52005DC0079

Communication de la Commission - Développer l’agenda de la politique extérieure de l'aviation de la Communauté {SEC(2005) 336} /* COM/2005/0079 final */


Bruxelles, le 11.03.2005

COM(2005) 79 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Développer l’agenda de la politique extérieure de l'aviation de la Communauté

{SEC(2005) 336}

COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Développer l’agenda de la politique extérieure de l'aviation de la Communauté

I. LE NOUVEAU CONTEXTE

1. Les arrêts du 5 novembre 2002 de la Cour de justice des Communautés européennes, dit « Ciel ouvert »[1], ont marqué le point de départ d’une politique extérieure de l'aviation de la Communauté (CE), que cette communication vise à développer, au regard des enjeux économiques pour l’industrie européenne.

Cette jurisprudence affirme des compétences communautaires en matière de services aériens internationaux. Alors que traditionnellement ces services étaient régis par des accords bilatéraux entre Etats, arrive ainsi avec la CE un nouvel acteur de taille dans les relations extérieures de l’aviation.

2. Pour réussir ce changement, une approche progressive a été retenue. Dans deux Communications[2] qui ont suivi les arrêts, la Commission européenne a défini des orientations et des mécanismes pour répondre à cette nouvelle donne à la fois juridiquement et politiquement. Depuis lors, les Institutions et les Etats membres ont développé des modes d’action et de coopération en matière de transport aérien international.

Sous l’angle juridique, les arrêts « Ciel ouvert » signifient que les Etats membres ne peuvent agir seuls dans la négociation d’accords de services aériens internationaux ; ces services doivent dorénavant être traités comme un objet d’intérêt commun avec la CE. Cela veut dire d’abord que les 2000 accords bilatéraux existants sont à adapter pour se conformer au droit communautaire. A cette fin, une nouvelle complémentarité est à développer entre Etats membres et Communauté, sous peine de paralyser chacun, et surtout les opérateurs.

Sous l’angle économique et politique, la mise en place d’une politique extérieure de l’aviation a pour contexte la volonté de la CE d’appuyer la réforme de l’aviation civile internationale vers plus de flexibilité et d’ouverture, par une action tant bilatérale que multilatérale. Concrètement, cela implique de développer des accords non plus entre Etats membres et pays tiers mais entre la CE et ces pays, selon un double agenda indissociable :

- créer de nouvelles perspectives économiques par une ouverture la plus grande possible des marchés et des possibilités d’investissement. A l’image du marché intérieur, cette approche devrait avoir des effets positifs tant pour les usagers, qui pourraient bénéficier de services meilleurs, plus variés et moins chers, que pour les opérateurs, qui gagneraient nouvelles opportunités et compétitivité. L’ouverture économique devrait enfin catalyser l’innovation au profit de tout le secteur;

- assurer des conditions de concurrence équitables, à savoir promouvoir la convergence réglementaire, que ce soit les conditions économiques d’exploitation des marchés (mise en œuvre du droit de la concurrence, subventions publiques ou normes plus spécifiquement liées à l’aviation comme les systèmes de réservation, l’assistance en escale,...) ou les règles sociales, environnementales, de sécurité ou de sûreté.

Ces deux facettes se renforcent mutuellement pour former un modèle ambitieux et équilibré, qui sert de référentiel pour la CE dans son approche des relations aériennes internationales. Ce n’est pas pour autant un modèle intangible : chaque accord qui pourrait être proposé devrait être modelé au cas par cas pour répondre de façon adaptée aux intérêts mutuels des parties et révéler une réelle valeur ajoutée, notamment selon :

- l’importance du partenariat envisagé économiquement et politiquement,

- le degré d’ouverture des marchés,

- l’environnement réglementaire déjà développé, en particulier la politique appliquée pour garantir une concurrence équitable.

De plus, cet agenda doit se développer en totale synergie avec la promotion d’un développement durable du secteur aérien. En agissant d’une seule voie, la Communauté sera la mieux placée pour s’attaquer aux effets négatifs de la croissance de l’aviation sur l’environnement, notamment en termes de changement climatique[3].

3. Une telle politique est inspirée à la fois par la réussite de la CE dans l’aviation au niveau interne et par sa capacité sans équivalent à relever les défis externes qui sont une clé essentielle de la prospérité de son secteur aérien.

Le contexte économique plaide clairement en ce sens avec une croissance continue du trafic international dans le futur alors que la CE tient déjà un rôle important dans le paysage aérien mondial (voir SEC(2005) 336). Aussi, l’industrie aérienne, si elle a ses propres contraintes et caractéristiques, ne peut plus longtemps s’isoler du reste des opérateurs pleinement engagés dans l’économie globale. Son capital doit pouvoir s’internationaliser, sa compétitivité croître grâce à une concurrence de portée mondiale et ses services hors CE gagner en nombre et en qualité, au plus grand bénéfice des usagers.

Au plan interne, une politique embrassant l’ensemble des conditions économiques, sociales et environnementales du transport aérien est à présent en place. En visant la compétitivité durable du transport aérien, elle place ce secteur dans le sillage direct du processus de Lisbonne. En parallèle à l’ouverture du marché, la CE a instauré un cadre réglementaire aujourd’hui quasi-complet pour un fonctionnement efficace et sûr de l’aviation civile. On peut citer notamment le premier texte de sûreté aérienne en 2002[4], la création de l’Agence Européenne de Sécurité Aérienne[5], ou encore en 2004, l’ambitieuse initiative de navigation aérienne pour créer le Ciel unique européen[6].

Reste pourtant un handicap de taille : alors que la politique commerciale commune a permis à la CE de dominer à présent le commerce international, le marché aérien unifié par la politique commune des transports ne comporte pas une dimension extérieure suffisante. Or, la réussite du marché intérieur, et de celui de l’aviation en particulier, tient autant à sa réalisation interne qu’à sa projection externe[7]. Sans cette dernière, l’on court le risque non seulement d’entraver le développement de la politique interne mais aussi de nuire à la compétitivité de l’industrie européenne.

Alors que le transport aérien reste un des domaines où la CE n’a pas jusqu’ici exercé pleinement sa force de représentation et de négociation[8], on ne peut ignorer les atouts propres de la CE pour :

- faire reconnaître le cadre réglementaire développé en quinze ans en son sein, qui lui donne une expérience sans équivalent en matière d’aviation civile. En tant que modèle inédit d’intégration régionale, elle ouvre des perspectives uniques de coopération avec d’autres régions du monde.

- exercer, unie et d’une seule voix, un poids considérable dans les relations extérieures, comme dans la politique commerciale mais aussi dans d’autres domaines dans lesquels ses relations bilatérales sont en progression constante avec le monde entier, avec des partenariats étroits et équilibrés.

- offrir des politiques d’accompagnement variées à ses partenaires, que ce soit en termes de coopération au développement, de partenariat de développement technologique ou d’assistance technique.

II. L’APPROCHE COMMUNAUTAIRE A METTRE EN OEUVRE

Les arrêts « Ciel ouvert » identifient trois domaines relevant de la compétence communautaire exclusive: les systèmes informatisés de réservation, les tarifs intracommunautaires et les créneaux horaires, chacun d’eux étant entièrement régi par une législation communautaire. En fait, un acquis bien plus étendu est à présent en place. Ceci a un impact concret sur le champ de la politique extérieure de l’aviation. Par exemple, la correspondance entre droit de trafic et créneau horaire, domaine du ressort communautaire, importe dans une négociation. De même, des clauses sur la sûreté et la sécurité du transport aérien dans un accord doivent être négociées de façon cohérente avec l’acquis de la CE dans ces domaines.

Certes, la reconnaissance de cet ensemble de compétences communautaires sur le plan externe a naturellement causé des incompréhensions et des difficultés chez les Etats membres comme chez les pays tiers, habitués depuis un demi-siècle à gérer ces questions sur le mode national et bilatéral. Reste que le passage inéluctable de relations fondées sur des accords bilatéraux à une politique orchestrée au niveau communautaire est progressivement compris, même si la Commission a dû maintenir ou ouvrir des procédures d’infractions face à des situations persistantes d’illégalité.

Le but de la politique communautaire reste d’abord de tirer les conséquences de la jurisprudence « Ciel ouvert » et d’assurer de façon générale la conformité avec le droit communautaire de tous les accords de services aériens internationaux entre Etats membres et pays tiers. Reste que le véritable outil de cette politique à long terme doit être la conclusion d’accords ambitieux entre la CE et ses partenaires à travers le monde. Si la négociation d’un accord avec les Etats-Unis est une première étape essentielle, d’autres accords doivent suivre en fonction des intérêts de l’industrie aérienne européenne.

1. POURSUIVRE LA MISE EN CONFORMITÉ DES ACCORDS BILATÉRAUX EXISTANTS AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE

Cet objectif posé par la jurisprudence « Ciel ouvert » est impératif pour la CE et ses Etats membres mais aussi les pays tiers concernés, le secteur aérien européen et les usagers. Il est doublement essentiel :

- pour garantir les mêmes droits à tous les opérateurs communautaires à l’extérieur, en vertu du principe de non-discrimination ancré dans le traité CE, mais aussi renforcer l’industrie européenne en facilitant les rapprochements entre compagnies ;

- pour éviter que les relations commerciales fondées sur ces accords ne soient ébranlées par des incertitudes juridiques, voire in fine rompues en cas de statu quo persistant.

Il faut donc le réaliser efficacement dans des délais raisonnables. Pour cela, il y a une complémentarité à exploiter entre les outils disponibles, porteuse de plus de flexibilité comme d’efficacité.

1.1. Le premier outil est la négociation bilatérale par un Etat membre , telle qu’encadrée par le Règlement (CE) 847/2004[9], qui prévoit l’insertion dans l’accord discuté de clauses types qui reflètent la compétence communautaire.

Cela permet la mise en conformité des accords existants dans le cadre des contacts réguliers des Etats membres avec leurs partenaires. C’est ainsi conjuguer continuité et développement des services aériens internationaux avec respect de la nouvelle donne communautaire en la matière.

Les clauses types prévues par le Règlement ont été élaborées et établies conjointement entre la Commission et les Etats membres. Par souci de flexibilité, il est aussi prévu un examen par comitologie des situations où ces clauses n’ont pas pu être introduites dans un accord. Dans ces cas, peut être autorisée la conclusion des accords ne portant pas atteinte aux objectifs de la politique commune des transports de la CE, et qui n’enfreindraient pas par ailleurs le droit communautaire. Reste en particulier qu’un accord n’incluant pas la clause de désignation communautaire (qui permet à tout transporteur communautaire régulièrement établi sur le territoire de l’Etat membre concerné d’être désigné pour opérer en vertu de cet accord) affecterait les objectifs de cette politique commune. En effet, en violation du principe de libre établissement prévu à l’article 43 du traité CE, un tel accord maintient entre compagnies communautaires une discrimination fondée sur la nationalité, pérennisant ainsi des différences anormales d’accès aux marchés extérieurs.

Une cinquantaine d’accords bilatéraux liant Etats membres et pays tiers ont été amendés. Néanmoins, il reste un nombre élevé d’accords devant faire l’objet à leur tour d’une adaptation pour être conformes au droit communautaire.

1.2. Le second outil est la négociation bilatérale au niveau communautaire dans le cadre du mandat dit « horizontal » , qui permet d’insérer par le biais d’un accord négocié par la Commission les clauses types nécessaires dans l’ensemble des accords conclus entre les Etats membres et un pays tiers donné.

Un tel accord a l’avantage d’économiser au pays tiers, grâce à une seule et unique négociation, une série de négociations individuelles avec les Etats membres avec lesquels il est lié. La sécurité juridique ainsi rapidement rétablie, les relations commerciales peuvent se développer sans entrave. Un accord horizontal ne touche pas aux droits de trafic et à l’équilibre des accords conclus avec les Etats membres.

Avec désormais six négociations réussies (Chili, Géorgie, Liban, Azerbaïdjan, Croatie, Bulgarie), et une série de négociations planifiées, les conditions semblent propices pour progresser par ce biais à un rythme plus soutenu.

1.3. Sans préjudice de ce qui précède, la Commission veillera, en tant que gardienne des traités, au plein respect du droit communautaire, notamment à la correction juridique conformité des accords existants.

Ceci étant, l’ampleur de la tâche exige d’entamer un véritable travail en tandem et utiliser tous les outils à disposition, de façon à la fois pragmatique et volontariste. Chaque moyen doit être épuisé de façon coordonnée pour ne pas avoir à dresser prématurément un constat d’échec lourd de conséquences juridiques et économiques pour les relations entre Etats membres et pays tiers. Notamment, en cas de difficultés dans leurs négociations, les Etats membres devront soutenir la Commission en vue de conclure des accords horizontaux pour légaliser leurs relations avec un pays tiers.

Ainsi, non seulement les progrès réalisés par les Etats membres à force de ténacité avec un nombre croissant de pays tiers mais aussi les avancées de la Commission par des accords horizontaux ou globaux seront des éléments importants pouvant faciliter l’application du Règlement 847/2004.

2. ETABLIR PROGRESSIVEMENT DES ACCORDS AMBITIEUX ENTRE LA COMMUNAUTÉ ET DES PAYS TIERS

Dès juin 2003, un premier mandat a été accordé à la Commission pour négocier un accord global avec les Etats-Unis . La conclusion de cet accord reste prioritaire. Cela scellerait l’intégration des deux plus grands marchés aériens au monde et serait un signal fort sur la voie d’un nouveau cadre régulateur de l’aviation civile internationale.

Les discussions ont jusqu’à lors permis des progrès non négligeables, en particulier l’acceptation de la clause de désignation communautaire (soit la possibilité pour toute compagnie européenne de voler vers les Etats-Unis au départ de tout aéroport européen), ainsi que la définition d’un cadre pour une convergence réglementaire notamment pour la sécurité et une coopération accrue dans la mise en œuvre du droit de la concurrence.

Ceci étant, alors qu’un déséquilibre de départ résulte des accords bilatéraux existants entre certains Etats membres et les Etats-Unis, il a été impossible de rétablir une situation plus favorable aux intérêts communautaires. Alors que les opérateurs américains jouissent d’un accès au marché intérieur de l’aviation de la CE, il n’est pas encore acquis que des droits équivalents soient ouverts aux transporteurs communautaires aux Etats-Unis.

Après des consultations techniques durant une période marquée par les élections américaines, la Commission entend poursuivre les discussions sur le fond sur base des conclusions du Conseil transports de juin 2004, en vue d’un accord plus équilibré.

D’autres mandats de négociation ont été donnés à la Commission en vue d’accords avec la Roumanie, la Bulgarie, les pays des Balkans occidentaux et la Maroc, dont le contenu ambitieux devrait dépasser les aspects commerciaux pour tendre à une coopération large entre les parties.

Ces premiers mandats préfigurent :

- un Espace aérien commun avec les pays voisins, et

- la conclusion d’accords globaux avec d’autres régions du monde présentant un intérêt évident pour l’industrie européenne.

2.1. Créer un Espace aérien commun avec les pays voisins

En consacrant ses premières propositions, après les Etats-Unis, aux pays voisins de l’Union élargie, la Commission[10] traduit la priorité évidente qu’elle place sur ces pays: pour des raisons économiques (avec des marchés essentiellement tournés vers la CE), mais aussi de politique aérienne (plus d’efficacité, de sécurité et de sûreté des opérations) et comme contribution sectorielle à la politique de voisinage de l’Union.

La diversité des pays concernés amène à distinguer entre différents groupes. Au demeurant, l’objectif à terme doit être à l’horizon 2010 un Espace aérien commun rassemblant la CE et l’ensemble des partenaires situés à ses frontières sud et est. Ses parties partageraient les mêmes règles pour l’exploitation des marchés, non seulement d’un point de vue économique mais aussi en matière de trafic aérien, de sécurité ou de sûreté aérienne.

2.1.1. Un premier groupe correspond aux pays engagés dans une coopération paneuropéenne dans le domaine de l’aviation et placés dans une logique de pré-adhésion avec la CE. Avec eux, un accord aérien complet inspiré du marché intérieur de l’aviation devrait être recherché. A l’instar des précédents élargissements, cet effort de rapprochement en amont permettrait à ces partenaires d’anticiper efficacement leur adhésion en stimulant les réformes économiques et administratives nécessaires. La formule basée sur l'Espace aérien européen commun (EAEC) serait répliquée. Alors que des négociations ont déjà repris en ce sens avec la Roumanie, la Bulgarie et les Balkans occidentaux, la Turquie devrait également y participer.

2.1.2. Un deuxième groupe est constitué par les pays bordant la frontière méditerranéenne, et avec lesquels, dans le cadre du processus de Barcelone, l’UE a déjà noué des relations très étroites. Avec eux, la Commission recommande des accords aériens euro-méditerranéens dont les objectifs clés sont l’ouverture des marchés, des conditions équitables d’exploitation mais aussi plus de sécurité, de sûreté et de respect de l’environnement, et de soutenir ces pays dans le développement de leur secteur aérien. Dès les négociations d’un tel accord avec le Maroc sur la voie du succès, un partenariat similaire avec les autres voisins méditerranéens de la CE devra être recherché sans tarder, à négocier dans un cadre d’ensemble, même si le cas échéant des spécificités sont à considérer pour certains pays.

2.1.3. La Russie est une priorité, en tant que pays voisin mais aussi pour des motifs qui lui sont propres, tant au plan économique que politique. Avec un trafic extérieur tourné à 75% vers la CE pour les passagers, ce pays devrait se voir proposer un accord large comprenant plusieurs volets spécifiques, visant à la fois ouverture économique et coopération pour rapprocher les marchés et développer le potentiel industriel. Un tel accord s’inscrirait dans le fil de l’Accord de Partenariat et de Coopération de 1994 et de l’ambition posée en 2003 de créer avec ce pays quatre espaces communs, dont un espace économique commun. Il permettrait aussi de mettre un point final à un contentieux préjudiciable à l’industrie européenne, en fixant les modalités de la suppression des paiements pour les droits de survol de la Sibérie, dont le principe a été arrêté dans le cadre des négociations en vue de l’adhésion russe à l’Organisation Mondiale du Commerce.

Si la Commission présente d’ores et déjà une recommandation pour l’autoriser à mener des négociations avec la Russie, des propositions pour d’autres pays pourraient suivre le moment venu, sur base d’une analyse spécifique :

2.1.4. L’évolution continue du secteur aérien dans d’autres pays voisins (Ukraine, Moldavie, Biélorussie, Géorgie, Azerbaïdjan, Arménie) ouvre également des horizons pour leur intégration progressive dans l’Espace aérien commun, en accompagnant la réforme de leur aviation civile. Les accords pourraient à terme évoluer vers un modèle inspiré de l’EAEC. Les possibilités de coopération technique et industrielle, couplées aux bénéfices qu’engendrerait l’adoption par ces pays de normes supérieures inspirées de la réglementation communautaire, conforteraient une telle perspective.

2.1.5. En parallèle, les relations aériennes doivent se renforcer avec l’Asie centrale (Ouzbékistan, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Turkménistan), avec pour point de départ des accords horizontaux. Leur intérêt pour le modèle européen dans ce domaine pourrait amener la Commission à évaluer l’opportunité de proposer un agenda de négociations plus ambitieux. Ce serait aussi un moyen d’agir de concert face à des problèmes spécifiques éventuels qui se poseraient aux Etats membres dans leurs services aériens avec ces pays.

2.2. Conclure des accords aériens globaux de manière ciblée

2.2.1. Le besoin de stimuler la coopération aérienne avec les pays tiers n’est pas limité aux relations transatlantiques. En matière d’aviation, une approche trop polarisée et fragmentée des relations extérieures entrave l’essor de l’industrie européenne et du marché intérieur.

D’autres zones du monde en pleine expansion, avec lesquelles un partenariat global à court terme permettrait d’anticiper l’intensification des activités économiques attendue dans les vingt ans à venir, méritent sans attendre l’attention de la CE. L’industrie aérienne soutient l’importance de tels accords, motivée par la perspective de marchés internationaux plus ouverts dans des conditions équitables. Certains des pays tiers visés examinent déjà avec intérêt de possibles relations aériennes nouvelles avec la CE.

Toute proposition future serait fondée sur une analyse au cas par cas pour dégager les bénéfices attendus et les conditions d’un partenariat tant avantageux qu’équilibré pour chaque partie. Trois considérations étroitement liées devraient guider les choix et inspirer la teneur des négociations :

- L’importance économique et les perspectives de croissance et d’amélioration d’accès pour la CE s’agissant d’un marché donné;

- Le besoin de s’accorder sur un cadre concurrentiel équitable;

- L’avantage d’une convergence réglementaire inspirée de l’expérience d’intégration économique régionale de la CE, portée par des coopérations techniques, technologiques voire industrielles bénéfiques pour tout le système de transport aérien.

2.2.2. La région asiatique réclamera des efforts particuliers dans les prochaines années.

C’est en particulier le cas de la Chine et de l’Inde. Ces deux partenaires ont été identifiés par les principales compagnies européennes comme des pays cibles pour la politique communautaire[11]. Ces acteurs pivots de la région asiatique, portés par les plus grandes populations au monde et des économies en forte expansion, sont promis à une croissance soutenue du trafic aérien (environ +9% pour la Chine et +6% pour l’Inde par an d’ici 2007 pour le trafic passagers[12]). Dotés de marchés considérables mais assez largement protégés, ils poussent à présent une réforme de leur secteur aérien qui allie ouverture et modernisation, que pourrait soutenir une coopération avec la CE.

Outre les aspects économiques que pourraient couvrir des accords aériens, des formes diverses de coopération techniques et technologiques, en matière de sécurité ou de navigation aérienne notamment, seraient à approfondir avec deux pays ayant à cœur de disposer d’une aviation civile moderne, efficace et sûre.

Le Japon et la Corée du Sud, marchés prospères, sont aussi à considérer comme des partenaires souhaitables.

Dans la zone Asie-Pacifique, les demandes de pays tiers pour des marchés plus ouverts avec la CE (Australie, Nouvelle Zélande, Singapour) seraient à juger avec soin à la fois sur base de leurs retombées économiques, des conditions de concurrence et de l’objectif à long terme de réforme du cadre régulateur du transport aérien international.

2.2.3. Il y a d’autres pays tiers avec lesquels des négociations aériennes de la CE pourraient créer des bénéfices économiques et/ou politiques.

Sur le continent nord américain, avec le Mexique, dont le marché aérien promet une forte progression, et le Canada, avec un marché mûr et non négligeable, de nouveaux ponts au-dessus de l’Atlantique pourraient être jetés à court terme. Au sud des Amériques, le Chili semble désireux d’approfondir rapidement sa relation avec la CE dans une même volonté d’assouplir la régulation internationale des services aériens.

Des coopérations régionales, avec l’Afrique notamment, permettraient de partager l’expérience du marché intérieur et d’affermir les échanges de savoir-faire réglementaire et opérationnel, le transfert technologique et l’assistance technique avec les entités régionales concernées dans tous les domaines de l’aviation civile.

2.2.4. Pour réussir les négociations aériennes communautaires, une coopération de qualité entre Etats membres et Commission est essentielle, en mutualisant l’expertise et l’expérience de chacun. Tout aussi importante est la relation avec l’industrie aérienne européenne, que la Commission souhaite consolider par un échange continu et transparent d’information avec les parties intéressées, à chaque étape.

III. CONCLUSION

Outre la mise en conformité des accords bilatéraux existants, par une complémentarité mieux exploitée entre les outils à disposition et une coordination active entre Etats membres et Commission, la feuille de route pour mettre en œuvre de la politique extérieure de l'aviation de la CE repose sur deux objectifs complémentaires :

- Réaliser à l’horizon 2010 d’un Espace aérien commun , qui comprenne la CE et l’ensemble des partenaires situés à ses frontières sud et est, et qui vise une intégration économique et réglementaire poussée des marchés aériens de cette zone.

- Lancer à court terme de négociations ciblées vers des accords globaux dans les grandes régions du monde, pour renforcer les perspectives de promotion de l’industrie européenne dans des conditions de concurrence équitables sur les marchés mondiaux les plus dynamiques, et contribuer à réformer l’aviation civile internationale.

Cet agenda implique plusieurs étapes à court terme:

- Négocier à un rythme soutenu des accords horizontaux, complétant et accélérant la mise en conformité des accords existants avec le droit communautaire obtenue par les Etats membres dans leurs relations bilatérales ;

- Ouvrir de nouvelles négociations vers des accords globaux, à commencer par des négociations avec la Chine et la Russie ;

- Réussir à conclure les accords en cours de négociation, en particulier avec les Etats-Unis.

[1] Affaires C-466/98, C-467/98, C-468/98, C-469/98, C-471/98, C-472/98, C-475/98, C-476/98

[2] COM (2002) 649 final (19/11/02) et COM (2003) 94 final (26/02/03)

[3] A noter que plusieurs instruments économiques ont été envisagés comme outils potentiels pour contrecarrer l’effet que la croissance du trafic aérien aura sur l’environnement. La Commission entend publier plus tard en 2005 une communication pour examiner plus particulièrement les principales options et les pistes à suivre.

[4] Règlement (CE) 2320/2002 du 16/12/02 (JO L 355, 30/12/02)

[5] Règlement (CE) 1592/2002 du 15/07/02 (JO L 243, 27/09/02)

[6] Règlements (CE): 549/2004 du 10/03/04 (règlement cadre); 550/2004 du 10/03/04 (fourniture de services); 551/2004 du 10/03/04 (espace aérien); 552/2004 du 10/03/04 (interopérabilité) (JO L96 du 31/03/2003)

[7] Le Livre blanc sur la politique européenne des transports (COM (2001) 370 final) souligne l’urgence pour l’Union « de développer une dimension extérieure du transport aérien à la hauteur de l’importance de l’acquis sur le plan intérieur ».

[8] La Commission a rappelé l’urgence d’y remédier sur le plan multilatéral en proposant en 2002 l’adhésion de la CE à l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (SEC (2002) 381 final).

[9] Règlement (CE) 847/2004 du 29/04/04 sur la négociation et la mise en oeuvre d'accords relatifs à des services aériens entre les États membres et les pays tiers (JO L 157 du 30/04/04)

[10] COM (2004) 74 final (09/02/04)

[11] AEA, « Future developments in international air transport to and from the EU – An AEA perspective », oct. 2004

[12] IATA Passenger Forecast 2003-2007