52007DC0234

Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen vu l’article 16 du règlement (CE) n° 648/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relatif aux détergents, concernant l’utilisation des phosphates. /* COM/2007/0234 final */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 4.5.2007

COM(2007) 234 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPEEN

vu l’article 16 du règlement (CE) n° 648/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relatif aux détergents, concernant l’utilisation des phosphates.

RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPEEN

vu l’article 16 du règlement (CE) n° 648/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relatif aux détergents, concernant l’utilisation des phosphates. (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

INTRODUCTION

L’article 16 du règlement (CE) n° 648/2004 relatif aux détergents[1] prévoit qu’ «au plus tard le 8 avril 2007, la Commission procède à une évaluation et présente un rapport ainsi que, le cas échéant, une proposition législative sur l’utilisation des phosphates dans la perspective d’une interdiction progressive ou d’une limitation s’imposant à des applications spécifiques.»

Phosphates dans les détergents

Les phosphates constituent un des ingrédients les plus utilisés et les plus abondants dans les détergents domestiques et industriels. Ils ont pour fonction de réduire la dureté de l’eau afin de permettre un nettoyage efficace par les détergents. Le type de phosphate le plus couramment utilisé est le STPP (tripolyphosphate de sodium, Na5P3O10, n° CAS 7758-29-4, n° EINECS 231-838-7). Dans l’ensemble, le STPP est un ingrédient efficace dans les détergents qui présente les caractéristiques suivantes:

- séquestration efficace des sels de dureté (et leur conservation en solution),

- retrait et prévention d’incrustation sur les fibres,

- stimulation du processus de lavage,

- porteur pour d’autres ingrédients de détergent.

La consommation annuelle de détergents contenant des phosphates dans l’UE-25 est environ 1,8 million de tonnes, soit environ 110 000 tonnes de phosphates. 90-95 % sont consommés dans les détergents domestiques pour le lavage du linge et de la vaisselle. À titre de comparaison, l’utilisation de phosphates dans les engrais équivaut approximativement à 1,25 million de tonnes de phosphore par an.

L’utilisation de STPP dans les détergents ne provoque manifestement aucune nuisance à la santé. Il a récemment été prouvé scientifiquement[2] que le STPP présentait une toxicité aiguë très faible en cas d’ingestion ou d’application dermique tandis qu’aucun effet mutagène ou génotoxique n’a été observé.

Les phosphates sont des nutriments essentiels comme le montre leur utilisation dans les engrais. La principale préoccupation relative à l’utilisation des phosphates dans les détergents est qu’elle peut conduire à un excès de nutriments dans l’environnement aquatique ce qui, à son tour, peut provoquer des problèmes d’eutrophisation.

L’eutrophisation est définie de la manière suivante: «l’enrichissement de l’eau en éléments nutritifs, notamment des composés de l’azote et/ou du phosphore, provoquant un développement accéléré des algues et des végétaux d’espèces supérieures qui entraîne une perturbation indésirable de l’équilibre des organismes présents dans l’eau et une dégradation de la qualité de l’eau en question» [3] .

L’eutrophisation est un phénomène complexe dans lequel les phosphates jouent généralement, mais pas toujours, le rôle principal. Des préoccupations croissantes quant au lien entre l’emploi de STPP et l’eutrophisation ont conduit de nombreux pays à utiliser des détergents textiles sans phosphate. Le tableau 1 (annexe) montre la part de marché, aujourd’hui, des détergents sans phosphate dans l’UE-25. Les détergents sont essentiellement déversés dans le milieu aquatique via le traitement des eaux résiduaires. La proportion de STPP dans les détergents pénétrant dans l’environnement aquatique varie considérablement entre les États membres de l’UE en fonction du niveau du traitement tertiaire des eaux résiduaires. Le traitement tertiaire est coûteux et n’est pas obligatoire pour tous les réseaux d’élimination des eaux résiduaires (les petites localités en particulier ne disposent pas d’un traitement approprié). Le phosphate des engrais appliqués aux terrains agricoles est avant tout absorbé par les cultures mais une partie passe dans les eaux de surface. La troisième source principale de phosphore sont les déchets métaboliques humains.

La principale solution pour remplacer le STPP dans les détergents textiles, sachant que sa part de marché est supérieure à 60 %, sont les zéolithes (surtout les zéolithes A) qui, pourtant, sont de plus en plus combinées à d’autres ingrédients tels que les co-activateurs et la javel.

Les détergents pour vaisselle contiennent encore, pour la plupart, des phosphates. Depuis l’introduction des détergents textiles sans phosphate, la contribution des détergents de vaisselle à l’ensemble du déversement des détergents à base de phosphates a augmenté, atteignant environ 25 %.

Législation européenne concernant l’eutrophisation

Plusieurs directives européennes ont pour effet de limiter la concentration en nutriments dans les eaux de surface et contribuent de ce fait à lutter contre l’eutrophisation:

La directive 91/271/CEE3 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires en vertu de laquelle le traitement tertiaire (qui élimine les phosphates) est obligatoire dans les stations d’épuration qui desservent des agglomérations dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 10 000 et qui déversent leurs eaux dans des zones sensibles en termes d’eutrophisation.

La directive 91/676/CEE[4] concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (directive sur les nitrates) en vertu de laquelle les États membres doivent définir les zones vulnérables, élaborer et mettre en œuvre des programmes d’action visant à réduire la pollution des eaux par les composés azotés dans ces zones.

La directive 96/61/CE[5] relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution en vertu de laquelle les États membres sont tenus de délivrer des autorisations pour certaines installations industrielles conformément aux meilleures techniques disponibles. L’annexe III de cette directive, à savoir la liste indicative des principales substances polluantes devant être prises en compte pour fixer les valeurs limites d’émission, inclut les substances qui contribuent à l’eutrophisation, en particulier les nitrates et les phosphates.

La directive 2000/60/CE[6] établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau a permis d’attirer davantage l’attention sur l’eutrophisation et d’adopter une approche plus globale de la gestion de l’eau[7]. Les États membres doivent adopter des programmes de mesures visant à garantir que les masses d’eau de toute l’UE atteignent un «bon état» d’ici 2015. Dans les cas où le contrôle et l’évaluation au titre de la directive sur l’eau montrent que les émissions de phosphore contribuent grandement à l’eutrophisation, les États membres doivent appliquer des mesures pour y faire face.

Législation en Europe concernant les phosphates dans les détergents

Dans l’attente d’une harmonisation au niveau européen, le règlement relatif aux détergents permet aux États membres de maintenir les mesures nationales existantes ou d’en introduire de nouvelles afin de limiter la teneur en phosphate dans les détergents. Néanmoins, comme c’est le cas pour toutes les mesures nationales hors de la zone harmonisée, les États membres doivent communiquer les projets de mesures conformément aux dispositions de la directive 98/34/CE[8] et apporter la preuve que celles-ci sont justifiées et proportionnées. La directive sur l’eau peut fournir un mécanisme où les États membres peuvent démontrer, grâce à l’évaluation du risque (article 5) et à l’établissement d’un programme de mesures rentable (article 11), que les restrictions sont justifiées et proportionnées.

L’Italie, la Belgique, la République tchèque, l’Allemagne et les Pays-Bas ont d’ores et déjà adopté une législation visant à réduire ou à interdire les phosphates dans les détergents afin de réduire l’eutrophisation. La Suède et la France ont récemment annoncé leur intention d’en faire autant. L’Autriche, l’Irlande, le Danemark et la Finlande comptent sur les engagements volontaires des formulateurs de détergents pour éliminer progressivement les détergents à base de phosphates. Sept États membres n’emploient que des détergents textiles sans phosphate (voir tableau 1 en annexe). La Commission n’envisage pas, par le présent rapport, de remettre en question les mesures existantes.

ACTION DE LA COMMISSION POUR ÉVALUER L’UTILISATION DES PHOSPHATES DANS LES DÉTERGENTS

Mesures prises avant l’adoption du règlement (CE) n° 648/2004

Une des premières mesures prises par la Commission pour ce qui concerne la présence de phosphates dans les détergents a été de charger le consultant WRc d’évaluer les coûts et les avantages de remplacer le phosphore[9] dans les détergents ménagers par d’autres activateurs, et de formuler des recommandations quant aux méthodes les plus appropriées pour réduire les concentrations de phosphore dans les eaux de surface. L’étude, publiée en juin 2002[10], a conclu que:

- un certain nombre de pays sont parvenus à réduire l’eutrophisation en mettant en place des mesures visant à réduire leur charge phosphorique de 70 à 90 %,

- l’interdiction de détergents à base de phosphates peut permettre une réduction de la charge phosphorique allant jusqu’à 40 %; néanmoins, cette mesure ne suffit pas, seule, à améliorer sensiblement le problème de l’euphorisation,

- il a été démontré que la zéolite A convient pour remplacer le STPP; seules quelques différences avec le STPP ont été notées dans les coûts de production généraux en terme d’énergie utilisée et de boue produite dans les stations d’épuration sachant que la zéolithe A n’est pas toxique pour la faune aquatique et les humains et que sa fabrication génère des sous-produits de déchets moins toxiques.

Le Comité scientifique de la toxicité, de l’écotoxicité et de l’environnement (CSTEE) de la Commission a rendu un avis[11] en mars 2003 sur le rapport WRc, mettant en lumière certaines lacunes, établissant que les conclusions du rapport n’étaient pas suffisamment étayées et proposant une analyse plus complète des documents pour permettre d’identifier les lacunes qu’il y a lieu de combler. Celles-ci concernaient tant l’évaluation de l’impact du STPP sur l’eutrophisation que le manque de connaissances sur les dangers pour l’environnement liés aux produits remplaçant le STPP, pas seulement la zéolithe A mais aussi les autres substances telles que les acides polycarboxyliques qui y sont associés.

Les services de la Commission ont suivi la recommandation du CSTEE et ont collecté des données supplémentaires, notamment les évaluations du risque HERA sur le STPP et la zéolithe A; la Commission a également chargé le CSTEE de revoir les questions qui n’ont pas été traitées correctement dans le rapport WRc.

Dans son avis de novembre 2003, le CSTEE est parvenu aux conclusions suivantes:

- En l’absence de mesures permettant de réduire la teneur en STPP dans les détergents, la contribution de cette source phosphorique à la charge phosphorique totale dans les eaux de surface peut être très variable (de 10 à 40 % environ) en fonction des différentes activités humaines et de l’utilisation du sol. Dès lors, le STPP dans les détergents provoquerait une nette augmentation de la charge phosphorique dans les eaux de surface ainsi qu’un risque considérable d’eutrophisation dans certaines zones de l’UE élargie.

- La situation en Europe a profondément changé depuis les années 80 car de nombreux pays européens ont pris des mesures pour réduire le STPP de sorte que le phosphore des détergents ne soit plus un contributeur essentiel et que d’autres sources occupent une place plus importante dans l’ensemble de la charge phosphorique.

- L’impact des détergents à base de phosphates sur l’eutrophisation est très variable d’un pays à un autre ainsi que dans les différents bassins hydrographiques en fonction des activités humaines et de l’utilisation du sol.

Dans l’ensemble, le CSTEE a souligné que l’évaluation du risque HERA relative au STPP n’avait pas affronté le problème de l’eutrophisation et a proposé une manière d’y remédier: «… une évaluation quantitative de l’ampleur de l’eutrophisation dans les eaux de l’UE par rapport à la charge phosphorique de différentes sources, et en particulier par rapport à la teneur en STPP, pourrait être réalisée sur la base des informations expérimentales et de modélisation existantes» et «… une évaluation du paysage assortie de résultats de probabilité pour chaque scénario» a été demandée.

Mesures réalisées depuis l’adoption du règlement (CE) n° 648/2004

Une autre étude a été menée dans le sillage de l’avis du CSTEE de novembre 2003 pour obtenir des estimations quantitatives sur l’impact qu’aurait sur l’eutrophisation le remplacement des détergents à base de phosphates par des détergents sans phosphate. L’étude a été financée par la fédération industrielle des fabricants de détergents à base de phosphates et par le Centre européen d’études des polyphosphates (CEEP); elle a été réalisée par un consultant, Green Planet Research, en collaboration avec l’institut national espagnol de recherche et de technologie agricole et alimentaire (INIA).

La méthodologie relative à l’évaluation probabiliste du risque a été mise au point par l’INIA dès septembre 2005 et a été affinée à la lumière des discussions menées avec un groupe de 17 experts sur l’eutrophisation lors d’un atelier tenu à Madrid en novembre 2005. Le rapport final (en anglais) intitulé «Développement d’une évaluation quantitative européenne du risque d’eutrophisation des polyphosphates dans les détergents»[12] a été publié en octobre 2006 et a conclu que:

- les risques supplémentaires d’eutrophisation liés aux phosphates présents dans les détergents sont très variables dans les différentes régions de l’UE en fonction notamment de caractéristiques hydrologiques, de la densité de population et de l’intensité de l’activité agricole,

- dans les deux écorégions types analysées, à savoir (i) lacs peu profonds de l’Atlantique, d’Europe septentrionale et centrale et (ii) les masses d’eau méditerranéennes, le risque d’eutrophisation n’a pas augmenté linéairement parallèlement à la hausse des concentrations phosphoriques,

- la différence entre le risque total d’eutrophisation et le risque sans détergent à base de phosphates est généralement de 2 à 8 % pour l’évaluation de l’impact en Méditerranée et environ de 0,4 à 2 % pour l’Atlantique et l’Europe septentrionale et centrale.

Une autre étude signée RPA (Risk & Policy Analysts Ltd) a été commandée afin de compléter les données manquantes sur l’utilisation, les propriétés et l’impact sur l’environnement d’une gamme représentative de composants organiques non tensioactifs des détergents et d’évaluer l’impact socio-économique de remplacer les détergents à base de phosphates par des détergents à base de zéolithes.

L’étude a établi que certains activateurs supplémentaires nécessaires dans les détergents à base de zéolithes sont également utilisés dans les détergents à base de STPP mais dans des concentrations plus faibles. Passer aux détergents à base de zéolithes n’aurait donc pas nécessairement pour conséquence qu’un plus grand nombre de substances co-activantes soit rejeté dans l’environnement mais leurs concentrations pourraient augmenter.

Les polycarboxylates et les phosphonates constituent deux groupes de co-activateurs qui ne sont pas rapidement biodégradables dans l’environnement. La toxicité et l’écotoxicité des polycarboxylates sont faibles et ceux-ci ne sont pas considérés comme dangereux. En revanche, la toxicité aquatique de certains phosphonates, comme 1-hydroxyéthane-1,1-acide diphosphonique (HEDP) et de ses sels risque de soulever certaines préoccupations. Néanmoins, les données de contrôle environnemental ne sont pas suffisantes pour cette substance et le risque environnemental n’a pas pu être évalué.

La deuxième partie de l’étude venait compléter l’étude sur l’eutrophisation de l’INIA/CEEP en évaluant les coûts et avantages généraux de remplacer le STPP par les zéolithes dans les détergents, y compris les risques pour la santé et l’environnement, les économies réalisées par les autorités au niveau des stations d’épuration tertiaires et l’augmentation des frais auxquels les fabricants devront faire face pour reformuler les détergents.

Le rapport[13] (en anglais) intitulé «Ingrédients organiques non tensioactifs et détergents à base de zéolithes» remis en juin 2006 a formulé les recommandations suivantes:

- l’industrie des détergents devrait être encouragée à développer des détergents sans phosphate pour les lave-vaisselle,

- des discussions devraient être menées avec le secteur des détergents pour convenir d’une série de données (sur les propriétés, les effets sur la santé et l’environnement) afin d’être exploitées et publiées pour les divers ingrédients de polymère,

- l’utilisation des détergents sans phosphate ne devrait pas être encouragée s’il n’est pas prouvé que tous les ingrédients ne présentent aucun risque pour la santé humaine ou l’environnement.

Le principal avantage de passer à des détergents sans phosphate sera de réduire la charge phosphorique dans l’environnement ce qui, à terme, pourrait réduire les problèmes d’eutrophisation. En termes qualitatifs, les principaux avantages apparaîtraient dans les pays affichant:

- une utilisation très répandue des détergents à base de phosphates,

- une faible capacité de traitement tertiaire des eaux résiduaires et

- des problèmes d’eutrophisation.

En appliquant des facteurs de pondération aux trois critères susmentionnés, un seul indicateur par pays a été dérivé des avantages potentiels résultant d’un passage aux détergents sans phosphate (voir tableau 2 en annexe). Cette analyse assez simpliste montre que les avantages potentiels varient nettement d’un pays à un autre.

Les coûts associés à un passage aux détergents à base de zéolithes incluent:

- l’interruption de la chaîne d’approvisionnement en phosphates; six fabricants européens de STPP seront considérablement touchés,

- le besoin, pour les formulateurs de détergents, de reformuler ou rebaptiser leurs produits (opération plus complexe et délicate pour les petits formulateurs), le coût s’élevant en moyenne à 20 000 EUR par formulation,

- une augmentation potentielle des risques pour l’homme et/ou l’environnement ainsi que les frais afférant aux essais supplémentaires en raison du besoin d’évaluer les nouveaux risques.

Le groupe de travail sur les détergents a débattu des deux rapports en novembre 2006 et il est apparu que celui réalisé par RPA fournit des informations utiles sur les coûts et avantages de passer aux détergents sans phosphate.

En ce qui concerne le rapport de l’INIA, il a été noté en particulier que:

- les données utilisées pour la modélisation étaient plutôt limitées et les résultats étaient disponibles seulement pour deux scénarios géographiques génériques,

- la modélisation était limitée aux bassins fluviaux (et aux lacs) tandis que l’eutrophisation dans l’UE est un problème qui touche aussi l’environnement côtier et marin, comme les mers Baltique, du Nord, Noire et Adriatique,

- le projet en cours MARE/HELCOM pour la Baltique et le projet PNUD-GEF pour le bassin du Danube devraient également être pris en compte avant de tirer les conclusions finales sur les effets des détergents à base de phosphates sur l’eutrophisation dans l’UE.

Le projet régional PNUD-GEF pour le Danube, financé par le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), a pour but de mettre au point des recommandations visant à réduire le phosphore des détergents dans le bassin du Danube et a fourni des données détaillées sur la concentration de phosphate et l’eutrophisation dans le Danube. Le rapport final (en anglais)[14] conclut:

«S’il est reconnu que l’amélioration de la collecte et du traitement des eaux résiduaires urbaines ainsi que les bonnes pratiques agricoles notamment sont des actions complémentaires nécessaires, l’étude a montré clairement qu’il y avait encore beaucoup à faire pour résoudre le problème de l’eutrophisation en remplaçant les détergents à base de phosphates par des détergents sans phosphate, ce qui réduirait la charge phosphorique totale».

Il est donc recommandé aux pays du bassin du Danube de continuer à appliquer la législation nationale et/ou d’adopter d’autres accords volontaires pour remplacer les détergents à base de phosphates afin de protéger le Danube et la mer Noire de l’eutrophisation pendant que la Commission évalue dans quelle mesure une action au niveau européen est nécessaire. Cela a été réitéré, lors de la récente réunion de haut niveau des 16 pays du Danube et de la Mer Noire ainsi que de la Commission, dans une déclaration sur la protection de l’eau[15]. Compte tenu de l’absence d’action communautaire harmonisée, cette approche est considérée justifiée et proportionnée.

Actions encore en cours en avril 2007

Autres évaluations réalisées par le CSRSE

Les derniers rapports signés RPA et INIA ont été soumis au Comité scientifique des risques sanitaires et environnementaux (CSRSE) en novembre 2006 pour avis.

Le CSRSE a été chargé d’évaluer la qualité scientifique globale des rapports et de formuler des commentaires sur la méthodologie et les hypothèses utilisées, notamment:

- la qualité du modèle conceptuel,

- la précision et la validité des estimations, résultats et conclusions,

- l’utilisation des phosphates dans les détergents, qui contribue considérablement à l’eutrophisation au niveau de l’UE.

Pour ce qui concerne le rapport RPA, le CSRSE a été chargé de formuler un avis sur les points suivants:

- le passage à des détergents sans phosphate augmenterait-il les risques pour la santé et l’environnement?

- quels sont les risques associés aux co-activateurs, y compris les polycarboxylates et phosphonates?

Deux groupes de travail ont été créés et leur avis devrait être rendu avant la fin mai 2007.

Activités de la Commission au titre de la directive établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau

La directive sur l’eau impose aux États membres d’obtenir un bon état écologique et chimique des eaux de surface d’ici à 2015. Un document d’orientation[16] fournit une méthodologie harmonisée pour évaluer le risque d’eutrophisation dans le contexte de la politique européenne. Tous les États membres ont fait le point sur l’impact environnemental de l’activité humaine sur l’état des eaux de surface et souterraines et ont transmis leurs conclusions à la Commission en 2005[17]. Ces rapports démontrent que l’eutrophisation reste un problème majeur et que dans plusieurs bassins fluviaux, la pollution par le phosphore provient de différentes sources. Les États membres doivent préparer un programme de mesures d’ici décembre 2009 afin d’atteindre les objectifs de la directive sur l’eau qui pourrait inclure, le cas échéant, des accords obligatoires ou volontaires visant à limiter les phosphates dans les détergents. En vertu de la directive sur l’eau, de telles mesures doivent être rentables et proportionnées.

Un processus d’interétalonnage en cours actuellement va permettre de mieux comparer le concept de «bon état écologique» dans tous les États membres, de l’adapter aux définitions de la directive sur l’eau et donc d’harmoniser les procédures d’évaluation visant à déterminer le risque d’eutrophisation. Le concept de «bon état écologique» va être défini avec précision pour être applicable à tous les systèmes nationaux de classification.

L’exercice d’interétalonnage utilisera plusieurs milliers de séries de données provenant d’au moins 1500 sites de contrôle représentatifs (décision 2005/646/CE[18] de la Commission) à travers l’Europe.

La Commission prépare actuellement une décision sur la publication des résultats de l’exercice d’interétalonnage qui devrait être adoptée fin 2007 conformément à l’article 21 de la directive 2000/60/CE.

Projet MARE/HELCOM sur la zone de la mer Baltique

Ce projet évalue différentes solutions (y compris l’utilisation de «détergents sans phosphate») afin d’améliorer la qualité de l’eau dans la zone de la mer Baltique. Si des détergents sans phosphate sont utilisés dans tous les pays de la Baltique tandis que le traitement des eaux résiduaires est maintenu au même niveau qu’en 2000, moins de progrès sont réalisés que si des détergents à base de phosphates continuent d’être utilisés alors que le traitement des eaux résiduaires est amélioré conformément à la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires. L’amélioration du traitement des eaux résiduaires associée à l’utilisation de détergents sans phosphate permettrait de réduire les charges en nutriments et donc d’améliorer la qualité de l’environnement marin plus qu’aucune de ces deux mesures prise séparément.

RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS

La Commission a entrepris un nombre considérable de mesures pour établir la base de connaissances nécessaire pour évaluer l’impact de l’utilisation des phosphates dans les détergents sur l’eutrophisation comme le prévoit l’article 16, paragraphe 1, du règlement 648/2004.

À la lumière des résultats d’une étude menée par WRc en 2002 sur l’impact des phosphates présents dans les détergents sur l’eutrophisation et d’avis rendus par le Comité scientifique de la Commission en mars et novembre 2003, deux autres études ont été menées pour combler les lacunes en termes de données mises en évidence dans les avis du Comité. Les résultats de ces deux études supplémentaires ont fait l’objet de discussions entre les délégués des États membres et de l’industrie lors d’une réunion du groupe de travail sur les détergents en novembre 2006 pour être ensuite soumis au Comité scientifique de la Commission pour avis, lequel n’a pas encore été rendu.

D’après les rapports présentés dans le contexte de la directive sur l’eau, l’eutrophisation reste une des principales menaces pour les eaux douces et marines. Ce problème est aujourd’hui beaucoup mieux cerné. Néanmoins, en avril 2007, les connaissances sur l’eutrophisation continuent de progresser rapidement et des données approfondies supplémentaires sur l’évaluation de la qualité de l’eau par l’UE devraient être disponibles sous peu grâce à l’exercice d’interétalonnage prévu par la directive sur l’eau.

Une décision déterminant si les restrictions des phosphates dans les détergents sont justifiées au niveau européen sera prise une fois que suffisamment de preuves seront réunies et que plusieurs solutions auront été envisagées en consultation avec le groupe de travail sur les détergents. Notamment, des mesures harmonisées ne pourront être justifiées qu’une fois que le Comité scientifique de la Commission aura rendu son avis sur les études déjà réalisées. La Commission lancera une évaluation d’impact en 2007 pour la conclure en 2008 si possible, en fonction de l’avis que va rendre le Comité scientifique et de l’ampleur des questions encore en suspens. La Commission présentera dans les meilleurs délais une proposition législative une fois qu’il aura été décidé que les restrictions sont justifiées.

Dans l’attente d’une décision, la Commission rappelle que les États membres peuvent poursuivre les mesures visant à remplacer les détergents à base de phosphates lorsque cela se justifie d’un point de vue environnemental (par exemple sur la base de la directive sur l’eau). Les États membres souhaitant introduire des «réglementations techniques» au titre de la directive 98/34/CE devront en informer la Commission et justifier que ces mesures répondent aux exigences de la directive.

ANNEXE

Tableau 1: pourcentage des détergents textiles sans phosphate* dans les États membres de l’UE-25 |

État membre | Population (millions) | % sans phosphate |

Belgique | 10,4 | 100 |

République tchèque | 10,2 | 35 |

Danemark | 5,4 | 80 |

Allemagne | 82,5 | 100 |

Estonie | 1,3 | 20 |

Grèce | 11,0 | 50 |

France | 59,9 | 50 |

Irlande | 4,0 | 100 |

Italie | 57,8 | 100 |

Chypre | 0,7 | 20 |

Lettonie | 2,3 | 20 |

Lituanie | 3,4 | 20 |

Luxembourg | 0,4 | 100 |

Hongrie | 10,1 | 30 |

Malte | 0,4 | 20 |

Pays-Bas | 16,2 | 100 |

Autriche | 8,1 | 100 |

Pologne | 38,2 | 15 |

Portugal | 10,4 | 30 |

Slovénie | 2,0 | 95 |

Slovaquie | 5,4 | 20 |

Espagne | 42,2 | 40 |

Finlande | 5,2 | 90 |

Suède | 9,0 | 85 |

Royaume-Uni | 59,5 | 55 |

UE-25 | 456,0 | 66 |

* Le terme «sans phosphate» indique le respect de la législation nationale visant à limiter la teneur en phosphate (pas nécessairement nulle).

(Rapport RPA 2006, http://ec.europa.eu/enterprise/chemicals/legislation/detergents, en anglais)

Tableau 2: avantages d’opter pour des détergents sans phosphate |

Note | Description | États membres |

> 10 | Avantages maximums | République tchèque, Pologne, Espagne, Lettonie, Lituanie, Portugal, Slovaquie |

5-10 | Certains avantages | Grèce, Chypre, Estonie, Royaume-Uni, Luxembourg, Hongrie, Belgique, France |

1-5 | Peu d’avantages | Danemark, Finlande, Autriche, Suède, Irlande, Slovénie, Italie, Pays-Bas, Allemagne |

0 | Aucun avantage | Malte |

La «note» indique les pays de l’UE qui retireraient le plus d’avantages en optant pour les détergents sans phosphate, sur la base de trois facteurs: (1) consommation annuelle per capita de phosphates présents dans les détergents (2) pourcentage de la population bénéficiant de traitement des eaux tertiaire (3) niveau de préoccupation relative à l’eutrophisation

(Rapport RPA 2006, http://ec.europa.eu/enterprise/chemicals/legislation/detergents )

[1] Règlement (CE) n° 648/2004 du Parlement européen et du Conseil relatif aux détergents, JO L 104 du 8.4.2004, p. 1.

[2] Tripolyphosphate de sodium (STPP) CAS: 7758-29-4 Human & Environmental Risk Assessment on ingredients of European household cleaning products (évaluation du risque sur l’homme et l’environnement relative aux ingrédients des produits de nettoyage ménagers européens), HERA (2003)

[3] Directive 91/271/CEE, JO L 135 du 30.5.1991, p. 40.

[4] Directive 91/676/CEE, JO L 375 du 31.12.1991, p. 1.

[5] Directive 96/61/CE, JO L 257 du 10.10.1996, p. 26.

[6] Directive 2000/60/CE, JO L 327 du 22.12.2000, p. 1.

[7] Les directives 91/271/CEE, 91/767/CEE et 96/61/CE correspondent aux «mesures de base» au titre de la directive sur l’eau; elles doivent être coordonnées et, le cas échéant, complétées afin d’aboutir aux objectifs obligatoires.

[8] Directive 98/34/CE, JO L 204 du 21.7.1998, p. 37

[9] Dans les rapports environnementaux, le terme «phosphore» se réfère aux composés du phosphore en général.

[10] Les phosphates et autres activateurs de détergents sont présentés sur le site suivant: http://ec.europa.eu/environment/water/water-urbanwaste/info/docs_en.htm

[11] Disponible à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/health/ph_risk/committees/sct/sct_opinions_en.htm

[12] Disponible à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/enterprise/chemicals/legislation/detergents/index_en.htm.

[13] Disponible à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/enterprise/chemicals/legislation/detergents/index_en.htm.

[14] Rapport PNUD-GEF sur le Danube est disponible sur le site: http://www.undp-drp.org/drp/activities_1-8_detergents.html

[15] http://www.icpdr.org/icpdr-pages/water_protection_declaration.htm (en anglais)

[16] Disponible à l’adresse suivante: http://forum.europa.eu.int/Public/irc/env/wfd/library?l=/framework_directive/thematic_documents/13_eutrophication (en anglais)

[17] Les rapports peuvent être consultés à l’adresse suivante: http://forum.europa.eu.int/Public/irc/env/wfd/library?l=/framework_directive/implementation_documents_1 & vm = detailed & sb = Title

[18] Décision 2005/646/CE de la Commission, JO L 243 du 17.9.2005, p. 1.