52008DC0682

Communication de la Commission - Création d'un espace aérien commun avec l'Algérie /* COM/2008/0682 final */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 31.10.2008

COM(2008) 682 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Création d'un espace aérien commun avec l'Algérie

1. INTRODUCTION

1. Dans sa communication intitulée « Développer l'agenda de la politique extérieure de l'aviation de la Communauté[1] », la Commission a souligné l’importance de la création d'un espace aérien commun avec les pays de la politique de voisinage, à l’Est et au Sud de l'Union européenne.

2. L’objectif final est de rassembler les pays de l’Union Européenne et leurs partenaires des frontières orientales et méridionales au sein d'un marché commun encadré par des règles de fonctionnement harmonisées. Le Conseil Transport du 27 juin 2005 a réaffirmé cet objectif dans ses conclusions "Développer une politique commune des relations extérieures dans le domaine de l'aviation " et a appelé à la mise en place d’un espace aérien commun avec les pays voisins de l’Union européenne d'ici 2010.

3. La dynamique entourant cet espace commun aérien a déjà conduit l'Union européenne a intégré les marchés helvétique, norvégien et islandais de l'aviation, puis ceux des Balkans occidentaux (juin 2006), et enfin celui du Maroc suite à la signature du premier accord euro méditerranéen en décembre 2006. Sur la demande du Conseil, la Commission va également entamer des négociations en ce sens avec la Jordanie et Israël, et poursuivre ses discussions avec l'Ukraine. Le renforcement des relations entre l’Union européenne et ses pays voisins dans le domaine de l’aviation est un élément clé pour le développement de l’industrie aéronautique européenne. Avec près de 20% des vols internationaux en dehors de la Communauté, les relations aériennes avec les pays voisins de l’Union européenne, qui concernent tous les segments du marché (loisir, tourisme affinitaire, professionnel), représentent un volume de vols comparable à celui existant avec les pays d’Amérique du Nord. Au-delà des potentialités de croissance du secteur aérien, cet espace commun constitue plus globalement un formidable vecteur d'intégration régionale et de développement économique qui s'inscrit pleinement dans la logique du processus de Barcelone et de la politique européenne de voisinage. Le récent projet " Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée" se positionne également dans la même logique.

4. La poursuite de cet espace aérien commun avec les pays du sud de Méditerranée fait de l'Algérie un partenaire essentiel pour l'Union européenne. Le partenariat euro-méditerranéen mis en place par l'accord d'association[2] insiste d'ailleurs sur la nécessité de renforcer la coopération dans le secteur des transports, de développer la coopération entre les parties en matière de réglementation ou encore de moderniser les infrastructures aéroportuaires et la gestion du trafic aérien. Cet objectif fixé par l'accord d'association se décline d'ailleurs dans un programme d'assistance au secteur des transports algérien (20 millions d'euros) et notamment dans un volet propre au secteur de l’aviation civile. Ce Programme vise à améliorer le cadre législatif et institutionnel du secteur aérien et se traduit par des actions de soutien au gouvernement algérien pour l'élaboration du plan directeur de l’aviation civile, l'actualisation du Code de l’aviation civile, la création d'une Autorité de régulation autonome ou encore la mise à niveau des aéroports.

5. Il existe donc une profonde cohérence entre les différentes actions entreprises par l'Union européenne vers les pays méditerranéens et ce projet d'espace commun spécifique au domaine aérien. De plus, ce projet répond à un objectif partagé de part et d'autre de la méditerranée. Les échanges dans le cadre du projet EuroMed Aviation", mis en place par l'Union européenne pour renforcer, avec les pays du sud de la Méditerranée, la coopération en matière d'aviation, ont en effet été l'occasion pour l'Algérie de manifester son intérêt pour l'ouverture de négociations avec la Communauté européenne dans le cadre d'un accord aérien global. Un tel accord aérien communautaire permettrait en effet d'offrir de nouvelles opportunités à l'ensemble du secteur aérien (transporteurs, gestionnaires des infrastructures aéroportuaires, prestataires de service en escale) ainsi qu'aux passagers des deux rives de la Méditerranée. Les restrictions existantes dans les accords bilatéraux conclus entre les Etats membres de l'UE et ce pays pourraient être dépassées : les limitations tenant aux fréquences hebdomadaires effectués par les transporteurs, au nombre de transporteurs autorisés, aux aéroports pouvant être desservis ou encore aux tarifs pratiqués seraient éliminées, tout en développant dans le même temps un processus de convergence réglementaire.

2. DEVELOPPER DES RELATIONS AERIENNES AVEC UN PARTENAIRE DE PREMIERE IMPORTANCE

6. Le poids économique et l'importance des relations aériennes avec l'Union européenne font de l'Algérie un partenaire incontournable pour mettre en œuvre rapidement l'objectif d'espace commun de l'aviation assigné par le Conseil en 2005.

7. D'après un classement effectué par la Banque mondiale en 2006 sur la base du produit intérieur brut, l'Algérie est la seconde nation économique du continent africain avec un PIB de 138 milliards de dollars, derrière l'Afrique du Sud et devant le Nigéria. L'Algérie est donc un pays clé dont l'Union européenne est le principal partenaire commercial avec des échanges économiques qui se montent, en 2006, à près de 34 milliards d'euros et qui sont en augmentation (+ 8% entre 2000 et 2005).

8. Ces échanges économiques importants s'accompagnent de liens historiques, culturels voire familiaux qui expliquent le rôle essentiel dévolu aux relations aériennes. Dix sept accords aériens bilatéraux sont ainsi en vigueur entre les Etats membres de l'Union européenne et l'Algérie, donnant l'assise juridique nécessaire au transport de 2,9 millions de passagers entre l'Europe et l'Algérie en 2007, dont 2,4 millions pour le seul marché franco-algérien. Les autres marchés aériens notables en Europe sont ceux de l'Espagne (150 000 passagers transportés de/vers l'Algérie), de l'Italie ( 125 000 passagers) et du Royaume Uni ( 120 000 passagers).

9. La faiblesse relative du marché algérien comparé à ses voisins maghrébins ( 8 millions de passagers ont été transportés entre le Maroc et l'Europe en 2007; 8,5 millions vers la Tunisie) s'explique par les tensions qui ont caractérisé la société algérienne tout au long des années 1990 et le faible développement du tourisme qui en découle. Les potentialités du marché algérien n'en sont que plus évidentes et un accord aérien global libéralisant les relations aériennes ne pourra que favoriser l'intensification des relations avec l'Europe.

10. Il est d'ailleurs notable que la part des transporteurs communautaires dans les échanges aériens avec l'Algérie est en constante augmentation depuis 2002 au point de faire jeu égal avec Air Algérie qui est la principale compagnie algérienne desservant l'Europe. Air Algérie, qui est majoritairement détenue par l'Etat, s'est engagée ces dernières années dans un important programme de réformes et de mise à niveau pour faire face au retour de la concurrence des compagnies européennes dans les années 2000. Elle a notamment entamé un renouvellement profond de sa flotte entre 2000 et 2004 ( elle possède 30 avions en propre) et repris les principes d'une gestion moderne d'une compagnie aérienne avec notamment la filialisation de certaines de ces activités ( assistance en escale, maintenance), le lancement de produits de fidélisation des passagers ou encore l' adoption du "yield management". Elle a ainsi transporté 3 millions de passagers en 2007 vers 38 destinations, en Europe, Afrique et Moyen-orient.

11. Il existe une seconde compagnie algérienne créée à l'initiative de l'industrie pétrolière qui a ensuite été reprise par l'Etat: Tassili airlines. Elle concentre son activité sur la clientèle "affaires" et projette un accroissement de sa flotte pour venir concurrencer Air Algérie et les transporteurs communautaires.

12. La dynamique du marché du transport aérien algérien, la volonté affichée des transporteurs algériens de se doter des atouts nécessaires pour affronter l'ouverture progressive à la concurrence et les potentialités offertes aux transporteurs communautaires constituent une base solide pour entamer la négociation d'un accord aérien global avec la Communauté européenne.

13. D'un point de vue réglementaire, si aucune divergence avec les recommandations OACI n'a été constatée, l'Algérie reste encore éloignée des standards communautaires notamment en ce qui concerne la réglementation relative au ciel unique et aux exigences de l'Agence Européenne de Sécurité Aérienne. La mise en œuvre rapide de l'espace aérien commun avec l'Algérie nécessitera des actions de soutien et de coopération supplémentaires de la partie européenne afin d'accompagner le développement de la réglementation algérienne et la réorganisation de certaines de ses structures. En matière de sûreté, les autorités algériennes ont engagé une politique volontariste de sécurisation du transport aérien, permettant de mettre en œuvre un cadre législatif cohérent avec la réglementation internationale et européenne et les audits effectués par l'OACI en 2004 et 2006 valident le dispositif opérationnel sûreté à l'aéroport d'Alger[3]. Ce processus de convergence réglementaire vers les standards communautaires est d'ailleurs encouragé et accompagné par le Programme d’appui au secteur des Transports et le projet " EuroMed Aviation" qui ont mis en place des plans d'assistance technique spécifiques à l'Algérie correspondants aux besoins identifiés dans ce pays.

3. AVANTAGES ET VALEUR AJOUTEE D’UNE APPROCHE COMMUNAUTAIRE

14. Le secteur de l’aviation civile (y compris les infrastructures, les exploitants et les autres branches d’activité) est un secteur majeur pour l’économie européenne. À eux seuls, les transporteurs aériens représentent environ 0,6 % de la valeur ajoutée de l'Union européenne et emploient plus de 400 000 personnes (0,4 % du nombre total de personnes employées dans l'économie marchande non financière)[4], tandis que l'ensemble du secteur emploie environ 3 millions de personnes dans l'Union européenne. La mise en place d’un marché unique de l’aviation depuis le début des années 1990 a grandement contribué à dynamiser le secteur et à accroître ses performances, et a engendré des avantages économiques et sociaux considérables. Entre 1992 et 2003, le nombre de liaisons intracommunautaires a augmenté de plus de 40 %. La productivité des principaux transporteurs communautaires a augmenté de 87 % sur la période 1990-2003[5]. L'Algérie ne pourra donc que tirer profit de son intégration progressive dans ce marché commun de l'aviation et ainsi bénéficier de l'expérience de l'Union européenne dans ce domaine. L'extension de ce marché commun, fondée sur une libéralisation des droits de trafic couplée à une harmonisation réglementaire, sera également créatrice de valeur ajoutée pour l'industrie européenne et ses usagers.

15. A ce stade, les États membres ont généralement négocié avec l'Algérie des accords de services aériens restrictifs régulant l'ouverture des marchés et limitant les possibilités des transporteurs et des passagers. Des mécanismes encadrent la fixation des capacités des transporteurs qui de surcroît n'ont pas toujours la possibilité de fixer librement leurs tarifs. De même, ces accords bilatéraux ne permettent pas aux transporteurs communautaires de pouvoir desservir tous les aéroports algériens au départ de tout aéroport européen. Les accords bilatéraux en matière de services aériens en vigueur entre les États membres de l’UE, et l'Algérie introduisent donc des déséquilibres dans la répartition du trafic qui peuvent désavantager certains transporteurs aériens communautaires, ainsi que les consommateurs des États membres de l’Union européenne.

16. Un accord global avec la Communauté européenne permettrait de remédier à cette situation et l’augmentation du nombre de liaisons directes entre l’UE et l'Algérie qui en découlerait[6] permettrait d'accroître significativement les échanges commerciaux et les flux touristiques. Une extrapolation à partir de l'exemple marocain et celui du marché unique européen laisse envisager une augmentation de l'ordre de 15 à 20% par an du trafic, dans les premières années suivant la mise en œuvre de l'accord : en volume, cela se traduirait par une augmentation de l'ordre de 500 000 passagers. Ces prévisions, sous réserve des conditions macro économiques et politiques existantes, devront sans doute être revues à la hausse étant donné le formidable potentiel de croissance du marché algérien.

17. Il peut être attendu qu’une partie importante des retombées économiques profite à l’industrie aéronautique européenne et à l’économie européenne au sens large. Cela pourrait également faciliter l'intégration des transporteurs algériens dans les alliances commerciales existantes aux côtés des transporteurs communautaires, et permettre ainsi le développement de produits intégrés et de meilleurs services pour les passagers.

18. Cette ouverture des marchés aériens devra s’accompagner d’un processus parallèle de convergence réglementaire dans certains domaines clés comme la sécurité, la sûreté, l'environnement ou encore les règles relatives aux aides d'État, permettant de garantir des conditions de concurrence loyale avec comme objectif l'application de standards élevés en matière d'aviation des deux côtés de la Méditerranée. En ce qui concerne les questions relatives à l’environnement, l’accord devra répondre à l'engagement pris par la Communauté de promouvoir un développement durable du transport aérien: il importe donc que l’accord ne limite pas la capacité de l’Union européenne à utiliser des instruments réglementaires ou économiques visant à atténuer les effets secondaires indésirables de la croissance du trafic aérien, notamment en ce qui concerne sa contribution au changement climatique , à la qualité de l’air et aux nuisances sonores entraînées aux abords des aéroports. L'échelon pertinent pour mettre en place ce processus de convergence de la législation algérienne vers celle existant en Europe ne peut être que l'échelon communautaire. Cela implique la délivrance d'un mandat de négociation à la Commission européenne pour négocier un accord aérien global avec l'Algérie qui aura comme objectif final l'intégration complète du marché algérien de l'aviation dans un espace aérien commun avec l'Union européenne.

19. La mise en place d'un espace aérien commun avec l'Algérie permettra également de développer une dynamique d'intégration régionale qui englobe non seulement les relations aériennes avec l'Union européenne mais également les échanges aériens entre les pays du sud de la Méditerranée eux-mêmes. C'est cet objectif qui a conduit la Communauté européenne à insérer dans l'accord aérien avec le Maroc une clause d'extension géographique permettant d'anticiper la participation d'un pays comme l'Algérie à cet espace aérien commun : la libéralisation des relations aériennes entre l'UE et le Maroc d'une part, et l'UE et l'Algérie d'autre part pourrait donc potentiellement conduire à l'ouverture des marchés aériens entre l'Algérie et le Maroc. Toutefois, même si la logique qui les sous-tend est identique et qu'ils interagissent l'un avec l'autre, il semble préférable, à ce stade, de négocier séparément ces accords aériens avec chacun des pays du sud de la Méditerranée en particulier pour conserver la logique de la politique européenne de voisinage et répondre à la volonté de ces pays de "relations bilatérales privilégiées" avec l'Union européenne qui permet également plus de flexibilité et des approches différenciées.

20. Un mandat donné à la Commission pour négocier avec l'Algérie montrerait en outre la détermination de l’Union européenne à concrétiser les objectifs politiques assignés par le Conseil en 2005 et à ouvrir son marché de l'aviation, sous réserve d'une convergence règlementaire parallèle, avec l'ensemble de ses pays voisins. La mise en place d'un espace aérien commun avec l'Algérie renforcerait donc la coopération régionale et l'intégration des marchés aériens de l'ensemble des pays du sud de la Méditerranée.

5. CONCLUSIONS

21. La Commission est donc d’avis qu’il est important d’offrir à l'Algérie des perspectives de coopération renforcée dans le domaine de l’aviation civile. Un accord aérien global avec ce pays permettrait à la fois de couvrir les aspects commerciaux traditionnels des accords de services aériens mais aussi d'établir un cadre ambitieux pour développer la coopération sur le plan réglementaire en matière de sécurité, de sûreté, de gestion du trafic, et faciliter la coopération industrielle avec ces pays.

22. Le secteur de l'aviation civile offre des opportunités significatives pour renforcer la coopération dans le secteur des transports en général, avec la perspective de retombées positives à la fois pour l'Algérie et l'Union européenne. Des efforts doivent donc être consentis pour que les transports aériens deviennent un domaine clé de la coopération avec ce pays et donnent à l'Algérie un nouvel exemple d'intégration dans les structures communautaires et les marchés européens.

23. Cet accord constituera un pas important vers la réalisation d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses voisins méditerranéens, un objectif clé de la politique communautaire en matière de relations extérieures dans le domaine du transport aérien ainsi que, plus généralement, un élément important de la politique extérieure de l'Union européenne. Cet accord avec l'Algérie dans le domaine des transports aériens apporterait une valeur ajoutée considérable du point de vue politique et économique et pourrait servir de modèle pour des accords similaires avec les autres pays du sud de la Méditerranée et ainsi contribuer à l'intégration régionale de ce pays.

24. À la lumière de ce qui précède, la Commission propose au Conseil que lui soit délivré un mandat pour engager des négociations en vue de la conclusion d'un accord global permettant la création d'un espace aérien commun avec l'Algérie. La Commission travaillera en étroite collaboration avec les États membres et toutes les parties intéressées en vue de préciser et d’atteindre les objectifs énoncés dans la proposition de décision du Conseil.

[1] COM (2005) 79 final, 11.03.2005

[2] L'accord d'association UE- Algérie a été signé en avril 2002.

[3] Rapport de Mission du Projet Euromed Aviation en Algérie ( n° MED 2006/132-039)

[4] Eurostat, Statistiques en bref, 37/2005, ISBN 1561-4840

[5] Annexe de la communication de la Commission : " Développer l'agenda de la politique extérieure de l'aviation de la Communauté", COM ( 2005) 79 final

[6] Suite à l'accord euro méditerranéen signé avec le Maroc en décembre 2006, le trafic a progressé de 18% pour atteindre près de 8 millions de passagers transportés entre l'Union européenne et le Maroc en 2007.