52005DC0626

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur les résultats de la consultation ouverte par le Livre vert sur les marchés publics de la défense et les futures initiatives de la Commission {SEC(2005) 1572} /* COM/2005/0626 final */


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Bruxelles, le 6.12.2005

COM(2005) 626 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPEEN

sur les résultats de la consultation ouverte par le Livre vert sur les marchés publics de la défense et les futures initiatives de la Commission{SEC(2005) 1572}

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPEEN

sur les résultats de la consultation ouverte par le Livre vert sur les marchés publics de la défense et les futures initiatives de la Commission.

L’objet de la présente communication de la Commission est de rendre compte des contributions des parties prenantes à la consultation lancée par le livre vert – les marchés publics de la défense[1]. La Commission présente également les mesures qu’elle envisage de prendre dans le cadre du suivi au livre vert.

I. CONTEXTE

1. Contexte politique

Dans le cadre du développement de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), les États membres commencent à voir dans l’Union européenne une structure propice à l’amélioration de la coordination des capacités militaires et du rapport coût efficacité des dépenses d’armement ainsi qu’au renforcement de la compétitivité de la base industrielle et technologique européenne dans ce domaine. La création de l’Agence européenne de défense (ADE) en juillet 2004 a représenté un important pas en avant dans la réalisation de ces objectifs.

En mars 2003, parallèlement aux efforts déployés par les États membres, la Commission européenne a lancé une initiative en vue de la mise en place d’un marché européen pour les équipements de défense. (European Defence Equipment Market: EDEM)[2], qui prévoyait un certain nombre de mesures dans des domaines où la Communauté est compétente (par exemple, les marchés publics, les transferts intracommunautaires, la normalisation, la recherche).

Les activités dans le domaine des marchés publics de la défense font ainsi partie d’une initiative globale actuellement menée aux niveaux communautaire et intergouvernemental.

2. Caractéristiques du marché de la défense

Les marchés des équipements de défense sont des marchés spécifiques.

Les budgets combinés de la défense des États membres représentent quelque 169 milliards d’euros dont environ 82 milliards d’euros pour la passation de marchés publics. 85% des dépenses de défense et 90 % des capacités industrielles de l'UE sont concentrées dans les six principaux pays producteurs d'armements[3].

Les marchés de la défense couvrent un large éventail de produits et de services allant du matériel non militaire tel que le matériel de bureau et de restauration aux systèmes d’armes et aux matériels extrêmement sensibles, tels que les équipements de codage ou les armes nucléaires, biologiques et chimiques (NBC). De nombreux systèmes d’armes sont complexes et intègrent des technologies perfectionnées. Élaborés pour répondre aux besoins particuliers d’un très petit nombre de clients, ils se caractérisent souvent par de longs cycles de développement et de vie et des coûts non récurrents élevés. Il en résulte que les gouvernements des pays producteurs assument une part importante des coûts de recherche et de développement. Le caractère sensible des équipements de défense pour les intérêts des États membres en matière de sécurité peut différer selon les circonstances politiques et militaires. En règle générale, cependant, ce caractère sensible est proportionnel à la complexité technologique et à l’importance stratégique de l’équipement.

En raison des spécificités d’un grand nombre de produits de la défense, les gouvernements jouent un rôle prédominant tant en qualité de client que de régulateur. Dans le même temps, ils entretiennent une relation traditionnellement étroite avec leurs fournisseurs, dans laquelle la confidentialité et la sécurité de l’approvisionnement revêtent une importance particulière.

Étant donné que l’organisation et le fonctionnement des marchés de la défense sont étroitement associés à la sécurité et à la politique de défense des États membres, les marchés de l’UE restent fragmentés au niveau national. Cette fragmentation est en fait la principale caractéristique de la demande en Europe (25 clients nationaux) et de son cadre réglementaire (25 ensembles de règles et de procédures différents).

3. Le cadre juridique des marchés publics de la défense et son application

Le droit communautaire des marchés publics et en particulier son application, représentent également un facteur important de fragmentation des marchés en Europe. Le livre vert et la présente communication concerne cet aspect particulier du problème.

Selon le droit communautaire, les contrats de défense relèvent des règles du marché intérieur. Ainsi, la directive 2004/18/CE[4] relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux de fournitures et de services s’applique aux marchés publics passés par les pouvoirs adjudicateurs dans le domaine de la défense, sous réserve de l’application de l’article 296 du traité («article 296»[5]). Ce dernier autorise les États membres à déroger aux règles communautaires pour la passation de marchés d’armes, de munitions et de matériel de guerre aux fins de la protection des intérêts essentiels de leur sécurité. Á l’inverse, les marchés publics d’objets autres que des armes, des munitions et du matériel de guerre ainsi que d'armes, de munitions et de matériel de guerre ne mettant pas en cause les intérêts essentiels de sécurité, sont couverts par les règles communautaires.

Cependant, comme le concept des intérêts essentiels de sécurité est assez vague, l’application de l’article 296 a toujours été très difficile. Conformément au paragraphe 2 de cet article, une liste d’armes, de munitions et de matériel de guerre couverts en principe par la dérogation a été adoptée par le Conseil en 1958. Cette liste est toutefois assez générique et il n’est donc pas toujours évident de déterminer quelles règles devraient s’appliquer à quels marchés de la défense.

D’une part, le matériel non produit à des fins militaires n’est pas inclus dans la liste basée sur l’article 296 et ne mets donc (normalement) pas les intérêts essentiels de sécurité en cause; la directive sur les marchés publics s’applique en conséquence. D’autre part, des équipements de défense hautement sensibles figurent dans la liste de 1958 et mettent manifestement les intérêts essentiels de sécurité en cause; dans ce cas, le recours à l’article 296 est légitime. Toutefois, les États membres achètent également des équipements qui présentent les caractéristiques particulières des matériels de défense mais qui ne sont pas (nécessairement) d’une importance essentielle pour leurs intérêts en matière de sécurité. Cette catégorie forme une «zone d’ombre» majeure où l’application de l’article 296 est moins évidente.

Dans la pratique, la majorité des États membres recourent presque automatiquement à la possibilité d’exempter pratiquement tous les marchés d’armement des règles communautaires, sans souvent tenir compte des conditions définies par le traité et la Cour européenne concernant l’application de l’article 296[6]. 10% seulement des avis de marché sont publiés par les ministères de la défense contre 20% en moyenne par les administrations centrales (25% en excluant la défense)[7]. En conséquence, la plupart des marchés d’armement sont passés sur la base de règles de passation de marché nationales qui comportent des critères de sélection, des procédures de publication, etc. très différents. Les États membres agissent ainsi en partie parce qu’ils considèrent que la directive sur les marchés publics n’est pas toujours adaptée à l’achat de matériel de défense.

Il est généralement admis que la fragmentation des règles nationales de passation de marchés publics et leur application pratique ont pour effet de limiter la transparence et la concurrence sur les marchés de la défense. Il en résulte des conséquences négatives pour l’efficacité des dépenses publiques, les capacités militaires des États membres et enfin, pour la compétitivité de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE)

Le livre vert a tenté de définir des propositions d’action au niveau communautaire pour améliorer cette situation.

4. Le livre vert

De janvier à avril 2004, la Commission a organisé plusieurs ateliers avec des experts nationaux et des représentants de l’industrie pour collecter les informations techniques nécessaires à l’élaboration du livre vert et déterminer les attentes des différentes parties concernées.

Le 23 septembre 2004, la Commission a adopté le livre vert et engagé la consultation publique, invitant toutes les parties intéressées à formuler des commentaires sur les moyens d’améliorer la réglementation européenne en matière de passation de marchés publics de défense. Le livre vert présente des propositions concernant des parties du marché qui ne sont pas couvertes par l’article 296 et relèvent donc des règles communautaires.

La Commission a proposé deux initiatives communautaires:

- Une communication interprétative, précisant le droit existant et notamment les principes réagissant l’application de la dérogation à l’article 296.

- Une directive proposant de nouvelles règles plus souples pour l’achat d’armes, de munitions et de matériel de guerre ne mettant pas en cause les intérêts essentiels de sécurité. Ces nouvelles règles devraient tenir compte de toutes les particularités de ces marchés d’armement.

Les deux solutions ont été présentées comme ne s’excluant pas mutuellement. Toutefois, la Commission a bien précisé que dans chaque scénario, les États membres pourraient toujours invoquer l’article 296 pourvu que les conditions définies dans le traité (et confirmées par la jurisprudence de la Cour de justice européenne) soient strictement respectées.

Dans le même temps, les deux options ne concerneraient que les marchés de la défense passés par les autorités nationales dans le marché intérieur européen. Le commerce des armes avec des pays tiers continuerait d’être régi par les règles de l’OMC, et notamment l’article 23 de l’accord sur les marchés publics (AMP) qui autorise les États membres à déroger à l’accord lui-même lorsque leurs intérêts essentiels de sécurité sont en cause.

II. RÉSULTATS DE LA CONSULTATION

1. Participation

Durant la période de consultation de six mois, des réunions bilatérales, des séminaires et des réunions de groupe de travail ont permis à la Commission d’expliquer son initiative et d’obtenir une idée plus précise de ce qui intéresse et préoccupe les parties prenantes. À l’issue de la consultation, la Commission avait reçu quarante contributions de seize États membres, d’institutions et de l’industrie[8]. Compte tenu du caractère sensible du sujet et du nombre relativement faible d’acteurs concernés, la Commission estime qu’il s'agit d’un bon niveau de participation.

2. Avis

Toutes les contributions portent un jugement favorable sur le livre vert et soutiennent la Commission dans son objectif de contribuer à surmonter le cloisonnement des marchés et de renforcer la concurrence intra européenne grâce à un ensemble approprié de règles de passation de marchés publics de défense.

La vaste majorité des parties prenantes partage l’évaluation faite par la Commission dans le livre vert. Ils reconnaissent que l’article 296 est souvent interprété de manière erronée et estiment que les directives sur les marchés publics sont souvent inadaptées aux marchés de la défense en dépit des adaptations récentes. Les principaux obstacles relevés sont les suivants:

- Les procédures d’appel d’offres ouvertes basées sur la publication au Journal officiel de l’Union européenne ne sont pas compatibles avec les exigences en matière de confidentialité.

- Le recours à la procédure négociée – qui est la seule procédure appropriée – et trop limitée et incorrectement définie;

- Les critères de sélection reposent uniquement sur les aspects, techniques, économiques et financiers et les conditions essentielles de sélection des offres dans le secteur de l’armement – telles que la sécurité des approvisionnements, la confidentialité et l’urgence – sont absentes;

- Les règles applicables aux spécifications techniques, aux délais et aux contrats de suivi sont inappropriées.

La quasi-totalité des parties prenantes soutiennent une initiative communautaire dans le domaine des marchés publics de la défense et excluent l’option en faveur du statu quo. En ce qui concerne les instruments présentés comme solution possible, les parties prenantes expriment une diversité d’avis:

2.1 Communication interprétative

(1) Une majorité de parties prenantes estime qu’une communication interprétative est utile. Les arguments avancés en sa faveur sont les suivants:

- C’est une mesure non législative qui pourrait être préparée rapidement;

- Elle exposerait en détail les principes définis par la Cour de justice en ce qui concerne l’application de l’article 296 et pourrait donc réduire le risque d’une interprétation erronée et assurer ainsi une meilleure application du droit existant par les États membres (ainsi qu’une utilisation plus régulière des procédures d’appel d’offres)

- En l’absence de toute nouvelle mesure législative, elle offrirait à la Commission une base juridique plus évidente et plus solide pour l’application des règles prévues pour les marchés publics.

(2) Seule une minorité de parties prenantes exprime des doutes quant à l’utilité d’une communication ou y sont opposées. Les arguments à l’encontre d’une communication sont les suivants:

- Celle-ci ne modifierait en rien le cadre juridique existant et ne contribuerait pas à l’établissement d’un cadre réglementaire plus homogène.

- Les principes définis par le traité et la jurisprudence correspondante sont suffisamment clairs et devraient être bien connus de toutes les parties prenantes; une clarification supplémentaire est donc inutile.

- Une communication ne préciserait que les modalités d’application de l’article 296 sans spécifier pour quels marchés, étant donné qu’elle ne pourrait clarifier le concept des intérêts essentiels de sécurité ni préciser la liste de 1958 (ces deux mesures faisant partie des prérogatives des États membres). L’incertitude quant au champ d’application de l’article 296 ne serait donc pas levée.

- La décision sur la question de savoir si les marchés de la défense mettent en cause les intérêts essentiels de sécurité est politique davantage que juridique. Une approche purement légaliste et rigide d’un problème de définition politique pourrait entraîner une confusion encore plus grande et accroître le nombre de litiges qui se situent à la limite d’application de l’article 296.

- Une communication interprétative ne dissiperait pas les réticences des États membres à appliquer la directive sur les marchés publics dans le secteur de la défense. Son effet, en matière de transparence et de concurrence, se limiterait donc essentiellement au matériel autre que l’armement. Cela pourrait déboucher sur des économies en marge des marchés de la défense mais ne répondrait pas à l’objectif principal de l’initiative (c’est-à-dire améliorer le rapport coût efficacité des marchés de la défense et la compétitivité de la base industrielle et technologique de défense européenne).

2.2 Directive sur la défense

Le tableau général en ce qui concerne une directive sur la défense est plus complexe:

(1) Une majorité de parties prenantes considère qu’une directive sur la défense serait utile. Ses principaux avantages seraient les suivants:

- En coordonnant les réglementations nationales dans certains secteurs des marchés de la défense, une directive contribuerait à l’établissement d’un cadre réglementaire plus homogène dans l’UE;

- Étant juridiquement contraignante, une directive permettrait d’améliorer la transparence, la non discrimination et le traitement égal dans certains secteurs des marchés de la défense.

- Elle pourrait offrir des règles nouvelles, plus souples et plus adaptables pour la passation de marchés de la défense qui ne sont pas couverts par l’article 296 et pour lesquels la directive existante risque d’être trop rigide et inappropriée.

- Elle pourrait prendre en considération les caractéristiques particulières des marchés de la défense qui ne sont pas abordées ni correctement traitées par la directive actuelle, telles que:

- un système de publication centralisée approprié;

- l’utilisation générale de la procédure négociée (qui permettrait aux pouvoirs adjudicateurs, après un appel d’offres, de consulter les entreprises sélectionnées et de négocier les conditions du marché avec elles);

- la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs de recourir à la procédure négociée sans publication préalable d’un avis d’appel d’offres dans certain cas définis tels que l’urgence à des fins militaires;

- l’application de nouveaux critères de sélection spécifiques lors de l’évaluation des offres, tels que la confidentialité et la sécurité de l’approvisionnement;

- des clauses visant à assurer une concurrence adéquate tout le long de la chaîne d’approvisionnement, en particulier pour améliorer l’accès des PME au marché;

- des clauses d’harmonisation des pratiques de compensation.

- Une directive ne supprimerait pas la difficulté de définir les limites d’application de l’article 296 mais elle pourrait offrir suffisamment de souplesse pour devenir une alternative crédible aux procédures nationales. Dans ce cas, la directive pourrait désamorcer la difficulté à choisir entre les règles communautaires et l’article 296.

(2) Parmi ceux qui trouvent la directive utile, les avis diffèrent cependant en ce qui concerne la planification et les conditions d’application:

- Certaines parties prenantes considèrent que le travail doit commencer;

- D’autres préfèrent attendre de voir si la législation actuelle sera suffisamment clarifiée;

- Certains font valoir que des conditions politiques et économiques doivent être satisfaites dans d’autres domaines (en ce qui concerne, par exemple, la structure de la base industrielle ou la mentalité des acheteurs) afin de donner les mêmes chances aux fournisseurs non nationaux avant de commencer à travailler à l’élaboration d’une directive;

- D’autres estiment que l’élaboration de la directive pourrait servir de catalyseur à des réformes dans ces domaines connexes.

(3) Un petit nombre seulement de parties prenantes est explicitement opposé à la directive pour des raisons largement différentes:

- s’agissant d’une mesure législative, il n’est guère probable qu'elle soit réalisée rapidement;

- la directive existante offre suffisamment de souplesse et un nouvel instrument législatif ajoutant une réglementation supplémentaire n’est donc pas nécessaire;

- la directive n’aurait qu’un impact limité, soit parce que sa conception et sa mise en œuvre prendraient trop de temps, soit parce qu’elle ne s’appliquerait pas à des marchés de grandes valeurs (qui souvent mettent en cause les intérêts essentiels de sécurité des États membres et continueraient donc de faire l’objet d’une dérogation à l’article 296);

- Elle créerait trois processus de passation de marchés séparés avec de nouvelles limites entre les divers segments de marché. Cela pourrait entraîner une restriction au droit d’application de l’article 296 et compliquer la délimitation des champs d’application respectifs des directives sur les marchés civils et de défense.

Pour résumer, même s’il est très difficile de tirer une conclusion générale ou une tendance générale unique, il apparaît effectivement qu’une majorité de parties prenantes sont favorables à une communication interprétative et ne sont pas opposées à une directive. Quelques divergences se manifestent en ce qui concerne le délai d’adoption de cette dernière.

Les préférences accordées à une communication interprétative ou à une directive, également en ce qui concerne le délai d’adoption, ne suivent pas les clivages traditionnels entre les États membres de grandes et petites tailles, producteurs et non producteurs. Il en va de même dans l’industrie, où des différences apparaissant entre les associations européennes et nationales et entre les associations de l’industrie de l’armement et les associations des autres industries. Le Parlement européen s’est clairement prononcé en faveur d’une démarche exhaustive combinant une communication interprétative et une nouvelle directive adaptée aux spécificités du secteur de la défense, (combinée à la mise au point d’un code de conduite intergouvernemental – voir ci-après).

Toutes les parties prenantes ont demandé à la Commission à être étroitement associées ainsi qu’à participer activement au développement et à la mise en œuvre des solutions qu’ils soutiennent.

3. Élargir le débat

Durant la période de consultation, plusieurs parties prenantes ont proposé d’autres options que celles mentionnées dans le livre vert.

- Nombreux sont ceux qui expriment le besoin d’une transparence et d’une concurrence accrues y compris dans le domaine couvert par l’article 296. Pour répondre en partie à ce besoin, les ministères de la défense ont chargé l’Agence européenne de défense (ADE) d’étudier la possibilité d’élaborer un code de conduite intergouvernemental pour favoriser la concurrence intra européenne dans ce secteur du marché. Ce code serait un instrument politique mais juridiquement non contraignant qui compléterait les instruments communautaires et poursuivrait le même objectif dans un segment différent du marché de la défense. Il pourrait également inclure un système de notification sur l’application de l’article 296.

- D’autres envisagent un instrument intergouvernemental comme solution provisoire/étape intermédiaire vers l’élaboration d’une directive communautaire. Bien que les deux instruments couvriraient des segments de marché différent, il serait souhaitable, de ce point de vue, de favoriser la convergence des politiques nationales de passation de marché avant de coordonner les règles nationales dans ce domaine.

- Certains estiment cependant qu’un instrument intergouvernemental de ce type pourrait être une alternative aux initiatives communautaires. De ce point de vue, une directive ne serait acceptable que si le code se révélait inefficace.

Par ailleurs, la quasi-totalité des parties prenantes font remarquer que les marchés publics ne sont que l’un des aspects de la construction EDEM. Ils soulignent la nécessité que toute initiative communautaire dans le domaine du droit des marchés publics s’accompagne de mesures dans d’autres domaines, ce qui est considéré comme une condition préalable indispensable à l’établissement d'un marché de la défense intérieur efficace et pour offrir des chances égales à l’industrie. Dans ce contexte, les parties prenantes font état de dispositions concernant la sécurité de l’approvisionnement, les transferts et les transits, l’harmonisation des politiques d’exportation, les aides d’État, les pratiques de compensation et la privatisation complète de l’ensemble des entreprises européennes travaillant dans le secteur de la défense.

Les parties prenantes expriment également leurs préoccupations en ce qui concerne les conditions d’accès au marché européen, notamment en regard de la situation déséquilibrée avec certains pays tiers. Elles s’attendent à ce que toutes les mesures soient prises au niveau communautaire pour favoriser un accès réciproque, en particulier avec les États-Unis, et soulignent la nécessité de renforcer la compétitivité des industries européennes sur les marchés mondiaux.

III. ÉVALUATION PAR LA COMMISSION ET INITIATIVES FUTURES

Le processus complet de consultation montre que le cadre législatif appliqué aux marchés publics de la défense ne fonctionne pas correctement dans la pratique pour les différentes raisons énumérées plus haut. Des initiatives appropriées doivent donc êtres prises afin d’améliorer une situation jugée presque unanimement comme peu satisfaisante. La Commission est prête à jouer son rôle dans la réalisation de cet objectif.

(1) D’une part, la distinction entre les achats d’armements mettant en cause les intérêts essentiels de sécurité en application de l’article 296 et les achats d’armements qui ne mettent pas les intérêts essentiels de sécurité en cause n'est pas claire ou, du moins pas perçue de la même façon par tous les États membres. Il en résulte que l’application de la dérogation reste problématique.

La Commission adoptera en conséquence une «Communication interprétative sur l’application de l’article 296 du traité dans le domaine des marchés publics de la défense» en 2006. Cette communication rappellera les principes régissant l’application de la dérogation, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice et précisera les critères sur la base desquels États membres doivent décider si les conditions d’application de la dérogation sont remplies ou non.

Bien qu’elle offre une sécurité juridique et une orientation supplémentaire pour les États membres, une communication interprétative ne modifiera pas le cadre juridique actuel. Elle le clarifiera simplement afin d’en rendre la mise en œuvre plus uniforme.

Conformément au principe d’amélioration de la réglementation, la communication interprétative sera accompagnée d’une analyse d’impact appropriée visant à vérifier si elle est réellement susceptible de procurer des avantages.

Comme la communication interprétative s’appliquera également à des thèmes en rapport avec la libre circulation des marchandises, elle pourrait avoir d’autres conséquences, notamment sur les transferts intra UE de biens de défense. De telles conséquences seront dûment prises en considération dans la rédaction de la communication.

(2) D’autre part, une simple clarification peut se révéler insuffisante. La consultation a également confirmé que l’actuelle directive sur les marchés publics, même dans sa version révisée, peut se révéler inadaptée à grand nombre de marchés de la défense car elle ne prend pas certaines caractéristiques spéciales de ces marchés en considération.

La Commission estime en conséquence qu’une directive coordonnant les procédures nationales d'acquisition des biens (armes, munitions et matériel de guerre) et des services de défense représenterait l'instrument approprié pour améliorer la situation. Cette directive pourrait tenir compte de tous les besoins particuliers des marchés publics de la défense et offrir de nouvelles règles de passation de marchés publics de la défense plus souples qui seraient suivies dans les cas ou la dérogation à l’article 296 ne peut s’appliquer.

Conformément au principe de l’amélioration de la réglementation, une telle directive sera également soumise aux analyses d’impact pertinentes qui se termineront en 2006 avant la soumission d’une éventuelle proposition

La Commission suivra également avec grand intérêt l’élaboration du code de conduite actuellement préparé par l’AED. Ce code, d’application volontaire et non contraignante, vise à améliorer la transparence et la concurrence également dans un autre segment du marché étant donné qu’il s’appliquerait lorsque les conditions d’application de l’article 296 sont satisfaites. Ce type d’initiative intergouvernementale compléterait utilement les initiatives prises au niveau communautaire.

[1] COM (2004) 608 du 23 septembre 2004

[2] Communication de la Commission «vers une politique de l’Union européenne en matière d’équipements de défense», 11 mars 2003.

[3] UK, FR, DE, IT, ES, SV

[4] Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés public de travaux, de fournitures et de services. Á compter du 31 janvier 2006, cette directive remplacera les directives 92/50/CEE, 93/36/CEE et 93/98/CEE. L’exception relative à l’article 296 restera inchangée en substance.

[5] Conformément au paragraphe 1 de cet article: « (a) aucun État membre n’est tenu de fournir des renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité; (b) tout État membre peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché commun en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires».

[6] Voir Johnston , affaire 222/84; Commission/Espagne, affaire C-414/97

[7] Source: base de données TED

[8] Toutes les contributions reçues sont publiées en langues originales à l’adresse suivante: http://www.europa.eu.int/comm/internal_market/publicprocurement/dpp_en.htm