30.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 324/78


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d'action pour la douane dans la Communauté (Douane 2013)»

COM(2006) 201 final — 2006/0075 (COD)

(2006/C 324/26)

Le 22 juin 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

Le Bureau du Comité économique et social européen a chargé la section spécialisée «Marché unique, production et consommation» de préparer les travaux en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 430e session plénière du 26 octobre 2006, de nommer Mme BATUT rapporteur général, et a adopté le présent avis par 108 voix pour et 4 abstentions.

1.   Introduction

1.1

La Douane dans tous les pays protège les intérêts économiques nationaux et traditionnellement appréhende sur le champ les marchandises en mouvement, avec des procédures fondées sur l'immédiateté de l'intervention. Après la mise en place du Tarif extérieur commun dans les années 60, la création du marché intérieur en 1993 a aboli les contrôles aux frontières entre les États membres de l'UE, et y a rendu possible la libre circulation des biens et des services. Le commerce intracommunautaire de marchandises, dont le volume a quasiment doublé depuis la suppression des frontières intérieures, représente la part la plus importante du commerce de chacun des États membres.

1.2

Pendant des années dans la Communauté européenne les administrations nationales des douanes sont restées quasiment inchangées. L'organisation des structures et des personnels des douanes était dans chacun des pays membres totalement nationale.

1.3

Cependant, l'Union, la révolution numérique, les réseaux, ont dématérialisé en partie l'action de la douane et ces derniers ne connaissent pas, eux, les frontières. La proposition de la Commission «Douane 2013» pousse à une plus grande intégration des pratiques douanières dans le respect des objectifs de Lisbonne, sans s'orienter vers une intégration des administrations dont le rôle national reste fondamental. Les intérêts à protéger sont pourtant ceux de l'Union et ceux des citoyens et des consommateurs qui y vivent.

2.   Le contexte de la proposition de décision

2.1   Douane 2000

2.1.1

Dès 1995 en effet la Commission européenne proposait déjà un programme quinquennal «Douane 2000», suivi de «Douane 2002». A terme, les douanes nationales devaient en venir à travailler «comme une administration unique» sur le plan des procédures: «La création d'un espace commercial sans frontières douanières intérieures au sein des 15 États membres de l'UE nécessite, en tout point de la zone douanière, une procédure douanière uniforme pour les transactions équivalentes». Les moyens en sont la coopération, l'application uniforme du droit douanier à l'intérieur et sur le pourtour des frontières de la Communauté, un réseau de communication, accessible aux acteurs économiques, un perfectionnement des administrations et de leurs fonctionnaires, et le développement de l'informatisation et du dédouanement informatisé (1).

2.2   Douane 2002

2.2.1

«Douane 2002» a instauré un groupe de politique douanière (GPD) et un Comité Douane 2002 qui mettent en commun les approches des représentants de la Commission et des États membres sur les méthodes, les mesures, les évaluations, les investissements, les plateformes informatiques, la modernisation de procédures, les normes de contrôle, la coopération contre les contrefaçons, le soutien aux pays candidats et les échanges de fonctionnaires.

2.2.2

Le CESE a alors approuvé la création d'un système informatisé de communication douanière à l'échelle de l'Union avec «l'association active des milieux économiquesentreprises concernées, associations, comité consultatif douanier et CESaux processus décisionnels administratifs» qui «encourage la compréhension mutuelle et permet d'éviter d'inutiles difficultés de mise en œuvre». Il a fait valoir les possibilités de simplification que cela apporterait. Le Comité a estimé à cette époque qu'une centralisation de l'information par la Commission, avec mise en place à moyen terme d'un «service européen communautaire de répression des fraudes (“EURODOUANE” similaire à EUROPOL)» serait à étudier, ainsi que «l'exigence d'une formation uniforme dans le domaine de la législation douanière et des procédures douanières pour les fonctionnaires des douanes des États membres» en prenant «en considération, outre le principe de subsidiarité, les carrières des douaniers (2)». Les institutions de la décision n'ont pas suivi le Comité.

2.3   Douane 2007

2.3.1

Puis un nouveau programme quinquennal est adopté dit «Douane 2007 (3)» qui proroge et élargit le précédent. Son objectif ne concerne pas seulement le commerce et l'activité douanière mais aussi la protection nécessaire des intérêts financiers de l'Union européenne et la création d'un environnement sûr et sans risque pour ses citoyens. La mondialisation de l'économie mondiale se déploie et avec elle les bouleversements qu'elle suscite. Les douanes y ont un rôle important à jouer pour la régulation de l'environnement commercial. L'accélération numérique exponentielle a rendu possible l'ambition d'une intégration des procédures douanières. L'objectif de Douane 2007 est de faire en sorte que la législation communautaire relative à la politique douanière soit appliquée de façon cohérente et professionnelle par tous les pays de la Communauté. Ainsi les bonnes pratiques, les échanges de fonctionnaires et les séminaires, les actions de suivi y ont-ils une place de choix avec l'intensification de l'informatisation.

2.3.2

Le Comité pour sa part préconise alors que «la Commission joue un rôle plus actif dans la surveillance des normes de contrôle dans les États membres» et que des «inspecteurs des douanes habilités à intervenir sur tout le territoire de la Communauté soient nommés afin de réaliser partiellement cet objectif (4)».

2.3.3

Le CESE dans son avis a alors reconnu que l'amélioration des services douaniers peut avoir pour but d'améliorer l'environnement de la concurrence pour les entreprises et stimuler l'emploi, et aider les activités légitimes dans le domaine du commerce et des échanges. Il estime qu'il serait nécessaire de disposer d'un instrument permettant d'évaluer les progrès réalisés lors des phases initiales et pour apporter les corrections qui s'imposent. Il a été entendu (5).

2.3.4

Le rapport d'étape a montré que globalement existait une satisfaction générale des opérateurs et des acteurs à propos du programme Douane 2007, mais qu'il serait nécessaire de réconcilier les obligations de sécurité avec l'ambition de la Communauté européenne de faciliter le commerce, et qu'il existait une certaine inquiétude en ce qui concerne le rôle de l'informatisation des douanes. Le programme contribue significativement à l'objectif des organisations douanières nationales de travailler comme une seule administration.

2.4   L'année 2006

2.4.1

En 2006 trois textes européens majeurs concernent la douane:

la proposition de règlement «Code des Douanes modernisé»,

celle relative à une «Douane sans support papier»,

et celle aujourd'hui à l'examen pour avis du CESE.

2.4.2

Le Code des Douanes communautaire qui sera modernisé par un règlement du PE et du Conseil, et sur lequel le CESE s'est prononcé par un avis du 5 juillet 2006, est également un document de contexte fondamental pour appréhender le programme Douane 2013 annoncé pour une mise en conformité des textes à l'évolution des marchés et des technologies, et aux élargissements successifs de l'Union. L'informatisation avance, l'administration devra être en ligne; le nouveau code rend obligatoires les procédures informatisées jusque là optionnelles, facilitant la tâche des gros opérateurs et pénalisant peut-être les petits. Par ailleurs les mesures non tarifaires, comme en matière de lutte contre la contrefaçon, de sécurité, de contrôle de l'immigration clandestine, de blanchiment de capitaux et de trafic de stupéfiants, d'hygiène, de santé, d'environnement et de protection des consommateurs, ainsi que les mesures ayant trait à la collecte de la TVA et des accises sont devenues très importantes. Les États membres restent les pivots du dispositif, supportent les coûts, notamment de l'interopérabilité informatique, leurs autorités douanières peuvent effectuer tous les types de contrôles, mais la Commission augmente ses propres pouvoirs de réglementation (article 196 de la proposition de règlement) à l'égard des systèmes douaniers, des États membres, des accords internationaux. Le Code modernisé redéfinit les rôles et le statut de tous les acteurs de la procédure douanière.

2.4.3

L'obligation d'être en ligne conduit évidemment à la suppression du support papier.

2.4.3.1

La proposition de décision relative aux douanes électroniques prévoit une série de mesures et de délais en vue de rendre les systèmes douaniers électroniques des États membres compatibles entre eux, et de créer ainsi un portail informatique unique et partagé. La communication entre les opérateurs et les autorités douanières en sera plus efficace, et les échanges plus rapides entre ces autorités. Les versions «papier» doivent devenir l'exception. La Commission envisage également la mise en place d'une «interface unique» permettant aux opérateurs jugés «dignes de confiance» (les intervenants et les «opérateurs agrées» -arts.2, 4, 13 & 16 du projet de règlement sur le Code des Douanes modernisé) de n'avoir à traiter qu'avec un seul organisme, et non plus, comme c'est le cas à l'heure actuelle, avec différentes autorités de contrôle des frontières. Les informations, notamment douanières, ne seraient ainsi transmises qu'une seule fois. Les marchandises seraient alors contrôlées par les autorités douanières et autres (police, garde-frontières, services vétérinaires et environnementaux) au même moment et au même endroit, selon le principe du «guichet unique».

2.4.4

Dans son avis du 13 septembre 2006, le CESE estime que la gestion communautaire des douanes devrait figurer parmi les objectifs à long terme de l'Union: «une gestion de ce type présenterait des avantages en termes de simplicité, de fiabilité et de coûts, ainsi que du point de vue de l'interopérabilité avec d'autres systèmes de l'UE et des pays tiers».

3.   Le programme Douane 2013

3.1

Interopérabilité, réduction des coûts, meilleures pratiques: le programme «Douane 2013» à l'étude est le prolongement des programmes précédents rappelés ci-dessus, et le successeur de Douane 2007. Il a pour objet de contribuer à mettre en œuvre dans ce contexte dont on voit ainsi que les éléments épars présentent une forte cohérence, les modalités de la douane moderne qui visent à augmenter la rapidité de circulation des marchandises, la facilitation des échanges et la liberté du commerce, tout en maintenant des contrôles. La Commission européenne (6) estime que la douane est le seul outil à avoir une vision globale et transversale de l'économie. La situation est beaucoup plus complexe qu'avant, et voit interagir les flux de personnes et de marchandises. Gérer cette complexité exige selon ses représentants, la flexibilité de la réponse, et de l'outil, pour garantir la compétitivité des entreprises de l'UE, à la fois sur le marché intérieur et sur le marché mondial.

3.1.1

La période d'application du nouveau programme va du 1.1.2008 au 31.12.2013, période de six ans afin d'aligner sa durée sur celle du cadre financier pluriannuel.

3.1.2

Les objectifs du programme repris à l'article 4.1 de la proposition, visent, par une aide apportée à ses destinataires, à:

a)

garantir que les activités des douanes correspondent aux besoins du marché intérieur, y compris la sécurité de la chaîne d'approvisionnement;

b)

faire interagir les administrations douanières de sorte qu'elles exécutent leurs tâches aussi efficacement que si elles constituaient une seule administration

c)

assurer la nécessaire protection des intérêts financiers de la Communauté;

d)

renforcer la sécurité et la sûreté des citoyens;

e)

préparer l'élargissement, y compris le partage d'expériences et de connaissances avec les administrations douanières des pays concernés.

3.1.3

Les moyens: des actions communes et l'achèvement de l'informatisation.

Les moyens évoqués au service du programme (art.2) reprennent et approfondissent ceux mis en place par Douane 2007 et mobilisent deux voies, celle des matériels (hard- et soft-ware) et celle des hommes (actions communes et formations):

a)

systèmes de communication et d'échange d'informations;

b)

analyses comparatives;

c)

séminaires et ateliers;

d)

groupes de projet et groupes de pilotage;

e)

visites de travail;

f)

actions de formation;

g)

actions de suivi;

h)

toute autre activité nécessaire pour atteindre les objectifs du programme.

Ils tendent ainsi à la mise en place d'une douane informatisée et paneuropéenne.

3.1.4

Les destinataires des actions (art.3) sont en premier lieu les États membres, et au-delà, en raison du rôle de l'action douanière dans l'économie internationale, à des degrés divers, les États candidats à l'entrée dans l'Union, les candidats potentiels, les pays lié à l'UE par la PEV (Politique européenne de voisinage) et les pays tiers.

3.1.5

Les acteurs, divers, sont définis dans plusieurs articles de la proposition.

3.1.5.1

Le considérant 6) (7) énonce que doit s'opérer un «renforcement des relations entre les administrations douanières de la Communauté et les entreprises, les milieux juridiques et scientifiques ou les opérateurs impliqués dans des activités de commerce extérieur». Le programme 2013 devrait permettre à des personnes représentant ces milieux ou ces entités, s'il y a lieu, de participer à des activités couvertes par le programme.

3.1.5.2

En premier lieu seront acteurs les administrations nationales (art.2) que l'alinéa 2 définit en se référant «aux services publics et aux organismes des pays participants chargés de la gestion des douanes et des activités qui leur sont liées», et ensuite au niveau communautaire, la Commission, assistée du «Comité Douane 2013» (art. 19), et le Groupe de Politique Douanière composé des responsables nationaux, puis selon l'article 14 des «représentants d'organisations internationales, d'administrations de pays tiers, des opérateurs économiques et de leurs organisations peuvent participer à des activités organisées dans le cadre du programme chaque fois que c'est essentiel pour réaliser» les objectifs concrets du programme (articles 4 et 5), enfin «la Commission peut permettre à d'autres services publics d'avoir accès à ces systèmes de communication et d'échange d'informations à des fins douanières ou non, dans la mesure où ces services versent une contribution financière au programme» (art.7.6). Au total, en raison même du rôle de régulateur du commerce international qui est celui de la douane, un nombre très importants d'acteurs.

3.1.5.3

Enfin dans l'avenir, la Commission se réserve la possibilité de voir si certaines tâches de mise en œuvre de ce programme communautaire pourraient être «confiées à une agence exécutive ou à des prestataires de services par le biais de contrats d'assistance technique et administrative» (8) ce qui ne serait pas sans poser de problème à l'égard de l'organisation administrative dans certains États membres.

3.1.6   Le budget

3.1.6.1

L'interopérabilité permettra l'échange d'informations entre les administrations des différents pays; par des interfaces avec les opérateurs commerciaux, Douane 2013 contribue à la mise en œuvre des deux décisions «Code des Douanes Modernisé» et «Douane sans support papier». Lorsqu'il sera pleinement opérationnel, le nouveau système informatisé achèvera le marché intérieur unifié, dont les seules frontières seront externes. Le programme 2013 tient compte de la dimension globale des marchés et de la relation avec les pays tiers qui peuvent être des «pays participants» et être éligibles aux aides.

3.1.6.2

La réalisation du programme incombe justement en premier lieu aux pays participants (considérant 11). Le montant total à la charge du budget communautaire s'élève à 323,8 millions d'euros (exposé des motifs, pt 4. et art.16.1) mais cela ne représentera pas le total du coût qui sera en grande partie supporté par les États membres. L'aide apportée par le programme Douane 2013 représenterait en théorie 2 millions d'euros par Etat membre de l'Union et par an pendant 6 ans, mais les «pays participants» seront plus nombreux que les 27 États membres.

3.1.6.3

La répartition entre Union et pays participants se fait de la manière suivante: (art. 17):

«2.

La Communauté prend à sa charge:

a)

les frais d'achat, de conception, d'installation, d'entretien et de fonctionnement courant des éléments communautaires des systèmes de communication et d'échange d'informations visés à l'article 7(3);»

ainsi que les frais d'organisation des réunions requises par les actions communes;

«6.

Les pays participants prennent à leur charge:

a)

les frais d'achat, de conception, d'installation, d'entretien et de fonctionnement courant des éléments non communautaires des systèmes de communication et d'échange d'informations visés à l'article 7(4);

b)

les frais liés à la formation initiale, à la formation continue ainsi qu'à la formation linguistique de leurs fonctionnaires».

3.1.7   Personnels

3.1.7.1

L'accent est mis par le projet sur le besoin de formations solides et de compétences pour faire fonctionner l'ensemble. Les personnels des douanes nationales sont pris en considération dans cette dimension par l'article 12 du projet. C'est par une coopération «structurée» entre les organismes de formation nationaux des douanes que la réaction en chaîne se produira: des programmes et des «normes de formation» seront élaborés au niveau communautaire «de manière à créer un tronc commun de formation pour les fonctionnaires, couvrant l'ensemble des règles et procédures douanières, afin de leur permettre d'acquérir les qualifications et connaissances professionnelles nécessaires» (art.12-a). L'accès des cours diffusés pourra être ouvert aux fonctionnaires d'autres pays (art.12-b), et le cœur du dispositif devra être totalement intégré dans leurs propres programmes de formation par les autorités douanières nationales (art.12 pt 2), qui veillent bien sûr par ailleurs à ce que «leurs fonctionnaires reçoivent la formation initiale et la formation continue nécessaires pour acquérir les qualifications et connaissances professionnelles communes» ainsi que la formation linguistique, le tout à leur charge (art.12 pt 2).

3.1.7.2

Ainsi l'école ne sera pas communautaire mais les contenus le seront. La Commission choisit une forme arborescente sans écarter «s'il y a lieu»«la mise en place de l'infrastructure et des outils nécessaires à une formation douanière commune et à la gestion de la formation douanière» (art 12 .1 (c).

3.1.7.3

Par ailleurs, dans un souci de complémentarité qu'avait déjà manifesté pour sa part le CESE, le projet évoque «l'étude de la possibilité d'élaborer des activités de formation avec d'autres services publics» (Art.12 (d). Dès lors, les frais d'achat, de conception, d'installation et d'entretien des systèmes et des modules de formation dans la mesure où ils sont communs à l'ensemble des pays participants pourront être financés par le programme (Art 17 (d).

3.1.8   Le rôle de la Commission

3.1.8.1

Elle est au cœur de l'arborescence. Il n'y a pas de structure communautaire, mais la Commission est au centre des acteurs. Elle définira elle-même qui sont les opérateurs agrées pour lesquels les critères ne sont pas encore précisés (art. 196 Code des Douanes Communautaire modernisé CDCM), quels autres services publics que les Douanes pourront accéder à des fins non douanières (exposé des motifs sous article 7) aux données sécurisées, aux formations, quels nouveaux opérateurs du secteur privé (milieux juridiques et scientifiques) pourraient être associés.

4.   Observation générales du Comité

4.1

Le Comité déplore que malgré le caractère évidemment lié des dossiers sus-évoqués, et l'importance qu'ils revêtent tant pour les administrations que pour les femmes et hommes qui les servent, ils aient été présentés par la Commission au long de l'année 2006 en ordre dispersé, alors qu'ils traitent de questions qui ne sont ni d'urgence, ni de totale nouveauté, mais toutes imbriquées.

4.2

Il déplore encore plus, dès lors, d'avoir eu, pour préparer le présent avis, à travailler dans l'urgence pour des raisons liées à l'agenda de la préparation budgétaire en cours, alors qu'il s'agit, comme il a été rappelé, d'une proposition constituant un élément d'un vaste contexte dont les conséquences par rapport à cette procédure étaient totalement prévisibles.

4.3

Le CESE est d'avis que l'Union douanière, qui a été le fer de lance de l'intégration économique européenne, ne pourrait sans dommage aujourd'hui prendre du retard sur le monde du commerce international qu'elle est supposée réguler, et qui est en perpétuelle mutation. L'outil informatique fait naturellement partie de sa propre panoplie et les possibilités exponentielles qu'il offre doivent être mises au service des opérateurs comme des autorités de contrôle. En conséquence, le Comité approuve le programme Douane 2013 et l'augmentation budgétaire permettant la poursuite de l'aide aux pays participants, notamment pour moderniser leur outil, responsabiliser les acteurs et former leurs fonctionnaires.

4.4

Partage de connaissances, actions communes, actions de suivi: ce sont de bonnes choses à la fois pour le bon fonctionnement de l'interopérabilité et pour la connaissance mutuelle des acteurs, mais qui seront réservées à petit nombre d'agents des administrations douanières.

4.5

Le CESE note que, comme il l'avait souhaité dans le passé à propos des précédents programmes, un processus d'évaluation est mis en place, ce qu'il approuve, en regrettant toutefois que pour l'instant aucune piste ne soit indiquée sur les indicateurs qui seront retenus.

4.6

Cependant le Comité émet des réserves:

4.6.1

«L'action en matière douanière doit clairement donner la priorité au renforcement des contrôles et des activités anti-fraude», mais en même temps «à la réduction des coûts liés au respect de la législation douanière supportés par les opérateurs économiques», «à la gestion efficace du contrôle des marchandises aux frontières extérieures ainsi qu'à la protection des citoyens européens en matière de sécurité de la chaîne d'approvisionnement internationale» (considérant 3).

4.7

Le CESE estime cependant:

4.7.1

Que proposer l'objectif de «garantir un niveau de protection des citoyens et des opérateurs économiques communautaires équivalent en tout point du territoire de la Communauté» (voir considérant 2) est une intention louable mais insuffisante pour le redevable, l'opérateur et surtout le citoyen, si «l'équivalence» n'est pas synonyme «d'excellence», de plus haut niveau. La sécurité c'est par exemple l'ours en peluche qui a pu être contrôlé conforme aux normes communautaires et a en conséquence été autorisé à entrer dans la Communauté, parce que les douaniers ont constaté que ses yeux sont impossibles à arracher, et n'étoufferont pas l'enfant. Le texte de la proposition pose en principe l'objectif du contrôle et de la sécurité sans le circonstancier plus avant l'objectif du contrôle et de la sécurité; il devrait être équivalent en tout point du territoire, et de plus, être le meilleur possible;

4.7.2

L'objectif de réduction des charges administratives par l'automatisation des tâches grâce à des systèmes informatiques à coût élevé, quand il est couplé à l'obligation au respect par les autorités budgétaires des États membres des taux de déficit et d'endettement publics autorisés par les traités, peut conduire les gestionnaires des administrations nationales à réduire leurs effectifs, et ceci de manière indépendante les unes par rapport aux autres, rendant la coopération difficile, et/ou à externaliser leurs coûts par un certain degré de privatisation, ce qui peut conduire opérateurs et citoyens à une incertitude juridique face à l'action de services dotés de pouvoirs forts;

4.7.3

Que la facilitation des échanges recherchée pourrait induire une augmentation du taux de fraude (marchandises commerciales licites) et de trafics (marchandises illicites) en face desquels les contrôles physiques se raréfieraient; il aurait été utile de démontrer si la lutte contre la fraude par critères électroniques de contrôle peut fonctionner efficacement et à traitement équivalent dans tous les pays participants avec peu d'agents. Le Comité estime que le taux de contrôle dépend toujours de décisions d'ordre politique et du rapport souhaité entre liberté de commercer et sécurité des citoyens, mais est conscient que leur exécution dépend des fonctionnaires et de leurs moyens d'action. Par ailleurs, il n'y a pas d'équilibre entre liberté et sécurité si la volonté de faciliter les échanges en réduisant dans les faits les taux de contrôle et les personnels qui les exercent, l'emporte sur l'exigence de sécurité dont le CESE constate qu'elle est peu développée dans le projet. L'Union définit la politique douanière mais les administrations nationales sont maîtres de l'implantation de leurs structures qu'elles pourraient avantageusement réorienter sans les détruire.

4.7.3.1

Le Comité souligne que par deux fois le CESE à l'occasion des textes précédents relatifs à la douane cités ci-dessus a préconisé un certain degré de centralisation des actions et des structures; mais la Commission européenne s'est engagée dès 2005 (9) sur une conception en réseau axée sur la coopération renforcée entre les systèmes informatiques douaniers nationaux, estimant que devrait s'ensuivre le renforcement des contrôles en même temps que la facilitation des procédures. Les procédures interopérables et sans support papier induisent en fait des restructurations importantes des services douaniers au plan national avec des suppressions de bureaux ouverts aux déclarants qui sont autant de réduction de la force d'intervention de la douane en cas d'urgence sanitaire (vache folle) ou sécuritaire (terrorisme), et de bouleversements pour les personnels.

4.7.3.2

Le Comité réitère également une critique formulée à l'occasion des textes précédents (10) quant à «l'absence d'une véritable prise de conscience de l'interdépendance des différentes administrations publiques dans la lutte contre les phénomènes criminels» bien qu'elle puisse être atténuée ici par le fait qu'est prévue une ouverture possible à d'autres services publics (art.7 pt.6).

4.7.3.3

D'une façon générale, la reconnaissance du rôle central de l'Union douanière et des administrations nationales qui en sont le bras armé, dans la régulation du commerce mondial aurait pu conduire la Commission à préciser que ce rôle ne peut être dévolu qu'à la puissance publique.

4.7.3.4

Le rapport intermédiaire d'évaluation de Douane 2007 a mis en exergue l'acuité du problème linguistique qui freine les agents des douanes dans leur action transnationale; le CESE estime qu'il n'est pas assez pris en considération dans le programme 2013 qui le laisse à la charge des pays participants alors que cette question devrait être une cause européenne.

4.7.3.5

Dans le contexte d'économie mondialisée la Commission aurait pu inclure une référence à une action à l'égard de l'éducation des pays tiers et mettre l'accent sur la prévention et la formation des autorités de certains pays qui sont connus pour alimenter les courants frauduleux (notamment les contrefaçons) afin qu'ils soient en capacité de voir à quel point cela dessert leur propre économie et pour leur enseigner les techniques de contrôle internes de ce phénomène.

5.   Observations spécifiques

5.1   Art.3 de la proposition: Les participants au programme (destinataires)

5.1.1

La proposition de la Commission envisage les actions à mener tant sur les frontières anciennes que nouvelles de l'Union, et qu'avec les pays de la PEV et d'augmenter la coopération avec les pays tiers à la Communauté. Ils pourront être associés à certaines activités, sous certaines conditions. Ceci paraît très important au Comité pour le respect le plus rapide possible du principe du traitement équivalent dès l'éventuelle entrée de ces pays dans l'Union. Mais les conditions pour qu'ils bénéficient de l'aide de Douane 2013 ne sont pas précisées dans le texte.

5.2   Article 5.1.i: Le développement de la coopération

5.2.1

La Commission préconise à juste titre de «renforcer davantage la coopération douanière internationale entre les administrations des douanes de l'Union et les autorités douanières des pays tiers». Peut-être aurait-elle pu citer dans les organisations internationales qui pourraient être parties au programme (at.14) l'Organisation Mondiale des Douanes.

5.3   Articles 3, 10, 14, 19, considérant 6

5.3.1

Ils définissent les acteurs qui vont faire fonctionner le programme dans le prolongement des actions déjà entreprises et autour de la Commission, du Comité Douane 2013 (art 19) et des administrations nationales. Le type de contribution et de relation qu'ils entretiendront entre eux n'est pas précisément défini par le texte. Tout en fournissant une expertise, certains d'entre eux restent des utilisateurs «redevables»; les pays participants ne sont pas tous sur le même plan. Les représentants d'organisations internationales, d'administrations de pays tiers, des opérateurs économiques et de leurs organisations (art 14) peuvent participer au programme, mais seuls les «États membres» feront partie des «groupes de projet et groupes de pilotage [chargés] des activités de coordination» (art.10).

5.3.2

En l'absence de précision des textes, la Commission décide. En application du Code des Douanes modernisé, elle décidera des conditions pour être un opérateur agrée, en application de son article 194 elle pourra décider seule de changer les normes d'interopérabilité des systèmes douaniers, et définir elle-même les cas dans lesquels elle veut demander aux Etats membres de modifier leurs décisions. Elle décidera des services publics et privés qui participent à Douane 2013 et bénéficient à titre onéreux ou gratuit, de ses banques de données, des conditions utiles pour être éligibles aux aides du programme (pays participants),

5.3.3

Tout en ayant conscience qu'une telle entreprise doit avoir un pilote efficace, le Comité s'interroge sur les possibilités de contrôle citoyen sur le système intégré et souhaite que tout soit mis en œuvre pour éviter d'aboutir à un réseau dans les mains d'hyper- techniciens qui ferait de l'arborescence une nébuleuse sur laquelle le citoyen et ses représentants n'aurait plus aucun «contrôle». Il estime que le démembrement de missions douanières au profit d'organismes indépendants ou privés tels des agences, ou des sous-traitants serait un risque de plus.

5.4   Article 17 Le budget

5.4.1

La réalisation du programme incombe en premier lieu aux pays participants (considérant 11). Le montant total à la charge du budget communautaire s'élève à 323,8 millions d'euros (exposé des motifs, pt 4. et art.16.1) et comme cela a été dit plus haut, cela ne représentera en théorie que 2 millions d'euros par Etat membre de l'Union et par an pendant 6 ans. La part des États membres qui gèrent les personnels et les infrastructures sera la plus importante dans la réalisation finale d'une douane européenne intégrée, secteur public et privé confondus.

5.4.2

Le Comité note que le projet de texte ne précise pas la répartition technique des sommes allouées que l'étude Impact Assessment  (11) indiquait à hauteur de 259,6 millions d'euros pour l'informatique et de seulement 57,4 millions d'euros pour les actions destinées aux hommes.

5.5   Art. 8, art.12.d) Formation des personnels

5.5.1

Le CESE estime que, dans les Etats membres, les personnels des entreprises, chez les opérateurs, comme dans les administrations douanières vont subir une accélération des réformes déjà entamées et que malgré les formations auxquelles ils seront appelés à participer, certains, y compris parmi les fonctionnaires, devraient pouvoir bénéficier de quasi plans sociaux en cas d'inadaptation à la restructuration, et ce durant une période transitoire qui tienne compte de la période historique dans laquelle se place ce programme (départ du marché du travail des «baby-boomers»).

5.5.2

D'autre part, dans un souci de complémentarité qu'avait déjà manifesté le CESE, le projet évoque «l'étude de la possibilité d'élaborer des activités de formation avec d'autres services publics» (Art.12 (d). Il aurait été utile que la Commission précise quels services et venant de quels destinataires du programme.

5.6   Article 13: Actions de suivi

5.6.1

Dans la mesure où la connaissance de son interlocuteur en matière de relations transfrontalières permet une plus grande confiance et une plus grande efficacité, le Comité estime que ces visites communes devraient être largement pratiquées par les agents, et pas seulement par les autorités douanières, tel que cela était l'objet dans l'ancien programme Mattheus.

6.   Recommandations du Comité

6.1

En 2005 la Communication de la Commission européenne annonçant le programme Douane 2013 estimait que le futur programme devrait «prévoir un cofinancement à partir des programmes des premier et troisième piliers» en raison de l'impossibilité de limiter les actions en la matière à un pilier spécifique. Or ce n'est le cas dans Douane 2013. Cela semble toutefois en contradiction avec d'une part la mission incombant en partie à la douane de lutter contre les grands trafics et pour la sécurité des hommes et des territoires, mission qui relève du volet JAI. Le Comité souhaite que cette possibilité de financements fondés aussi sur le troisième pilier soit examinée pour faciliter la complémentarité entre services de lutte contre la fraude et éviter les doubles coûts.

6.2

Le CESE estime nécessaire d'examiner comment faire évoluer les concepts juridiques douaniers -si ceux de droit commun n'étaient pas suffisants- avec les nouvelles configurations douanières, particulièrement sur les notions de fraude informatique, de piratage, et sur celle de la sanction: l'Union aura un marché, un réseau douanier interopérable, des administrations fonctionnant à l'unisson, des qualifications communes pour les infractions, mais des sanctions douanières qui restent différentes, ce qui ne peut qu'induire des détournements de trafic et donc un traitement différent selon le point d'entrée sur le territoire douanier, ce qui irait à l'encontre du but poursuivi par tout le dispositif.

6.3

Le remplacement du programme Mattheus par les visites de travail montre l'abandon de la notion d«'interchangeabilité» des fonctionnaires sur le territoire européen qui motivait cet ancien programme. Désormais la mobilité est sur le réseau, mais les visites de travail ne devraient pas selon le Comité être plus courtes que les échanges du passé et devraient de plus être largement pratiquées par tous les agents pour une meilleure connaissance des hommes comme des méthodes.

6.4

Le CESE estime que devrait être étudié comment le programme pourrait contribuer à mettre en place durant la période de transition que constitue 2008-2013 des aides aux personnels concernés par la «restructuration» induite par la mise en place de la douane définitivement informatisée dans les États membres, et ceci si nécessaire sous forme de quasi plans sociaux.

6.5

Le Comité voudrait voir clarifiés pour les citoyens dans le programme Douane 2013:

a)

le positionnement de l'action de la douane, avec la précision sur les services publics qui peuvent avoir accès à ses données commerciales et aux autres données, à titre gratuit et à titre onéreux,

b)

ainsi que sa place par rapport aux autres systèmes douaniers dans le monde (en relation avec les questions de sécurité);

c)

le degré de coopération (qualitatif et quantitatif) attendue des pays potentiellement candidats, des pays voisins et des pays tiers, et la part budgétaire qui y sera consacrée;

d)

la nature et le rôle attendu des organisations internationales pouvant participer à des activités organisées dans le cadre du programme.

Bruxelles, le 26 octobre 2006.

Le Président

du Comité économique et social européen

Dimitris DIMITRIADIS


(1)  JO L 33 du 4.2.1997 et JO L 13 du 19.1.2000.

(2)  JO C 174/14 du 17.6.1996.

(3)  COM(2002) 26 final — 2002/0029 (COD).

(4)  JO C 241/8 du 7.10.2002.

(5)  Idem footnote 4.

(6)  Audition du 18.09.2006 de TAXUD — A/2 — Direction Fiscalité et Douanes de la Commission européenne.

(7)  COM(2006) 201 final, p. 11.

(8)  In: Exposé des motifs, 4) Incidence budgétaire.

(9)  Communication de la Commission sur Fiscalis 2013 et Douane 2013. COM(2005) 111 final du 6.4.2005.

(10)  COM(2005) 608 final.

(11)  Commission staff working document Customs 2013Impact Assessment, p.30 — document Commission SEC(2006) 570.