52006SC1510

Document de travail des services de la Commission accompagnant la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen relative au renforcement de la politique européenne de voisinage - Rapport de Suivi PEV - Tunisie {COM(2006)726 final} /* SEC/2006/1510 */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 4.12.2006

SEC(2006)1510

DOCUMENT DE TRAVAIL DES SERVICES DE LA COMMISSION Accompagnant la: COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN

RELATIVE AU RENFORCEMENT DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE VOISINAGE Rapport de Suivi PEV Tunisie {COM(2006)726 final}

Historique et évaluation d’ensemble

Adopté en juillet 2005 et entré dans une phase opérationnelle au cours de 2006, le Plan d’action est devenu le cadre de cohérence du dialogue entre l’Union européenne (UE) et la Tunisie. Il a ainsi permis d’entrer dans un dialogue approfondi sur les questions économiques et commerciales ainsi que sur de nombreux enjeux de politique sectorielle. Cinq sous-comités se sont réunis au cours des sept premiers mois de 2006 (dialogue économique; agriculture et pêche ; transport, environnement et énergie ; recherche et innovation; coopération douanière).

L’amélioration des conditions de vie de la population a continué d’être une priorité constante de la politique gouvernementale, en phase avec les objectifs d’une zone de prospérité partagée que la Politique européenne de voisinage cherche à atteindre. L’essentiel des réformes économiques et sociales et les mesures sectorielles prévues par le Plan d’action ont ainsi bien avancé, y compris dans le domaine des transports, de l’énergie et de la recherche scientifique.

Plus généralement, on peut même noter une forte cohérence entre le Plan d’action et les priorités propres de la Tunisie. Définies par la note d’orientation du XIe plan (2007-2016), elles visent la création d’emplois productifs par le renforcement de la compétitivité de l’économie tunisienne, fondée sur une économie de la connaissance. Cet objectif est d’autant plus justifié que la forte croissance du chômage des jeunes diplômés, ainsi que les tensions sociales et les migrations qui en résultent, représentent un défi pour la Tunisie et l’Europe. Les autorités tunisiennes cherchent ainsi à mettre le Plan d’action au service de cette priorité et à en faire un ancrage de la mise à niveau de la Tunisie.

Sur le plan politique, il y a eu moins de progrès au cours des mois écoulés notamment en ce qui concerne la coopération et le dialogue sur les questions politiques .

Les préparatifs du sous-comité sur les droits de l’homme et la démocratie sont encore au stade de discussion de son règlement intérieur De même, le programme de modernisation de la justice, signé fin décembre 2005devrait passer dans une phase opérationnelle. Les projets sur la société civile avec l’UE s'avèrent difficile, jusqu’à présent, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des projets de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme.

En ce qui concerne l’assistance, il y a une forte cohérence entre les programmes de coopération en cours prévus pour la période 2007-2010 et les priorités économiques et sociales du Plan d’action. Ainsi en témoigne la multiplication des programmes de jumelage et les réformes institutionnelles accompagnant les aides budgétaires.

Dialogue politique et réformes

Dans le domaine de la démocratie et de l’état de droit , en juillet 2005, la Chambre des conseillers a été constituée, pour renforcer les institutions démocratiques et l’état de droit. 41 conseillers sont désignés directement par le président de la République ; 43 élus par les collectivités locales et 42 par les associations professionnelles. La Confédération des syndicats tunisiens (UGTT), qui a droit à 14 sièges, a refusé d’y siéger. Les 43 élus des collectivités locales sont tous issus du Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti au pouvoir.

La convention de financement du programme de modernisation de la justice , dont l’instruction avait commencé début 2002, a été signée fin décembre 2005. Sa mise en œuvre n’est pas encore entrée dans une phase pleinement opérationnelle. Elle représente pourtant le prototype même du programme de nouvelle génération que la politique de voisinage se doit de susciter et le moment de la mise en œuvre représente pour la Tunisie l'occasion de montrer son engagement positif.

En ce qui concerne les d roits de l’homme et les libertés fondamentales , il y a peu de progrès des libertés d’association et d’expression. Les activités de la société civile indépendante (ONG, mouvements politiques, associations professionnelles) s'avèrent également difficiles. L’obligation de dépôt légal pour les quotidiens et périodiques a été supprimée par la loi organique en 2006, mais elle persiste pour la presse étrangère. L’exercice de la profession de journaliste continue, dans la pratique, à être soumis à diverses difficultés telles que l’accès des médias à la publicité.

Les relations entre le comité directeur de la Ligue tunisienne des droits de l’homme et les autorités restent problématiques. Ceci rend difficile le fonctionnement normal de la Ligue, alors qu'elle est souvent présentée comme un acquis national majeur à préserver. Pour d’autres projets de la société civile, financés par la Communauté européenne, tels que le projet «Santé Sud» ou un projet au bénéfice d’une des organisations tunisiennes des femmes - l’association des femmes tunisiennes pour la recherche et le développement (AFTURD) - les progrès étaient limités.

La conférence internationale sur l'emploi et le droit au travail dans l'espace euro-méditerranéen, qui devait avoir lieu à Tunis début septembre 2006, a été annulée en dernière minute.Un pas dans la direction d’une amélioration des conditions de détention et d’emprisonnement a été fait avec l’autorisation donnée au Comité international de la Croix Rouge, en avril 2005, de visiter de façon régulière tous les centres de détention et prisons. Une centaine de prisonniers politiques ont été libérés en février 2006 (sur un total de 1298 détenus graciés, principalement de droit commun, soit 5% de la population carcérale).

Sur le plan régional et international , le dialogue avec l’UE est régulier mais pourrait être renforcé.. Si la politique de défense tunisienne mobilise des moyens et des ambitions limitées, la lutte contre le terrorisme bénéficie, d’une législation très complète et de moyens considérables.

Saluée par les Etats membres et les Etats-Unis comme une partenaire très fiable en matière de lutte contre le terrorisme , la Tunisie coopère dans ce domaine sur des bases plutôt bilatérales. Le groupe du Conseil de l’UE chargé de la lutte contre le terrorisme (COTER) a décidé d’octroyer à la Tunisie une assistance technique. Son contenu reste à définir, mais il devrait porter sur le blanchiment des capitaux, la sécurisation des documents de voyage et la coopération judiciaire.

Dans le domaine de la coopération régionale , la Tunisie est très active au niveau du processus « 5+5 ».

Réforme économique et sociale et développement

Cadre macroéconomique

Le cadre macroéconomique tunisien est stable avec des perspectives favorables grâce à des politiques budgétaires et monétaires prudentes et à l’amélioration de la gestion de la dette. Après avoir enregistré 4,2% en 2005, la croissance du PIB devrait dépasser 5% en 2006 malgré un contexte international difficile (faible demande UE, forte concurrence asiatique et hausse des prix des matières premières). Les raisons principales de cette croissance sont tant l’expansion prononcée des secteurs des services et de l’industrie que le rebond de la production agricole.

Politique budgétaire et fiscale

Le gouvernement a non seulement maintenu une politique budgétaire prudente, mais s’est fixé une stratégie ambitieuse d’assainissement des finances publiques afin d’accroître la flexibilité de sa politique budgétaire au service de ses objectifs de développement économique. En 2005, le déficit s’est élevé à 3,2 % du PIB (sans les dons), après avoir enregistré 2,9 % en 2004. Pour 2006, le déficit devrait être proche de 3,6 % du PIB, compte tenu notamment des subventions étatiques plus élevées pour les produits pétroliers et les dépenses marquées pour les salaires des fonctionnaires.

En 2005 l’endettement public a atteint près de 59 % du PIB. Le cadre réglementaire et institutionnel de la gestion de la dette a été renforcé en ligne avec les recommandations faites par l’étude menée dans le cadre de la facilité ajustement structurelle (FAS) III. Une direction générale de la dette et de la coopération financière (DGDCF) a été créée au sein du ministère des finances. Cette nouvelle direction générale est organisée par fonction (front, middle et back office) et a permis d’unifier les deux dernières fonctions de gestion de la dette. La négociation et la contractualisation d’emprunts extérieurs demeurent cependant une responsabilité partagée entre le ministère des finances et celui du développement et de la coopération internationale. Chaque convention de financement doit faire l’objet d’une ratification par le Parlement.

La consolidation du cadre macro-économique et l’amélioration de la gestion de la dette font l’objet d’un appui conjoint de la Commission européenne, de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement dans le cadre des programmes d’ajustement structurels. La FAS IV bénéficie d’un financement de 78 millions d’euros par la Commission.

Afin de réduire la dette extérieure , qui s’élève à 69,9%, le gouvernement envisage d’utiliser deux tiers des revenus de la privatisation récente de Tunisie Telecom.

Emploi, politique sociale, développement durable

Malgré la performance économique prononcée, le chômage reste élevé (14,3% en 2005), affectant de plus en plus les diplômés universitaires. En 2005, les autorités tunisiennes ont commencé à mettre en œuvre des politiques visant à mieux faire coïncider l’offre et la demande d’emploi et à introduire des réformes pour accroitre la flexibilité du marché du travail en ce qui concerne le recrutement, en y introduisant le travail temporaire. Cependant, pour être réellement efficace, cette politique devrait également assouplir les règlements rigides relatifs au licenciement : dans ce domaine, rien n’a été fait jusqu’à présent.

La Communauté européenne (CE) finance plusieurs projets visant l’amélioration de la formation professionnelle, la création d’emploi et la réforme de l’éducation. Un programme financé par la CE, qui vise la modernisation des écoles secondaires, le renforcement des liens entre les universités et les entreprises, et la reconnaissance des études effectuées à l’étranger, a été mis en œuvre en 2005. Il devrait avoir un impact positif dans les années à venir.

La Tunisie progresse, à petit pas, dans le dialogue sur les droits sociaux avec l’UE , à la lumière de la Déclaration de l’Organisation internationale du travail. Des efforts restent à faire en matière de dialogue social, encore trop souvent proscrit par l’Etat, y compris pour les négociations collectives. La CE a augmenté son soutien financier et technique pour la réforme et l’extension du système de sécurité sociale, ainsi que pour le renforcement et le suivi de la sécurité au travail.

En ce qui concerne la pauvreté , des efforts ont été entrepris pour réduire les causes de marginalisation et de fracture sociale. Les chiffres officiels indiquent que le niveau de pauvreté a été ramené à 3,9% de la population, la classe moyenne ayant atteint presque 80% de la population. On note un accroissement constant du revenu par personne, le fait que la plupart des ménages sont propriétaires de leur logement et que les équipements de base et les moyens de communication modernes sont disponibles pour la plupart des citoyens.

L’engagement de la Tunisie sur la voie du développement durable a fait l’objet d’un chapitre entier du Xe plan, et a été repris et développé avec des actions structurées dans le XIe plan 2007-2016. La structure institutionnelle est bien développée avec un cadre législatif et réglementaire assez complet. Le comité national du développement durable, créé en 1993, continue son travail de coordination entre les différents intéressés. .Des indicateurs de développement durable ont été élaborés pour la Tunisie en 2003 et des indicateurs encore plus détaillés, au niveau des régions, élaborés par l’OTEDD (Observatoire tunisien de l’environnement et du développement durable), sont parus en 2005.

Questions commerciales, marché et réforme réglementaire

La mise en œuvre du volet commercial du Plan d’action et la convergence réglementaire avec l’UE sont globalement satisfaisantes. Le démantèlement tarifaire , anticipé de deux ans par la Tunisie, est bien avancé. Cependant, un certain ralentissement, voire des retards et des blocages apparaissent, notamment pour des produits de consommation et les produits agricoles transformés, en concurrence avec les productions locales, ainsi que pour ce qui concerne les barrières non tarifaires. Dans le contexte régional, la Tunisie est partie de l’accord d’Agadir qui établit une zone de libre échange entre quatre nations Méditerranéennes, en vigueur depuis juillet 2006.

Les négociations relatives à l’amélioration de la libéralisation des échanges des produits agricoles , produits agricoles transformés (PAT) et produits de la pêche, prévues en juin 2006, n’ont pas pu démarrer faute de mandat de la partie tunisienne et risquent d’être gênées par les blocages actuels sur le démantèlement des PAT.

La Tunisie a adopté le protocole sur le cumul pan euro-méditerranéen de l’origine qui est en vigeur depuis août 2006. L’administration des douanes tunisienne continue ses efforts engagés depuis plusieurs années pour modifier l'ensemble des ses procédures en vue d'une plus grande facilitation et d'une plus grande transparence. Cette modification, à la fois législative et des pratiques, en est dans sa phase finale de mise en œuvre. Pour la mise en œuvre du cadre des normes visant à sécuriser et à faciliter le commerce mondial de l’Organisation mondiale des douanes, la Tunisie a déjà mis en place des comités de réflexion qui se penchent sur certains aspects du dossier tel que le concept de l'exportateur agrée. La participation des douanes dans la lutte contre la contrefaçon et les copies doit être renforcée; la qualification de l'importation de contrefaçons comme un délit douanier prévue par la modification du code des douanes en cours constitue un premier pas positif à cet égard.

En ce qui concerne la libre circulation des biens et les règlementations techniques , la Tunisie a fait des progrès significatifs. Elle a confirmé son engagement de négocier un Accord sur l’évaluation de la conformité et l’acceptation des produits industriels (ACAA) et a choisi les secteurs prioritaires qui devraient être couverts par l’accord. La Tunisie a mis au point un programme de travail qui est actuellement mis en œuvre. La législation horizontale pour la normalisation et l’accréditation ainsi que les législations sectorielles sont en cours d’élaboration. De même, la loi sur la protection des consommateurs, le décret relatif aux contrôles à l’importation et à l’exportation ainsi que la loi sur la sécurité alimentaire sont en cours de révision en vue de leur harmonisation avec les normes de l’UE. Un projet de loi visant à assurer l’indépendance du Conseil national d’accréditation (TUNAC) est en préparation. Un renforcement des capacités administratives de surveillance des marchés est nécessaire.

Dans le domaine sanitaire et phytosanitaire , la Tunisie continue à œuvrer vers la mise en place d’un système de traçabilité des animaux (en particulier pour les bovins) et a renforcé la surveillance. Une loi sur les produits animaliers qui facilitera la convergence avec les règles de l’UE a été adoptée. L’inspection des laboratoires et des frontières a été renforcée ainsi que le dispositif relatif à la grippe aviaire. Il reste cependant beaucoup à faire pour renforcer le cadre règlementaire, les institutions et laboratoires, le contrôle et la surveillance, y compris le contrôle des résidus et les plans d’urgence en cas d’épidémie animale.

La Tunisie a continué à prendre des mesures visant à améliorer le climat d’ investissement , par exemple en réduisant le nombre d’autorisations administratives et en levant les restrictions aux achats de terrains industriels par les étrangers. Des bons progrès sont enregistrés en ce qui concerne le droit des entreprises , notamment par l’introduction de nouvelles obligations pour les membres des conseils d’administration des entreprises, la création d’un comité d’audit pour les compagnies importantes ou cotées en bourse, l’obligation de désigner des auditeurs financiers externes et le renforcement des obligations de publication. Cependant, des préoccupations persistent en ce qui concerne la gouvernance économique, la concurrence, la propriété intellectuelle, la rigidité du droit du travail et l’approche bureaucratique qui prévaut dans l’administration tunisienne.

Concernant les services, la Tunisie a débuté les négociations sur un accord de libre-échange avec la CE et les Etats membres sur les services et le droit d’établissement. Une étude a été engagée sous la conduite de l’Institut d’économie quantitative pour identifier les priorités nationales dans le secteur des services . En ce qui concerne les services financiers, la mise en œuvre des recommandations du programme d’évaluation du secteur financier (FSAP) du FMI de 2002 est assez avancée. Cependant, un certain nombre de problèmes dans le secteur bancaire subsistent, tels que le manque de transparence de certaines créances/créanciers et le niveau insuffisant de provisionnement pour certaines banques.

La Tunisie a fait des progrès constants mais lents dans la mise en œuvre de sa stratégie de libéralisation des paiements et des mouvements de capitaux . En plus des progrès dans la stabilisation macroéconomique et le renforcement du secteur financier, des mesures ont été prises qui permettent un accroissement des possibilités d’emprunts de capitaux étrangers, des possibilités pour les étrangers d’acquérir des terrains ou des participations dans des PME et d’accroitre les montants de devises que les non-résidents peuvent exporter librement. Un contrôle strict des devises et l’obligation pour les banques de reverser leurs excédents de devises continuent de constituer une limite aux mouvements de capitaux.

Au niveau social , la Tunisie a initié un dialogue avec la Commission européenne sur l’application de la clause d’égalité de traitement de ses ressortissants au sein de l’Union. Cela devrait également permettre de lever les discriminations qui subsistent en Tunisie envers certains ressortissants de l’UE. Des difficultés persistent pour les questions de sécurité sociale des migrants, notamment concernant la compatibilité des systèmes et la totalisation des prestations en Tunisie et dans l’UE.

La Tunisie a initié une réforme des impôts conformément à ce qui est prévu dans les engagements à court terme du Plan d’action. Elle prévoit une réduction des taux de TVA à trois niveaux et la suppression du taux de 29% à partir de janvier 2007, une réduction de l’impôt sur les sociétés de 35% à 30% et l’introduction d’un taux de 10% pour les sociétés off shore. Elle prévoit également la modernisation de l’administration des impôts, y compris la création d’une direction générale pour les gros contribuables. Une loi sur l’amnistie des impôts a été adoptée. Des efforts supplémentaires seront nécessaire pour simplifier le cadre législatif et améliorer les relations avec les contribuables afin d’encourager le respect volontaire des règles.

La politique de la concurrence et son application en Tunisie ont été améliorées, surtout en ce qui concerne les pratiques anticoncurrentielles du secteur privé, ce qui se traduit par une nette augmentation du nombre de saisines. Le droit à la concurrence, qui a connu d’importants développements législatifs et institutionnels, s’applique également aux aides d’état même si des efforts restent à faire dans ce domaine. Par rapport à la transparence dans le domaine des aides d’état aucun progrès réel n'a encore été accompli. Le cadre juridique et réglementaire ainsi que les institutions (Conseil de la concurrence et direction générale de la concurrence) ont été renforcés suite à l’adoption en 2005 et 2006 d’une nouvelle législation, qui entre autres, renforce leur indépendance. Des efforts ont été également déployés pour sensibiliser les opérateurs et former les juges.

La Tunisie a adhéré à pratiquement toutes les principales conventions internationales et aux principaux traités concernant la propriété intellectuelle et industrielle mais la mise en œuvre peine à suivre, tant au niveau du commerce international (douane) qu’industriel (brevets). La Tunisie, en coopération avec l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a augmenté ses efforts en matière d’information sur l’importance des droits de propriétés intellectuelles grâce à l’organisation de séminaires et de campagnes d’informations. Au cours des trois années et demie précédant le mois de décembre 2005, plus de 900 000 produits ont été saisis à l’occasion de contrôles. Une grande partie de ces produits étaient des contrefaçons.

Dans le domaine des marchés publics , les progrès sont mitigés. Un site internet pour les appels d’offres publics a été créé ce qui a permis d’en accroitre la transparence. Le cadre légal a été révisé en 2003 et 2006, en introduisant une meilleure planification, en réduisant les délais de restitution des garanties, et en améliorant le droit d’appel et de suspension des procédures des sociétés ayant soumis des offres. Cependant, la séparation des offres techniques et financières à rendu la procédure d’appel d’offres moins transparente et moins simple. Par ailleurs, de nouvelles préférences ont été introduites pour les artisans tunisiens.

Dans le domaine statistique , une coopération importante a été engagée pour améliorer la convergence avec l’UE, notamment en ce qui concerne les statistiques agricoles, l’énergie et la santé. Cette coopération concerne également le renforcement des structures administratives responsables de la production et de la collection des données, de l’amélioration du suivi de l’environnement des affaires et de l’amélioration de la dissémination des données via internet.

La réforme de la gestion des finances publiques progresse lentement. La réforme visant à introduire la budgétisation par objectifs n’a pas démarré malgré plusieurs années de discussions et d’études. Les comptes consolidés du secteur public ne sont toujours pas disponible. Peu de progrès ont été réalisés en ce qui concerne l’introduction de meilleures normes internationales et européennes dans le domaine du contrôle interne des finances publiques, notamment le renforcement de l’audit interne et le renforcement de la responsabilité des gestionnaires. La révision du mandat de la Cour des comptes a été réalisée mais n’a pas encore été adopté.

Concernant la politique de l’entreprise , la Tunisie a déjà largement mis en œuvre les principes de la Charte euro-méditerranéenne pour l’entreprise et a introduit des mesures visant à améliorer l’environnement des affaires. En 2005, les mesures les plus importantes incluent la création d’une banque pour le développement des PME (Banque de financement des PME) et la possibilité pour les entrepreneurs de créer leurs entreprises en ligne. Le gouvernement a développé une large gamme d’outils sophistiqués pour soutenir le développement du secteur privé : services aux entreprises, accès aux financements et la promotion de l’innovation sont les priorités actuelles. Bien que bénéficiant d’un cadre règlementaire favorable aux entreprises, les entreprises continuent de souffrir d’un état d’esprit bureaucratique qui prévaut dans l’administration tunisienne.

Coopération en matière de justice, de liberté et de sécurité

La Tunisie n’est pas une zone de migration de transit de masse. Cependant, la Tunisie présente pour les subsahariens des attraits indiscutables. Dans le domaine de l ´asile et des réfugiés , et malgré la signature des conventions et protocoles relatifs au droit d’asile, la Tunisie n’a pas mis en place de législation nationale pour garantir les droits des réfugiés en Tunisie. Le dialogue entre le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) et la Tunisie est gelé et la représentation locale de cette organisation n’est toujours pas autorisée à exercer son mandat sur le territoire tunisien.

En ce qui concerne la coopération en matière de gestion des flux migratoires la Tunisie a reconnu l’utilité des programmes de coopération, comme Aeneas, au cours du dernier groupe de travail sur les affaires sociales en mai 2005. En même temps, elle a souligné la nécessité du renforcement des capacités des pays de départ et de transit. Deux projets dont l’Organisation internationale pour les migrations a la charge, sont actuellement au point mort. Par contre, la participation de la Tunisie à la conférence de Rabat sur les migrations a été très active. Elle y a insisté sur le co-développement et la coopération triangulaire avec les Etats subsahariens.

En matière de criminalité organisée , la Tunisie a ratifié la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les protocoles qui lui sont annexés. Un accord de coopération conclu avec l’Italie est entré en vigueur en 2005. Dans le domaine du blanchiment et de la lutte contre la corruption , la Tunisie a signé la convention de l’ONU de 2003 sur la corruption en mars 2004 mais elle n’a pas encore été ratifiée.

En matière de justice , l’année 2006 a vu les milieux professionnels entrer en conflit avec les autorités pour défendre leurs prérogatives. Les organes directeurs de l’association des magistrats ont été remplacés et le barreau a contesté la nouvelle loi prévoyant la création d’un institut de formation de la profession, mis sous tutelle du ministère de la justice plutôt que de la profession. L’indépendance de la justice reste limitée du fait de la nomination de magistrats par le pouvoir exécutif. Ceci n’a pas été modifié par la loi organique de 2005.

La Tunisie a signé des accords bilatéraux concernant la situation des personnes (état civil, service militaire des binationaux, garde des enfants, pensions) ainsi que l’entraide judiciaire. Elle est active dans le domaine de la coopération policière (terrorisme, immigration clandestine, trafics), mais avec un net ralentissement en 2005.

Transports, énergie, société de l’information, environnement, sciences et technologie

La Tunisie a mis en œuvre sa politique de transport de manière constante afin d’améliorer l’efficacité des différents modes de transport grâce à une réforme sectorielle et à l’amélioration des infrastructures. Les objectifs de la politique actuelle incluent la priorité donnée à un transport public de manière soutenable, le renouvellement de la flotte maritime et aérienne, l’amélioration de la sécurité des transports, le développement du transport multimodal et l’amélioration de la qualité des services. Les opérateurs de transport public ont amélioré leur compétitivité suite aux restructurations des dernières années. Le transport aérien a été libéralisé (avec deux compagnies privées), ainsi que le transport public routier et les infrastructures de transport (aéroport et port). La Tunisie n’a pas encore négocié d’accord aérien avec la Communauté européenne, mais a amendé ses accords de services aériens bilatéraux avec les Etats membres. Bien que le rail perçoive des compensations pour ses obligations de service public, le maintien des lignes à faible densité de trafic reste un défi. Le transport routier reste handicapé par une structure de marché de petits opérateurs. La sécurité maritime s’est améliorée mais reste un défi. Les réformes des ports ont été mises en œuvre avec succès.

La Tunisie, importatrice d’énergie, souhaite accroitre son rôle dans la sécurité énergétique de l’UE. Le pays augmente la capacité du gazoduc Transmed (transit du gaz algérien vers l’Italie), a commencé les préparatifs pour la construction d’un nouveau gazoduc avec la Libye et envisage la construction d’un terminal de gaz liquéfié naturel (LNG) et une nouvelle raffinerie. La Tunisie continue de promouvoir la consommation du gaz et réfléchit aux futures sources d’énergie, y compris l’énergie nucléaire. Des études pour une interconnexion électrique avec l’Italie ont été achevées. La Tunisie prévoit le renforcement de l’interconnexion électrique avec l’Algérie en vue d’une future interconnexion avec le Moyen Orient. Ceci contribuera au futur réseau euro-méditerranéen d’électricité. La Tunisie a commencé à ouvrir à la concurrence le secteur de la distribution d’hydrocarbures, mais ne semble pas disposée à mettre en œuvre rapidement son objectif d’ouvrir son marché de l’électricité et du gaz. Il reste donc beaucoup à faire, y inclus en ce qui concerne le développement d’un marché intégré de l’électricité au Maghreb. La restructuration de la compagnie publique d’électricité et de gaz (STEG) a commencé. Les prix de l’énergie ont été rapprochés des cours du marché, mais le volume des subventions a augmenté rapidement. La Tunisie a poursuivi la réhabilitation du réseau électrique, la réduction des pertes du réseau et développé l’électrification rurale. Elle a renforcé l’efficacité énergétique et l’utilisation de l’énergie renouvelable. Une loi sur l’efficacité énergétique a été adoptée et une agence pour l’efficacité énergétique sous la tutelle du Ministère de l’industrie et de l’énergie est devenue opérationnelle.

La mise en œuvre du Plan d’action dans le domaine de la société de l’information est caractérisée d’un côté, par le développement d’une économie du savoir fondée sur les nouvelles technologies de l’information, et de l’autre côté, par le contrôle de la production et de la circulation de l’information. Ces contradictions ont été largement révélées lors du sommet mondial sur la société de l’information qui s’est tenu à Tunis en novembre 2005. En ce qui concerne les communications électroniques, la Tunisie doit encore compléter son cadre règlementaire et renforcer l’autorité nationale des télécommunications. Il n’y a toujours pas d’ouverture du marché pour les lignes de téléphonie fixe, bien que depuis 2005 la société Divona Télécom fournisse des services de communication par satellites (VSAT) en concurrence avec Tunisie Telecom. Il existe un projet d’autoriser la fourniture d’accès à l'internet à haut débit par Tunisie Télécom et Divona Télécom via Wimax. Les fournisseurs d’accès à l'Internet se sont multipliés mais l’accès libre à l' Internet et à son contenu reste plus problématique. Le gouvernement a ouvert le secteur audiovisuel au secteur privé. La presse électronique fait l’objet d’un développement réglementaire pour l’encadrer, à l’image de la presse écrite.

Les principales questions d’ environnement sont liées à la qualité de l’eau, la gestion des déchets, la pollution marine et côtière ainsi que la désertification. La Tunisie a fait des bons progrès en matière de changement climatique du fait de la mise en place d’instances nationales, de l’adoption des procédures pour le mécanisme de développement propre (CDM) et de la préparation d’un certain nombre de projets CDM. Le 10e plan de développement (2002-2006) établit les objectifs pour la politique de l’environnement. Le cadre législatif et les législations sectorielles sont en place dans la plupart des secteurs, mais nécessite des développements complémentaires. Les textes législatifs les plus récents incluent des décrets sur les études d’impact environnemental et sur les limites de niveaux pour les émissions de gaz (prévus pour juin 2006). Une nouvelle stratégie pour la gestion intégrée des déchets est en préparation et la revue de la stratégie et le Plan d’action pour la biodiversité sont en cours. Certaines mesures de la stratégie nationale de lutte contre la désertification ont été mise en œuvre. Des efforts ont été entrepris ces dernières années pour renforcer l’administration responsable de l’environnement et pour intégrer les questions d’environnement dans les autres politiques sectorielles. La mise en œuvre au niveau régional et local reste un défi bien que 24 stratégies régionales aient été préparées. La Tunisie a pris des mesures pour promouvoir le transfert de technologies environnementales. La Tunisie publie régulièrement des rapports sur la situation de l’environnement et a développé un programme national pour accroitre la sensibilisation aux problématiques environnementales. La participation publique et l’accès à l’information requièrent cependant une attention particulière. La Tunisie a ratifié les conventions et protocoles internationaux et régionaux pertinents. La Tunisie participe au Conseil des ministres arabes de l’environnement, à la Conférence des ministres africains de l’environnement, à la Commission maghrébine sur la protection environnementale et auplan d’action pour la Méditerranée. La Tunisie bénéficie des activités entreprises au titre de l’initiative de l’UE sur l’eau. Quelques mesures ont été prises pour promouvoir la coopération entre les municipalités tunisiennes et européennes, mais ceci nécessitera plus d’attention. La CE et la Tunisie ont développé leur coopération sur les questions de l’eau. Un certain nombre d’autres sujets, y inclus ce qui concerne la coopération régionale avec l’Agence européenne de l’environnement, ont été identifiés comme possibles domaines de coopération rapprochée.

La Tunisie a développé une politique ambitieuse de recherche et d’innovation , reflétée dans une augmentation budgétaire de 25% d’ici 2009 et la mise en œuvre d’un programme thématique et régional, le programme «technopolis». La Tunisie augmente également les capacités des chercheurs en établissant des structures de promotion des projets de recherche et en renforçant les interfaces entre les entreprises et la recherche. La participation de la Tunisie dans le Programme cadre de la CE est significative.

Contacts entre les peuples

L’éducation est une priorité clé pour la Tunisie, qui a réussi à couvrir les besoins en éducation primaire il y a déjà longtemps. La proportion de jeunes qui suivent une éducation secondaire augmente. On se concentre maintenant sur la qualité et l’intérêt, en préparant une réforme globale de l’éducation. Le modèle licence/maîtrise/doctorat est en voie de consolidation. L’introduction des technologies de l’information dans tout le système scolaire est une priorité. L’enseignement technique et la formation sont réformés. Ces réformes sont soutenues par les programmes sectoriels de la CE (110 millions d’euros). Dans le domaine de l'enseignement supérieur, le programme TEMPUS a permis une intensification de la coopération entre les universités tunisiennes et de l’UE et a eu un impact positif dans la mise en place de la réforme universitaire. Le programme Erasmus Mundus est fonctionnel en Tunisie et est en train d’atteindre sa vitesse de croisière. De plus, le programme EuroMed Jeunesse soutient des projets d’échange impliquant la participation de jeunes et d’organisations tunisiennes.

La Tunisie participe activement aux programmes Euro-méditerranéens culturels . Elle n’est pas épargnée par la crise qui touche le septième art et les insuffisances majeures en matière de propriété intellectuelle n’y sont pas étrangères.

Le partenariat avec la société civile est difficile. La coopération avec la société civile pose de considérables problèmes, et la plupart des projets financés par la CE dans le cadre des lignes thématiques «Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l’homme» (IEDDH) et «Cofinancement ONG», sont actuellement bloqués par les autorités tunisiennes. En ce qui concerne la protection des consommateurs , la Tunisie a décidé de renforcer les contrôles de la production, de la distribution et des importations, et de créer un institut national de la consommation.

Il y a eu des progrès par rapport aux indicateurs de santé (espérance de vie, mortalités enfantine et maternelle), accès universel aux assurances de santé ou soins gratuits ou subsidiés pour des groupes vulnérables. La réforme doit continuer pour augmenter l’accès aux soins de santé, pour améliorer la qualité et l’efficacité du secteur, et pour s’assurer la pérennité des systèmes d’assurances. La prévalence de la séropositivité et du SIDA est basse mais la surveillance pourrait être améliorée.

Assistance

Le programme MEDA est désormais présent dans l’ensemble des secteurs clés de la modernisation de l’économie et de la société tunisienne: réformes macro-économiques, douanes, ports, privatisation, secteur financier, ensemble du secteur éducatif, réforme financière, assurance-maladie ; de nouveaux programmes ont été lancés dans le domaine de la gouvernance (médias, justice) et constitueront des tests importants pour la coopération future.

Une forte proportion des interventions de l’UE s’effectue sous forme d’appuis budgétaires (50 % des programmes en cours en 2006), tant au niveau macroéconomique qu’au niveau sectoriel. Ce changement qualificatif atteste d’un haut niveau de maturité dans la mise en œuvre de la coopération entre les deux partenaires et permet d’accélérer l’impact de l’appui financier européen à l’économie tunisienne.

Au total, de 1995 à 2006, le programme MEDA en Tunisie aura engagé 946 millions d’euros, dont 352 millions d’euros pour la période 2002-2006. Les versements effectifs sont de 658 millions d’euros pour 1995-2006, dont 405 millions pour 2002-2006.

Par ailleurs, la Banque européenne d’investissement (BEI) poursuit et accroît ses financements dans la zone méditerranéenne par l’intermédiaire de son instrument spécialisé, la facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat (FEMIP). La Tunisie se situe parmi les tout premiers bénéficiaires des prêts de la BEI.