30.8.2008   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 224/124


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d'assurance et des services financiers»

COM(2007) 747 final — 2007/0267 CNS

(2008/C 224/28)

Le 18 décembre 2007, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d'assurance et des services financiers».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 30 avril 2008 (rapporteur: M. ROBYNS DE SCHNEIDAUER).

Lors de sa 445e session plénière des 28 et 29 mai 2008 (séance du 29 mai 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 98 voix pour, 0 voix contre et 3 abstentions.

Conclusions et recommandations

1.

Le CESE approuve les efforts fournis par la Commission pour adapter aux exigences du marché unique les règles d'application de la TVA aux services d'assurance et financiers. À cet égard, le CESE apprécie tout particulièrement la coopération avec les parties prenantes (1) directement concernées ainsi que la consultation publique sur internet. Toutefois, pour les réexamens futurs du régime de TVA, le CESE recommande d'associer directement toutes les parties intéressées au processus législatif.

2.

Le CESE convient que les propositions représentent une étape importante vers un cadre TVA moderne et plus compétitif pour les services financiers et les services d'assurance. Le CESE apprécierait cependant une approche législative plus approfondie qui supprimerait les difficultés d'interprétation restantes et les problèmes en suspens. L'on ne soulignera jamais assez que la Commission européenne doit agir avec une grande prudence lorsqu'elle élabore une législation en matière de TVA concernant les services d'assurance et les services financiers. Les intérêts de ces deux secteurs et de leurs clients, en particulier les clients privés, ne doivent pas être menacés. Outre le fait qu'il s'agit de deux secteurs essentiels au bon fonctionnement de l'économie et garants de nombreux emplois pour les citoyens européens, c'est aussi une matière très technique pour laquelle rien ne devrait être laissé au hasard. Étant donné que les préoccupations principales sont notamment la sécurité juridique et la réduction des charges administratives pour les opérateurs économiques et les autorités fiscales nationales, le sens de la formulation devrait être limpide.

3.

Quant à la question de la neutralité de la TVA, le CESE se réjouit de l'introduction de mécanismes de partage des coûts et de l'élargissement de l'option de taxation. Si ces instruments sont correctement formulés et mis en œuvre, le CESE est convaincu qu'ils réduiront l'incidence de la TVA cachée sur les coûts des fournisseurs de services d'assurance et financiers. Cela améliorera non seulement l'efficacité et la compétitivité du secteur, mais présentera aussi l'avantage que ces services seront disponibles auprès de fournisseurs spécialisés et que les emplois resteront en Europe. Toutefois, le but étant de garantir la neutralité de la TVA et des conditions équitables pour les secteurs des finances et des assurances, un certain nombre de défis persistent. Il convient notamment de fournir des précisions et des définitions plus solides pour plusieurs exonérations et concepts, tels que le «caractère spécifique et essentiel» des services exonérés ainsi que la portée de l'exonération de l'intermédiation. Une solution acceptable consisterait à étendre au plus grand nombre possible d'opérateurs la portée des dispositions relatives au partage des coûts, et à éviter les divergences inappropriées entre États membres en ce qui concerne l'option de taxation. Enfin, il convient d'étudier les manières d'éviter que la TVA vienne s'ajouter à d'autres taxes similaires pour les services soumis à des taxes nationales spécifiques, notamment les taxes sur les primes d'assurance, et qui seraient également soumis à la TVA si le fournisseur de ces services opte pour la taxation. Sinon, les intérêts des consommateurs seraient menacés.

Exposé des motifs

1.   Améliorer la compétitivité du marché unique des services d'assurance et financiers (2)

1.1

En vertu de la législation actuelle en matière de TVA, les clients ne paient pas de TVA sur la plupart des services financiers et d'assurance. Cette situation crée pourtant des obstacles inutiles à la réalisation d'un marché unique des services d'assurance et financiers qui soit intégré, ouvert, efficace et compétitif. Deux problèmes fondamentaux se posent (3).

1.2

Le premier problème est que les définitions, aux fins de la TVA, des services d'assurances et des services financiers exonérés sont obsolètes. Il n'existe en outre aucune délimitation claire entre les fournitures exonérées et taxables, ni de méthode acceptée dans l'ensemble de la Communauté pour déterminer quelle TVA en amont peut être récupérée. Aussi l'exonération n'est-elle pas appliquée uniformément par les États membres. Par conséquent, le nombre d'affaires soumises à la Cour européenne de justice (CEJ) a augmenté sensiblement ces dernières années. Il importe donc de combler ce vide législatif et de clarifier les règles régissant l'exonération de la TVA applicable aux services d'assurance et aux services financiers. En outre, comme le souhaite la Commission, il est sage de laisser la porte ouverte à d'éventuels développements futurs dans le secteur des services financiers.

1.3

Le second problème est l'absence de neutralité de la TVA. Les fournisseurs des services financiers et d'assurance ne sont généralement pas en mesure de récupérer la TVA acquittée sur les marchandises et les services qu'ils ont achetés pour pouvoir assurer la gestion de leur entreprise (TVA en amont). La situation est différente en ce qui concerne les entreprises non financières, pour lesquelles la TVA en amont ne constitue pas un coût: il s'agit d'une taxe qu'elles prélèvent auprès des consommateurs (d'où l'appellation de «taxe à la consommation»), qu'elles transmettent ensuite à l'État, et qui n'influence donc pas leurs revenus. Alors que la TVA est une source importante de revenus pour les administrations fiscales des États membres, les entreprises souffrent de l'effet de cascade. La TVA non récupérable «cachée» devient un élément du coût des services financiers et d'assurance, et entraîne en fin de compte une augmentation du prix des biens et des services pour les consommateurs en général (4).

1.4

Dans le cadre d'une tendance générale à l'intégration des marchés financiers européens et de la course mondiale à efficacité et à la compétitivité, les sociétés financières et d'assurance adoptent de nouveaux modèles d'entreprise. Cela leur permet de centraliser ou d'externaliser des fonctions essentielles d'arrière-guichet et de soutien vers ce que l'on appelle des «centres d'excellence», qui exécutent ces tâches de manière horizontale pour des groupes d'opérateurs. Ces modèles d'entreprise assurent notamment une utilisation plus efficace du savoir-faire et des investissements, ce qui permet d'offrir des produits de meilleure qualité à un coût inférieur. Cela pose toutefois problème lorsque ces services sont facturés avec TVA aux opérateurs financiers et d'assurance, et engendrent ainsi des coûts supplémentaires. Apparaît alors l'effet de cascade décrit plus haut.

1.5

Le réexamen de la législation en matière de TVA vise d'une part à garantir une application actualisée et plus uniforme des règles relatives à la TVA, afin de renforcer la sécurité juridique et de réduire la charge administrative pour les opérateurs économiques et les administrations. D'autre part, afin de s'attaquer à cette question de neutralité de la TVA, la proposition de directive TVA invite les établissements financiers et d'assurance à réduire les coûts liés à la TVA non déductible en leur permettant d'opter pour la fourniture de services soumis à la TVA et d'éviter la création de TVA non récupérable en clarifiant et en étendant les règles régissant l'exonération de TVA pour les mécanismes de partage des coûts, y compris les mécanismes transfrontaliers.

2.   Le système commun de taxe sur la valeur ajoutée: approche législative (5)

2.1

Pendant plus de trente ans, la sixième directive sur la TVA (77/388/CE) a constitué le fondement du cadre européen commun de TVA. Cependant, de nombreuses modifications ont compliqué sa lecture et l'ont rendue difficilement accessible aux praticiens. Le 1er janvier 2007, la nouvelle directive relative au système commun de TVA (2006/112/CE) est entrée en vigueur; plus claire, plus rationnelle et plus simple, elle n'a toutefois subi aucune modification de fond.

2.2

Dans le cadre de ses efforts de modernisation et de simplification des règles fiscales pour les services financiers et d'assurance, la Commission européenne a proposé, en novembre 2007, une nouvelle modification de la législation de l'UE en matière de TVA (6). Les propositions s'inscrivent dans le cadre de la stratégie de simplification de l'environnement réglementaire de la Commission (point 66 du document COM(2006) 690). Les nouvelles définitions visent également à créer davantage de cohérence avec les règles du marché intérieur (par exemple pour les fonds de placement, la notation de crédit, les produits dérivés).

2.3

L'actuelle proposition de directive du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d'assurance et des services financiers modifie les articles 135, paragraphe 1, points a) à g), et 137, paragraphe 1 a) et paragraphe 2 de la directive TVA (2006/112/CE). Cette proposition s'accompagne d'une proposition de règlement (règlement TVA) (7) fixant les modalités d'application des articles pertinents de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d'assurance et des services financiers. Elle dresse la liste des services financiers, d'assurance, d'intermédiation et de gestion qui répondent ou ne répondent pas aux conditions d'exonération de la TVA, ainsi que des services présentant le caractère spécifique et essentiel d'un service exonéré et qui sont donc, par nature, susceptibles d'être exonérés. Eu égard à la complexité des marchés des services financiers et d'assurance, et au développement permanent de nouveaux produits, ces listes ne sont pas exhaustives.

3.   Consultation des parties intéressées et analyse d'impact (8)

3.1

Les parties prenantes ont été consultées de 2004 à 2007, et une étude indépendante a été commandée par la Commission européenne; tant les consultations que l'étude ont confirmé la nécessité de revoir la législation en matière de TVA pour le secteur des services financiers et d'assurance. Les options étudiées font l'objet d'une description détaillée dans l'analyse d'impact (9) de la direction générale Fiscalité et Union douanière (DG TAXUD).

3.2

En 2004, un séminaire Fiscalis pour les administrations fiscales nationales des États membres a eu lieu à Dublin. Lors de ce séminaire, les différents problèmes rencontrés par les opérateurs économiques ont été analysés, et en particulier l'évolution des marchés intérieur et mondial expliquant le phénomène de l'externalisation. En 2005, le dialogue avec les principales parties prenantes a été intensifié. Des contacts réguliers ont été établis avec des groupes représentatifs tels que la Fédération bancaire européenne (FBE), le Comité européen des assurances (CEA), la Fédération européenne des intermédiaires d'assurances (BIPAR) et l'Association européenne de la gestion d'actifs (European Fund and Asset Management Association — EFAMA), ainsi que des conseillers professionnels et d'autres parties concernées.

3.3

Dans le cadre du suivi du premier séminaire Fiscalis, la DG TAXUD a commandé une étude à un expert indépendant, afin de mieux comprendre les effets économiques de l'exonération de la TVA des services financiers et d'assurance (10). Le rapport final a été présenté à la Commission en novembre 2006 et concluait, entre autres, que (11):

a)

les institutions financières de l'UE sont moins rentables que leurs homologues d'autres régions économiques très développées comme les États-Unis. Les institutions financières de l'UE souffrent davantage de l'incorporation de la TVA — non déductible et ayant des effets en cascade — qui augmente leurs coûts;

b)

divers éléments montrent qu'en raison de divergences entre les États membres en ce qui concerne l'interprétation de la directive quant aux services financiers exonérés ou non, les opérateurs économiques sont confrontés à d'importantes incertitudes juridiques lors de la prise de décisions commerciales. Il semble que cette question soit un élément déterminant de la décision d'externaliser ou non certaines fonctions;

c)

des différences dans l'interprétation des décisions de la CEJ et dans le calcul des taux de déductibilité sont considérées comme des sources de distorsion qui contribuent à l'absence de neutralité de la TVA. L'étude concluait que l'actuel traitement des services financiers en matière de TVA entraînerait à moyen terme un avantage concurrentiel déloyal et contrecarrerait la réalisation d'un marché unique des services financiers.

3.4

Une autre série de consultations des États membres et de la direction générale Marché intérieur et services (DG MARKT) a abouti à l'élaboration d'un document de base, le document de travail TAXUD 1802/06, qui a été examiné par les parties prenantes et les États membres lors de la conférence sur la fiscalité tenue à Bruxelles en mai 2006. Ce document de travail décrit dans les grandes lignes les problèmes fondamentaux recensés ainsi que les mesures techniques permettant d'y apporter une solution.

3.5

Du 9 mai au 9 juin 2006, une consultation publique a été organisée par internet. La Commission européenne a reçu 82 réponses (12). Les contributions des parties prenantes dans le cadre de la consultation publique sur les services financiers et d'assurance ont permis de tirer trois grandes conclusions: Premièrement, quelles que soient les options choisies pour moderniser le traitement des services financiers et d'assurance au regard de la TVA, elles doivent améliorer la sécurité juridique, clarifier la situation, et réduire les charges administratives pour les fournisseurs, les sous-traitants, les intermédiaires et les clients. Deuxièmement, les opérateurs économiques du secteur des assurances et ceux du secteur des services financiers partagent essentiellement les mêmes préoccupations mais pourraient accorder des priorités différentes aux mesures afin de traiter ces questions différemment. Troisièmement, l'intérêt des opérateurs économiques pour les fournitures d'entreprise à entreprise (B2B) diverge sensiblement de leur intérêt pour les fournitures d'entreprise à consommateur (B2C).

3.6

En juin 2007, les documents de travail comportant les premiers projets législatifs ont été publiés sur le site internet de la direction générale. Les projets législatifs ont fait l'objet d'un débat approfondi avec toutes les parties prenantes concernées au cours de plusieurs réunions. Une table ronde des parties prenantes TVA a été organisée le 31 juillet 2007. Le 28 novembre 2007, la Commission européenne a adopté et communiqué les propositions mentionnées ci-dessus ainsi que l'évaluation d'impact.

3.7

Dans son évaluation d'impact, la DG TAXUD dresse la liste des incidences prévues de la proposition pour les consommateurs privés, les entreprises, les sociétés financières et d'assurance européennes, et les administrations fiscales nationales. L'évaluation (13) était notamment basée sur les résultats de l'étude relative aux effets économiques de l'exonération de la TVA applicable aux services d'assurance et aux services financiers. L'impact budgétaire devrait varier d'un État membre à l'autre en fonction de différents facteurs — tels que le taux de TVA de base, le traitement actuel des services financiers et d'assurance au regard de la TVA, l'interdépendance avec d'autres taxes comme celles sur les traitements et salaires, l'incidence sur les coûts liés à la sécurité sociale et au chômage, etc. Cependant, sur la base de l'étude PwC (14), l'on peut prévoir les conséquences suivantes (15):

3.7.1

Incidence budgétaire pour les particuliers et les entreprises: actuellement, les services d'assurance et financiers ne sont généralement pas soumis à la TVA. Un accès élargi à l'option de taxation ne devrait aucunement entraîner une augmentation du coût final pour les consommateurs. Pour les transactions de services financiers, la partie «TVA non récupérable» du prix des produits constitue ce que l'on appelle une «taxe cachée». L'option de taxation supprimerait cette taxe cachée et permettrait aux entreprises d'être plus efficaces et donc d'offrir leurs produits à un prix inférieur. La même logique s'applique aux mécanismes de partage des coûts. Cela n'est toutefois qu'une supposition basée sur l'expérience de l'option de taxation dans des pays comme la Belgique. Des travaux complémentaires devront permettre d'évaluer l'incidence réelle de l'option de taxation sur les modèles d'entreprise et le coût des produits financiers dans les divers segments du marché. Les consommateurs privés devraient bénéficier de l'option la plus favorable et ne subir aucun inconvénient lié à l'application de la TVA à d'autres segments du marché.

3.7.1.1

Pour les clients qui sont des entreprises, il serait très improbable qu'une option de taxation ait des conséquences néfastes, puisque les entreprises peuvent en principe récupérer la TVA en amont. En revanche, l'incidence qu'aurait pour les particuliers l'application (peu probable) de l'option de taxation aux transactions B2C est moins évidente. Étant donné que les particuliers ne peuvent pas déduire la TVA, le fait que la TVA viendrait s'ajouter à d'autres taxes similaires pourrait poser problème, spécialement en ce qui concerne le paiement de primes d'assurance. Actuellement, ces primes sont soumises à des taxes nationales et parafiscales pour la seule raison que les administrations fiscales nationales ne peuvent pas prélever de TVA sur les services d'assurance. Le résultat final dépend toutefois de la mesure dans laquelle les entreprises financières et d'assurance utiliseront effectivement cette option de taxation dans l'environnement B2C.

3.7.2

Incidence sur l'emploi : il importe de noter que l'impact budgétaire n'est pas uniquement lié au montant de la recette TVA. Le CESE tient à garantir que les solutions en matière de TVA telles que l'option de taxation et les mécanismes de partage des coûts contribueront à attirer et à garder des secteurs industriels clés dans les États membres. D'une part, cela garantit des emplois directs dans le secteur des services financiers et dans les assurances. D'autre part, cela crée des emplois indirects dans les États membres. Des emplois indirects peuvent être créés dans d'autres secteurs tels que les TIC et d'autres fournisseurs de services de sous-traitance, y compris les fournisseurs de biens et de services destinés aux institutions financières et d'assurance (par exemple, les fournisseurs de matériel informatique, de services de sécurité, de restauration, de construction et immobiliers, etc.). Les propositions devraient permettre d'éviter que les opérateurs européens ne délocalisent leurs activités (c'est-à-dire déplacent des fonctions dans des pays hors d'Europe) puisque grâce aux nouvelles règles — si elles sont conçues et mises en œuvre efficacement –, il deviendrait attrayant pour les entreprises de centraliser ou d'externaliser leurs activités à l'intérieur de l'UE. Cela repose sur l'analyse des pratiques commerciales courantes et tient compte de l'importance des connaissances locales et des chaînes de contrôle. Pourtant, il n'y a évidemment aucune garantie que les opérateurs européens ne décideront plus à l'avenir de délocaliser la moindre activité hors d'Europe. Par conséquent, le CESE est particulièrement sensible à la recherche d'un juste équilibre entre compétitivité et qualité de l'emploi.

3.7.3

Incidence prévue pour les compagnies financières et d'assurance européennes: la Commission européenne prévoit que la clarification des définitions des services financiers et d'assurance exonérés réduira les coûts de mise en conformité. Actuellement, les entreprises doivent vérifier l'interprétation de l'exonération dans chaque État membre et sont souvent contraintes de se tourner vers la Cour européenne de justice. Cela représente non seulement un coût non négligeable, mais constitue également un obstacle à l'intégration européenne et à la compétitivité internationale. Une approche cohérente impliquera que l'interprétation d'un État membre sera valable partout ailleurs. En outre, l'accès plus large aux mécanismes de partage des coûts et l'option de taxation aideront les compagnies financières et d'assurance à mieux gérer l'impact de la TVA non récupérable sur leur structure de coûts interne. Cela permettra aux opérateurs financiers et d'assurance d'augmenter leur rentabilité, d'être plus compétitifs sur le marché mondial et de réduire le coût du capital et des assurances pour l'économie européenne et, de manière générale, les consommateurs.

3.7.4

Incidence budgétaire pour les administrations fiscales nationales: la Commission est convaincue qu'une amélioration de la sécurité juridique protégera les prérogatives fiscales des États membres et réduira les possibilités de planification fiscale agressive. En outre, les règles d'exonération plus claires permettraient de réduire la charge administrative des autorités fiscales nationales. Toutefois, une application plus cohérente de l'exonération n'exclut pas que certains États membres doivent exonérer des services actuellement considérés comme taxables, et inversement. Cependant, sur la base d'une évaluation de haut niveau, la Commission suppose que l'effet global des incidences sur les recettes sera faible, voire neutre. Des sociétés d'assurance et financières plus rentables devront payer plus de taxes directes et par conséquent, contribueront aux budgets nationaux. En outre, une grande partie de la TVA qui serait théoriquement perdue en cas de recours à des mécanismes de partage des coûts n'est pas réellement perçue actuellement, les opérateurs réduisant au minimum ce coût de centralisation des fonctions par des mesures organisationnelles appropriées, mais complexes et administrativement lourdes.

3.7.4.1

La Commission indique qu'il est tout de même difficile d'estimer l'impact de ces solutions en matière de TVA. Il dépendra en grande partie de la manière dont les institutions financières et d'assurance réagiront à ces changements. En ce qui concerne le partage des coûts, la réduction des recettes sera influencée par le fait que les mécanismes soient ou non déjà en place et soumis à la TVA. Si les nouvelles règles encouragent les sociétés financières et d'assurance à s'engager dans des mécanismes fondés sur l'efficacité, qu'elles n'auraient pas envisagés autrement, il n'y aura aucune perte de TVA. Si les mécanismes sont déjà en place et soumis à la TVA, ce qui est fort peu probable, il pourrait y avoir une perte de revenus en raison de l'exonération plus large. En ce qui concerne les modifications apportées aux règles relatives à l'option de taxation, une perte fiscale nette serait à prévoir en matière de transactions d'entreprise à entreprise (B2B) car les entreprises peuvent généralement récupérer la TVA qu'elles paient. D'un autre côté, la taxation des opérations d'entreprise à particulier (B2C) entraînerait théoriquement une augmentation des recettes fiscales. L'on ne peut toutefois pas dire avec certitude à ce stade dans quelle mesure les opérateurs choisiraient l'option de taxation sur les produits financiers et d'assurance dans un environnement B2C. Les institutions financières et compagnies d'assurance devraient d'abord s'assurer qu'elles seront en mesure d'accroître leur efficacité à un niveau leur permettant de facturer la TVA à leurs clients privés sans augmenter le coût de leurs services pour ces clients.

4.   Observations concernant les services d'assurance et les services financiers

4.1

Le CESE approuve pleinement le projet ambitieux de la Commission d'adapter aux exigences du marché moderne les règles d'application de la TVA aux services d'assurance et financiers. Les propositions visent clairement à aborder les principales questions qui préoccupent les secteurs des finances et des assurances ainsi que leurs clients, et l'approche choisie, c'est-à-dire une proposition de directive avec des modalités d'application dans une proposition de règlement, semble sensée et logique.

4.2

Toutefois, le CESE encourage la Commission et les États membres à poursuivre leurs travaux de clarification d'un certain nombre de définitions, de manière à traiter complètement la préoccupation essentielle de sécurité juridique accrue. S'agissant des définitions des services financiers, le CESE est préoccupé par certaines des formulations proposées, notamment les définitions de l' «octroi de crédit» établies à l'article 135bis, paragraphe 2, de la directive TVA et à l'article 15 du règlement TVA. Ces définitions ne sont pas très claires et semblent trop limitatives. Par exemple, elles ne couvrent que le «prêt d'argent» en termes généraux, apparemment sans aborder de manière spécifique les divers types de solutions nouvelles ou existantes de financement, y compris les transactions de titres. Le CESE recommande dès lors que l'on envisage de clarifier davantage le texte tout en laissant la porte ouverte à d'éventuels nouveaux développements dans le secteur des services financiers, ce que la Commission a d'ailleurs l'intention de faire.

4.3

La même recommandation s'applique à la proposition de règlement. Le CESE préconise que de nouveaux travaux soient menés afin de veiller à la clarté et à la cohérence parfaites de la liste d'exemples reprise dans le règlement. Le CESE comprend qu'en théorie, le règlement ne contient pas de listes exhaustives de définitions, mais le CESE est préoccupé par le risque de confusion et les implications inconnues dans la pratique pour les services financiers et d'assurance qui ne sont pas spécifiquement mentionnés dans la liste.

4.4

Il conviendrait de veiller à créer une plus grande certitude concernant les catégories des services de paiement, produits dérivés, titres et services de garde, et la portée de l'exonération des services spécifiques relatifs à la gestion des fonds d'investissement. En ce qui concerne les services considérés comme ayant le caractère spécifique et essentiel d'un service exonéré, le CESE estime qu'il conviendrait de préciser ce que l'on entend par «essentiel» et «spécifique» (16). Les propositions ne semblent pas toujours donner une idée suffisamment claire des actions administratives pouvant effectivement être considérées comme spécifiques et essentielles, tandis que les listes ne semblent pas toujours cohérentes, étant donné que des services appartenant à la même chaîne de valeur pourraient parfois être traités différemment.

4.5

En ce qui concerne l'intermédiation, il y a lieu de clarifier les définitions de «partie contractante» et de «services standardisés» (17). L'intermédiation devrait également être incluse dans la définition des services ayant le caractère «essentiel» et «spécifique» d'un service exonéré (18). Sinon, les intermédiaires n'opéreraient plus sur un pied d'égalité. Ce serait également contraire à la nouvelle philosophie voulue des exonérations proposées, qui met l'accent sur la fourniture du service proprement dite et non sur le fournisseur ou sur les moyens utilisés.

4.6

Il conviendrait de prêter une attention particulière aux services tels que les pensions et les rentes, qui bénéficieront d'une exonération au titre de diverses catégories. Selon la présence ou l'absence de risque, il s'agira d'assurances (19) ou de dépôts financiers (20). Le problème est que le concept de services connexes (arrière-guichet) sera développé séparément et différemment (21). Par conséquent, les produits unitaires en question devront être couverts par deux catégories différentes de services essentiels et spécifiques au regard de la TVA, selon leur qualification en fonction de la principale fourniture exonérée.

4.7

Le CESE approuve l'extension du droit des opérateurs à opter pour la taxation des services financiers et d'assurance et l'introduction de mécanismes de partage des coûts en vue de réduire l'incidence de la TVA cachée. Le CESE craint cependant que les conditions d'éligibilité strictes pour le partage des coûts ainsi que l'étendue limitée des services qui pourraient être fournis dans le cadre d'un mécanisme de partage des coûts neutre au regard de la TVA réduisent en pratique les avantages potentiels de ces mécanismes à un nombre de cas très restreints.

4.8

L'introduction générale du concept de l'unité TVA (qui permet à un groupe d'entreprises d'être considéré comme un assujetti unique à la TVA, ce que prévoient déjà les directives actuelles en matière de TVA, mais de manière facultative), assorti de dispositions appropriées pour éviter les abus, pourrait être une solution plus adéquate et plus souple qui permettrait aux opérateurs d'intégrer leurs fonctions essentielles sans devoir payer de TVA supplémentaire. Toutefois, le CESE reconnaît que la mise en œuvre d'un régime d'unité TVA ne fait actuellement pas l'unanimité parmi les États membres, et que la Commission émet elle aussi des réserves. Cela ne semble donc pas être une solution à court terme.

4.9

Le CESE est favorable à l'introduction d'une option de taxation généralisée, qui n'est actuellement pas disponible pour les services d'assurance. L'intérêt de cette option est clair dans le cas des transactions entre entreprises, où le client peut récupérer la TVA. Toutefois, le CESE craint que la nouvelle législation puisse entraîner une taxation supplémentaire et des conséquences budgétaires pour les particuliers qui ne peuvent pas récupérer la TVA. Quelle que soit la loi applicable aux contrats d'assurance, ceux-ci font l'objet de taxes indirectes et de taxes parafiscales sur les primes d'assurance dans l'État membre où se situe le risque. Le taux de ces taxes varie sensiblement selon les États membres et les types d'assurances (par exemple, assurance-vie, assurance responsabilité civile automobile, etc.). Cela pose la question de la nécessité d'une coordination au niveau de l'UE. Le CESE doute que les compagnies d'assurance opteront pour la taxation, en particulier sur les marchés B2C, dans le cas où les administrations fiscales nationales continuent à prélever d'autres taxes sur les primes d'assurance. Par ailleurs, le CESE estime improbable que les autorités nationales suppriment, ou au moins réduisent proportionnellement les taxes sur les primes, car cela entraînerait des pertes de revenus pour les États membres. Il est évident que ce problème doit être abordé.

4.10

En ce qui concerne l'option de taxation pour les services d'assurance et financiers, le CESE serait également partisan d'un système qui permettrait aux opérateurs d'opter pour cette possibilité au cas par cas (par transaction ou par client), ou pour des catégories prédéfinies de transactions ou de clients. Dans la même mesure, il serait souhaitable que les opérateurs puissent récupérer de manière appropriée la TVA en amont en relation avec les prestations imposables fournies. Cela garantirait une neutralité maximale de la TVA dans un environnement B2B. Il est toutefois crucial de garantir une mise en œuvre uniforme de cette option à partir de 2012, et donc de faire en sorte que les États membres n'aient pas la possibilité d'imposer des conditions différentes pour le recours à l'option de taxation. Si l'option de taxation n'est pas mise en œuvre partout de la même manière, il est probable que cela entraînera des distorsions de concurrence entre les États membres et les opérateurs économiques.

Bruxelles, le 29 mai 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Dimitris DIMITRIADIS


(1)  Les parties prenantes sont les opérateurs financiers, les opérateurs du secteur des assurances et les administrations fiscales nationales.

(2)  MEMO/07/519, «Modernising VAT rules applied on financial and insurance services — Frequently Asked Questions» («Modernisation des règles de TVA applicables aux services financiers et d'assuranceQuestions fréquemment posées», en anglais uniquement), Bruxelles, le 28.11.2007, pp. 1-4.

(3)  COM(2007) 747 final, Proposition de directive du Conseil — Exposé des motifs, Bruxelles, le 28.11.2007, pp. 2-4.

(4)  Battiau P., (2005), «Letter from Brussels. VAT in the Finance Sector», in: The Tax Journal, 28 novembre 2005, pp. 11-14.

(5)  COM(2007) 747, Proposition de directive du Conseil — Exposé des motifs, Bruxelles, le 28.11.2007, pp. 2-4.

(6)  COM(2007) 747: Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d'assurance et des services financiers.

(7)  COM(2007) 746: Proposition de règlement du Conseil portant modalités d'application de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d'assurances et des services financiers.

(8)  COM(2007) 747 final, Proposition de directive du Conseil — Exposé des motifs, Bruxelles, le 28.11.2007, pp. 2-6.

(9)  SEC(2007) 1554, document de travail des services de la Commission: «Document accompagnant la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d'assurance et des services financiers», Bruxelles, le 28.11.2007, pp. 1-61 (en anglais uniquement).

(10)  Price Waterhouse Coopers (référence du marché: TAXUD/2005/AO-006), «Étude visant à mieux comprendre les effets économiques de l'exonération de la TVA pour les services financiers et d'assurance», Bruxelles, 2006, pp. 1- 369 (en anglais uniquement).

(11)  SEC(2007) 1554, document de travail des services de la Commission: «Document accompagnant la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d'assurance et des services financiers», Bruxelles, le 28.11.2007, pp. 12-13 (en anglais uniquement).

(12)  Le document de consultation (Document de consultation sur la modernisation des obligations TVA concernant les services financiers et d'assurance) ainsi qu'un rapport détaillé (en anglais uniquement) sur les points de vue exprimés par les participants à la consultation (Summary of results — Public consultation on financial and insurance services) sont disponibles à l'adresse http://ec.europa.eu/taxation_customs/common/consultations/tax/article_2447_fr.htm.

(13)  Price Waterhouse Coopers (référence du marché: TAXUD/2005/AO-006), «Étude visant à mieux comprendre les effets économiques de l'exonération de la TVA pour les services financiers et d'assurance», Bruxelles, 2006, pp. 162- 174 (en anglais uniquement).

(14)  Voir note 10.

(15)  MEMO/07/519, «Modernising VAT rules applied on financial and insurance services — Frequently Asked Questions» («Modernisation des règles de TVA applicables aux services financiers et d'assuranceQuestions fréquemment posées», en anglais uniquement), Bruxelles, le 28.11.2007, pp. 2-4.

(16)  Voir l'article 135, paragraphe 1bis de la proposition de directive TVA et l'article 14, paragraphe 1 de la proposition de règlement TVA.

(17)  Voir l'article 135 bis, paragraphe 9 de la proposition de directive TVA et l'article 10, paragraphes 1 et 2 de la proposition de règlement TVA.

(18)  Voir l'article 135, paragraphe 1 a) de la proposition de directive TVA.

(19)  Voir l'article 2, paragraphe 1 de la proposition de règlement TVA.

(20)  Voir l'article 5, paragraphe 1 h) de la proposition de règlement TVA.

(21)  Voir les articles 14 et 17 de la proposition de règlement TVA.