52005PC0319

Proposition révisée de Règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer, par route /* COM/2005/0319 final - COD 2000/0212 */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 20.7.2005

COM(2005) 319 final

2000/0212 (COD)

Proposition révisée de

RÈGLEMENT DU CONSEIL ET DU PARLEMENT EUROPEEN

relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer, par route

EXPOSÉ DES MOTIFS

Introduction

Depuis la seconde moitié du XXe s., les opérateurs de transports publics terrestres de personnes et de fret, notamment les chemins de fer, ont dû maintenir des services commercialement non viables et ont vu leur politique tarifaire fortement encadrée.

Dans les années 1960, le rail a commencé à décliner brusquement face à la concurrence de l’automobile. En France, p. ex., la fréquentation des services ferroviaires régionaux est tombée de 6,4 à 5,2 milliards de passagers-km entre 1964 et 1969. À l’époque, l’État ne subventionnait presque pas la SNCF; dix ans plus tard, les subventions au titre des obligations de service public (OSP) avoisinaient les 2 milliards de francs. Les transports publics terrestres sont devenus structurellement déficitaires partout en Europe. Les opérateurs du secteur ont donc dû demander aux États soit de supprimer ces obligations, soit d’en compenser plus systématiquement les coûts.

Ce dossier fut l'un des premiers à être abordé dans le cadre de la politique commune des transports. Il s’agissait surtout de déterminer si les avantages, notamment financiers, octroyés par les autorités constituaient une juste compensation des OSP imposées aux opérateurs ou si ces compensations relevaient des aides d’État. L’établissement de méthodes communautaires détaillées pour calculer les compensations était donc devenu indispensable pour éviter l’application stricte des procédures en matière d’aides d’État. Faute d’un tel encadrement, la Commission européenne aurait dû examiner chacun de ces mécanismes de compensation, avec l’alourdissement considérable des procédures et le risque de paralysie du système que cela impliquait.

Après une première décision du Conseil en 1965[1], un règlement a été adopté en 1969 qui constitue aujourd’hui encore le cadre communautaire applicable aux transports publics terrestres de passagers[2].

Ce règlement, qui couvre le transport de passagers et de fret par rail, route et voie navigable, permet aux États membres d’imposer des OSP visant à garantir des prestations conformes à certaines normes tarifaires, de continuité, de régularité ou de capacité, à charge pour eux d’en compenser les coûts pour l’opérateur. Il définit les procédures à suivre avant de payer cette compensation et fixe des méthodes de calcul détaillées assurant que son montant est approprié. Les compensations attribuées suivant ces règles échappent à l’obligation de notification et d’autorisation préalable au titre de l’art. 88, par. 3, du traité.

Ce cadre législatif a été modifié pour la dernière fois en 1991 afin, notamment, d’en étendre le champ d’application aux transports locaux.

Jusqu’il y a peu, il constituait un encadrement satisfaisant dans un secteur des transports publics où les fournisseurs étaient exclusivement nationaux, régionaux ou locaux. Il est aujourd’hui inadapté et sa mise en œuvre par les acteurs concernés est particulièrement difficile dans un marché en constante évolution. Les dérogations sont la règle, notamment dans les transports publics locaux[3], où les dérogations à l’obligation de contractualisation s’avèrent peu compatibles avec la transparence et la non-discrimination qu’exige un marché de plus en plus ouvert. Par ailleurs, le règlement ne définit pas non plus les modalités d’attribution des contrats de service public. Il est devenu une source d’insécurité juridique qui se traduit déjà par une augmentation des contentieux et par la réticence des opérateurs à engager des investissements lourds alors que les règles du jeu ne sont pas clairement définies.

Les transports publics terrestres de personnes (train, métro, tram et bus urbain) représentaient en 2004 environ 150 millions de passagers transportés par jour, 1,5 million d’emplois et un chiffre d'affaires annuel estimé à 100 milliards d’euros (chiffres UE 15). Depuis une dizaine d’années, ce secteur a profondément évolué avec l'émergence d’opérateurs qui fournissent des services dans plus d’un État membre et d’autorités publiques résolues à confronter différentes offres de services de transport.

Malgré l’existence d’une offre concurrentielle qui a commencé à redynamiser le transport de passagers, la part de marché des transports publics a continué de baisser face à la concurrence de la voiture particulière. Ainsi, entre 1970 et 2001, la part de la voiture est passée de 73,8% à 78,2% alors que celle des transports en commun terrestres chutait de 24.7% à 16%[4]. Cette situation a accentué le besoin de moderniser les transports publics et d’accroître leur efficacité afin de maintenir, voire d’augmenter, leur part de marché et de les faire participer à l’amélioration de l’environnement et de la mobilité.

Sur la base de ce double constat d’inadaptation du cadre législatif communautaire et d’amélioration indispensable de l’efficacité et de la qualité des services, la Commission a présenté, en juillet 2000, une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des États membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemins de fer, par route et par voie navigable[5]. Cette proposition visait précisément à remédier à l’insécurité juridique touchant le secteur et à établir un régime concurrentiel qui mènerait à des services plus efficaces et attrayants pour les passagers. À cette fin, elle s’appuyait sur plusieurs principes :

- la contractualisation des rapports entre l’autorité compétente et le ou les opérateurs chargés de fournir les services dès lors que des compensations financières ou des droits exclusifs sont attribués ;

- la nécessité d’un réexamen périodique des clauses du contrat et donc la limitation de sa durée;

- la mise en concurrence des contrats de service public, sauf dans certains cas où leur attribution directe est possible (p. ex. sous certaines conditions pour les chemins de fer ou le métro, ou en dessous d’un certain seuil financier).

Depuis cinq ans, cette proposition est toujours bloquée au Conseil. Un compromis en vue d’une position commune n’a pas pu être trouvé, les États membres étant très divisés sur l’étendue même de l’ouverture des transports terrestres à la concurrence compte tenu, notamment, de la disparité des expériences d’ouverture qui y ont été menées.

Par ailleurs, les travaux du Conseil sont longtemps restés suspendus dans l’attente de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Altmark. Rendu en juillet 2003, il a mis fin au débat juridique sur la qualification d’aide d’État en définissant clairement la notion d’avantage financier qui en constitue le critère essentiel. Son impact est néanmoins limité pour les transports terrestres du fait de l’existence de règles spécifiques établies par le règlement (CEE) n°1191/69.

Eu égard aux nombreux amendements adoptés par le Parlement européen en première lecture en 2001 et au blocage du dossier au Conseil (cf. chap. 4), la Commission cherche aujourd’hui à réconcilier les différentes positions exprimées en révisant sa proposition à la lumière, notamment, des derniers développements jurisprudentiels (arrêt Altmark) et de son récent Livre blanc sur les services d’intérêt général (SIG).

En effet, la question de l’encadrement des modalités de compensation des OSP ne se limite pas aux transports. Elle se pose dans bien d’autres secteurs, et constitue à ce titre l’un des principaux éléments d’une vaste réflexion horizontale menée à la Commission sur le thème des SIG.

1. LES SERVICES D’INTÉRÊT GÉNÉRAL

L'expression « service d'intérêt général » n’apparaît pas dans le traité. Elle découle, dans la pratique communautaire, de l'expression « service d'intérêt économique général » qui, elle, y figure[6]. Dotée d’un sens plus large, elle couvre les services marchands et non marchands que les autorités publiques considèrent comme étant d'intérêt général et qui sont soumis à des obligations spécifiques de service public.

L'expression « services d'intérêt économique général » n’est cependant pas définie dans le traité ou dans le droit dérivé. Dans la pratique communautaire, on considère généralement qu'elle se réfère aux services de nature économique que les États membres ou la Communauté soumettent à des OSP spécifiques en vertu d'un critère d'intérêt général.

Le Livre blanc de la Commission sur les services d’intérêt général publié le 12 mai 2004[7]a tiré les conclusions du débat général actuel et a lancé une réflexion sur la façon de garantir efficacement les SIG au sein du marché intérieur sur la base d’une série de principes généraux intégrés dans les politiques communautaires.

Il souligne que, dans le domaine des SIG, les responsabilités sont partagées entre l'Union et les États membres.

Il rappelle qu’il revient « aux autorités nationales, régionales et locales compétentes de définir, organiser, financer, et gérer les services d’intérêt général ».

Au point 4.3., la Commission précise encore:

« En principe, les États membres bénéficient d'une grande latitude pour fixer les modalités de l'organisation des services d'intérêt général. En l'absence d'harmonisation communautaire, les pouvoirs publics concernés (…) sont, en principe, libres de décider de fournir eux-mêmes un service d'intérêt général ou de le confier à une autre entité (…). Néanmoins, les fournisseurs de services d'intérêt économique général, y compris les fournisseurs de services internes, sont des entreprises et sont dès lors soumis aux règles de concurrence prévues par le trait é » .

Le livre blanc souligne également que les règlements sectoriels devraient se concentrer sur « les industries de réseau comme les télécommunications, les services postaux, les transports et l’énergie, qui possèdent une dimension transeuropéenne évidente ». Les transports forment un secteur essentiel dans cette analyse car les règles sectorielles communautaires comportent un volet bien développé pour réguler la fourniture de services de transport à tous les citoyens.

Le Parlement européen, dans son rapport[8], appelle à la mise en place, en codécision avec le Conseil, d’un cadre juridique qui établisse des principes communs pour les SIG dans le droit communautaire.

Le projet de traité constitutionnel prévoit également une base juridique pour l’adoption de lois établissant les principes et les conditions, notamment économiques et financières, qui permettent aux services d’intérêt économique général d’accomplir leurs missions (art. III-122).

La présente proposition révisée de règlement procède d’une approche sectorielle en phase avec la ligne générale adoptée par la Commission dans le cadre de ce livre blanc.

2. LES OBLIGATIONS DE SERVICE PUBLIC DANS LE SECTEUR DES TRANSPORTS

2.1 L’acquis communautaire

Dans le secteur du transport, les règles communautaires permettent aux États membres de mettre en place des OSP, c.-à-d. des « obligations que, si elle considérait son propre intérêt commercial, l’entreprise de transport n'assumerait pas, ou pas dans la même mesure ni dans les mêmes conditions »[9].

Dans les transports aériens[10] ou maritimes[11], la législation communautaire exige la mise en concurrence des contrats de service public.

Dans les transports terrestres, elle se contente d’imposer des méthodes de calcul strictes du montant des compensations de service public en vertu de l’art. 73 du traité.

Cet article est mis en oeuvre par deux textes : le règlement (CEE) n°1107/70 relatif aux aides[12] et le règlement (CEE) n°1191/69 relatif aux services publics.

Le règlement 1191/69 établit le cadre général applicable aux OSP dans le transport terrestre et impose des méthodes de calcul pour les compensations correspondantes. Il permet aux États membres d’imposer ou de maintenir des OSP spécifiques[13], qu’ils sont cependant tenus de compenser si elles entraînent des coûts pour les opérateurs[14], et fixe des méthodes de calcul détaillées pour assurer des compensations équitables[15]. Les compensations octroyées suivant ces méthodes sont exemptées de l’obligation de notification à la Commission sans vérification préalable de leur qualité éventuelle d’aides d’État. Ledit règlement ne s’appliquait pas aux opérateurs effectuant principalement des services locaux ou régionaux[16].

En 1991, le règlement modificatif 1893/91 introduit les opérateurs urbains, suburbains et régionaux dans le champ d'application du texte, mais permet aux États membres de déroger à cette disposition[17]. Il prévoit comme règle générale de remplacer l'imposition d’OSP par la passation de contrats de service public[18], les autorités compétentes pouvant néanmoins continuer à imposer des servitudes pour les services urbains, suburbains et régionaux et en matière de tarification en faveur de catégories sociales particulières[19]. Cependant, le règlement modifié de 1991 ne dit pas comment les contrats de service public doivent être attribués ni, en particulier, s’ils doivent faire l’objet d’une mise en concurrence.

En effet, jusqu’à récemment, l’UE ne s’était guère préoccupée du mode d’attribution des contrats de service public dans ce secteur vu l’absence de concurrence transnationale. Il n’y avait lieu d’examiner ni les modalités d’octroi de ces dizaines de milliers de marchés locaux ni les compensations accordées aux opérateurs. La donne a changé dès lors que certains opérateurs de transport public ont répondu à des appels d’offres dans d’autres États membres et porté plainte devant les tribunaux nationaux ou devant la Commission[20] lorsqu’ils n’obtenaient pas les marchés. Certains de ces recours ont abouti devant la Cour de justice[21].

Plutôt que de réagir au cas par cas à ces plaintes, la Commission – gardienne des traités - réaffirme la nécessité d’adopter une réglementation dont l’objectif essentiel est simple : réguler la concurrence, y compris pour les régions et les villes, afin d’assurer la transparence dans l’attribution et les conditions d’exécution des contrats de service public. La mise en place d’une telle réglementation lèverait les soupçons d’aides d’État qui pèsent sur les compensations attribuées sans mise en concurrence.

2.2 L’ouverture du marché

Depuis 1969, l’environnement économique du secteur des transports publics terrestres de personnes a beaucoup changé. Les marchés de certains États membres ont commencé à s’ouvrir à la concurrence, qu’il s’agisse des transports urbains ou des chemins de fer.

Le Royaume-Uni a entamé le mouvement en 1986 en supprimant les droits exclusifs qui étaient de règle dans le secteur des transports par bus. Excepté à Londres et en Irlande du Nord, tout opérateur peut fournir les services qu’il veut. Les coûts d’exploitation ont chuté brusquement, mais la fréquentation aussi.

Cette expérience de déréglementation n'a pas été répétée au sein de l’Union. Les États membres qui ont ouvert leur marché ont plutôt développé le système dit de la « concurrence régulée », dans lequel une autorité compétente attribue un droit exclusif pour une période déterminée suite à un appel d'offres ouvert et transparent qui peut fixer le niveau de service, les normes de qualité et/ou les tarifs.

Ce système fonctionne plutôt bien et a donné de bons résultats en milieu urbain (Stockholm, Helsinki, Copenhague, Londres, Lille,…), pour des services ferroviaires régionaux (Lisbonne, nord des Pays Bas, Länder allemands) et pour des services longue distance (bus en Espagne, chemins de fer en Suède). En moyenne, la concurrence régulée va de pair avec une hausse de la fréquentation et une baisse des coûts[22]. En 2003, environ 25 % du marché des transports publics terrestres de l’UE était ainsi ouvert à la concurrence.

Cette ouverture a entraîné l’émergence de fait d’un marché international pour la prestation de services de transports publics. Au départ, certains groupes industriels privés comme Connex (F), Arriva (UK) et Concordia (N) étaient les plus actifs dans la recherche de contrats en dehors de leur pays d'origine. Nombre de ces opérateurs réalisent aujourd’hui plus de 50 % de leur chiffre d’affaires dans d’autres pays que le leur. Des groupes du secteur public, comme DB (D), NS (NL) et la RATP (F), les ont rejoints depuis. Les opérateurs nationaux historiques ont profité de cette évolution pour intervenir ou prendre des participations sur de nouveaux marchés dans leur propre pays (p. ex. la RATP, l’opérateur de transports urbains à Paris, à Mulhouse ou Clermont-Ferrand) ou en dehors (comme les NS, l’opérateur ferroviaire national néerlandais, qui ont décroché le contrat de transport ferroviaire urbain de Liverpool).

3. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION DE 2000, MODIFIÉE EN 2002

Le développement d’un marché de plus en plus concurrentiel dans le secteur des transports publics terrestres requiert un encadrement des OSP qui soit transparent et qui permette d’éviter que les compensations soient qualifiées d’aides d’État.

Le 26 juillet 2000, la Commission a proposé un règlement fondé sur les principes de contractualisation des rapports entre l’autorité et l’opérateur et de mise en concurrence des contrats de service public afin de rendre leur attribution transparente et non discriminatoire. Cette proposition prévoyait initialement une série de situations d’exception dans lesquelles l’autorité publique pouvait, sous certaines conditions, décider d’attribuer directement, sans appel d’offres, des contrats de service public :

- dans le domaine des chemins de fer, pour des raisons de sécurité ;

- dans le domaine du métro ou du métro léger, pour des raisons de coûts ou de sécurité ;

- dans le domaine des services intégrés, c.-à-d. portant sur plusieurs modes de transport, p. ex. des services de métro et d’autobus comme c’est le cas pour le contrat de la STIB à Bruxelles ou celui de la RATP à Paris, pour des raisons de coûts ou de sécurité ;

- dont la valeur annuelle était estimée à moins de 800 000 euros

Le Parlement européen a adopté, en novembre 2001, une position en première lecture qui, tout en se félicitant de la proposition, comprenait plus de cent amendements. La plus essentielle de ces modifications est l’amendement 61, dont l’effet est de protéger de la concurrence les services de transports publics de proximité[23] si l’autorité publique compétente décide de les fournir elle-même et de façon exclusive. Cette position était conditionnée par le respect d’une clause de réciprocité que la Commission a acceptée dans sa version modifiée de 2002 en l’intégrant pour la période de transition.

D’autres amendements visaient notamment à modifier la liste des exceptions (suppression de celle concernant les services intégrés, élargissement de la base dans d’autres cas) ou à allonger la durée des contrats (des contrats trop courts pouvant poser des problèmes concernant la continuité de l'approvisionnement, les investissements et le personnel) et de la période de transition.

Sur la base de cette position, la Commission a adopté, en février 2002, une proposition modifiée reprenant une partie seulement de ces amendements :

- allongement de la durée des contrats (8 ans pour les bus, 15 pour les transports ferroviaires) ;

- allongement de la période transitoire (8 ans) ;

- modification de la liste des exceptions à l’obligation de mise en concurrence, et en particulier augmentation (de 800 000 euros à trois millions d’euros) du seuil en deçà duquel l’attribution directe est possible, et suppression de l’exception en faveur des services intégrés. Les mécanismes introduits dans le cadre de l’amendement 61 n’ont néanmoins pas été repris.

Comme indiqué précédemment, les délibérations du Conseil ont rapidement montré qu’une majorité suffisante n’était pas susceptible de se dégager et qu’il n’existait pas de véritable volonté politique de voir aboutir la proposition. Vu notamment la grande disparité de leurs expériences d’ouverture respectives, les États membres ont rapidement affiché des divergences sur l’étendue même de l’ouverture des transports terrestres. De plus, sous prétexte d’attendre l’arrêt de la Cour dans l’affaire Altmark, le Conseil a arrêté ses travaux dès la fin de la présidence espagnole (1er semestre 2002) et ne les a pas repris depuis. En fait, les États membres divergeaient profondément sur des éléments clés de la proposition :

- certains États engagés à différents stades dans l’ouverture de tout ou partie du secteur des transports publics terrestres étaient généralement pour la proposition, certains d’entre eux regrettant qu’elle n’aille pas assez loin et ménage trop de possibilités d’attribution directe des contrats de service public ;

- d’autres États, notamment certains de ceux où subsistent d’importants monopoles publics dans le secteur, étaient contre la proposition et pour le statu quo ;

- les États membres se sont également divisés sur le champ d’application du règlement et sur les modes de transport qu’il doit couvrir (uniquement les bus ou tous les modes urbains, y compris les trams et métros ? Doit-il s’appliquer ou non aux chemins de fer ?).

4. L’ARRÊT ALTMARK

Suite aux évolutions récentes de la jurisprudence[24], la question de savoir si les compensations de service public dans les différents secteurs de l’économie constituent des aides d’État au sens de l’art. 87, par. 1, du traité a retenu toute l’attention ces dernières années. Le récent arrêt de la Cour de justice dans l’affaire Altmark Trans GmbH [25] a indéniablement apporté une contribution essentielle au débat. La Commission y a d’ailleurs rapidement réagi en proposant, dès février 2004, un train de mesures qui en précisent les conséquences. Ce « paquet » législatif a été adopté en juillet 2005 ; il s’applique à tous les secteurs de l’économie, sauf celui du transport terrestre, qui dispose d’une base juridique propre sur laquelle est fondé le présent règlement..

Les faits de l’espèce

L’affaire concerne un conflit entre deux petits opérateurs de transports publics de la région allemande de Stendal. En 1994, l'un d’eux s’est vu octroyer des licences d’exploitation de certaines lignes de bus sans appel d'offres. L’autre, s’estimant lésé, a contesté cet octroi et attaqué les compensations que son concurrent avait reçues des pouvoirs publics.

La loi allemande ne permettant l’attribution de certains types de compensations que sur appel d’offres, le tribunal national devait dire si les compensations en question entraient dans cette catégorie. Pour ce faire, il devait déterminer si les pouvoirs publics pouvaient les verser sans tenir compte des règles communautaires concernant les aides d'État. Dans ce but, il a posé en 2000 une question préjudicielle à la Cour sur l’interprétation des art. 73 et 87 du traité et du règlement 1191/69.

Dans son jugement rendu en juillet 2003, la Cour précise comment les dispositions du traité en matière d’aides d'État s’appliquent aux services publics en général et aux transports publics en particulier. Contrairement à certaines attentes, l’arrêt Altmark n’implique guère de changements fondamentaux pour le secteur des transports.

Les conséquences de l’arrêt dans le secteur des transports

Pour le secteur des transports terrestres de passagers, la situation juridique qui découle de l’analyse de l’arrêt « Altmark » est la suivante :

- L’arrêt confirme que, dès 1995, plusieurs États membres ont ouvert des marchés de transport à la concurrence d’entreprises établies dans d’autres États membres. Dès lors, les compensations octroyées aux opérateurs de transports publics - même aux petits opérateurs locaux - peuvent affecter les échanges entre États membres[26], et leur éventuelle qualification d’aide d’État doit en principe être examinée par la Commission.

- Concernant le secteur des transports publics terrestres en particulier, la Cour note l’existence d’un ensemble spécifique de règles pour la compensation des opérateurs concernés : celles visées à l’art. 73 du traité et dans le droit dérivé correspondant, à savoir les règlements 1191/69, 1192/69 et 1107/70[27]. En effet, l’arrêt Altmark confirme que l’art. 73 constitue une lex specialis par rapport à l’art. 86, par. 2, du traité car il établit des règles applicables aux compensations de service public du secteur des transports publics. De ce fait, les compensations contraires aux dispositions de l’art. 73, lequel a été exhaustivement mis en oeuvre par les règlements 1107/70 et 1191/69, ne constituent pas des aides d’État compatibles avec le traité sur la base de l’art. 86, par 2, ou de toute autre disposition du traité.

- L’arrêt confirme donc que les compensations en faveur des transports publics relèvent du règlement 1191/69 relatif aux services publics. Les États membres qui n’appliquent pas ces règles manquent à leur obligation de veiller à la bonne application du droit communautaire. De plus, les compensations contraires à ces dispositions sont susceptibles d’être qualifiées d’aides d'État et d’être déclarées incompatibles avec le traité.

- Enfin, l’arrêt distingue la situation des États membres qui ont mis en œuvre la possibilité de déroger aux dispositions du règlement pour le secteur des transports locaux. Dans ce cas-ci, les compensations qui ne remplissent pas les « quatre conditions Altmark » (voir ci-dessous) doivent être qualifiées d’aides d’État qui peuvent être autorisées par la Commission[28].

Cette situation juridique pose de réelles difficultés dans la mesure où, d’une part, le règlement 1191/69, applicable à la plupart des compensations en faveur des transports publics, ne correspond plus à la réalité économique du secteur et où, d’autre part, en cas de dérogation aux règles pour les transports locaux, il est très difficile de vérifier le respect des « quatre critères Altmark » car l’examen du quatrième critère est particulièrement inadapté aux spécificités du secteur.

Dans ce secteur, seule l’adoption d’un nouveau règlement qui fixe un cadre transparent pour l’octroi et la compensation des OSP permettra d’éviter l’insécurité juridique.

Les conséquences de l’arrêt pour les autres secteurs

Concernant les services publics en général, hormis les transports terrestres, la Cour a précisé les quatre conditions auxquelles une compensation relative à une OSP ne constitue pas un avantage financier et ne peut dès lors pas être qualifiée d’aide d’État :

- l’entreprise bénéficiaire est effectivement chargée de l’exécution des OSP qui sont clairement définies;

- la méthode de compensation est préétablie de façon transparente et objective;

- la compensation n’excède pas les coûts occasionnés par l’exécution des OSP;

- en l’absence d’appel d’offres, la compensation doit s’établir sur la base d’une comparaison avec une « entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée » .

Comme déjà indiqué, la Commission a, suite à cet arrêt, adopté en février 2004 un projet de décision ainsi qu’un projet d’encadrement pour l’application de l’art. 86 du traité aux compensations de service public. Toutefois, comme cet article ne concerne pas les transports, régis spécifiquement par l’art. 73, ces projets ne s’appliqueront pas aux compensations de service public dans le secteur des transports terrestres27.

5. LA NOUVELLE APPROCHE PROPOSÉE PAR LA COMMISSION

Sur base de l’analyse précédente, la Commission décide de présenter une proposition révisée qui tient compte des débats autour de son Livre blanc sur les SIG, de la jurisprudence Altmark, et des autres projets législatifs en cours concernant le transport ferroviaire des voyageurs. Elle considère que ce nouveau règlement doit être adopté dans les meilleurs délais.

La proposition révisée tend à encadrer les modalités d’intervention des autorités compétentes - attribution de droits exclusifs et de compensations d’OSP - les plus susceptibles d’influer sur la concurrence et les échanges entre les États membres.

Dans le cadre du partage des responsabilités entre la Communauté et les États membres, la Commission propose une simplification et un assouplissement de son texte ainsi qu’une meilleure prise en compte du principe de subsidiarité .

L’objectif de simplification se concrétise surtout dans un effort de clarification des mécanismes proposés et dans une diminution du nombre d’articles.

La simplification concerne en particulier les mécanismes d’attribution des contrats de service public. Elle se manifeste, p. ex., par la disparition des formules proposées aux art. 7 bis ou 8 de la proposition de 2002, qui permettaient d’attribuer les contrats de service public selon des mécanismes compliqués de comparaison de la qualité sans appel d’offres formel. La nouvelle proposition n’envisage plus que deux grands modes d’attribution : l’appel d’offres et l’attribution directe.

Cette même volonté de simplification a guidé la rédaction de l’annexe sur les règles applicables à la compensation en l’absence d’appel d’offres. Cette annexe vise à établir des méthodes objectives, transparentes et réalistes fondées sur des principes bien établis de la loi communautaire (absence de surcompensation et de subventions croisées, séparation des comptes, réalité des coûts, promotion de la qualité et de l’efficacité).

L’objectif d’ assouplissement se manifeste notamment dans la reconnaissance de la possibilité qu’ont les autorités compétentes de fournir elles-mêmes, ou via un opérateur interne, des services de transports publics sans mise en concurrence. Cette faculté dépend toutefois rigoureusement du respect d’une transparence accrue et de l’établissement de critères précis et applicables en matière de compensation des OSP. Elle est également soumise à une condition de cantonnement géographique de l’activité de l’autorité compétente ou de son opérateur interne (cf. art. 5, par. 5).

La reconnaissance de cette possibilité d’autoproduction (régie) de services de transports susceptible de s’appliquer quel que soit le mode concerné (bus, tram, métro, train, services intégrés…) s’accompagne de l’allègement de la liste des exceptions à l’obligation de mise en concurrence des contrats de service public (disparition, notamment, des exceptions en faveur de l’attribution directe des services de métro ou métro léger). L’exception concernant les services intégrés avait déjà été supprimée dans la proposition modifiée de 2002 suite à la demande du Parlement européen. Seuls le ferroviaire régional et de longue distance restent donc exonérés de cette obligation.

L’objectif d’assouplissement se manifeste aussi dans la flexibilité proposée quant à la durée des contrats à l’art. 4, par. 5 et 6, et dans l’allongement de la période transitoire pour les services de transport par rail. Enfin, la meilleure prise en compte du principe de subsidiarité se concrétise notamment dans l’approche concernant la définition du transport régional ou de longue distance ou par le maintien de seuils en dessous desquels une attribution directe est possible.

La Commission donne aussi plus de champ aux autorités publiques pour organiser en détail la mise en concurrence. Ainsi, elle ne fixe pas de liste de critères de sélection que les autorités compétentes doivent observer lors de l’attribution des contrats de service public. Elle a également renoncé à édicter, pour le seul secteur des transports publics terrestres, des règles spécifiques en matière de sous-traitance (ancien art. 9, par. 1) ou d’abus de position dominante (ancien art. 9, par. 2) qui, comme l’ont montré les débats intervenus jusqu’ici, auraient créé des rigidités inadéquates.

De même, la Commission a choisi, dans sa nouvelle proposition, de ne pas intervenir dans la définition du niveau adéquat de qualité des transports publics ou d’information des voyageurs, ce qui explique la disparition des anciens art. 4 et 4 ter. Elle entend ainsi mieux respecter la diversité des approches en la matière tout en fixant un cadre cohérent.

Cette nouvelle proposition, qui reflète la volonté de la Commission de renforcer les principes d’équité, de transparence et de publicité, assurera la sécurité juridique tout en préservant la spécificité des SIG, composante essentielle du modèle européen.

PRÉSENTATION ARTICLE PAR ARTICLE

Vue d’ensemble du règlement proposé et explication des amendements par rapport à la proposition modifiée datant du 21 février 2002[29]

Article 1 er Objet et champ d’application

L’article 1er reprend le champ d’application de la législation antérieure. Il limite les objectifs du règlement à l’encadrement des modalités d’intervention des autorités compétentes - attribution de droits exclusifs et de compensations d’OSP - les plus susceptibles d’influer sur la concurrence et les échanges entre les États membres. Les anciens art. 4, 4 bis, 4 ter, 7 bis (sauf le par. 1), 8, 9 (sauf le par. 3), 12 (sauf le par. 1), 14, et 18 sont supprimés en lien avec cette limitation et avec la contrainte de s’en tenir à l’encadrement strictement nécessaire.

Article 2 Définitions

L’article 2 définit les notions essentielles. Celles d’opérateur et de contrat de service public sont définies de manière à englober l’ensemble des relations juridiques entre les autorités et les opérateurs. Les notions d’opérateur interne, d’autorité compétente au niveau locale et de transport régional ou de longue distance par rail ont été définies dans le but de permettre l’application des possibilités d’attribution directe des contrats visées à l’art. 5.

Article 3 Contrats de service public et règles générales

Cet article reprend la teneur de l’ancien art. 3 sur l’obligation de conclure un contrat de service public avec l’opérateur choisi et simplifie l’ancien art. 10 sur les règles générales en lien avec l’objectif de limiter l’encadrement au strict nécessaire.

Article 4 Contenu obligatoire des contrats de service public et des règles générales

Cet article reprend la teneur des anciens art. 6, 6 bis, 9, par. 3, et 16 sur le contenu et la durée des contrats en tenant compte de la jurisprudence récente (arrêt « Altmark ») concernant l’obligation de définir les OSP et les modalités de calcul de leurs compensations.

Article 5 Attribution des contrats de service public

Le paragraphe 1 permet de clarifier le lien avec l’acquis communautaire en matière de marchés publics (ancien art. 2). Le paragraphe 2 reconnaît que les autorités locales ont la possibilité de fournir elles-mêmes des services de transport public ou de les confier à un opérateur interne sur lequel elles exercent un contrôle comparable à celui qu’elles exercent sur leur services, sous réserve notamment que cet opérateur limite son activité au territoire de la collectivité.

Le paragraphe 3 reprend le principe de l’attribution par appel d’offres, ainsi que l’ancien art. 12, par. 1, sur les principes applicables aux procédures de mise en concurrence. Il introduit également la possibilité de négociations.

Les paragraphes 4 (contrats de faible importance[30]), 5 (mesures d’urgence), et 6 (chemin de fer régional ou de longue distance) reprennent certaines des exceptions à l’obligation de mise en concurrence des anciens art. 7, par. 4 et 1, et 7 ter.

Article 6 Compensations de service public

Le paragraphe 1 renvoie aux dispositions de l’art. 4 et de l’annexe pour ce qui concerne les conditions et les modalités de calcul des compensations en cas d’attribution directe.

Le paragraphe 2 fixe les obligations des autorités compétentes envers la Commission en vue du contrôle de la bonne application du règlement.

Article 7 Publicité

Il détermine les instruments (rapport annuel et publication au JO de l’UE) assurant un niveau de transparence adéquat.

Article 8 Transition

Cet article reprend la teneur de l’ancien art. 17 en le simplifiant. Sur le modèle des dispositions en matière de durée des contrats, il distingue la durée de la période transitoire dans le secteur des transports par bus (8 ans) de celle du secteur des transports ferroviaires (10 ans).

Il prévoit un mécanisme d’introduction graduelle des appels d’offres et règle la question des contrats conclus avant l’entrée en vigueur du règlement.

Il maintient un principe de réciprocité transitoire.

Article 9 Compatibilité avec le traité

Cet article reprend la teneur de l’ancien art. 11. Il dispose que seules les compensations d’OSP versées en conformité avec le règlement sont compatibles avec le marché commun. De plus, il les exonère de notification.

Article 10 Abrogation

Cet article reprend la teneur de l’ancien art. 20 et prévoit en plus la totale abrogation du règlement 1107/70 devenu obsolète. En effet, l’art. 73 du traité, qui s’applique uniquement aux transports terrestres, prévoit deux possibilités d’exemption aux règles en matière d’aides d’État : pour les aides destinées à la coordination des transports (terrestres) et pour les compensations d’OSP qui constituent des aides d’État. Le règlement 1107/70 met en œuvre les modalités relatives aux exemptions au titre de la coordination. Au fil des années et compte tenu de l’évolution du secteur des transports terrestres, la Commission n’a plus eu recours aux exemptions listées dans ce règlement, mais a utilisé à leur place les instruments horizontaux d’exemption qui mettent en œuvre l’art. 87, par. 2 et 3, du traité. L’abrogation du règlement 1107/70 éliminera les restrictions (art. 3, par. 1, du règlement) relatives à l’application des dispositions prévues à l’art. 73 du traité en matière de coordination des transports terrestres.

Article 11 Suivi

Cet article prévoit un suivi par la Commission de la mise en œuvre du règlement et de l’évolution de la fourniture du transport public des voyageurs en Europe.

Annexe Règles applicables à la compensation dans les cas évoqués à l’article 6, paragraphe 1

Cette annexe simplifie l’ancienne annexe et se limite au strict nécessaire pour définir les règles applicables en l’absence d’appel d’offres.

2000/0212 (COD)

Proposition révisée de

RÈGLEMENT DU CONSEIL ET DU PARLEMENT EUROPEEN

relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer, par route

LE PARLEMENT ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment ses articles 71 et 89

vu la proposition de la Commission,

vu l’avis du Comité économique et social européen,

vu l’avis du Comité des régions,

considérant ce qui suit:

(1) L'article 16 du traité CE qui affirme la place des services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union.

(2) L'article 86, paragraphe 2, du traité dispose que les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général sont soumises aux règles du traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement de leur mission.

(3) L’article 73 du traité constitue une lex specialis à l'article 86 paragraphe 2. Il établit des règles applicables aux compensations de service public du secteur des transports terrestres.

(4) Les objectifs principaux de la politique commune des transports tels que définis dans le Livre Blanc[31] sont de garantir des services de transports sûrs, efficaces, de qualité grâce à une concurrence régulée garantissant aussi la transparence et la performance des services de transports collectifs, compte tenu notamment des facteurs sociaux, environnementaux et d’aménagement du territoire, ou en vue d’offrir des conditions tarifaires déterminées en faveur de certaines catégorie des voyageurs et d’éliminer des disparités entre entreprises de transport venant des différents États membres qui sont de nature à fausser substantiellement les conditions de concurrence.

(5) A l’heure actuelle, de nombreux services de transport terrestre représentant une nécessité en termes d’intérêt général n’offrent pas de possibilité d’exploitation commerciale. Les autorités compétentes des États membres doivent avoir la faculté d’intervenir pour assurer la fourniture de ces services. Les mécanismes qu’elles peuvent utiliser pour assurer la fourniture de services de transports publics de voyageurs comprennent notamment : l'attribution de droits exclusifs aux opérateurs, l'octroi d'une compensation financière aux opérateurs et la définition de règles générales en matière d'exploitation des transports publics, applicables à tous les opérateurs.

(6) De nombreux États membres ont élaboré des lois prévoyant l'octroi de droits exclusifs et la passation de contrats de service public pour au moins une partie de leur marché de transports publics, sur la base de procédures de mise en concurrence, transparentes et équitables. De ce fait, les échanges entre les États membres se sont sensiblement accrus et plusieurs opérateurs de transports publics fournissent aujourd'hui des services dans plus d'un État membre. Toutefois l’évolution des législations nationales a conduit à l'application de procédures disparates et a créé une incertitude juridique quant aux droits des opérateurs et aux obligations des autorités compétentes. En effet, le Règlement (EEC) n°1191/69 ne traite pas de la manière dont les contrats de service public doivent être attribués en Europe, et en particulier des circonstances dans lesquelles ils doivent faire l’objet d’une mise en concurrence. Il convient donc d'actualiser le cadre juridique communautaire.

(7) Afin d’organiser son service public de transport de la manière la plus adaptée aux besoin de ses habitants, toute autorité compétente doit pouvoir choisir librement son opérateur de transports publics, dans les conditions prévues par le présent règlement. Pour garantir l'application des principes de transparence, d'égalité de traitement des opérateurs concurrents, et de proportionnalité, lorsque des compensations ou des droits exclusifs sont octroyés, il est indispensable de définir dans un contrat entre l’autorité compétente et l’opérateur choisi la nature des obligations de service public et les contreparties accordées. La forme ou l’appellation de ce contrat peuvent varier selon les systèmes juridiques des Etats membres.

(8) Contrairement à ce que prévoyait le règlement (CEE) n°1191/69, dont le champ d’application s’étendait aux services de transports publics par voie navigable, il n’est pas considéré opportun de régler dans ce nouveau règlement la question de l’attribution des contrats de service publics dans ce secteur spécifique. L’organisation de services de transports publics par voie navigable est donc soumise au respect des principes généraux du traité.

(9) Il est indifférent, au regard du droit communautaire, que ces services de transport soient opérés par des entreprises publiques ou privées. Le présent règlement est fondé sur le principe de neutralité en ce qui concerne le régime de la propriété visé à l'article 295 du Traité, sur celui de la liberté des États membres de définir les services d'intérêt général, visé à l'article 16 du Traité, et sur ceux de subsidiarité et de proportionnalité visés à l'article 5 du Traité.

(10) Certains services sont essentiellement exploités pour leur intérêt historique ou pour leur vocation touristique. Ces opérations servant manifestement un objectif étranger à la fourniture de transports publics de voyageurs, elles ne doivent donc pas être concernées par les règles et procédures applicables aux exigences de service public.

(11) Les autorités compétentes sont responsables de l’organisation du réseau de transport public. Cette organisation peut comprendre outre la réalisation effective du service de transport, tout une série d’autres activités et fonctions que les autorités compétentes doivent être libres de remplir elles-mêmes, ou de confier soit en totalité, soit en partie à un opérateur.

(12) Les contrats de longue durée peuvent mener à la clôture du marché pendant une période inutilement longue, amoindrissant ainsi les effets bénéfiques de la pression de la concurrence. Afin de fausser le moins possible le jeu de la concurrence tout en maintenant la qualité des services, les contrats de service public devraient en principe être de durée limitée. Il est toutefois nécessaire de prévoir la possibilité de contrats plus longs lorsque l'opérateur doit investir dans des actifs dont la durée d’amortissement est exceptionnelle.

(13) Lorsque la conclusion d'un contrat de service public peut entraîner un changement d'opérateur, les autorités compétentes doivent être habilitées à demander aux opérateurs d'appliquer les dispositions de la directive 2001/23/CE, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements[32].

(14) Les études réalisées et l'expérience acquise par les États ayant introduit depuis plusieurs années la concurrence dans le secteur des transports publics montrent que, avec des clauses de sauvegarde appropriées, l'introduction d'une concurrence régulée entre les opérateurs de la Communauté permet de rendre les services plus attrayants, plus innovants et moins chers, sans entraver les opérateurs dans la poursuite des missions qui leur ont été imparties. Cette démarche est soutenue par le Conseil européen dans le cadre du processus dit de Lisbonne du 28 mars 2000 invitant la Commission, le Conseil et les États membres, dans les limites de leurs compétences respectives, à "accélérer la libéralisation dans des domaines tels que [...] le transport".

(15) Toute collectivité locale peut choisir de fournir elle-même des services publics de transport de voyageurs dans son territoire ou de les confier sans mise en concurrence à un opérateur interne. Toutefois, afin d’assurer des conditions de concurrence équitables, cette faculté d’autoproduction doit être strictement encadrée.

(16) Lorsqu’en revanche une autorité publique choisit de confier une mission de service d’intérêt général à un tiers, elle doit choisir l’opérateur dans le respect du droit communautaire des marchés publics et des concessions, tel qu’il découle des articles 43 à 49 du Traité CE ainsi que des principes de transparence, et d’égalité de traitement. En particulier, les dispositions du présent règlement s’entendent sans préjudice des obligations applicables aux autorités publiques en vertu des directives sur la passation des marchés publics, lorsque les contrats de service public relèvent de leur champ d’application.

(17) Certains appels d'offres obligent les autorités compétentes à définir et à décrire des systèmes complexes. Elles doivent donc être habilitées, lorsqu'elles attribuent ces contrats, à négocier les détails avec une partie ou avec l'ensemble des opérateurs potentiels après la soumission des offres.

(18) Les appels d'offres en vue d'attribuer des contrats de service public ne devraient pas être obligatoires lorsque le contrat porte sur des sommes ou sur un niveau de prestations kilométriques modiques.

(19) En cas de risque d'interruption de la fourniture des services, les autorités doivent être habilitées à instaurer des mesures d'urgence à court terme en attendant l'attribution d'un nouveau contrat de service public.

(20) Le transport public de passagers par chemin de fer pose des questions particulières en matière de lourdeur des investissements et de coût des infrastructures. En mars 2004, la Commission a présenté une proposition de modification de la directive 91/440, pour assurer à toute entreprise ferroviaire communautaire un accès à l’infrastructure de tous les Etats membres aux fins de l’exploitation de services internationaux de passagers.

(21) S’agissant des services publics, le présent règlement permet à chaque autorité compétente, dans le cadre d’un contrat de service public, de choisir son opérateur de service public de transport de voyageurs. Pour ces raisons, et compte tenu de la diversité de l’organisation territoriale des différents Etats membres en la matière, il est justifié de permettre aux autorités compétentes d’attribuer directement les contrats de service publics de transport régional ou de longue distance par chemin de fer. La Commission continuera de suivre attentivement l’évolution de la fourniture du transport public de voyageurs et notamment de l’accès à l’infrastructure ferroviaire en Europe ; elle consacrera un rapport à ce sujet deux ans après l’adoption du présent règlement. En outre, elle présentera un rapport de mise en œuvre du présent règlement deux ans au plus tard après son application complète.

(22) Les compensations accordées par les États membres ne peuvent en aucun cas dépasser les montants nécessaires pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution de chaque obligation de service public. Lorsqu'une autorité compétente propose d'attribuer un contrat sans mise en concurrence, elle doit aussi respecter des règles détaillées assurant l’adéquation du montant des compensations et reflétant un souci d’efficacité et de qualité des services.

(23) En vue de l’attribution des contrats de service public, les autorités compétentes doivent prendre les mesures de publicité nécessaires et le faire savoir au moins un an à l'avance, afin que les opérateurs potentiels puissent réagir.

(24) Etant donné que les autorités compétentes et les opérateurs auront besoin de temps pour s’adapter aux dispositions du présent règlement, il convient de prévoir des régimes transitoires qui tiennent compte des spécificités des différents modes de transports.

(25) Pendant la période de transition, l'application des dispositions du présent règlement par les autorités compétentes s'effectuera vraisemblablement à des moments différents. Il se pourrait donc qu'au cours de cette période, des opérateurs provenant de marchés non encore soumis aux dispositions du présent règlement soumissionnent pour des contrats sur des marchés ouverts plus rapidement à la concurrence régulée. Pour prévenir, par une action proportionnée, tout déséquilibre dans l'ouverture du marché des transports publics, les autorités compétentes doivent avoir la faculté de refuser les offres soumises par des entreprises exerçant la majorité de leurs activités sur des marchés dont l'ouverture est prévue mais pas encore effective, à condition qu'il n'y ait pas de discrimination et que la chose ait été décidée préalablement à l'appel d'offres.

(26) Dans son arrêt Altmark Trans GmbH, la Cour de justice des Communautés européennes a indiqué que les compensations de service public ne constituent pas des avantages au sens de l'article 87 du traité CE, sous réserve que quatre critères cumulatifs soient remplis (arrêt du 24 juillet 2003, affaire C-280/00, paras 87 à 95, Rec. I-7747). Lorsque ces critères ne sont pas remplis, et que les critères généraux d'applicabilité de l'article 87, paragraphe 1, du traité sont réunis, les compensations de service public constituent des aides d'Etat soumises aux dispositions des articles 73, 86, 87 et 88 du traité.

(27) Des compensations de service public peuvent se révéler nécessaires dans le secteur du transport terrestre de voyageurs afin que les entreprises en charge de services publics fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui permettent d'accomplir leurs missions. Dans la mesure où de telles compensations auraient le caractère d’aide d’Etat, elles peuvent être compatibles avec le traité en application de l'article 73 du traité sous certaines conditions. D’une part, elles doivent être attribuées pour assurer la prestation de services qui sont effectivement des services d'intérêt général au sens du traité. D’autre part, afin d'éviter des distorsions de concurrence non justifiées, elles ne sauraient dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts nets occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable.

(28) Les compensations accordées par les États membres en conformité avec les dispositions du présent règlement peuvent donc être exemptées de la notification préalable prévue à l'article 88 paragraphe 3 du traité.

(29) Le présent règlement remplace le règlement (CEE) du Conseil n°1191/69 du 26 juin 1969, relatif à l’action des Etats membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable[33] ; il y a donc lieu d’abroger le dit règlement.

(30) Le champ d’application du règlement (CEE) n° 1107/70 du Conseil, du 4 juin 1970, relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable[34] est couvert par le présent règlement. Ce règlement apparaissant aujourd’hui obsolète, il convient de l’abroger pour permettre d’appliquer l’article 73 du Traité de manière adaptée à l’évolution permanente du secteur, sans préjudice du présent règlement et du règlement (CEE) n° 1192/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer[35].

ONT ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

Article premier

Objet et champ d'application

1. Le présent règlement a pour objet de définir comment, dans le respect des règles du droit communautaire, les autorités compétentes peuvent intervenir dans le domaine des transports publics de voyageurs pour assurer la fourniture de services d’intérêt général qui soient notamment plus nombreux, plus sûrs, d’une meilleure qualité ou d’un prix inférieur à ceux que le simple jeu du marché aurait permis de fournir .

A cette fin, le présent règlement définit les conditions dans lesquelles les autorités compétentes compensent les opérateurs de transport des coûts supportés pour respecter les obligations de service public et accordent des droits exclusifs pour l'exploitation de services de transports publics de voyageurs.

2. Le présent règlement s'applique à l'exploitation nationale et internationale de services de transports publics de voyageurs par chemin de fer et autres modes ferroviaires et par route, à l’exception des services qui sont essentiellement exploités pour leur intérêt historique ou leur fonction touristique.

Article 2

Définitions

Aux fins du présent règlement, on entend par:

( a ) "transports publics de voyageurs": les services d’intérêt économique général de transports organisés par l’autorité compétente et offerts au public sans discrimination et sur une base continue ;

(b) "autorité compétente": tout pouvoir public, ou groupement de pouvoirs publics, d’un Etat membre, ayant compétence pour organiser les transports publics de voyageurs et pour attribuer des contrats de service public dans une aire géographique donnée, ou tout organe investi d’un tel pouvoir ;

(c) "autorité compétente au niveau local" : tout autorité compétente dont l’aire géographique de compétence n’est pas nationale.

(d) "opérateur de service public" : toute entreprise ou groupement d’entreprises de droit public ou privé qui exploite des services de transport public de voyageurs ou tout organisme public qui fournit des services de transports publics de voyageurs ;

( e) "obligation de service public" : l’exigence définie ou déterminée par une autorité compétente, en vue de garantir des services d’intérêt général de transports de voyageurs qu’un opérateur, s’il considérait son propre intérêt commercial, n’assumerait pas ou n’assumerait pas dans la même mesure ou dans les mêmes conditions sans contrepartie;

(f) "droit exclusif": droit réservant la possibilité à un opérateur d'exploiter certains services de transports publics de voyageurs sur une ligne, un réseau ou dans une zone donnés, à l'exclusion d'autres opérateurs ;

(g) "compensation de service public" : tout avantage, notamment financier, octroyé directement ou indirectement par une autorité compétente au moyen de ressources publiques pendant la période de mise en œuvre de l’obligation de service public ou lié à cette période ;

(h) "attribution directe": attribution d'un contrat à un opérateur donné en l’absence de toute procédure de mise en concurrence préalable ;

( i ) "contrat de service public" : un ou plusieurs actes juridiquement contraignant manifestant l’accord entre une autorité compétente et un opérateur en vue de confier à l’opérateur la gestion et l’exploitation des services soumis aux obligations de service public ; le contrat peut, selon le droit de Etats Membres, également consister en une décision arrêtée par l’autorité compétente :

- prenant la forme d’un acte individuel législatif ou réglementaire, ou

- qui contient des conditions sous lesquelles l’autorité compétente fournit elle-même les services ou confie la fourniture de ces services à un opérateur interne ;

(j) "opérateur interne" : une entité juridiquement distincte sur laquelle l’autorité compétente exerce un contrôle complet et analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services. Aux fins de déterminer l’existence d’un tel contrôle, des éléments tels que le niveau de présence au sein des organes d’administration, de direction ou de surveillance, les spécifications y relatives dans les statuts, la propriété, l’influence et le contrôle effectifs sur les décisions stratégiques et sur les décisions individuelles de gestion doivent être considérés.

( k) "valeur": la valeur d'un service, d'une ligne, d'un contrat, d'un régime d'indemnisation, pour les transports publics de voyageurs, correspondant à la rémunération totale, hors TVA, du ou des opérateurs, y compris les compensations, quelle qu’en soit la nature, versées par les pouvoirs publics et les recettes provenant de la vente des titres de transport qui ne sont pas reversées à l'autorité compétente en question ;

(l) "règle générale" : mesure qui s’applique sans discrimination à tous les services de transport d’un même type dans une aire géographique donnée pour laquelle une autorité compétente est responsable.

(m) "transport régional ou de longue distance" : service de transport qui ne répond pas aux besoins en transport d’un centre urbain ou d’une agglomération, ou des liaisons entre une agglomération et ses banlieues.

Article 3

Contrats de services publics et règles générales

1. Lorsqu’une autorité compétente décide d’octroyer à l’opérateur de son choix un droit exclusif ou une compensation, quelle qu’en soit la nature, en contrepartie de la réalisation d’obligations de service public, elle doit le faire dans le cadre d’un contrat de service public.

2. Par dérogation au paragraphe 1, les obligations de service public qui visent à établir des tarifs maximum pour l’ensemble des passagers ou pour certaines catégories de passagers peuvent être soit inclues dans un contrat de service public, soit faire l’objet de règles générales. L’autorité compétente compense, en vertu des principes définis à l’article 4, 6 et à l’annexe, les opérateurs des coûts nets supportés pour respecter les obligations tarifaires établies au travers de règles générales.

Article 4

Contenu obligatoire des contrats de service public et des règles générales

1. Les contrats de service publics et les règles générales doivent définir clairement les obligations de service public que l’opérateur doit remplir, et les territoires concernés.

2. Les contrats de service publics et les règles générales doivent établir à l’avance de façon objective et transparente les paramètres sur la base desquels chaque compensation doit être calculée. Ces paramètres sont déterminés de façon que chaque compensation ne puisse en aucun cas excéder le montant nécessaire pour couvrir les coûts nets occasionnés par l’exécution de chaque obligation de service public, en tenant compte des recettes y relatives conservées par l’opérateur ainsi que d’un bénéfice raisonnable.

3. Les contrats de service publics et les règles générales définissent les modalités de répartition des coûts liés à la fourniture des services. Ces coûts comprennent notamment les coûts de personnel, d’énergie, de maintenance et de réparation du matériel roulant et le cas échéant les coûts fixes et une rémunération appropriée des capitaux propres.

4. Les contrats de service publics et les règles générales définissent les modalités de répartition des recettes liées à la vente des titres de transport qui peuvent être conservées par l’opérateur, reversées à l’autorité compétente ou partagées entre eux.

5. La durée des contrats est limitée et ne dépasse pas huit ans pour les services d'autobus et quinze ans pour les services de transport par rail. La durée des contrats de service public portant sur plusieurs modes de transports est limitée à quinze ans si les transports par rail représentent plus de 50 % de la valeur des services en question.

6. Si nécessaire, compte tenu des conditions d’amortissement des actifs, la durée du contrat peut, au maximum, être allongée de moitié si l'opérateur fournit des éléments d'actif à la fois significatifs au regard de l'ensemble des actifs nécessaires à la réalisation des services de transport qui font l’objet du contrat de service public et exclusivement liés aux services de transports objets de ce contrat.

7. Dans le cadre du contrat, l’autorité compétente peut demander à l’opérateur sélectionné d’offrir au personnel préalablement engagé pour fournir les services les droits dont il aurait bénéficié s’il y avait eu transfert au sens de la directive 2001/23/CE. L’autorité recense le personnel et donne des précisions sur ses droits contractuels.

Article 5

Attribution des contrats de service public

1. Les paragraphes 2 à 6 du présent article s’entendent sans préjudice des obligations applicables aux autorités compétentes découlant des directives 92/50[36], 93/36[37], 93/37[38] et 93/38[39] telles que modifiées et des directives 2004/17[40] et 2004/18[41] sur la passation des marchés publics.

2. Toute autorité compétente au niveau local peut décider de fournir elle-même des services de transports publics ou d’attribuer directement des contrats de service public à un opérateur interne, à condition que l’opérateur interne et toute entité sur laquelle celui-ci détient une influence même minime exercent l’intégralité de leurs activités de transport public de voyageurs à l’intérieur du territoire de l’autorité compétente et ne participent pas à des mises en concurrence organisées en dehors du territoire de l’autorité compétente.

3. Toute autorité compétente qui recourt à un tiers doit attribuer les contrats de service public par voie d’appel d’offres, sauf dans les cas visés aux paragraphes 4, 5 et 6. La procédure adoptée pour l’appel d’offres est ouverte à tout opérateur, équitable, et respecte les principes de transparence et de non discrimination. Après la soumission des offres et une éventuelle présélection, elle peut donner lieu à des négociations dans le respect de ces principes, afin de préciser les éléments permettant de répondre au mieux à la spécificité ou à la complexité des besoins.

4. Les autorités compétentes peuvent décider d’attribuer directement des contrats de service public dont la valeur annuelle moyenne est estimée à moins de un million d’euros ou qui ont pour objet la fourniture annuelle de moins de 300 000 kilomètres de services de transport.

5. En cas de rupture des services ou de risque imminent d’apparition d’une telle situation, l’autorité compétente peut prendre une mesure d’urgence. Cette mesure d’urgence prend la forme d’une attribution directe ou d’un accord formel d’extension d’un contrat de service public. L’attribution ou l’extension d’un contrat par mesure d’urgence ne dépasse pas la durée qui est nécessaire à l’autorité compétente pour organiser une nouvelle procédure d’attribution de contrat conformément aux dispositions du présent règlement et ne dépasse en tout cas pas un an.

6. Les autorités compétentes peuvent décider d’attribuer directement des contrats de service public de transport régional ou de longue distance dans le domaine du chemin de fer.

Article 6

Compensations de service public

1. Toute compensation liée à une règle générale ou à un contrat de service public doit être conforme aux dispositions fixées à l’article 4, quelles que soient les modalités d’attribution du contrat. Toute compensation, quelle qu’en soit la nature, liée à un contrat attribué directement conformément à l’article 5 paragraphes 2, 4, 5 ou 6 ou liée à une règle générale doit se conformer en outre aux dispositions fixées à l’annexe.

2. Sur demande écrite de la Commission, les Etats membres lui communiquent dans un délai de vingt jours ouvrables ou tout autre délai plus long fixé dans cette demande, toutes les informations que la Commission considère nécessaires pour déterminer si les compensations attribuées sont compatibles avec le présent règlement.

Article 7

Publicité

1. Chaque autorité compétente rend public une fois par an un rapport détaillé sur les obligations de service public relevant de sa compétence, les opérateurs retenus, ainsi que les compensations et les droits exclusifs qui leur sont octroyés en contrepartie. Ce rapport permet le contrôle et l’évaluation des performances et de la qualité du réseau de transport public au regard de la meilleure utilisation des fonds publics.

2. Chaque autorité compétente prend les mesures nécessaires afin qu’au plus tard un an avant le lancement de la procédure d’appel d’offres ou un an avant l’attribution directe soient publiées au Journal Officiel de l’Union européenne au minimum les informations suivantes:

a) Le nom et les coordonnées de l’autorité compétente ;

b) Le type d’attribution choisie ;

c) Les services et les territoires concernés par l’attribution.

Article 8

Transition

1. Les paragraphes 2 à 6 du présent article s’entendent sans préjudice des obligations applicables aux autorités compétentes découlant des directives 92/50[42], 93/36[43], 93/37[44] et 93/38[45] telles que modifiées et des directives 2004/17[46] et 2004/18[47] sur la passation des marchés publics.

2. Chaque autorité compétente veille à ce que :

a) la moitié au moins de ses contrats de service public de transport par autobus, en valeur, soit attribuée conformément au présent règlement dans un délai de quatre ans à dater de l’entrée en vigueur du règlement ; et

b) la totalité de ses contrats de service public de transport par autobus soit attribuée conformément au présent règlement dans un délai de huit ans à dater de l’entrée en vigueur du règlement.

3. Chaque autorité compétente veille à ce que :

a) la moitié au moins de ses contrats de service public de transport par rail, en valeur, soit attribuée conformément au présent règlement dans un délai de cinq ans à dater de l’entrée en vigueur du règlement ; et

b) la totalité de ses contrats de service public de transport par rail soit attribuée conformément au présent règlement dans un délai de dix ans à dater de l’entrée en vigueur du règlement.

4. Pour les contrats de service public portant sur plusieurs modes de transport, les périodes de transition prévues au paragraphe 3 s’appliquent si les transports par rail représentent plus de 50 % de la valeur des services en question.

5. Pour l’application des paragraphes 2, 3 et 4, il n’est pas tenu compte des contrats de service public attribués avant l’entrée en vigueur du présent règlement selon une procédure de mise en concurrence équitable, pour autant qu’ils aient une durée limitée et comparable aux durées prévues à l’article 4 paragraphe 5 du présent règlement. Ces contrats peuvent se poursuivre jusqu’à leur échéance.

6. Les autorités compétentes peuvent, durant la seconde moitié des périodes de transition visées aux paragraphes 2 et 3, exclure de la participation aux attributions de contrats par appel d’offres les opérateurs qui ne peuvent pas apporter la preuve que la valeur des services de transport public pour lesquels ils bénéficient d’une compensation ou d’un droit exclusif attribués conformément au présent règlement représente au moins la moitié de la valeur de l’ensemble des services de transport public pour lesquels ils bénéficient d’une compensation ou d’un droit exclusif. Pour l’application de ce critère, il n’est pas tenu compte des contrats attribués par mesure d’urgence visés à l’article 5 paragraphe 5.

Lorsque les autorités compétentes appliquent cette possibilité, elles le font sans discrimination, elles excluent tous les opérateurs potentiels répondant à ce critère, et elles informent les opérateurs potentiels de leur décision au début de la procédure d’attribution des contrats de service public.

Elles informent la Commission de leur intention d’appliquer cette disposition deux mois au moins avant la publication de l’appel d’offres.

Article 9

Compatibilité avec le Traité

Dans la mesure où elles constituent des aides d’État au titre de l’article 87, paragraphe 1, seules les compensations versées en conformité avec le présent règlement sont compatibles avec le marché commun. Ces compensations sont exonérées de l’obligation de notification préalable visée à l’article 88 (3) du Traité.

Article 10

Abrogation

1. Le règlement (CEE) n° 1191/69 est abrogé.

2. Le règlement (CEE) n° 1107/70 est abrogé.

Article 11

Suivi

1. La Commission présentera un rapport sur l’évolution de la fourniture du transport public de voyageurs en Europe deux années après l’adoption du présent règlement.

2. La Commission présentera un rapport sur la mise en œuvre du présent règlement deux années au plus tard après la fin de la période de transition visée à l’article 8 paragraphe 3.

Article 12

Entrée en vigueur

Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne .

Le présent règlement entre en vigueur le XXX jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne .

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Fait à Bruxelles, le

Par le Parlement Par le Conseil

Le Président Le Président

ANNEXE

Règles applicables à la compensation dans les cas évoqués à l’article 6, paragraphe 1

1. Les compensations liées à des contrats attribués directement conformément à l’article 5, paragraphes 2, 4, 5 ou 6 ou celles liées à une règle générale doivent être calculées conformément aux règles visées dans la présente annexe.

2. La compensation ne peut pas excéder un montant correspondant à l'effet financier net qui correspond à la somme des incidences - positives ou négatives - du respect de l'obligation de service public sur les coûts et les recettes de l'opérateur. Les incidences sont calculées en comparant la situation où l'obligation de service public est remplie, avec la situation qui aurait existée si l'obligation n'avait pas été remplie et si les services concernés par l'obligation avaient été exploités aux conditions du marché.

3. Le calcul de l'effet financier tient compte de l'effet que le respect de l'obligation de service public a sur la demande de services de transports sur l’ensemble du réseau concerné.

4. Le calcul des coûts et des recettes doit être effectué en conformité avec les principes comptables en vigueur.

5. Afin d’augmenter la transparence et d’éviter les subventions croisées, lorsqu'un opérateur exploite à la fois des services compensés soumis à des obligations de service transport public et d'autres activités, la comptabilité desdits services publics doivent faire l'objet de divisions particulières satisfaisant au moins aux conditions suivantes:

- les comptes correspondant à chacune de ces activités d'exploitation sont séparés et la part des actifs correspondants et les coûts fixes sont affectés selon les règles comptables en vigueur;

- les coûts liés à d'éventuelles autres activités de l’opérateur couvrent tous les coûts variables, une contribution adéquate aux coûts fixes, et un bénéfice raisonnable. Ces coûts ne peuvent en aucun cas être imputés au service public en question ;

- les coûts de service public sont équilibrés par les recettes d'exploitation et les versements des autorités publiques, sans transfert possible des recettes vers un autre secteur d'activité de l’opérateur.

6. Par bénéfice raisonnable, il convient d'entendre un taux de rémunération du capital habituel au secteur qui doit prendre en compte le risque, ou l'absence de risque encouru par l'opérateur du fait de l'intervention de l’autorité publique.

7. La méthode de compensation doit inciter au maintien ou au développement

- d'une gestion efficace par l'opérateur, qui puisse être objectivement appréciée, et

- de la fourniture de services de transport d'un niveau de qualité suffisant.

[1] Décision 65/271 du 13 mai 1965 relative à l’harmonisation de certaines dispositions ayant une incidence sur la concurrence dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

[2] Règlement (CEE) n°1191/69 du Conseil du 26 juin 1969 relatif à l'action des États membres en matière d'obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 156 du 28.6.1969, p. 1), modifié en dernier lieu par le règlement (CEE) n° 1893/91 (JO.L 169 du 29.6.1991, p. 1).

[3] Art. 1, par. 1 et 5, pour les services urbains, suburbains ou régionaux.

[4] Sources : EU energy and transport in figures, 2003.

[5] COM (2000) 7 final - 2000/0212 (COD), modifié par COM (2002) 107 final.

[6] Art. 86, par. 2.

[7] COM(2004) 374 final.

[8] Résolution du Parlement européen sur le Livre vert du 14 janvier 2004 (T5-0018/2004 du 14.1.2004) ( rapport Herzog ).

[9] P. ex. art. 2, par. 1, du règlement (CEE) n°1191/69.

[10] Règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (JO L 240 du 24.08.1992, p. 1).

[11] Règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime) (JO. L 364 du 12.12.1992, p. 7).

[12] Règlement 1107/70 du 4 juin 1970 relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

[13] L’obligation d’exploiter, l’obligation de transporter et l’obligation tarifaire – art. 2 du règlement.

[14] Art. 6, par. 2, du règlement (CEE) n°1191/69.

[15] Art. 3-13 du règlement (CEE) n°1191/69.

[16] Art. 19, par. 2, du règlement (CEE) n°1191/69 (texte original de 1969).

[17] Art. 1er, par. 1, du règlement (CEE) n°1191/69.

[18] Art. 1er, par. 4, du règlement (CEE) n°1191/69.

[19] Art. 1er, par. 5 et 6, du règlement (CEE) n°1191/69.

[20] Infraction 2003/5033 (DE) - marchés publics des services de transport locaux et régionaux – Lettre de mise en demeure du 13 octobre 2004.

[21] Arrêt du TPI du 16 mars 2004 Danske Busvognmænd contre Commission T-157/01 « Combus » et arrêt du 24 juillet 2003 dans l’affaire C-280/00, Altmark Trans GmbH et Regierungspräsidium Magdeburg/Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH.

[22] Voir Report on public transport contracting , Colin Buchanan and partners, 2002, chapitre 2 (http://europa.eu.int/comm/energy/en/fa_2_fr.html).

[23] La notion de proximité était définie de la façon suivante : « lorsque l’aire du service de transport n’est pas supérieure à 50 kilomètres ».

[24] Arrêt du 27 février 1997 FFSA T-106/95 (Rec 1997 p. II-0229) et arrêt du 10 mai 2000 SIC T-46/97 (Rec 2000 p. II-2125). Arrêt du 22 novembre 2001 Ferring C-53/00 (Rec. p. I-9067). Voir aussi les conclusions présentées par l’avocat général Jacobs le 30 avril 2002 dans l'affaire GEMO (C-126/01) et confirmées par l’arrêt du 20 novembre 2003.

[25] Arrêt du 24 juillet 2003 dans l’affaire C-280/00, Altmark Trans GmbH et Regierungspräsidium Magdeburg/Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH.

[26] Arrêt Altmark, points 77-82.

[27] Règlement 1191/69 du Conseil du 26 juin 1969 relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine de transport par chemin de fer, par route, et par voie navigable; Règlement 1192/69 du Conseil du 26 juin 1969 relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer ; Règlement 1107/70 du Conseil du 4 juin 1970 relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

[28] La Commission ne peut autoriser ce type d’aide d’État que sur la seule base du règlement 1107/70 (voir art. 3, par. 1).

[29] COM (2002)107 final

[30] Source : Union internationale des transports publics (UITP).

[31] COM (2001) 370 final.

[32] JO. L.82 du 22.3.2001, p.16.

[33] JO L 156 du 28.6.1969, p.1, modifié en dernier lieu par le règlement (CE) N° 1893/91 (JO L 169 du 29.6.1991, p. 1).

[34] JO.L.130 du 15.6.1970, p. 1; règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n 543/97 (JO. L .84 du 26.3.1997, p. 6).

[35] JO.L.156 du 28.06.1969, p. 0008 - 0020

[36] Directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services JO L 209 du 24.7.1992, p.1.

[37] Directive 93/36/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, JO L 199 du 9.8.1993, p. 1.

[38] Directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, JO L 199 du 9.8.1993, p.54.

[39] Directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, JO L 199 du 9.8.1993 p.84.

[40] Directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux, JO L 134 du 30.4.2004, p.1.

[41] Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services , L 134 du 30.4.2004, p.114.

[42] Voir note de bas de page n°35.

[43] Voir note de bas de page n°36.

[44] Voir note de bas de page n°37.

[45] Voir note de bas de page n°38.

[46] Voir note de bas de page n°39.

[47] Voir note de bas de page n°40.