52007DC0106

Communication de la Commission au Conseil conformément à l'article 19, paragraphe 1, de la Directive 2003/96/CE du Conseil (transports publics locaux de passagers, personnes handicapées) /* COM/2007/0106 final */


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Bruxelles, le 15.3.2007

COM(2007) 106 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL

conformément à l'article 19, paragraphe 1, de la Directive 2003/96/CE du Conseil (transports publics locaux de passagers, personnes handicapées)

1. INTRODUCTION

Conformément à l’article 19, paragraphe 1, de la Directive 2003/96/CE du Conseil restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité[1] (ci-après dénommée «la Directive sur la taxation de l’énergie» ou «la Directive»), outre les dispositions des articles de la Directive, et notamment des articles 5, 15 et 17, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser tout État membre (qui en a fait la demande) à introduire des exonérations ou des réductions supplémentaires pour des raisons de politique spécifiques.

Après avoir examiné les demandes, soit la Commission soumet une proposition au Conseil, soit elle l’informe des raisons pour lesquelles elle n'a pas proposé l'autorisation d'une telle mesure.

Dans le cadre plus large du réexamen des dérogations prévues au titre de la Directive sur la taxation de l'énergie et expirant à la fin de l'année 2006, l’Irlande et le Danemark ont déposé une demande d’autorisation en vue de déroger aux dispositions de ladite Directive à partir de 2007. Ces États membres entendent appliquer au carburant des exonérations fiscales partielles ou totales en ce qui concerne certaines utilisations visées à l’article 5, troisième tiret, de la Directive sur la taxation de l'énergie. Les mesures envisagées ne remplissent pas l’une des conditions définies à l'article 5, conformément à laquelle les «niveaux minima de taxation prévus» par la Directive sur la taxation de l’énergie doivent être respectés. Les demandes susmentionnées ont été enregistrées par la direction générale de la fiscalité et de l'union douanière[2].

La présente communication vise à informer le Conseil des raisons pour lesquelles la Commission ne propose pas l’autorisation des mesures considérées.

2. RÉSUMÉ DES DEMANDES

2.1. Demandes de l'Irlande

Tout d'abord, l'Irlande souhaiterait appliquer un taux réduit de droits d'accise pour le diesel routier (de 22,72 € par 1.000 litres) utilisé comme carburant pour les services de transport public locaux de passagers, autorisés par les autorités nationales compétentes ou sur toute autre base légale, les sociétés d'autobus, les services de transport scolaire et les compagnies de cars de tourisme.

Le but de cette mesure, selon l'Irlande, est de promouvoir la croissance des transports publics locaux de passagers et, de manière plus générale, de contribuer aux objectifs établis en matière de protection de l'environnement.

L'Irlande affirme que l'adaptation du régime actuel aux conditions prévues à l'article 5 entraînerait une augmentation des prix et par voie de conséquence celle des prix des billets de passagers. Ces mesures décourageraient l'utilisation des transports en commun et entraîneraient par voie de conséquence une augmentation des moyens de transport privés dont l'impact se traduirait par davantage d'embouteillages et par une plus grande pollution.

En outre, l'Irlande considère que la mesure pénaliserait particulièrement les populations à bas revenus qui utilisent préférentiellement les transports en commun ainsi que les itinéraires moins rentables (c'est-à-dire les itinéraires à faible densité de population).

Selon l'Irlande, la mesure toucherait particulièrement les autobus, un des services essentiels de transport en commun en Irlande et le plus souple d'entre eux.

En second lieu, l'Irlande souhaiterait exempter le combustible utilisé pour un véhicule destiné au transport de personnes souffrant d'incapacité physique grave, jusqu'à un maximum de 600 gallons ou de 2 728 litres par an. Ces limites seraient augmentées à 900 gallons et à 4 092 litres pour les organisations représentatives de personnes handicapées. L'Irlande fait valoir que la mesure est très restrictive en soi et qu'elle ne concerne que des personnes qui remplissent certains critères stricts. Le but de la mesure est de compenser les frais de transport considérables de ceux qui sont confrontés à de graves infirmités. L'Irlande fait également valoir que les personnes fortement handicapées sont nombreuses à ne disposer que de revenus limités. Enfin, l'Irlande affirme que la mesure est dénuée de tout impact sur le bon fonctionnement du marché intérieur. La mesure fait partie d'un plan national plus vaste d'incitations qui s'adresse à des personnes souffrant de graves incapacités physiques.

Les demandes ne fixent pas la date d’échéance de la mesure.

2.2. Demande du Danemark

Le Danemark souhaiterait exonérer le GPL et le diesel (sans soufre ou à faible teneur en soufre) utilisés comme carburants dans les véhicules de transports publics locaux de passagers. Le but de cette mesure est de promouvoir la protection de l'environnement non seulement par le soutien aux transports publics mais aussi en favorisant des carburants plus respectueux de l'environnement .

La demande fixe l'échéance de la mesure au 31 décembre 2008.

3. CONTEXTE DES DEMANDES

Conformément à l’article 5, troisième tiret, de la Directive sur la taxation de l’énergie, les États membres peuvent appliquer des taux de taxation différenciés pour les utilisations suivantes: transports publics locaux de passagers (y compris les taxis), collecte des déchets, forces armées et administration publique, personnes handicapées et ambulances. Le respect des niveaux minima de taxation prévus par la Directive constitue la principale condition du recours à cette possibilité.

Cette disposition facultative a été introduite dans la Directive sur la taxation de l’énergie compte tenu de l'expérience acquise au cours des années 1990, le Conseil ayant alors octroyé plusieurs dérogations au titre de l'article 8, paragraphe 4, de la Directive 92/81/CEE du Conseil[3]. L’objectif était d’accorder aux États membres un degré de flexibilité dans certains domaines, tout en garantissant la prise en compte des préoccupations motivant la fixation de niveaux minima de taxation dans la Directive. Cette considération est manifeste en ce qui concerne les transports publics . Dans son rapport de 1996 portant sur les dérogations octroyées au titre de l'article 8, paragraphe 4, de la Directive 92/81/CEE[4], la Commission concluait que les « dérogations devaient être maintenues jusqu'à l'introduction d'une règle générale dans le cadre du régime communautaire commun de la fiscalité des produits énergétiques, ou au plus tard jusqu'au 31 décembre 1998[5] ».

Cette approche se retrouvait également dans la proposition de 1997[6] qui a mené à l'adoption de la Directive sur la taxation de l'énergie en 2003. Cette proposition visait à accorder aux États membres un certain degré de flexibilité dans la poursuite de leurs objectifs de politique nationaux, tout en veillant à ce que l’intérêt de la Communauté soit préservé. L’obligation de respect des niveaux minima de taxation reflète, outre les besoins du marché intérieur, la nécessité de maintenir des incitations destinées à promouvoir l’efficacité énergétique et la protection de l'environnement, nécessité qui s'applique également aux transports publics. Au cours des négociations du Conseil au sujet de la Directive sur la taxation de l’énergie, la disposition en question a été élargie, mais le principe de base, et donc l’exigence du respect des niveaux minima de taxation, ont été maintenus.

Dans sa communication de juin 2006, intitulée «Examen des dérogations expirant à la fin de 2006 visées aux annexes II et III de la Directive 2003/96/CE du Conseil» (ci-après dénommé «la communication de 2006»)[7], la Commission a donné un aperçu de la large flexibilité offerte par la Directive sur la taxation de l'énergie, et confirmé que les dérogations en faveur des carburants utilisés dans les cas susmentionnés n'étaient plus nécessaires étant donné l’existence d’une disposition appropriée à l’article 5, troisième tiret, de la Directive.

4. ÉVALUATION DE LA COMMISSION

Par la suite, la Commission évaluera les demandes en fonction de ce que les mesures prévues par les États membres demandeurs ne sont pas couvertes par l'article 15, paragraphe 1, point i), de la Directive de taxation de l'énergie (cf. aussi les considérations exposées à la fin de la présente communication).

La Commission estime que la plupart des préoccupations avancées par les deux États membres demandeurs pour justifier les dérogations demandées correspondent en tout point à celles qui, au départ, ont motivé l'inclusion de l'article 5, troisième tiret, dans la Directive sur la taxation de l'énergie.

En conséquence, elles ne peuvent pas être considérées comme des considérations de politique spécifiques au sens de l'article 5. Cette disposition, adoptée sur la base de l'article 93 du traité CE, trouve déjà un équilibre entre les différentes considérations de politique susceptibles de plaider en faveur d’un traitement fiscal plus favorable pour les carburants utilisés dans les domaines considérés d'une part, et les préoccupations avec celles qui sous-tendent l’instauration de niveaux minima de taxation. Ces dernières font partie des intérêts et politiques communautaires expressément mentionnés à l'article 19, paragraphe 1, 3e alinéa, de la Directive de taxation de l'énergie; qui justifient en particulier les incitations à l'amélioration de l’efficacité énergétique et à la protection de l’environnement. Par conséquent, une dérogation en vertu de l'article 19 ne peut être accordée simplement sur la base des arguments mêmes qui ont conduit à l'adoption de l'article 5 de la Directive. Ce fut déjà expliqué en détail dans la communication de la Commission concernant des demandes semblables, qui fut adoptée le 30 novembre 2006[8].

Ces motifs s'appliquent également à la demande introduite par l'Irlande concernant les personnes handicapées. En effet, leur situation est explicitement prise en compte par l'article 5 de la Directive de taxation de l'énergie. En fait, cette référence reflète la dérogation dont l'Irlande a joui dans le cadre juridique précédent.

En ce qui concerne les considérations sociales telles que celles mises en avant par l'Irlande, la Commission souhaiterait rappeler que l'Irlande confirme elle-même que toutes les personnes souffrant de graves incapacités ne doivent pas nécessairement exiger d'aide sociale et l'exonération fiscale complète générale, mise à la disposition de tous, ne permet pas d'y répondre. Des besoins plus spécifiques liés aux ressources économiques des personnes concernées pourraient être rencontrés de manière plus adéquate par des instruments ciblés qui soient compatibles avec les niveaux minimaux de la taxation indiquées dans la Directive de taxation de l'énergie.

En ce qui concerne l'élément spécifique des opérateurs de cars de tourisme mentionné dans la demande irlandaise de dérogation en faveur des "véhicules de transport public local de passagers", la Commission souhaite souligner que les motifs présentés plus haut s'appliquent à cette partie de la demande dans la mesure où ces opérateurs de cars de tourisme peuvent être considérés comme relevant de la notion de "transport public local de passagers". Quant aux situations au-delà de ce terme, la Commission aimerait fait référence à l'article 7 de la Directive, qui, dans certaines circonstances, autorise les États membres à introduire des taux de taxation différenciés pour le diesel utilisé dans certains véhicules de transport de passagers (cf. en particulier les paragraphes 2 et 3, point b) de cette disposition). L'Irlande ne présente aucune considération de politique spécifique qui justifierait l'octroi d'avantages fiscaux qui iraient au-delà de ce que permet l'article 7 de la Directive. À cet égard, la Commission observe que la condition mentionnée au paragraphe 2 de cette disposition, à savoir le respect des niveaux minimaux de taxation, correspond à la norme applicable au sens de l'article 5 de la Directive, notamment dans le contexte des transports publics locaux de passagers.

En ce qui concerne la demande du Danemark des transports publics, la Commission estime que la demande fait référence indifféremment aux objectifs de la promotion des transports publics et à la promotion de combustibles plus favorables à l'environnement, en particulier le diesel sans soufre ou à faible teneur en soufre[9]. Quant au premier objectif, la Commission souhaite faire référence aux considérations susmentionnées ainsi que dans la communication adoptée en novembre 2006. Des considérations semblables s'appliquent néanmoins à la promotion de combustibles de meilleure qualité. Il convient d'ajouter à ce propos que la nécessité d'assurer une concurrence loyale fournit un argument supplémentaire en faveur du respect des niveaux minimaux de taxation communautaires.

5. CONCLUSION

Sur la base de ce qui précède, la Commission estime que, pour autant qu'il s'agisse de transports publics locaux de passagers ou de personnes handicapées, aucune des demandes ne contient de raisons de politique spécifiques différentes de celles qui ont mené à l’inclusion de l’article 5, troisième tiret, dans la Directive sur la taxation de l’énergie. L'article 5 exprime la nécessité de réconcilier ces préoccupations avec celles qui sous-tendent les niveaux minimaux de taxation, à savoir la création d'une égalité de traitement au sein du marché intérieur et le maintien des incitations en faveur de l'amélioration de l'efficacité énergétique et de la protection de l'environnement. Ces aspects font partie intégrante des intérêts communautaires et des politiques explicitement visés à l'article 19, paragraphe 3, troisième alinéa. Au vu de l'article 7 de la Directive de taxation de l'énergie et en l'absence d'arguments spécifiques avancés par l'Irlande, de semblables considérations s'appliquent à la demande de cet État membre, pour autant qu'il concerne les transports de passagers autres que les transports locaux.

Les États membres concernés ont disposé d’un délai suffisant pour s’adapter au nouvel équilibre, établi par le législateur communautaire. En cas de besoins locaux et/ou sociaux très spécifiques, des instruments autres que les accises (et qui n'interfèrent pas avec les exigences minimales de la Directive sur la taxation de l'énergie) se révèleraient bien plus appropriés[10].

La Commission conclut donc que les conditions définies à l’article 19 ne sont pas remplies. C’est pourquoi la Commission ne propose pas les autorisations sollicitées par les deux États membres demandeurs.

Dans la mesure où la demande introduite par le Danemark porte sur l'utilisation de carburants de substitution bénéficiant d’un traitement privilégié en vertu de l'article 15, paragraphe 1, point i), il convient de noter que des exonérations ou des réductions peuvent être octroyées par les États membres au titre de cet article sans aucune intervention de la Commission et du Conseil. En conséquence, et conformément à l’esprit et à la lettre de l’article 19, ces exonérations et réductions n'entrent pas dans le champ d'application de la présente communication. Il s’ensuit également qu'elles ne sont pas concernées par la conclusion formulée ci-dessus.

[1] Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité (JO L 283 du 31.10.2003, p. 51); directive modifiée en dernier lieu par les directives 2004/74/CE et 2004/75/CE (JO L 157 du 30 avril 2004, p. 87 et p. 100).

[2] Lettes enregistrées le 13 novembre 2006 (Danemark) et le 14 décembre 2006 (l'Irlande).

[3] Directive 92/81/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accise sur les huiles minérales (JO L 316 du 31.10.1992). Cette directive, de même que la directive 92/82/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales, a été abrogée par la directive 2003/96/CE du Conseil, avec effet à compter du 31 décembre 2003.

[4] COM (96) 549 du 14 novembre 1996.

[5] Point 5.5 du rapport.

[6] COM (97) 30 du 12 mars 1997. Voir notamment le projet d’article 5.

[7] COM(2006) 342 du 30 juin 2006 - Examen des dérogations expirant à la fin de 2006 visées aux annexes II et III de la directive 2003/96/CE du Conseil .

[8] COM(2006) 741 du 30 novembre 2006 Communication de la Commission au Conseil conformément à l'article 19, paragraphe 1, de la directive 2003/96/CE du Conseil (transports publics locaux de passagers, forces armées, administration publique, ambulances)

[9] Le GPL utilisé comme carburant relève des dispositions particulières de l'article 15, paragraphe 1, point i) de la directive de taxation de l'énergie. Cf. les observations à la fin de la présente communication.

[10] Sans préjudice des autres dispositions communautaires, notamment des règles en matière d’aides d’État définies dans le traité.