relation de causalité entre faute et dommages est un élément constitutif de la responsabilité civile et l'on exige que le plaignant démontre son propre droit à réparation ainsi que la faute du défendeur. Le CESE recommande à la Commission de tenir compte de ces différences, car elles sont issues de l'évolution historique des systèmes juridiques nationaux. Il invite instamment la Commission à faire en sorte que tout régime futur garantisse des procédures équitables visant à une indemnisation rapide et efficace des dommages, justifiée par des preuves adéquates.

4.7   Observations concernant les programmes de clémence:

4.7.1

Les programmes de clémence ont un impact énorme sur le nombre d'ententes découvertes, et ils ont aussi un effet dissuasif considérable. C'est pourquoi il est au premier chef de l'intérêt des victimes que ces programmes fonctionnent bien. Le risque de voir rendues publiques des informations confidentielles aurait des conséquences négatives pour la découverte des ententes et, du même coup, pour les chances des victimes de pouvoir prétendre à des dommages et intérêts. En conséquence, le CESE accueille avec satisfaction les propositions destinées à préserver l'efficacité des programmes de clémence. Toutefois, il convient que les demandes de clémence ne protègent pas au-delà du strict nécessaire les parties à une entente des conséquences que comportent, en droit civil, leurs pratiques illicites, et ce au détriment des victimes.

4.8   Observations concernant les coûts des actions en dommages et intérêts:

4.8.1

Le livre blanc définit différentes approches pour réduire le risque financier entraîné par le litige pour les demandeurs dans une action en dommages et intérêts. Le CESE convient que l'exercice du droit à réparation ne doit pas être entravé par des coûts excessifs des actions en justice. Le CESE s'est prononcé sur le coût de ces actions dans son avis sur le livre vert (10).

4.8.2

Le livre blanc invite les États membres à revoir les règles nationales de répartition des coûts et à donner aux juridictions nationales la possibilité – dans des circonstances exceptionnelles – de déroger à la règle selon laquelle la partie qui succombe est condamnée aux dépens, laquelle règle est actuellement appliquée dans la plupart des systèmes juridiques nationaux. Le CESE invite la Commission à accorder l'attention qui convient aux moyens d'assurer à la fois un accès équitable aux tribunaux et la validité des demandes à cet égard également.

4.8.3

Le CESE estime qu'il serait utile que les États membres se penchent sur leurs règles en matière de frais de procédure et que la Commission examine toutes les pratiques en vigueur à travers l'UE. Il faudrait permettre aux requérants dont les demandes sont fondées d'intenter une action en réparation sans que les frais de procédure ne les en empêchent, sans préjudice de l'élaboration de règles de procédure favorisant les accords transactionnels afin de réduire les coûts.

4.8.4

Le CESE rappelle qu'il n'est pas souhaitable d'instaurer un système d'honoraires subordonnés aux résultats (contigency fees) qui serait contraire à la tradition juridique de l'Europe. Comme l'a indiqué le CESE dans un avis précédent (11), ce système est interdit dans la majorité des États membres de l'Union européenne, soit par la loi, soit par les codes de conduite des avocats.

4.8.5

Enfin, le CESE estime que la notification et le recensement des requérants putatifs pourraient se faire de manière efficace et pour un coût raisonnable, au moyen d'un registre électronique public européen des actions, qui pourrait être consulté par les victimes, dans l'ensemble de l'Union européenne.

Bruxelles, le 25 mars 2009.

Le Président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  JO C 162 du 25.6.2008, Franco CHIRIACO, avis du Comité économique et social européen sur le «Rapport de la Commission – Rapport sur la politique de concurrence 2006» COM(2007) 358 final, paragraphe 7.1.1, Bruxelles, 13 février 2008.

(2)  Pour tous les arrêts «Courage contre Crehan» («Affaire C-453/99») et «Manfredi» (Affaires jointes C-295/4 à C-298/04).

(3)  COM(2005) 672 final, «Livre vert – Actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante», Bruxelles, 19 décembre 2005, pp. 1-13.

(4)  JO C 324 du 20.12.2006, María SÁNCHEZ MIGUEL, avis du Comité économique et social européen sur le «Livre vert – Actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante», Bruxelles, 26 octobre 2006, pp. 1-10.

(5)  Résolution du Parlement européen du 25 avril 2007.

(6)  COM(2008) 165 final, «Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante», Bruxelles, 2 avril 2008.

(7)  JO C 162 du 25.6.2008, Jorge PEGADO LIZ, avis du Comité économique et social européen sur la «Définition du rôle et du régime des actions de groupe dans le domaine du droit communautaire de la consommation», Bruxelles, 14 février 2008, pp. 1-21.

(8)  Cf. note de bas de page no 7.

(9)  Cf. note de bas de page no 7.

(10)  JO C 324 du 30.10.2006, point 5.4.5. (rapporteuse: Mme Sanchez Miguel).

(11)  Cf. note de bas de page no 7.