6.3.2007   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 51/35


Avis du Comité des régions sur «La situation des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers — Le rôle et les propositions des collectivités locales et régionales»

(2007/C 51/07)

LE COMITE DES RÉGIONS,

VU la décision de son Bureau, en date du 25 avril 2006, de charger la commission des affaires constitutionnelles, de la gouvernance européenne et de l'espace de liberté, de sécurité et de justice de l'élaboration d'un avis en la matière, conformément à l'article 265, 5ème alinéa, du traité instituant la Communauté européenne,

VU son avis CdR 241/2004 fin sur le Livre vert «Égalité et non-discrimination dans l'Union européenne élargie» (COM(2004) 379 final),

VU son avis CdR 337/2004 fin sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Étude sur les liens entre immigration légale et immigration clandestine» (COM(2004) 412 final),

VU son avis CdR 80/2005 fin sur la Communication de la Commission «L'Agenda social» (COM(2005) 33 final),

VU son avis CdR 144/2005 fin sur la«Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen établissant un programme-cadre de solidarité et de gestion des flux migratoires pour la période 2007-2013» (COM(2005) 123 final),

VU son avis (CdR 51/2006) sur la Communication de la Commission «Programme commun pour l'intégrationCadre relatif à l'intégration des ressortissants de pays tiers dans l'Union européenne» (COM(2005) 389 final), sur la Communication «Migration et développement: des orientations concrètes» (COM(2005) 390 final) et sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier» (COM(2005) 391 final),

VU la Communication de la Commission sur «La dimension locale et régionale de l'espace de liberté, de sécurité et de justice» (COM(2002) 738 final),

VU la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l'entrée gérée dans l'Union européenne de personnes ayant besoin d'une protection internationale et sur le renforcement des capacités de protection des régions d'origine «Améliorer l'accès à des solutions durables» (COM(2004) 410 final),

VU la «Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts»,

VU la «Directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes»,

VU la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant création du Fonds pour les frontières extérieures pour la période 2007-2013 dans le cadre du programme général «Solidarité et gestion des flux migratoires» 2005/0047 (COD),

VU la Proposition de décision du Conseil portant création du Fonds européen d'intégration des ressortissants de pays tiers pour la période 2007-2013 dans le cadre du programme général «Solidarité et gestion des flux migratoires» 2005/0048 (CNS),

VU la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant création du Fonds européen pour le retour pour la période 2008-2013 dans le cadre du programme général «Solidarité et gestion des flux migratoires» 2005/0049 (COD),

VU son projet d'avis (CdR 136/2006) adopté le 30 juin 2006 par la commission des affaires constitutionnelles, de la gouvernance européenne et de l'espace de liberté, de sécurité et de justice (rapporteur: M. Paolo FONTANELLI, maire de Pise (IT/PSE)),

Considérant que:

1)

aux termes de la résolution du Conseil du 26 juin 1997, l'expression «mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers» désigne «les ressortissants de pays tiers âgés de moins de dix-huit ans qui entrent sur le territoire des États membres sans être accompagnés d'un adulte qui soit responsable d'eux, de par la loi ou la coutume, et tant qu'ils ne sont pas effectivement pris en charge par une telle personne»;

2)

la protection des mineurs, des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers et des jeunes demandeurs d'asile, compte tenu de leur plus grande vulnérabilité et du plus grand risque d'exclusion sociale auquel ils sont exposés, doit constituer une priorité pour l'Union européenne, les pays partenaires et les collectivités territoriales;

3)

les flux migratoires de groupes particulièrement vulnérables telles que les victimes de traite, les demandeurs d'asile et les mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers impliquant, de par leurs caractéristiques objectives, une entrée illégale sur le territoire des pays partenaires, la gestion de ces flux entre dans le cadre des procédures relevant des politiques plus générales de lutte contre l'immigration illégale;

4)

ces flux migratoires particuliers se situent dans une zone d'ombre des dispositifs législatifs, intermédiaire entre l'entrée illégale et le séjour légal ultérieur, en vertu des conditions de protection assurées par le droit international et national;

5)

il est difficile de disposer aujourd'hui de données au niveau de l'Union européenne en raison des différents types de classification utilisés par les autorités nationales concernant les mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers, qui selon les pays sont statistiquement répertoriés parmi les demandeurs d'asile ou parmi les migrants économiques, ou encore parmi les mineurs en situation d'abandon;

6)

le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) évalue globalement à 25 millions le nombre de réfugiés dans le monde, dont 50 % d'enfants. Selon des estimations récentes, entre 2 % et 3 % d'entre eux sont des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers;

7)

l'UNICEF évalue à 1,2 millions par an le nombre de mineurs faisant l'objet d'un trafic illégal aussi bien intérieur qu'extérieur (rapport de l'Unicef «Stop the Traffic» de juillet 2003). Le programme «Enfants séparés en Europe» («Separated Children in Europe Programme»), qui est une initiative conjointe de l'Alliance Save the Children et du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), estime selon une approximation minimale qu'au moins 100.000 mineurs non accompagnés sont présents en Europe. En Italie, l'autorité nationale de protection des mineurs ressortissants de pays tiers («Comitato Minori Stranieri») a recensé le nombre de mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers, qui est de 8 000 mineurs par an avec une tendance à la hausse ces dernières années; en Espagne, les autorités estiment de 3 000 à 4 000 le nombre de mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers enregistrés chaque année, tandis qu'en France, aux Pays-Bas et en Belgique, le nombre de mineurs enregistrés varie de 5 000 à 6 000 par an. Le nombre de mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers est certainement plus élevé si l'on tient compte des entrées illégales et de la difficulté d'évaluer également le nombre de mineurs présents suite à une entrée irrégulière sur le territoire;

8)

les mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers sont principalement issus des pays du Maghreb et particulièrement du Maroc et des pays d'Afrique subsaharienne (Sénégal, Mali, Guinée-Conakry, Cameroun), des pays asiatiques et notamment de l'Afghanistan, de l'Est de l'Europe et plus particulièrement de Roumanie, de Moldavie, d'Albanie et des ex-républiques yougoslaves;

9)

il arrive souvent que la charge de l'assistance incombe intégralement aux collectivités locales et régionales; celles-ci doivent faire face à la situation dans des conditions d'urgence, étant donné l'absence d'une politique de référence; elles ne disposent pas de compétences réelles pour résoudre le problème en amont, ni d'une capacité juridique pour adopter des décisions dans le domaine du regroupement ou du rapatriement assisté, pas plus que d'une programmation des interventions, au détriment de l'efficacité et de l'utilité de celles-ci, et doivent mobiliser des ressources considérables;

a adopté l'avis suivant lors de sa 66e session plénière des 11 et 12 octobre 2006 (séance du 12 octobre).

1.   POINTS DE VUE DU COMITÉ DES RÉGIONS

Le Comité des régions

1.1

juge essentiel de gérer de manière coordonnée et efficace les flux migratoires au sein de l'UE en respectant le principe de subsidiarité et en protégeant les droits individuels et notamment ceux des groupes les plus vulnérables, ce non seulement pour combattre le racisme, la xénophobie et les autres facteurs d'insécurité, mais aussi parce que c'est là une condition nécessaire à la réalisation des objectifs de croissance définis par la stratégie de Lisbonne et plus généralement de ceux du marché intérieur;

1.2

observe que le plus important, pour pouvoir effectuer des interventions cohérentes et programmées sur les mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers, est

1)

d'assurer une analyse fiable du phénomène et partant un contrôle statistique objectif des données, réalisé par l'UE auprès des pays partenaires;

2)

d'élaborer un programme prioritaire d'intervention dans les pays d'origine des mineurs concernés;

1.3

a décidé dans ce contexte d'élaborer le présent avis d'initiative sur la situation des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers dans le cadre des processus migratoires, par lequel il se propose de montrer l'importance, compte tenu de la vulnérabilité particulière des mineurs, de cette réalité dans la gestion des flux migratoires, et la possibilité d'abus qui, en détournant le système de protection, aboutissent à des actions favorisant l'exploitation et le travail des enfants;

1.4

note, étant donné le caractère particulier de cette réalité ainsi que l'urgence et l'importance de traiter cet aspect avec les pays partenaires, que la participation active et constante des collectivités locales et régionales responsables de la prise en charge des mineurs est une condition essentielle pour effectuer un recensement objectif du phénomène;

1.5

est convaincu que la gestion des flux migratoires requiert un saut qualitatif par rapport à celle de l'immigration illégale et qu'il convient à cet égard de reconnaître l'importance des mesures de contrôle aux frontières et plus généralement des efforts de coordination déployés par les ministres de l'Intérieur des États membres, tout en accordant une égale importance à la mise en œuvre dans les territoires d'un contrôle civil et social, sans lequel les actions de lutte et d'intégration sont destinées à rester inefficaces et à ne pas aboutir à la maîtrise indispensable de ce phénomène, que la Commission européenne a à plusieurs reprises appelée de ses vœux. Il convient de développer des actions tendant à éviter le départ des mineurs et à promouvoir leur rapatriement assisté, en créant un système de protection qui promeuve la mise en œuvre de mesures de tutelle dans les pays d'origine des mineurs;

1.6

note que la Commission européenne n'accorde pas assez d'attention à la situation des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers et espère que la stratégie sur les droits de l'enfant proposée par la Commission (COM(2006) 367 final) abordera efficacement cette question;

1.7

rappelle que sur le moyen et le long terme, la seule voie pour faire face au phénomène migratoire consistera à mener, pour le développement durable des pays d'origine de l'immigration, des politiques de coopération qui ouvrent à leurs citoyens et, en particulier, à leur jeunesse, des perspectives sur place;

1.8

se félicite de l'approche intéressante suivie par la communication de la Commission COM(2005) 389 final, qui considère les pays d'origine comme des parties prenantes à la gestion des migrations; estime qu'il est essentiel à cet égard de promouvoir les accords signés avec eux, lesquels doivent établir un lien direct entre le phénomène migratoire et le développement indispensable pour ces États;

1.9

constate qu'un grand nombre de collectivités locales et régionales doivent assumer la charge de l'accueil et de l'assistance pour les mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers et ont également la responsabilité de leur fournir un logement, une assistance sociale et sanitaire et d'assurer leur éducation. Elles doivent le cas échéant promouvoir leur insertion professionnelle et développer une activité administrative et de documentation importante et supporter la pression financière que cela représente;

1.10

souhaite que dans la gestion du Fonds européen d'intégration, il soit tenu compte des exigences spécifiques des pouvoirs régionaux et locaux et prône leur participation à la négociation des programmes nationaux et aux programmes opérationnels afférents;

1.11

note, compte tenu de l'importance actuelle de ces flux, de leur impact sur le terrain en termes de besoins spécifiques exprimés et de services particuliers à fournir ainsi que de la tendance à la hausse observée ces dernières années, que les collectivités locales et régionales doivent être pleinement associées à la gestion de ces flux, dans l'intérêt de la bonne gouvernance requise de ce phénomène au niveau local, et que les autorités nationales doivent promouvoir une politique plus active qui favorise la coopération entre les collectivités locales et régionales, en particulier en ce qui concerne les groupes vulnérables;

1.12

souligne, en dépit du peu de données disponibles, l'extraordinaire travail accompli par les administrations compétentes dans chaque État membre, mis en lumière par les travaux préparatoires à l'élaboration du présent avis, et reconnaît le grand professionnalisme et l'esprit de service des fonctionnaires mais aussi la précieuse contribution et le soutien apportés par les organisations non gouvernementales et les organismes de protection des mineurs, qui œuvrent actuellement en faveur des plus faibles, parmi lesquels les jeunes demandeurs d'asile et les victimes de traite;

1.13

déplore que tous les États membres ne disposent pas de procédures et de structures harmonisées dans le domaine de la protection des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers, les appelle à mettre en œuvre les réglementations européennes existantes de la manière la plus harmonisée possible et désapprouve la mise en œuvre d'interventions non coordonnées, avec de fréquents conflits de compétences entre les différents niveaux de gouvernement, ce qui implique un risque élevé de discrimination effective et substantielle dans le traitement réservé aux mineurs selon les États membres mais surtout au sein d'un même État;

1.14

souligne d'emblée, sachant que le problème des mineurs non accompagnés concerne surtout les régions ou les collectivités locales frontalières de leurs zones d'origine, ainsi que les municipalités, les régions ou les collectivités locales les plus développées sur le plan économique et offrant le plus de possibilités en termes d'insertion professionnelle, le risque que les difficultés rencontrées par des municipalités, des régions et des collectivités locales très densément peuplées passent inaperçues, alors que cela influence directement les possibilités d'offrir une protection effective aux mineurs; de même, les collectivités locales et régionales de petites et moyennes dimensions disposent de ressources limitées, ce qui restreint leur capacité d'action;

1.15

exprime à nouveau sa déception quant à l'approche suivie par la Commission, qui utilise des formulations peu contraignantes dans les propositions récemment présentées COM(2005) 389 final, COM(2005) 390 final et COM(2005) 391 final, qui concernent également le rapatriement forcé des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers et victimes de traite, sans référence explicite et contraignante à un article bien précis de la CEDH (Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) et de la Convention de 1989 relative aux droits de l'enfant;

1.16

estime indispensable de prévoir des services régionaux et locaux faisant appel à un personnel spécialisé pour répondre aux besoins spécifiques des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers, demandeurs d'asile et victimes de traite, qui sont exposés à un risque élevé de discrimination et d'exclusion sociale, et de prévoir des contrôles contre les éventuels abus et fraudes auxquels les systèmes de protection des mineurs sont soumis, via les mesures suivantes:

la mise au point d'interventions sanitaires spécifiques axées sur le traitement des traumatismes, y compris à travers l'ethnopsychiatrie;

la mise au point d'interventions spécifiques pour les mineurs faisant l'objet d'une détention de la part de la justice des mineurs;

l'appui aux procédures de placement, notamment dans des familles de même origine culturelle que le mineur;

une coopération plus active avec les pays d'origine et le soutien à la coopération décentralisée entre la communauté d'origine et la communauté accueil, sur la base des expériences originales réalisées par les collectivités locales et régionales;

la mise au point d'actions éducatives aux fins d'assurer une insertion adéquate des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers dans le système éducatif, en prêtant une attention particulière aux mesures relatives à l'apprentissage de la langue du pays de destination;

l'adoption dans les pays de l'UE de mesures de protection qui évitent aux réfugiés mineurs non accompagnés de rester en contact avec les organisations de passeurs.

2.   RECOMMANDATIONS DU COMITÉ DES RÉGIONS

2.1   Pour une meilleure prise de conscience du phénomène des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers

Le Comité des régions

2.1.1

juge insuffisantes au niveau européen et dans certains États membres les dispositions législatives relatives aux mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers et demandeurs d'asile et demande dès lors de prendre des mesures afin de pallier

l'absence de procédures spécifiques de demande d'asile offrant une protection appropriée,

l'absence de services spécifiques disposant des compétences nécessaires et de ressources suffisantes et adéquates, tant d'un point de vue financier que matériel,

l'absence de référence à ces questions dans les récentes directives sur le droit d'asile (Convention de Dublin II),

l'absence de procédures pour la désignation d'un tuteur pleinement informé des questions relatives à l'asile et pouvant bénéficier d'une aide jusqu'à la clôture du dossier de reconnaissance du statut de réfugié ou d'un statut apparenté au mineur,

l'absence d'interventions visant à prévenir les phénomènes de discrimination et d'exclusion sociale, avec une attention particulière à la détention des mineurs de la part de la justice compétente;

2.1.2

réclame de toute urgence l'ouverture d'une discussion avec le Conseil, la Commission et le Parlement européen sur l'approche à suivre dans une perspective locale vis-à-vis des mineurs non accompagnés ressortissants des pays tiers, afin de mettre en évidence les difficultés rencontrées au niveau local et la contribution concrète que les collectivités locales et régionales peuvent apporter, en réaffirmant la nécessité de disposer d'une estimation de cette réalité au niveau européen. C'est pourquoi le Comité présente également des propositions d'actions concrètes susceptibles d'améliorer la gestion de ce phénomène;

2.1.3

souhaite qu'une place essentielle soit accordée, dans le débat sur cette question si importante des mineurs non accompagnés ressortissants des pays tiers, à la condition et au rôle des communautés et des familles d'origine;

2.1.4

espère que les nouvelles interventions législatives, politiques et programmatiques en matière de mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers, bien que relevant de la gestion des flux migratoires, iront toujours dans le sens des principes adoptés par la Convention des Nations unies de 1989 relative aux droits de l'enfant, et notamment de son article 3, des principes consacrés par le traité instituant l'Union européenne, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des autres grands instruments internationaux relatifs aux mineurs non accompagnés et plus généralement tendront dans tous les cas à protéger au mieux les intérêts des mineurs; il y a également lieu d'adopter des mesures visant à éviter le déracinement des mineurs de leur environnement familial et culturel, et à promouvoir la plus grande protection des mineurs lorsqu'ils doivent abandonner leur pays en raison de leurs idées ou leurs croyances.

2.2   L'urgence d'une intervention au niveau de l'UE pour la protection des mineurs non accompagnés

Le Comité des régions

2.2.1

demande que l'on renforce la prise de conscience de cette réalité au niveau européen et estime que certains actes législatifs récents n'ont pas tenu compte de la nécessité de protéger les droits des mineurs dans ce contexte. Du fait de l'absence dans un certain nombre d'États membres d'une procédure harmonisée au niveau national, les collectivités locales et régionales sont dans l'obligation d'assumer la responsabilité de la gestion de ce phénomène sur le territoire et la charge financière correspondante;

2.2.2

proclame l'urgente nécessité d'élaborer au niveau européen une approche commune cohérente du phénomène des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers en tant que processus migratoire. Cette approche doit tenir compte du caractère très délicat du problème des mineurs et de leur protection, du rôle incontournable des communautés et des familles d'origine et enfin de l'attention particulière à accorder au rôle des collectivités régionales et locales auxquelles incombent les mesures d'accueil et d'accompagnement social;

2.2.3

demande en outre que l'on prête attention aux interventions de la justice des mineurs portant sur les mineurs non accompagnés ressortissants de ce pays tiers, en raison des risques possibles de discrimination et de marginalisation sociale, en prenant en compte la possibilité d'un retour des mineurs dans leur famille.

2.3   Renforcement du rôle des collectivités locales et régionales dans le cadre d'une approche ascendante (bottom up) — propositions relatives à l'approche à adopter face au phénomène des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers, demandeurs d'asile potentiels et victimes de traite

Le Comité des régions

2.3.1

se félicite que des mesures soient de plus en plus prises au niveau de l'UE pour gérer les problèmes migratoires. Une compétence exclusivement nationale en la matière est en inadéquation avec le rapport complexe existant entre les politiques structurées de gestion des flux migratoires et la responsabilité des collectivités locales et régionales concernant les politiques d'accueil et d'intégration sociale sur le territoire des sujets les plus vulnérables tels que les victimes de traite, les demandeurs d'asile et les mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers;

2.3.2

demande la pleine participation des collectivités locales et régionales, dans l'intérêt de la bonne gouvernance requise de ce phénomène au niveau local, en particulier en ce qui concerne les groupes vulnérables. Il est également essentiel d'atteindre la complémentarité et la coopération entre toutes les organisations non gouvernementales impliquées, afin que toutes les actions soient coordonnées avec les pouvoirs publics concernés, à moins que cela n'aille à l'encontre de l'intérêt supérieur de l'enfant. Le dialogue et les mécanismes de coordination doivent s'établir dès les premières heures de l'urgence et se poursuivre tout au long du processus. Une telle approche s'impose au regard de l'importance actuelle de ces flux, de leur impact sur le terrain en termes de besoins spécifiques exprimés et de services particuliers à fournir ainsi que de la tendance à la hausse observée ces dernières années; à partir de cette analyse, il faudrait élaborer une étude prévisionnelle;

2.3.3

Le Comité des régions estime dès lors nécessaire:

a)

de prévoir des actes législatifs au niveau européen qui consacrent le statut de mineur non accompagné ressortissant de pays tiers, éventuellement demandeur d'asile et victime de traite, en reconnaissant à ce mineur des droits fondamentaux et un besoin particulier de protection, au travers de règles précises sur:

la mise au point de procédures spécifiques pour la détermination de l'âge et de l'identité de l'intéressé, de la manière la plus précise possible;

les mesures concrètes propres à éviter d'éventuels fraudes et abus dans l'utilisation des systèmes de protection;

la définition de conditions précises pour la désignation du tuteur;

le recours préférentiel à la procédure de protection par voie de placement;

la reconnaissance au mineur dès sa dix-huitième année du droit à bénéficier d'un parcours d'intégration sociale, après consultation de l'autorité judiciaire compétente;

la mise au point de procédures de recherche pour retrouver les membres de la famille en vue d'un regroupement;

la promotion de mesures pour la mise en œuvre d'actions de protection dans les pays d'origine;

l'implication de la communauté et de la famille d'origine;

des dispositions relatives au rapatriement assisté, ayant pour but exclusif de défendre au mieux l'intérêt du mineur et toujours après réalisation d'une enquête familiale, en tenant compte des éventuelles conventions internationales sur la protection de l'enfance ratifiées par le pays d'origine;

la définition de procédures et conditions pour la prise en charge d'urgence;

la consultation du mineur sur les mesures le concernant, en s'assurant de la participation du ministère public pour la défense de ses intérêts en dernier ressort;

b)

d'élaborer un programme d'interventions décentralisées et en réseau (Réseau européen de protection des mineurs) pour les mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers, à travers des services spécifiques pouvant s'intégrer dans l'actuel réseau de services sociaux et comportant des mesures d'accueil, d'intégration et de soutien aux communautés et aux familles d'origine, et prévoyant également de soutenir des projets pilotes mis en œuvre par les collectivités locales par le biais d'interventions de coopération décentralisée, sur la base des initiatives promues et mises en œuvre par les collectivités locales et régionales en étroite collaboration avec les organisations non gouvernementales, et en établissant des critères qui contribuent à répartir les mineurs étrangers non accompagnés sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Le Comité des régions s'engage dans ce but à recueillir les meilleures pratiques adoptées par les collectivités locales et régionales des États membres afin de dresser un inventaire des expériences d'accueil, d'intégration sociale et de regroupement familial réalisées; pour ce faire, l'on pourrait créer un comité de supervision permettant d'observer sur le terrain les conditions de mise en œuvre de ces actions afin de pouvoir recommander des actions concrètes, une fois détectés les besoins d'amélioration;

c)

d'instaurer, lorsque les mineurs restent dans leur pays de destination, les mesures requises pour leur bonne intégration dans le système scolaire, l'apprentissage de la langue de ce pays et leur adhésion aux valeurs démocratiques de la société qui les a accueillis;

d)

de déterminer les régions d'origine les plus concernées par ce phénomène et de concentrer sur celles-ci les initiatives de coopération, les politiques de voisinage et les mesures spécifiques en faveur de l'enfance et de l'adolescence, avec la participation des communautés d'origine;

e)

d'octroyer un permis de séjour à des fins de protection sociale, en coopérant pour ce faire avec les ministres de l'Intérieur, en vue de favoriser la sortie du circuit d'exploitation et de lutter efficacement contre les organisations criminelles;

f)

de programmer une conférence biennale européenne sur le thème des mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers et de prévoir des conférences similaires au niveau national, ainsi que de faire en sorte que participent également à ces conférences les organisations non gouvernementales, les associations d'immigrés et d'autres associations spécialisées dans les questions d'immigration;

g)

de prévoir le financement intégral par les autorités nationales et européennes des budgets d'accueil et d'intégration des mineurs étrangers non accompagnés.

Bruxelles, le 12 octobre 2006.

Le Président

du Comité des régions

Michel DELEBARRE