9.8.2008   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 204/1


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L'avenir du marché unique — destination: le monde»

(2008/C 204/01)

Le 27 septembre 2007, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur d'élaborer un avis sur:

«L'avenir du marché unique — destination: le monde».

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 27 février 2008 (rapporteur: M. CASSIDY).

Lors de sa 443e session plénière des 12 et 13 mars 2008 (séance du 12 mars 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 39 voix pour, 9 voix contre et 12 abstentions.

1.   Synthèse des conclusions et recommandations

1.1

L'observatoire du marché unique, instauré par le CESE pour suivre les progrès de la réalisation du marché unique, a produit au fil des ans plusieurs avis en réponse à des demandes d'avis exploratoires d'autres institutions, notamment le Conseil, la Commission, le Parlement ainsi que les présidences de l'UE (1). Le dernier en date est l'avis réagissant au rapport de la Commission sur le réexamen du marché unique (2). Le CESE a en outre adopté plusieurs avis d'initiative au fil des ans.

1.2

Le présent avis d'initiative arrive à point nommé, étant donné que le Conseil européen a décidé lors de sa réunion des 18 et 19 octobre 2007 de faire de l'UE le leader international des questions réglementaires et de l'ouverture des marchés. L'UE peut façonner la mondialisation si elle connecte son modèle de développement associant croissance durable, justice sociale et respect de l'environnement. La stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi constitue une meilleure réponse à la mondialisation qu'un repli vers le protectionnisme.

1.3

Employeurs et syndicats s'accordent à dire que la flexicurité (3) négociée par les partenaires sociaux peut créer une situation dont bénéficient tant les entreprises que les travailleurs. Elle constitue dès lors un cadre approprié pour la modernisation des marchés de l'emploi en Europe, qui englobe le droit du travail, des systèmes efficaces d'apprentissage tout au long de la vie et une protection sociale préservée et améliorée. En outre, un dialogue social effectif (notamment par la négociation collective) contribuera au bon fonctionnement des marchés du travail.

1.4

Le CESE a pris connaissance de la communication «L'intérêt européen: réussir le défi de la mondialisation» (4) que la Commission a présentée au Conseil européen informel de Lisbonne.

1.5

La plupart des citoyens européens considèrent le succès du marché unique dans tant de secteurs de l'UE comme allant de soi. Cependant, le marché unique n'est pas un «fait accompli»; au contraire, le commissaire McCREEVY le qualifie de «travail en cours» (5). Outre la nécessité d'achever le marché unique, l'UE doit désormais relever le défi de la mondialisation et promouvoir les principes du marché ouvert sur lesquels est basée l'Union, et ainsi un monde où le protectionnisme n'a pas sa place dans un cadre de concurrence non faussée.

1.6

L'instauration de normes harmonisées accompagnée d'une libre circulation des capitaux, des biens, des services et des personnes s'inscrit dans la mission générale de l'UE. Cela signifie que les entreprises de pays tiers souhaitant opérer dans l'UE ne pourront contourner les règles en application sur le marché intérieur, que cela soit en matière de protection des consommateurs, de normes techniques, de conditions de travail ou de respect de l'environnement.

1.7

Le défi de la mondialisation réside notamment dans le rôle de l'Organisation mondiale du commerce et de l'Organisation internationale du travail, ainsi que dans l'interdépendance croissante des marchés financiers mondiaux, laquelle a été soulignée par la crise financière et boursière au second semestre de l'année 2007.

1.8

Le marché unique européen à lui seul n'est pas suffisant. L'UE doit commercer et développer ses relations avec le reste de la planète. Elle doit en outre rester compétitive, apportant ainsi des avantages aux travailleurs, aux employeurs et à tous les citoyens. La stratégie de Lisbonne a été mise sur pied dans ce but et afin de permettre à l'UE de devenir une économie plus compétitive sur la scène mondiale. L'UE elle-même doit veiller à supprimer les barrières intérieures subsistantes.

1.9

L'objet du présent avis d'initiative est d'inciter l'UE à faire face à la mondialisation et à saisir les occasions qui en découlent. Le succès économique de l'Europe n'a pas été bâti sur le protectionnisme mais sur les quatre libertés qui constituaient les fondations de la Communauté économique européenne des débuts. (L'UE doit encore abolir certaines de ses propres restrictions commerciales).

1.10

Elle doit en outre veiller à ne pas tomber, comme les États-Unis, dans le piège consistant à subventionner la production de biocarburants. Si elles ne sont pas arrêtées par l'OMC, ces subventions inutiles ne manqueront pas d'entrainer une hausse des prix de la nourriture et ainsi d'aggraver le problème de la faim dans le monde en développement et sous-développé (6).

1.11

Le CESE prend acte des recommandations formulées par les partenaires sociaux dans leur examen et analyse conjoints des grands défis relatifs aux marchés européens de l'emploi (7), et exhorte la Commission et les États membres à en tenir compte.

1.12

Le Comité se félicite de la communication de la Commission au Conseil informel de Lisbonne (8). Il soutient en particulier les quatre stratégies établies au niveau de l'UE comme des États membres: recherche-développement et innovation, environnement dynamique pour les entreprises, investissement en capital humain, et enfin énergie et changement climatique. Dans chacun de ces quatre domaines, il importe cependant d'approfondir l'agenda des réformes pour que les potentialités réelles en matière de croissance et de création d'emplois puissent être exploitées.

1.13

Le CESE appelle la Commission et le Conseil à veiller à ce que les partenaires sociaux soient impliqués de près dans l'élaboration et la mise en œuvre des mesures de la politique de flexicurité au niveau national.

1.14

Les entreprises et les travailleurs européens ne peuvent être défavorisés par rapport aux acteurs provenant de pays tiers simplement parce que l'UE voudrait être le porte-drapeau de pratiques environnementales avancées.

1.15

La solution est que l'UE parle d'une seule voix, de manière insistante et cohérente, lors des négociations internationales sur le réchauffement climatique et qu'elle exerce des pressions sur les pays qui se défaussent.

2.   Réussir le défi de la mondialisation — principaux éléments

2.1

La communication présentée par la Commission à l'occasion de la réunion des chefs d'État et de gouvernement d'octobre fait suite à la réunion informelle de Hampton Court, en octobre 2005, où avaient été abordés les grands défis posés par la mondialisation dans des domaines tels que l'innovation, l'énergie, les migrations, l'éducation et la démographie. En 2007, il a été convenu de placer l'Europe à la pointe des efforts entrepris au niveau mondial pour lutter contre le changement climatique et de mettre en œuvre une politique européenne en faveur d'une énergie sûre, durable et concurrentielle, dans le but d'amener en fait l'Europe au seuil d'une troisième révolution industrielle.

2.2

Le grand public est devenu plus conscient de la mondialisation, ainsi que des avantages et des difficultés qu'elle apporte. Saluée par certains, crainte par d'autres, elle a remis en question certaines idées de l'après-guerre sur l'économie mondiale (par exemple la place dominante des États-Unis) et pose la question de savoir comment les gouvernements peuvent aider leurs citoyens à accepter les changements. La mondialisation constitue un défi mais aussi une opportunité pour l'UE.

2.3

Au terme de cinquante années d'intégration européenne, l'interpénétration des perspectives économiques des États membres est plus forte que jamais, assurant un progrès social sans précédent. À l'avenir, il faudra avoir pour objectif de permettre à l'UE d'initier des tendances émergentes dans l'économie mondiale et d'introduire des normes internationales basées sur les valeurs de l'UE.

2.4

L'union monétaire et le succès de l'euro sont et continueront d'être un catalyseur permettant d'approfondir l'intégration des marchés et de consolider le marché intérieur. Un environnement caractérisé par une inflation faible, des taux d'intérêt bas, des transactions bon marché et transparentes, et une intégration financière approfondie favorise les échanges transfrontaliers et les investissements dans l'UE, en plus d'aider les entreprises européennes à faire face à la concurrence mondiale. Sur le plan extérieur, l'euro constitue un refuge face aux turbulences actuelles des marchés financiers, et sa force atténue certains effets des hausses de prix observées sur les marchés mondiaux de l'alimentation et de l'énergie en raison notamment d'une demande forte des nouveaux géants émergeants. La force de l'euro doit cependant être le reflet de bases économiques. Une appréciation rapide de l'euro sur les marchés, favorisée par un taux directeur de la BCE trop élevé et lié à des politiques monétaires qui s'apparentent à des dévaluations compétitives dans d'autres parties du monde, constitue un danger pour la prospérité de l'UE. Elle crée un handicap lourd pour les entreprises européennes qui produisent en euros et qui vendent en dollars, générant ainsi des risques de délocalisation.

3.   La dimension extérieure du marché unique

3.1   Libéralisation des échanges

L'Organisation mondiale du commerce est le principal moteur de la libéralisation des échanges mondiaux. Si le cycle de Doha est couronné de succès, plus de cent pays de par le monde pourraient ouvrir leurs marchés aux exportations de l'UE. La lenteur des avancées des négociations est des plus décevantes. Des accords commerciaux bilatéraux se sont multipliés en plus des accords de l'OMC. Les entreprises et les travailleurs ont de toute urgence besoin d'un nouvel accès aux marchés à forte croissance des principaux partenaires commerciaux. La stratégie de l'UE consistant à négocier des accords de libre échange avec la Corée, l'ANASE et l'Inde, est un pas dans la bonne direction. Ces accords doivent être aussi larges et ambitieux que possible, couvrant les biens (y compris ceux concernés par des barrières non tarifaires), les services, les investissements, les droits de propriété intellectuelle, la promotion des échanges, la politique de concurrence, ainsi que les normes environnementales et de l'OIT. Il convient également d'envisager l'incorporation dans ces accords d'un mécanisme basé sur le modèle SOLVIT.

3.2

Outre les accords de libre échange classiques, le CESE estime qu'il existe d'autres manières innovantes de traiter des problèmes existant sur le terrain dans un contexte bilatéral, comme le montrent les débats du conseil économique transatlantique, mis en place après le sommet États-Unis/UE du 30 avril. La première réunion de ce conseil, tenue le 9 novembre dernier, a permis de réaliser de bonnes avancées initiales vers une résolution des problèmes et ainsi vers une amélioration des conditions de commerce et d'investissement avec le premier partenaire économique de l'UE. Les questions examinées ne concernent pas nécessairement d'autres ensembles commerciaux, d'où l'importance de tels accords bilatéraux. (Apparemment, les deux parties ont réalisé depuis avril des avancées considérables vers la suppression des barrières aux échanges et aux investissements et vers un allègement de la charge réglementaire.)

Les problèmes et les points d'accord portent sur les sujets suivants:

acceptabilité des principes de comptabilité GAAP aux États-Unis, où les entreprises européennes cotées sur les marchés boursiers américains peuvent désormais déposer leurs états financiers élaborés selon les normes internationales d'information financière;

renforcement de la sécurité et des éléments facilitant les échanges — une feuille de route visant une reconnaissance mutuelle, à partir de 2009, des programmes de partenariat commerciaux de l'UE et des États-Unis sera mise en place grâce à des étapes essentielles fondées sur la performance;

allégement des charges en ce qui concerne la commercialisation de nouveaux médicaments pour des maladies rares, sur la base d'un accord sur une forme commune à donner aux désignations de médicaments orphelins;

présentation par l'UE d'une proposition législative permettant aux patients d'accéder aux informations relatives aux médicaments légaux;

la Commission a proposé que l'UE continue de permettre l'importation de produits mentionnant à la fois les mesures en unités impériales américaines et en unités métriques afin de réduire les coûts des échanges transatlantiques;

d'ici à la prochaine réunion du conseil économique transatlantique, l'administration américaine de la sécurité et de la santé au travail (OSHA) examinera avec ses homologues de la Commission européenne les progrès réalisés afin de faciliter le commerce des produits électriques dans le respect des procédures de conformité liées à la sécurité, et identifiera les domaines dans lesquels des avancées pourront être réalisées l'année prochaine;

la commission fédérale américaine des communications (FCC) réexaminera les produits sujets à un test obligatoire par une tierce partie, dans le but d'autoriser les déclarations de conformité des fournisseurs pour les produits disposant de bons antécédents en matière de respect des normes concernées;

un dialogue sur la réglementation des marchés financiers examine selon quelles modalités et dans quels domaines établir une reconnaissance mutuelle pour les titres et l'identification d'autres approches propices aux échanges transfrontaliers de services financiers. Les travaux viennent de débuter et les sommets États-Unis/UE coopéreront avec les parties prenantes afin d'identifier d'autres priorités).

3.3

En outre, l'Union européenne devrait également approfondir et consolider sa coopération économique avec ses voisins, comme l'Ukraine, et avec la Russie. L'accession de la Russie à l'OMC, l'espace économique commun UE-Russie et le nouveau traité-cadre UE-Russie constituent des jalons majeurs sur la voie vers un partenariat économique véritablement stratégique. Il convient que cette coopération renforcée prépare le terrain pour les négociations à venir sur une zone économique commune qui serait propice à la libre circulation de biens et de services, de capitaux et de personnes, de connaissances et de technologie.

3.3.1

Étant donné que l'accession à l'OMC ne résoudra qu'en partie les vastes questions liées à un partenariat économique stratégique, il convient que dans la mesure du possible, l'UE et la Russie construisent leurs relations économiques à venir sur des structures OMC+, dans le but de créer un espace économique commun pour une Europe élargie. Pour ce faire, l'UE et la Russie doivent s'engager résolument à traiter une panoplie de problèmes bien plus vaste et profonde que le champ d'application d'un accord de libre-échange classique.

3.3.2

L'accord UE-Russie devrait notamment contenir des dispositions communes pour le traitement national des investissements transfrontaliers, la suppression des droits de douane, le démantèlement des barrières non tarifaires, la convergence réglementaire, la reconnaissance mutuelle des normes et des évaluations de conformité, la facilitation des échanges et la douane. En outre, il devrait instaurer une coopération sur les thèmes suivants: concurrence, libéralisation des services, marchés publics, réglementation sanitaire et phytosanitaire, protection du droit de la propriété intellectuelle, règlement des différends et utilisation des normes comptables internationales. Les accords sur l'Espace économique européen constituent un exemple des questions pouvant être couvertes par un accord de cette ampleur.

3.4   Recherche-développement et innovation

Le bon fonctionnement du marché unique est également une condition sine qua non du renforcement de la capacité de l'Europe à innover. Un véritable marché unique constitue un levier essentiel et une ouverture pour les biens, les produits et les services innovants. Il convient de coordonner au niveau européen les efforts déployés en matière de recherche-développement par les groupements (clusters) de PME et les grandes entreprises, par les instituts de recherche, par les universités et par le nouvel institut européen de technologie. Cela permettra de rendre plus forte l'industrie européenne en général, grâce à l'intégration de niveaux de technologie plus élevés dans leurs produits. Ensemble, ces éléments permettront d'empêcher une relocalisation des investissements réalisés dans l'UE et de rendre l'industrie plus compétitive en matière de produits et de services à haute valeur ajoutée sur les marchés mondiaux.

3.5

La mondialisation a accéléré le rythme du changement, qu'il s'agisse de la technologie, des idées ou de la manière dont nous travaillons et vivons. Le CESE a soutenu ces objectifs avec constance, et estime que si l'Europe peut libérer son potentiel d'innovation et de créativité, elle pourra peser sur l'orientation des changements que connaît le monde en insistant tout particulièrement sur les valeurs européennes et la diversité culturelle.

3.6   Mesures de sauvegarde en matière de propriété intellectuelle

Les efforts européens en matière d'innovation doivent être appuyés par des conditions adéquates permettant de protéger la propriété intellectuelle qui en résulte, et qui nécessite un investissement humain et financier considérable. Il est souhaitable et plus que temps que l'UE dispose, entre autres initiatives, de la protection unique et uniforme du brevet communautaire (9). Les réussites dans ce domaine se traduisent en avantages commerciaux pour les produits de l'UE sur les marchés mondiaux.

En outre, il est essentiel de veiller à une application vigoureuse des droits de propriété intellectuelle, et de lutter efficacement contre la contrefaçon et le piratage. Pour ce faire, il reste essentiel de parachever le cadre juridique à l'échelle communautaire. Il est également nécessaire d'intensifier la coopération internationale afin de s'attaquer au problème dans un cadre mondial. Les dialogues bilatéraux sur la propriété intellectuelle que la Commission européenne mène avec la Chine, la Russie et d'autres régions constituent certes un instrument utile pour traiter ce problème, mais il leur faut produire des résultats concrets. Par ailleurs, le nouvel accord commercial anti-contrefaçon actuellement proposé constitue un pas dans la bonne direction.

3.7   Conditions de travail

La moindre des choses que l'UE puisse faire pour aider l'industrie européenne à connaître une juste concurrence sur le marché mondial est de veiller à ce que les autres pays respectent les normes minimales fixées par l'OIT en matière de conditions de travail ainsi que d'autres conventions internationales relatives aux droits des personnes, à la liberté syndicale, au droit d'organisation et de négociation collective, à l'égalité ainsi qu'à l'abolition du travail des enfants et du travail forcé.

3.8   Surveillance des marchés en matière de produits importés

Des informations récentes sur des produits importés de piètre qualité et nocifs pour la santé ont souligné l'absence de surveillance effective des marchés dans l'UE. C'est là un autre exemple de détérioration supplémentaire de la compétitivité des entreprises européennes en raison de conditions d'échanges déséquilibrées. Le renforcement de la surveillance des marchés par les États membres devrait garantir un contrôle des normes de qualité affichées par les fabricants étrangers, afin de maintenir un juste équilibre avec les fabricants européens et de protéger les consommateurs européens contre des produits peu sûrs ne répondant pas aux normes.

3.9   Sécurité d'approvisionnement énergétique — une politique extérieure énergétique commune pour l'UE

En raison de récents événements dans le secteur de l'énergie, les pays de l'UE ont dû serrer les rangs et édifier une politique énergétique stratégique étayée par des accords bilatéraux entre l'UE et d'autres pays qu'il convient de négocier afin que l'industrie puisse prévoir ses investissements à venir dans l'UE. Une telle politique contribuera en outre à préserver le niveau de vie des consommateurs européens. Les États membres de l'UE devront prévoir un approvisionnement énergétique alternatif, comme les énergies renouvelables ou le nucléaire (10), et réduire leur dépendance vis-à-vis de la Russie et du Moyen-Orient en ce qui concerne l'approvisionnement en gaz et en pétrole (11). Le CESE appelle la Commission à veiller à ce que le paquet «Énergie et changement climatique» (12) qu'elle a récemment présenté garantisse la prévisibilité, évite les répercussions économiques négatives notamment sur la compétitivité des industries européennes grandes consommatrices d'énergie, encourage le développement de marchés européens pionniers dans ce domaine, et favorise l'innovation écologique.

3.10   Problèmes environnementaux

Les entreprises et les travailleurs européens ne peuvent être défavorisés par rapport aux acteurs provenant de pays tiers simplement parce que l'UE voudrait être le porte-drapeau de pratiques environnementales avancées. La stratégie selon laquelle l'UE pourra dépasser d'autres pays en atteignant des normes environnementales plus élevées ne tient pas la route d'un point de vue économique, et ce pour trois raisons:

1.

L'UE ne peut à elle seule arrêter le réchauffement climatique, et l'impact final des mesures communautaires sera sans aucun doute réduit à néant si d'autres pays ne s'attellent pas à contrôler l'utilisation de l'énergie et les émissions.

2.

L'UE devrait éviter de créer un déséquilibre de compétitivité pour les fabricants européens de marchandises; ceux-ci verraient leurs coûts de fonctionnement augmenter en raison de la hausse des taxes environnementales, et deviendraient ainsi moins compétitifs sur le marché mondial. Qui plus est, cela pourrait amorcer une délocalisation d'investissements pouvant revêtir une importance stratégique pour le marché unique européen.

3.

Le CESE n'est pas convaincu par l'argument selon lequel des normes environnementales plus strictes génèrent une demande accrue en matière de recherche dans le domaine des produits respectueux de l'environnement. Il faudra forcément attendre très longtemps avant que de tels produits soient conçus et commercialisés. Dans l'intervalle, les fabricants européens d'autres biens grands consommateurs d'énergie pourraient être évincés du marché par une concurrence déloyale de fabricants issus de pays qui ne partagent pas l'enthousiasme de l'UE quant au contrôle de leurs émissions.

3.10.1

La solution est que l'UE parle d'une seule voix, de manière insistante et cohérente, lors des négociations internationales sur le réchauffement climatique et qu'elle exerce des pressions sur les pays qui se défaussent. Si l'UE décide d'avancer seule et de durcir certaines normes environnementales strictes, il convient qu'elle envisage d'imposer, dans le respect des règles de l'OMC, des mesures aux frontières sur les produits originaires de pays dont on sait qu'ils causent de graves dégâts à l'environnement, afin que les fabricants européens ne soient pas désavantagés.

3.10.2

L'existence d'un système d'échanges mondial ouvert est dans l'intérêt dans l'UE. Autrefois, l'UE devait protéger ses citoyens, ses intérêts et ses valeurs. Cependant, aujourd'hui, le protectionnisme ne peut pas être la solution. En tant que première puissance commerciale et premier investisseur mondial, notre ouverture nous permet de réduire les coûts pour l'industrie et les prix pour les consommateurs, tout en incitant les entreprises à être plus concurrentielles et en encourageant les investissements. Par ailleurs, il importe que l'UE use de son influence dans les négociations internationales pour s'assurer l'ouverture de ses partenaires: notre ouverture ne peut être justifiée politiquement que si d'autres y répondent de manière positive.

3.10.3

La Commission doit veiller à ce que les pays tiers offrent aux exportateurs et investisseurs européens des niveaux d'ouverture proportionnés, et à ce que nos règles de base ne compromettent pas notre capacité à protéger nos intérêts, ni notre capacité à maintenir une protection élevée en matière de santé, de sécurité, d'affaires sociales, d'environnement et de consommateurs.

4.   Renforcement de l'aptitude à l'emploi et de l'investissement en capital humain: créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité

4.1

La mondialisation et le changement technologique risquent d'accroître les inégalités en creusant le fossé entre personnes qualifiées et non qualifiées, ainsi qu'entre pays riches et pauvres. La meilleure solution consiste à aider chaque personne et chaque pays à s'adapter, en améliorant la qualité et la disponibilité de l'enseignement et de la formation, tous âges confondus.

4.2

Le CESE et les partenaires sociaux ont émis des observations sur la manière de concevoir la «flexicurité» afin qu'elle puisse aider les personnes à mieux gérer les transitions dans leur vie professionnelle en période d'accélération des changements économiques.

4.3

L'adoption, par le Conseil «Emploi et affaires sociales» du 5 décembre 2007 (13), de principes communs en matière de flexicurité a ouvert la voie à l'intégration par les États membres de la flexicurité dans leur programme national de réforme et à sa mise en œuvre ultérieure, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux nationaux.

4.4

Le CESE plaide pour que l'on accorde davantage d'attention aux politiques actives afin de promouvoir l'inclusion et de garantir l'égalité des chances pour les groupes victimes de discriminations sur le marché mondial, comme les plus de 50 ans, les femmes, les minorités ethniques, et les personnes quittant l'école avec des qualifications limitées.

5.   Instabilité sur le marché mondial de la finance

5.1

L'UE ressent actuellement les répercussions d'une crise financière et boursière mondiale. L'union monétaire et la réaction rapide de la BCE aux turbulences ont joué un rôle positif en la matière. D'une part, en injectant de vastes sommes d'argent frais sur les marchés des devises, la BCE a contribué à atténuer la crise de confiance dans le secteur bancaire, réduisant ainsi le risque d'un durcissement notable des conditions de crédit pour les entreprises et les ménages. D'autre part, l'absence de risque pesant sur les taux de change et les primes de risque basses pour chaque pays ont permis que les économies européennes plus fragiles soient relativement peu affectées par les turbulences sur les marchés financiers.

5.2

Les turbulences sur les marchés financiers mondiaux et l'affaiblissement du dollar américain affectent l'Europe notamment par une appréciation notable de l'euro provoquée par le maintien du taux directeur de la BCE à un niveau trop élevé et par des politiques monétaires qui s'apparentent à des dévaluations compétitives dans d'autres parties du monde, ce qui aura des conséquences néfastes sur l'économie de l'UE et ses perspectives à moyen terme.

5.3

Les événements récents sur les marchés financiers mondiaux indiquent qu'il est nécessaire de durcir les règles prudentielles, d'améliorer la coordination et la communication entre autorités de surveillance et banques centrales, et de renforcer la transparence et l'établissement de rapports.

Bruxelles, le 12 mars 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Dimitris DIMITRIADIS


(1)   JO C 24 du 31 janvier 2006 (rapporteur: M. RETUREAU), à la demande de la présidence britannique.

(2)  JO C 93 du 27 avril 2007 (rapporteur: M. CASSIDY).

(3)  JO C 256 du 27 octobre 2007 (rapporteur: M. JANSON).

Rapport intérimaire du groupe d'experts sur la flexicurité (20 avril 2007): «La flexicurité est une stratégie politique destinée à renforcer en parallèle et de manière délibérée la flexibilité des marchés de l'emploi, des organisations professionnelles et des relations sociales, d'une part, et la sécurité (sociale et de l'emploi), de l'autre. Une stratégie de flexicurité se base sur l'idée fondamentale selon laquelle flexibilité et sécurité ne doivent pas être considérées comme opposées, mais peuvent se renforcer mutuellement. La promotion de la flexibilité sur les marchés de l'emploi et la garantie de niveaux élevés de sécurité ne se concrétiseront que si les travailleurs disposent des moyens nécessaires pour s'adapter aux changements, obtenir un emploi, rester sur le marché du travail et progresser dans leur vie professionnelle. Aussi le concept de flexicurité met-il entre autres vivement en exergue les politiques actives du marché de l'emploi et l'incitation à l'apprentissage et à la formation tout au long de la vie, tout en insistant sur des systèmes de sécurité sociale forts qui apportent une aide aux revenus et permettent à la population de combiner travail et soins. La flexicurité devrait également contribuer à l'égalité des chances et à l'égalité des sexes».

(4)  COM(2007) 581 final du 3 octobre 2007.

(5)  Voir le paquet sur le réexamen du marché unique adopté par la Commission en novembre 2007, COM(2007) 724 final.

(6)  JO C 44 du 16.2.2008 (rapporteur: M. IOZIA).

(7)  Partenaires sociaux (la CES, le CEEP, l'UEAPME, et BUSINESSEUROPE): «Key challenges facing European labour markets: a joint analysis of European social partners» («Principaux défis auxquels sont confrontés les marchés du travail en Europe: une analyse conjointe des partenaires sociaux européens»), octobre 2007.

(8)  Voir note de bas de page no 4.

(9)  Pour davantage d'informations sur les efforts déployés par la DG Entreprise et industrie pour une meilleure protection de la propriété intellectuelle, voir http://ec.europa.eu/enterprise/library/ee_online/art34_en.htm (disponible en anglais uniquement).

(10)  Si certains pays déclarent être opposés à toute forme d'énergie nucléaire et interdisent la construction de centrales nucléaires sur leur territoire, ils importent de grandes quantités d'électricité provenant du nucléaire. C'est par exemple le cas de l'Italie.

(11)  JO C 318 du 23 décembre 2006 (rapporteuse: Mme SIRKEINEN).

(12)  La Commission a adopté le 23 janvier 2008 une série de mesures relatives à l'énergie et au changement climatique. Voir: http://ec.europa.eu/energy/climate_actions/index_en.htm (disponible en anglais uniquement).

(13)  Communiqué de presse du Conseil 16139/07, http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressdata/fr/lsa/97560.pdf


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des votes exprimés, ont été soumis au vote ensemble et repoussés au cours du débat:

1.   Paragraphe 2.4

Modifier l'avant-dernière phrase:

«(….) Une appréciation rapide de l'euro sur les marchés, favorisée par un taux directeur de la BCE trop élevé et lié à des politiques monétaires qui s'apparentent à des dévaluations compétitives dans d'autres parties du monde, constitue un danger pour la prospérité de l'UE (…).»

Exposé des motifs

Une critique aussi manifeste et profonde de la politique de la BCE, formulée comme s'il s'agissait d'une simple «précision», ne saurait être proférée sans qu'un avis spécifique du CESE ne soit au préalable adopté sur ce sujet précis. La question des taux fait l'objet d'un vif débat et les opinions à ce sujet — toutes respectables — sont divergentes, mais il y a lieu de rappeler qu'en appliquant une telle politique en matière de taux, la BCE remplit une mission qui lui est assignée par le traité, la prévention de l'inflation.

2.   Paragraphe 5.2

Modifier comme suit:

«Les turbulences sur les marchés financiers mondiaux et l'affaiblissement du dollar américain affectent l'Europe notamment par une appréciation notable de l'euro provoquée par le maintien du taux directeur de la BCE à un niveau trop élevé et par des politiques monétaires qui s'apparentent à des dévaluations compétitives dans d'autres parties du monde, ce qui aura des conséquences néfastes sur l'économie de l'UE et ses perspectives à moyen terme».

Exposé des motifs

Cet amendement est motivé par les mêmes arguments qu'en ce qui concerne le paragraphe 2.4, mais ceux-ci sont encore plus justifiés: alors qu'au paragraphe 2.4 il était dit que l'appréciation de l'euro était «favorisée» par la politique de la BCE, dans le cas présent elle serait carrément «provoquée» par celle-ci. Une prise de position aussi radicale de la part du CESE n'est pas admissible, sans compter qu'elle n'est pas correcte d'un point de vue procédural.

Résultat du vote

Voix pour: 22 Voix contre: 29 Abstentions: 8