8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/101


Avis du Comité économique et social européen sur «Le cadre institutionnel pour la navigation intérieure en Europe»

(2006/C 185/18)

Le 14 juillet 2005, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur «Le cadre institutionnel pour la navigation intérieure en Europe»

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 mars 2006 (rapporteur: M. SIMONS).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 21 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 57 voix pour et 1 abstention.

1.   Recommandations

1.1

Dans les avis du CESE du 16 janvier 2002 et du 24 septembre 2003, toutes les parties intéressées sont invitées à poursuivre leurs efforts sur la voie de l'harmonisation et de l'intégration du transport par voies navigables en Europe. Ces avis, dans leur intégralité, restent d'actualité et peuvent être complétés pour ce qui concerne le cadre institutionnel à la lumière des développements intervenus depuis leur adoption.

1.2

À cet égard, il importe grandement que la coopération entre les principaux acteurs, à savoir la Commission européenne, la Commission centrale pour la navigation du Rhin et la Commission du Danube, soit élargie et renforcée. Une plate-forme permanente de coopération devrait agir structurellement, de manière approfondie et à un stade précoce, dans les différents domaines de la navigation intérieure ainsi que partout où cela s'avère utile en pleine association avec les partenaires sociaux, afin que l'élaboration des politiques soit aussi solide, uniforme et vaste que possible.

1.3

Pour permettre en définitive la mise en place d'un régime juridique paneuropéen uniforme, il convient de prendre en compte plusieurs éléments.

1.3.1

Premièrement, s'agissant de la portée géographique, tous les pays de l'UE ne sont pas directement concernés par la navigation intérieure, contrairement à d'autres modes de transport tels que la navigation aérienne et le transport routier.

1.3.2

Deuxièmement, il est des pays importants pour la navigation intérieure et donc pour l'Europe, qui ne sont pas membres de l'UE.

1.3.3

Troisièmement, ce n'est que par une action politique commune que peut intervenir l'adaptation nécessaire des infrastructures sur le réseau des voies d'eau intérieures, qui relève dans chaque État de la compétence nationale.

1.3.4

Quatrièmement, il est clair, eu égard à la diversité des circonstances naturelles et aux différences d'infrastructure et d'intensité dans la navigation intérieure, que toutes les règles ne doivent pas être appliquées dans toute leur ampleur et selon une pondération égale à tous les fleuves européens.

1.3.5

Les éléments précités montrent que la réflexion sur la structure de la navigation intérieure paneuropéenne doit surtout revêtir un caractère unique et spécifique.

1.4

La pression politique pour aboutir à un régime paneuropéen existe, comme en attestent les déclarations des conférences ministérielles, mais elle ne s'est pas encore traduite dans les faits de façon spécifique et ferme. La conférence ministérielle de 2006 en Roumanie devra montrer dans quelle mesure la volonté politique peut effectivement se muer en actions concrètes.

1.5

Un régime juridique uniforme et intégré ne peut porter atteinte au niveau élevé de protection, de sécurité et d'application uniforme du droit atteint notamment pour les eaux du Rhin. Il faut s'attendre à ce que les États membres de la CCNR invoquent la préservation de l'«acquis rhénan» en cas de passage vers un autre régime. Font également partie de ce niveau élevé et de ce «droit acquis» les relations étroites et directes avec les entreprises de la navigation intérieure.

1.6

Dans le cadre de ce nouveau système, il conviendra d'accorder une attention particulière à la politique sociale, qui a été largement négligée dans les régimes existants de la navigation intérieure en Europe. Les partenaires sociaux devront être pleinement associés aux efforts déployés en la matière.

1.7

Tout bien pesé, le CESE soutient toute initiative visant, au final, la mise en place d'une organisation indépendante, établie par voie de convention, qui regrouperait au minimum les organisations internationales, telles que l'UE, les États membres de l'UE qui pratiquent la navigation intérieure, ainsi que des États tiers tels que la Suisse et les États du Danube non membres de l'UE. Au sein d'une organisation de parties à une telle convention, une assemblée de ministres pourrait prendre les décisions politiques juridiquement contraignantes et surveiller les contrôles nationaux. Cette organisation pourrait non seulement concentrer toutes les connaissances et compétences actuellement disponibles dans les différentes enceintes existantes, mais aussi veiller à ce que le niveau actuel de protection et de sécurité soit au moins maintenu et qu'un dialogue social sectoriel se poursuive.

1.8

Le CESE invite à nouveau toutes les parties intéressées à continuer d'œuvrer dans la direction indiquée plus haut, notamment en ce qui concerne le renforcement de la coopération et l'institution d'une organisation indépendante, telle que décrite ci-dessus. Comme en atteste sa participation active à divers forums ayant trait à la navigation intérieure, le Comité demeure lui aussi actif afin que ce qui précède devienne réalité dans les plus brefs délais. Il a notamment l'intention de prendre part cette année aux auditions du Parlement européen en la matière ainsi qu'à la conférence paneuropéenne sur le transport par voies de navigation intérieure, qui se tiendra en Roumanie fin 2006.

2.   Introduction

2.1

Dans ses avis du 16 janvier 2002 sur «L'avenir du réseau transeuropéen voies navigables» et du 24 septembre 2003 intitulé «Vers un régime paneuropéen de la navigation fluviale» , le Comité économique et social européen a procédé à une analyse de la situation de la navigation intérieure en Europe. (1) Ce dernier avis examine les goulets d'étranglement dans la navigation intérieure et aborde la question de la nécessité d'une harmonisation réglementaire, tant pour les aspects de droit public que de droit privé. Il traite aussi d'autres thèmes tels que l'environnement et la sécurité, le marché du travail et des questions de nature sociale. Ces dernières ont également fait l'objet d'un avis d'initiative distinct du mois de septembre 2005 intitulé «La politique sociale dans le cadre d'un régime paneuropéen de navigation intérieure» .

2.2

Dans le second avis précité, le CESE appelle notamment toutes les parties prenantes de la navigation intérieure à poursuivre leurs efforts en faveur de régimes juridiques intégrés et d'un droit uniforme de la navigation intérieure. Une harmonisation des traités, des conventions et des accords bilatéraux existants applicables aux voies navigables nationales et internationales est jugée nécessaire pour promouvoir la navigation intérieure à l'échelle paneuropéenne.

2.3

Ces différents avis indiquent par ailleurs que le Comité continuera lui aussi à œuvrer afin que la mise en place de règles juridiques intégrées sur toutes les voies navigables européennes devienne réalité dans les plus brefs délais.

2.4

Cette intention repose essentiellement sur la conviction que la navigation intérieure, en tant que l'un des modes de transport les plus propres et les plus écologiques dotés d'un potentiel de croissance suffisant, peut apporter à l'avenir une contribution importante à la réponse durable qu'il conviendra de donner à l'expansion inévitable du transport.

2.5

L'un des goulets d'étranglement dans la navigation intérieure réside dans l'existence de trois régimes juridiques différents en Europe, qui se chevauchent partiellement sur le plan géographique.

2.6

Étant donné que des développements pertinents sont intervenus récemment concernant cet aspect spécifique, le Comité considère qu'il est utile et nécessaire d'élaborer un avis d'initiative plus détaillé en la matière.

3.   Cadre institutionnel existant

3.1

L'avis du 24 septembre 2003 fait état des trois régimes en vigueur en Europe, à savoir l'Acte de Mannheim révisé de 1868 pour les eaux du Rhin, la Convention de Belgrade de 1948 pour le Danube ainsi que le champ d'application des traités communautaires et l'acquis communautaire de l'Union européenne.

3.2

Cinq États sont actuellement parties à l'Acte de Mannheim révisé: l'Allemagne, la Belgique, la France et les Pays-Bas, membres de l'UE, et la Suisse, non membre de l'UE. L'institution du droit de liberté de navigation et d'un régime uniforme et harmonisé pour le Rhin et ses affluents a fait naître au 19ème siècle un «marché intérieur avant la lettre», qui a été très important, et l'est du reste toujours, pour le développement économique de l'Europe.

3.3

Contrairement à ce que son âge pourrait laisser croire, la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) est une organisation ultra moderne, qui dispose d'un petit secrétariat et d'un vaste réseau de spécialistes (nationaux), entretient des liens étroits avec les entreprises de la navigation intérieure, et est capable de réagir promptement à toute évolution afin d'assurer à tout moment l'optimalisation et l'actualisation du régime de la navigation rhénane.

3.4

La CCNR détient des compétences réglementaires et arrête des décisions à l'unanimité. Les États parties à l'Acte sont tenus de transposer les décisions, pour autant que nécessaire, dans la législation nationale. Les compétences de la CCNR portent notamment sur les normes techniques, les équipages, la sécurité, l'environnement et la liberté de navigation. L'Acte de Mannheim prévoit que la promotion de la navigation intérieure sera assurée par les parties. La CCNR dispose d'un pouvoir juridictionnel pour les litiges relevant de la compétence de l'Acte.

3.5

La Convention de Belgrade établit un régime pour le Danube. Les États riverains du Danube signataires de la Convention siègent à la Commission du Danube qui, contrairement à la Commission du Rhin, ne détient que des compétences consultatives. En outre, ce régime ne vise qu'à réglementer la navigation internationale sur le Danube. Le cabotage (qui, pour le Rhin, est bien inclus dans l'Acte de Mannheim) sort du champ d'application de la Convention de Belgrade. On ne peut donc pas parler d'unité évidente du régime juridique pour le Danube. La Commission du Danube regroupe des États membres de l'UE, des pays candidats à l'adhésion à l'UE de la région des Balkans ainsi que d'autres États tels que la Moldavie, la Russie, la Serbie-Monténégro et l'Ukraine.

3.6

Avec la réalisation du Traité de Rome de 1957, le marché intérieur s'est progressivement mis en place au sein de l'UE et étendu, y compris dans le domaine de la navigation intérieure. La Commission européenne s'est vu confier des tâches notamment en ce qui concerne les normes techniques, les équipages, l'environnement et la sécurité.

3.7

En pratique, il existe une coopération, qui fort heureusement tend à se développer, entre la CCNR, la Commission du Danube et la Commission européenne, dans le cadre de laquelle l'influence de la CCNR, en termes d'expertise technique et d'expérience notamment, est grande. La coopération entre la CCNR et la Commission européenne a reçu une nouvelle impulsion avec la conclusion d'un accord le 3 mars 2003. En revanche, la coopération avec la Commission du Danube revêt pour l'heure un caractère plus sporadique.

4.   Développements récents

4.1

En octobre 2004, un groupe formé de personnalités indépendantes d'Europe orientale et occidentale a rédigé un rapport dans lequel ces dernières analysent le cadre institutionnel actuel de la navigation intérieure au niveau européen et formulent des recommandations en vue de renforcer ce cadre. Il s'agit d'une initiative des Pays-Bas, soutenue par l'Allemagne, la Belgique, la France et la Suisse. Ce groupe, dirigé par M. Jan TERLOUW, ancien vice-premier et ministre de l'économie néerlandais, s'est lui-même baptisé «Groupe EFIN (European Framework for Inland Navigation)» et a publié un rapport intitulé « Un nouveau cadre institutionnel pour la navigation intérieure en Europe». Sept autres personnes font également partie du groupe et proviennent respectivement d'Allemagne, d'Autriche, de Belgique, de France, de Hongrie, de Roumanie et de Suisse.

4.2

Le Groupe EFIN constate dans son rapport que la navigation intérieure est dotée d'un énorme potentiel mais que celui-ci n'est pas estimé à sa juste valeur. La navigation intérieure est en mesure de contribuer grandement à l'amélioration du système européen de transport de marchandises. Le Groupe EFIN estime que le cadre institutionnel ne suffit pas pour exploiter de manière optimale le potentiel de la navigation intérieure en Europe. Il considère en outre ce cadre trop faible pour susciter l'attention nécessaire des responsables politiques en vue du développement du secteur.

4.3

Comme l'avait déjà préconisé le CESE dans ses avis du 16 janvier 2002 et du 24 septembre 2003, le Groupe EFIN considère lui aussi qu'il est nécessaire d'arriver, pour l'ensemble des voies d'eau européennes, à une plus grande harmonisation au plan des prescriptions techniques, des qualifications, des mécanismes d'attestation et des conditions d'accès au marché. Par ailleurs, il est souhaitable de disposer d'une instance susceptible de soutenir l'amélioration du réseau d'infrastructures des voies navigables, le développement des équipements techniques à bord, la promotion de l'innovation ainsi que le renforcement des compétences professionnelles. Un appui institutionnel actif est nécessaire afin d'aider la navigation intérieure à surmonter les obstacles qui entravent son développement. À cet effet, il conviendrait d'ériger une nouvelle structure.

4.4

Le Groupe EFIN a examiné une série d'options en vue de la mise sur pied d'une telle nouvelle structure, en veillant à toujours garder à l'esprit la dimension paneuropéenne. Une coopération accrue entre les institutions actuelles, notamment la CCNR, la Commission du Danube et la Commission européenne, mais aussi la Conférence européenne des ministres des transports (CEMT) et la Commission économique des Nations unies pour l'Europe (CEE-ONU), est préconisée, mais ne suffit pas en soi pour donner forme à une nouvelle structure telle que proposée.

4.5

Le Groupe EFIN plaide dès lors en faveur de la constitution d'une «Organisation européenne pour la navigation intérieure» dotée d'un large mandat afin de couvrir tous les aspects de la navigation intérieure. Cette organisation ne devrait pas être instituée par le biais d'une nouvelle convention. Les conventions et régimes existants resteraient intacts et en l'état. La nouvelle organisation serait évolutive: elle devrait pouvoir être adaptée aux besoins changeants et contenir différents organes modulaires capables d'agir indépendamment l'un de l'autre.

4.6

L'organisation devrait s'articuler autour de trois composantes: une assemblée politique — la Conférence des ministres européens chargés des voies navigables, un appareil administratif — le Bureau européen pour les voies navigables, et un instrument financier — le Fonds européen d'intervention pour le transport fluvial. Pour plus de détails, il convient de se référer au rapport du Groupe EFIN.

4.7

Il y a lieu de mentionner que le Groupe EFIN a, parmi les options, examiné de manière approfondie la possibilité de créer une agence communautaire pour la navigation intérieure. Le Groupe EFIN s'interroge quant à l'existence d'une volonté politique suffisante pour aboutir à la création d'une telle agence communautaire. Il songe ensuite que ce type d'agences ne disposent pas de compétences réglementaires, mais qu'elles sont uniquement chargées de missions d'exécution, de surveillance et de collecte d'informations. De nombreuses voies d'eau n'étant pas soumises au droit communautaire, une telle agence n'aurait qu'une portée géographique limitée. Finalement, tout bien considéré, le Groupe émet un avis négatif concernant cette option.

4.8

Le 14 juillet 2005, la Commission européenne a publié un document de consultation sous le titre «Un programme d'action européen intégré pour le transport par voies navigables». Elle y mentionne un certain nombre de domaines dans lesquels elle souhaite améliorer le transport par les voies navigables communautaires et invite les parties intéressées à lui faire part de leurs commentaires. Le 17 janvier 2006, la Commission européenne a publié la communication «NAIADES» sur la promotion du transport par voies navigables qu'elle a intitulée «Un programme d'action européen intégré pour le transport par voies navigables» (2).

4.9

Outre un grand nombre de points d'action répartis dans cinq domaines stratégiques, la Commission examine également les possibilités existantes en vue de moderniser la réglementation et de l'adapter aux défis futurs. À cet effet, il y a lieu de moderniser et d'améliorer la structure organisationnelle qui, en raison de sa fragmentation, perd en efficacité et en importance sur le plan politique. En modifiant les instruments actuels, il conviendra toutefois de ne pas négliger les obligations et les accords internationaux en vigueur. L'«acquis» existant devra dès lors être respecté.

4.10

La Commission indique que ce processus a déjà commencé et se réfère à cet égard à sa recommandation du 1er août 2003 au Conseil visant à l'autoriser à adhérer aux deux commissions fluviales, ainsi qu'au rapport EFIN. Elle précise que quatre options sont actuellement en discussion, à savoir: a) l'intensification de la coopération entre les commissions fluviales existantes et la Commission européenne, b) l'adhésion de la Communauté européenne aux Commissions du Rhin et du Danube, c) la création d'une organisation paneuropéenne de la navigation intérieure, et d) l'option consistant à confier à la Communauté la tâche d'aborder dans une perspective stratégique le développement du transport par voies navigables en Europe dans le respect des intérêts des pays tiers.

5.   Une navigation intérieure paneuropéenne

5.1

L'idée de parvenir à un régime paneuropéen de la navigation intérieure et de stimuler de cette manière le transport par voies navigables sur l'ensemble du continent n'est pas neuve et bénéficie d'un large soutien. Déjà en 1991, lors d'une conférence ministérielle à Budapest, les ministres s'étaient exprimés dans ce sens. En 2001, la Conférence paneuropéenne sur le transport par voies de navigation intérieure, tenue les 5 et 6 septembre à Rotterdam, a débouché sur une Déclaration dans laquelle les ministres appellent à accélérer la coopération européenne en vue d'une libéralisation et d'un renforcement du transport fluvial. Cette Déclaration contient plusieurs principes, objectifs et actions. L'un des principes énoncés est que l'harmonisation ne peut se faire au détriment du niveau des normes de sécurité et de qualité actuellement en vigueur et que les conditions sociales favorables, du moins celles existantes, doivent être préservées. Dans la Déclaration, les ministres plaident en faveur de la création d'un «marché paneuropéen du transport fluvial transparent et intégré, fondé sur les principes de réciprocité, de liberté de navigation, de concurrence loyale et d'égalité de traitement pour les usagers des voies de navigation intérieure».

5.2

Outre des efforts dans le domaine des infrastructures par exemple — domaine qui, comme on le sait, relève de l'échelon national au sein de l'UE — la Déclaration de Rotterdam invite la Commission européenne, la CEE-ONU et les deux commissions fluviales à intensifier leur coopération en matière d'harmonisation paneuropéenne des normes techniques, de sécurité et d'effectifs, et les encourage à coopérer à l'amélioration de l'enseignement et de la formation professionnelle. Elle invite ensuite la CEE-ONU, la Commission européenne, les deux commissions fluviales et la CEMT, en étroite collaboration, à identifier avant fin 2002 les obstacles d'ordre législatif entravant la mise en place au niveau paneuropéen d'un marché harmonisé et concurrentiel du transport fluvial, et à formuler des solutions afin de surmonter ces obstacles.

5.3

Force est de constater que depuis la conférence de 2001, l'exercice de réflexion sur le cadre institutionnel pour la navigation intérieure évolue bien. À cet égard, il convient de signaler l'atelier que la CEMT, la CEE-ONU et les commissions fluviales ont organisé à Paris en septembre 2005 sous le titre évocateur «On the Move».

5.4

En 2006 se tiendra une nouvelle conférence ministérielle en Roumanie, qui s'inscrira dans le prolongement de la conférence de Rotterdam.

6.   Observations

6.1

Le CESE est d'avis que le rapport EFIN représente une contribution précieuse à la discussion du volet institutionnel, en particulier les analyses qui y sont exposées, lesquelles méritent d'être soutenues. Les auteurs n'ont toutefois pas tiré complètement la conséquence logique des analyses dans la mesure où la solution proposée ne semble pas receler une force contraignante suffisante. Par ailleurs, comme dans les conventions et régimes existants, la politique sociale constitue la «tache aveugle» du rapport EFIN.

6.2

Il convient de se féliciter de ce que la Commission, contrairement au passé, laisse tout à fait ouverte la discussion sur les réformes institutionnelles. Le fait qu'elle dissocie complètement cette question des cinq domaines stratégiques n'y est certainement pas étranger. En ce qui concerne les options proposées, le CESE fait remarquer qu'un renforcement de la coopération à court terme s'impose assurément, comme le recommande la Commission dans sa première option. L'adhésion de la Commission à la CCNR, à propos de laquelle aucune décision n'a encore été prise par le Conseil depuis deux ans, peut également constituer une étape. Toutefois, pour atteindre l'efficacité recherchée et susciter une attention accrue sur le plan politique, des actions plus audacieuses seront nécessaires.

6.3

S'agissant des deux autres options concernant la phase finale des restructurations, à savoir la création d'une organisation paneuropéenne de la navigation intérieure ainsi que la solution communautaire, la Commission se borne à en énumérer les avantages et inconvénients sans opérer elle-même un choix, afin de laisser la discussion ouverte.

6.4

Afin notamment d'apporter sa contribution au débat et après examen des arguments avancés, le CESE entend d'ores et déjà faire ce choix. Le Comité estime que la solution communautaire, telle que présentée par la Commission, ne couvrira pas l'ensemble du territoire de l'Union. Le régime du Rhin et (dans une moindre mesure) le régime du Danube subsisteront, ce qui assure un niveau d'administration supplémentaire et confirme les besoins de coordination. Cette option exige également la conclusion d'accords avec des pays tiers, ce qui peut donner lieu à des différends. Une coopération avec les commissions fluviales signifie en pratique que la Commission centrale pour la navigation du Rhin et la Commission du Danube devront fournir les connaissances et les aptitudes nécessaires. L'expertise communautaire encore à construire ferait en fait double emploi avec celle des commissions fluviales, un chevauchement que la Commission souhaite précisément éviter.

6.5

En revanche, le CESE peut se rallier aux arguments positifs présentés par la Commission en faveur de l'option soutenant la création d'une organisation paneuropéenne de la navigation intérieure, au sein de laquelle coopéreraient toutes les organisations et pays européens concernés, y compris donc l'Union européenne. Une organisation de ce type relèverait la visibilité politique de la navigation intérieure et peut contribuer à la promouvoir sur le plan stratégique; en outre, elle favorise l'harmonisation de la législation. L'argument selon lequel cette organisation doit être financée par les contributions des parties prenantes, sur lequel la Commission n'a émis aucun jugement de valeur, est positif dans la mesure où cette option prévoit qu'en plus de l'UE, les pays tiers vont contribuer au développement de la navigation intérieure.

6.6

En ce qui concerne les arguments négatifs exposés par la Commission, le CESE fait valoir que la réalisation et la ratification d'une convention vont certes prendre du temps, mais qu'en réalité le processus a déjà commencé et qu'il pourrait même être achevé en quelques années s'il y a une volonté politique suffisante. Le succès des conférences ministérielles de 1991 et 2001 sur la navigation intérieure et l'organisation de la prochaine conférence plus tard dans l'année en Roumanie sont autant de signes précurseurs. L'objection selon laquelle une telle organisation opérerait hors du cadre communautaire est levée par le fait même de la participation de l'UE, qui garantit ainsi le lien communautaire. En outre, l'exécution effective des décisions de cette organisation peut être assurée par voie de convention, comme c'est déjà le cas avec l'Acte de Mannheim pour la navigation du Rhin.

6.6.1

Lors du récent sommet sur la navigation intérieure (Inland Navigation Summit, Industry Congress), qui s'est tenu à Vienne du 13 au 15 février 2006, la Commission a présenté un argument supplémentaire contre l'option d'une convention en soutenant qu'aux termes du traité la navigation fluviale relève de la compétence pleine et entière de l'UE et ne peut être transférée par un autre accord intergouvernemental. À cet égard, il convient de noter que la navigation intérieure en Europe se caractérise précisément par le fait que certaines compétences, notamment en ce qui concerne le trafic rhénan, sont réservées, en vertu de l'Acte de Mannheim révisé, aux États du Rhin. À cela s'ajoute le fait que des pays tiers souhaitent être associés à un régime juridique européen, pour lequel la Communauté n'est bien entendu pas non plus compétente.

6.6.2

L'option d'une convention signifierait que des pays extracommunautaires pourraient être liés à un même régime juridique que les États membres de l'UE. L'on pourrait aussi envisager des «chambres fluviales» dotées de compétences différentes. Dans les eaux communautaires, le droit européen de la navigation intérieure pourrait continuer de s'appliquer intégralement. Le grand avantage de cette option est qu'elle permettrait de traiter et de décider de questions paneuropéennes et aussi d'inclure de nouvelles compétences dans les traités, notamment en matière d'infrastructures.

Bruxelles, le 21 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Voir JO C 80 du 03.04.2002 et JO C 10 du 14.01.2004.

(2)  COM(2006) 6 final.