27.10.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 267/30


Avis du Comite économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, y compris le financement du terrorisme»

[COM(2004) 448 final]

(2005/C 267/05)

Le 21 octobre 2004, le Conseil a décidé, en vertu de l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», qui était chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 15 avril 2005 (M. SIMPSON, rapporteur).

Lors de sa 417ème session plénière des 11 et 12 mai 2005 (séance du 11 mai 2005), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 107 voix pour et 1 abstention.

1.   Résumé

1.1

Cette proposition de directive sera le troisième texte de cette nature relatif à la prévention du blanchiment de capitaux, le premier datant de 1991 (91/308/CEE) et le deuxième de 2001 (2001/97/CE).

1.2

Les finalités premières de ce projet de directive sont (1) de faire expressément référence au financement du terrorisme, bien qu'il ait été convenu par les États membres, dans le cadre de la directive précédente, d'inclure cet aspect dans la notion d'infractions graves, et (2) de tenir compte des quarante recommandations révisées du Groupe d'action financière internationale (GAFI) (1), publiées en juin 2003.

2.   Observations générales

2.1

Les principales catégories concernées par les obligations qui seraient imposées en vertu du projet de directive sont:

a)

les entreprises des secteurs tenus de se conformer aux dispositions de la directive («le secteur réglementé»);

b)

les utilisateurs des services fournis par le secteur réglementé (c'est-à-dire les clients de ces entreprises);

c)

les personnes déclarant qu'elles connaissent ou soupçonnent l'existence de cas de blanchiment de capitaux;

d)

les organismes répressifs et les cellules de renseignement financier («CRF») qui reçoivent et exploitent les renseignements relatifs au blanchiment de capitaux; et

e)

les personnes appartenant à des organisations criminelles — et commettant des «infractions graves» (définies à l'article 3, paragraphe 7 du projet de directive), lorsque ces infractions produisent des profits, ou impliquent la manipulation de fonds, liés à une activité criminelle.

2.2

Le projet de directive est destiné à remplacer les directives existantes, qui seront abrogées.

2.3

Les principaux changements par rapport aux première et deuxième directives, sont les suivants:

i.

Inclusion d'une référence explicite au financement du terrorisme, ainsi que des précisions accrues en ce qui concerne les «infractions graves».

ii.

Extension du champ d'application en ce qui concerne les prestataires de services aux sociétés et fiducies et les négociants en biens et services de grande valeur.

iii.

Précision considérablement accrue en ce qui concerne les obligations de vigilance à l'égard de la clientèle et la vérification d'identité, notamment pour les ayants droit économiques.

iv.

Disposition concernant la protection des employés qui déclarent des cas de blanchiment de capitaux.

v.

L'interdiction d'informer un client qu'une déclaration a été faite.

vi.

L'obligation d'appliquer les normes de l'UE dans les succursales et les filiales situées dans des pays tiers.

2.4

Le projet de directive prévoit davantage de convergence avec les pays où les recommandations du groupe d'action financière internationale (GAFI) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont été, ou seront, appliquées.

2.5

La codification dans la nouvelle directive des obligations des première et deuxième directives est également un facteur de clarté.

2.6

Néanmoins, la troisième directive fait très immédiatement suite à la deuxième directive, qui elle-même avait considérablement étendu le champ d'application des dispositions de répression du blanchiment de capitaux, et la gamme des secteurs affectés. L'on n'a disposé que de peu de temps pour évaluer l'impact de la directive de 2001, et le Comité constate qu'à ce jour, aucune étude complète n'a été réalisée à propos de l'efficacité du régime existant, ou de sa proportionnalité, et notamment de la question de savoir si les investissements publics des États membres et les investissements du secteur réglementé s'équilibrent.

2.7

Le CESE se déclare favorable aux mesures qui rendront plus difficiles le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Le CESE est partisan de l'application de mesures préventives à l'échelle de l'Union européenne et reconnaît que les personnes pratiquant le blanchiment des capitaux essaieront d'exploiter les faiblesses des systèmes de surveillance et que les capitaux seront transférés là où le dispositif de contrôle sera le plus faible. C'est pourquoi il faut que les États membres mettent en place des normes rigoureuses dans l'ensemble de l'Union européenne et encouragent d'autres pays à les adopter également.

2.8

Le présent avis présente des observations plus précises sur des aspects particuliers du projet de directive.

3.   Observations sur des domaines particuliers d'évolution importante

3.1   Terrorisme et infractions graves

3.1.1

Le CESE approuve l'inclusion du financement du terrorisme dans le projet de directive.

3.1.2

En ce qui concerne la définition des infractions graves et du blanchiment de capitaux, une précision accrue aiderait les personnes concernées à mieux comprendre les intentions exactes de la directive et, en conséquence, les aiderait à assurer une application cohérente et efficace du droit.

3.1.3

Il importe de préciser quel niveau de connaissance du droit pénal l'on exige effectivement des personnes dont l'activité s'exerce dans le secteur réglementé, personnes qui, dans leur grande majorité, ont peu, ou n'ont pas du tout, de compétences en ce domaine. L'article 3, paragraphe 7 du projet de directive contient une définition détaillée des «infractions graves», mais nous recommandons de préciser cette définition pour faire apparaître clairement que lorsqu'il s'agit de décider s'il y a lieu de déclarer un cas de blanchiment de capitaux, une personne du secteur réglementé n'est tenue qu'à la connaissance et à la compréhension du droit pénal que l'on pourrait attendre d'une personne exerçant les fonctions considérées. Procéder autrement imposerait au secteur réglementé une charge disproportionnée (aussi bien en termes de formation du personnel qu'en termes de contrôle des activités de ce personnel), avec tous les risques d'augmentation des coûts, et les inconvénients injustifiés que cela comporte pour les clients. Cela pourrait aussi créer des risques inutiles pour les personnes qui exercent leurs fonctions dans le secteur réglementé.

3.1.4

«L'infraction grave» (définie de manière à recouvrir «au moins» les activités énumérées à l'article 3, paragraphe 7) semble être à considérer comme une norme minimale. L'application à ce jour des directives existantes montre que les États membres ont adopté des démarches différentes, qui aboutissent ou bien à des régimes englobant toutes les infractions, ou bien alors à des régimes qui n'appréhendent que les infractions graves.

3.1.5

Il conviendrait d'envisager de limiter le choix des États membres à cet égard, en vue de promouvoir une application uniforme de la réglementation de répression du blanchiment de capitaux et de créer ainsi des conditions équitables pour le secteur réglementé dans l'ensemble de l'UE. Si les États membres souhaitent appliquer le projet de directive sur une base plus large, le CESE recommande que l'on envisage un régime où il n'y ait d'obligation de déclaration que pour les infractions graves (la norme minimale), mais avec la faculté de faire des déclarations volontaires, bénéficiant en droit de la même protection que les déclarations obligatoires relatives à d'autres infractions.

3.1.6

Un régime obligatoire «toutes infractions», en particulier s'il est lié à une obligation extraterritoriale de déclaration, risque de détourner sans effet utile des ressources précieuses du secteur privé et des organes de répression. La nécessité de mettre en place au Royaume-Uni un système de déclaration «à valeur limitée en termes de renseignement», système conçu afin d'essayer de réduire au minimum les efforts requis de la part aussi bien du secteur réglementé que des autorités répressives en matière de traitement des cas ayant un intérêt faible ou nul du point de vue répressif (des cas déjà déclarés à l'autorité compétente), illustre bien quelques-uns des pièges que recèle un régime obligatoire «toutes infractions».

3.1.7

Le Comité estime que la limite fixe de minimis, exprimée en termes monétaires, définie à l'article 6(b), à savoir 15 000 euros, est raisonnable, compte tenu du fait qu'elle peut être atteinte en une ou plusieurs transactions entre lesquelles il semble exister une relation.

3.1.8

Une autre précision qu'il serait utile d'apporter pour promouvoir la cohérence consisterait à prévoir explicitement que la définition du blanchiment de capitaux de l'article 1, paragraphe 1 (c) de la deuxième directive (reprise à l'article 1, paragraphe 2 (c) du projet de directive), inclut la possession du profit résultant de l'infraction commise par un délinquant, sans qu'aucune autre transaction ne soit nécessaire.

3.1.9

L'article 2, paragraphe 1, 3), b) énonce cinq catégories de transactions qui sont effectuées par des membres de professions juridiques indépendantes et qui entreraient dans le champ d'application de la directive. Le Comité recommande que l'on y ajoute une sixième catégorie: (vi) le conseil fiscal.

3.2   Prestataires de services aux sociétés et fiducies et négociants en biens et services de grande valeur

3.2.1

L'article 3, paragraphe 9 définit les «prestataires de services aux sociétés et fiducies» et l'article 2, paragraphe 1 (f) définit les négociants en biens et services de grande valeur. Il y a lieu d'accueillir favorablement la précision apportée aux définitions, et notamment l'inclusion des «services» dans le texte de l'article 2, 1. (3) (f). Il est possible de blanchir des capitaux en manipulant des transactions effectuées en argent liquide qui sont d'un volume important et portent sur des services, tout comme il est possible de blanchir de l'argent en manipulant des transactions effectuées en argent liquide qui sont d'un volume important et portent sur des biens.

3.3   Vigilance à l'égard de la clientèle et vérification d'identité, notamment pour les ayants droit économiques

3.3.1

Les articles concernant ces matières doivent être clairs et doivent pouvoir s'appliquer à un système fondé sur l'évaluation du risque. Le traitement de ces aspects de la réglementation relative au blanchiment de capitaux contribue dans une mesure importante au coût de mise en conformité et comporte également des conséquences directes pour les clients.

3.3.2   Définition de l'ayant droit économique

3.3.2.1

L'article 3, paragraphe 8 définit l'ayant droit économique comme étant la personne physique qui, en dernier lieu, possède ou contrôle directement ou indirectement au moins 10 % des actions ou des droits de vote d'une personne morale ou du patrimoine d'une fondation, d'une fiducie ou d'un dispositif juridique similaire ou qui exerce autrement une influence comparable, par exemple sur la direction. Le Comité considère que ce seuil se situe trop bas, quand on le rapproche de l'article 7, paragraphe 1 (b) et de la référence aux mesures fondées sur l'évaluation du risque, qui figure à l'article 7, paragraphe 2.

3.3.2.2

Le projet de directive devrait faire référence aux principes relatifs aux obligations d'identification et imposer aux États membres une obligation de fournir des orientations, soit directement, soit en permettant à des organismes professionnels représentatifs de les fournir, en fonction d'un système d'identification fondé sur l'évaluation du risque et permettant différents niveaux d'identification des ayants droit économiques, selon les circonstances.

3.3.2.3

Bien que nous puissions comprendre la justification d'obligations rigoureuses, leur application universelle, hors de toute considération de risque, est de nature à pénaliser les clients légitimes sous forme de coûts et d'efforts supplémentaires, et aussi sous forme de compromission possible du secret des affaires en ce qui concerne des transactions prévues, les effets sur les activités illégales étant dans le même temps faibles ou nuls.

3.3.2.4

Le Comité recommande de fixer à 25 % le seuil minimum requis pour que soient établis le contrôle ou la propriété dans le chef d'une personne individuelle ou d'un groupe de personnes agissant «de concert».

3.3.3   Personnes politiquement exposées

3.3.3.1

Le Comité estime que la définition des personnes politiquement exposées qui est proposée à l'article 3 (10) est inutilement large, et il recommande de la modifier en ajoutant après «personnes physiques» les mots «qui ne sont pas des ressortissants de l'Union européenne et». À l'intérieur de l'Union européenne, les personnes politiquement exposées (même si elles ne sont pas forcément à l'abri des tentations de la corruption) sont soumises à des contrôles démocratiques bien établis qui rendent superflues les obligations renforcées de vigilance figurant à l'article 11, paragraphe 1.

3.3.4   Obligations de vigilance à l'égard de la clientèle et identification

3.3.4.1

Les «obligations de vigilance à l'égard de la clientèle» sont l'un des secteurs du projet de directive où une définition plus précise des termes utilisés est nécessaire pour rendre le texte plus clair. Des formules telles que «obligations de vigilance à l'égard de la clientèle», «contrôle» et «vérification» peuvent se prêter à des interprétations variables d'un endroit à l'autre du secteur réglementé, et d'un État membre à l'autre, et c'est pourquoi il convient de les définir plus précisément pour assurer une compréhension uniforme.

3.3.4.2

Comme pour ce qui concerne l'identification, le Comité recommande que le projet de directive oblige les États membres à prévoir, pour leur propre territoire, des orientations claires fondées sur l'évaluation du risque.

3.3.4.3

L'article 6 (c) exige l'application de procédures de vigilance à l'égard de la clientèle en cas de soupçon de blanchiment de capitaux, indépendamment de toute dérogation, exemption ou seuil applicable. Cela peut ne pas être réalisable, étant donné que le fait d'appliquer ces procédures suite à un soupçon pourrait alerter la personne ou les personnes soupçonnées. Il conviendrait d'affiner les conditions de l'article 6 (c) en indiquant que ces procédures sont à appliquer seulement dans la mesure où cela est possible sans alerter les personnes soupçonnées.

3.3.4.4

En ce qui concerne les procédures simplifiées de vigilance à l'égard de la clientèle telles que les prévoit l'article 10, paragraphe 3 (c), le Comité recommande de modifier cette dernière partie de la manière suivante, en ajoutant les mots en italique: «les régimes de retraite ou dispositifs similaires versant des prestations de retraite aux employés, pour lesquels les cotisations se font par déduction du salaire et/ou par cotisation des employeurs …».

3.3.4.4.1

L'article 11, paragraphe 2 propose d'interdire aux établissements de crédit de nouer une relation de correspondance bancaire avec une banque qui permet à des banques fictives d'utiliser ses comptes. Il peut ne pas être toujours facile pour un établissement de crédit de s'apercevoir qu'une banque avec laquelle il a une relation de correspondance se livre à ces pratiques. Il conviendrait de préciser que l'on attend seulement des établissements de crédit qu'ils prennent, vis-à-vis des banques avec lesquelles ils ont une relation de correspondance, des précautions raisonnables pour déterminer quelle est la politique de ces banques par rapport aux banques fictives.

3.3.4.5

À l'article 11, paragraphe 1 a), le qualificatif «supplémentaires» qui accompagne la mention des pièces justificatives est superflu et pourrait être supprimé.

3.3.4.6

L'article 12 permet de recourir à des tiers pour l'exécution des obligations de vigilance à l'égard de la clientèle, mais indique que la responsabilité finale de l'exécution de ces obligations continue d'incomber aux établissements et personnes relevant de la directive proposée. Le Comité recommande d'éliminer la dernière partie de l'article 12, ainsi libellée: «la responsabilité finale de l'exécution continue cependant d'incomber aux établissements et personnes relevant de la présente directive» et de la remplacer par le principe énoncé au considérant (20), à la page 11 de la directive proposée (éviter la répétition des procédures en se fondant sur l'identification de clients réalisée par des tiers qui sont réglementés). Si l'on ne permet pas de pratiquer ainsi une fois que des mesures raisonnables ont été prises pour établir l'intégrité du tiers en question, cette disposition n'évitera pas la répétition des procédures.

3.3.4.7

Il serait utile de compléter l'article 13, paragraphe 2 prévoyant la communication de soupçons en y ajoutant une phrase supplémentaire ainsi libellée: «Il conviendra que la Commission enquête sur ces présomptions et informe les États membres des conclusions de son enquête.»

3.3.4.8

Afin d'éliminer toute incertitude quant à la compatibilité des dispositions de l'article 14 avec les réglementations relatives à la protection de la vie privée dans certains États membres, il conviendrait de supprimer de l'article 14 les mots «sans délai», et il faut autoriser le tiers à essayer d'obtenir le consentement des personnes dont les informations sont divulguées. Le mot «immédiatement» pourrait éventuellement être remplacé par «promptement».

3.4   Interdiction de divulgation

3.4.1

Le Comité recommande que le sens du mot «interdiction» soit davantage précisé en ce qui concerne la première partie de l'article 25. Certains États membres exigent que les personnels du secteur réglementé fassent une déclaration non seulement à la cellule de renseignement financier, mais aussi à certaines autorités réglementaires ou judiciaires, et de surcroît, dans la pratique, la lutte contre le blanchiment de capitaux peut être facilitée par de prudents échanges d'informations entre les parties non impliquées dans le blanchiment de capitaux. Afin de rendre possibles ces formes positives de divulgation, nous recommandons de modifier l'article en question de telle sorte qu'il apparaisse explicitement que la divulgation est interdite uniquement dans les cas où cela risque d'alerter un suspect, ou de compromettre une enquête concernant une affaire de blanchiment de capitaux.

3.5   Concurrence loyale en ce qui concerne les entreprises de pays tiers

3.5.1

Au considérant (23) à la page 12, ainsi qu'à l'article 27, est évoquée l'opportunité d'appliquer les normes communautaires dans les pays tiers où des établissements de crédit et autres établissements financiers communautaires ont des succursales et des filiales à participation majoritaire et où la législation en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme se révèle défaillante.

3.5.2

Le Comité éprouve une préoccupation, qui est que ce mode d'application ne rende les succursales et les filiales à participation majoritaire d'établissements de crédit et autres établissements financiers communautaires incapables de fonctionner de manière efficace et compétitive dans les pays où la législation en matière de blanchiment de capitaux n'est pas d'un niveau comparable à celle de l'UE. C'est pourquoi il convient d'encourager l'application des normes communautaires ou de normes comparables, mais une obligation absolue d'application dans les pays tiers est peut-être prématurée. Il serait préférable, dans les situations de cette nature, que les établissements informent les autorités compétentes des autres pays en vue de faire en sorte que ces pays puissent recevoir une assistance leur permettant d'améliorer leur surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

3.5.3

Il serait plus indiqué que l'UE renforce l'application de normes satisfaisantes et pertinentes reconnues à l'échelle mondiale en remplaçant les références à l'application des règles de l'UE par l'application des 40 recommandations du GAFI. Ainsi, plus rien ne pourrait donner à penser que l'UE essaie de faire appliquer ses règles avec effet extraterritorial, alors qu'il existe des normes mondiales ayant, dans l'ensemble, le même degré d'efficacité.

3.6   Protection des employés

3.6.1

Le Comité constate avec la plus grande satisfaction que l'article 24 prévoit cette protection, et il invite la Commission à élargir encore cette dernière en faisant mention des procédures juridictionnelles et du rôle des services de police pour ce qui concerne l'organisation de cette protection. La clarté en matière de protection du caractère confidentiel de la source de la déclaration de blanchiment de capitaux est d'une importance critique pour le fonctionnement harmonieux et intégral des systèmes de déclaration. Il conviendrait de faire entrer dans le champ d'application de l'article 24 non seulement les employés, mais aussi les organisations d'employés, et l'article 24 devrait aussi faire expressément référence à l'obligation des États membres de préserver, dans la plus large mesure que permettent le droit pénal et le droit civil de l'État membre, le caractère confidentiel de l'identité des personnes déclarant des cas de blanchiment de capitaux. Il conviendrait que la directive prévoie expressément l'obligation de préserver strictement le caractère confidentiel de l'identité des personnes déclarant des cas de blanchiment de capitaux, sauf si ces personnes ont donné leur accord à la divulgation de leur identité, ou s'il est essentiel de la divulguer pour garantir une procédure juridictionnelle équitable dans le cadre d'une action pénale.

3.6.2

Il conviendrait de modifier l'article 24 pour faire en sorte que les dispositions relatives à la protection s'appliquent également aux indépendants et aux petites entreprises.

3.7   Autres observations

3.7.1   Application sectorielle de la directive proposée

3.7.1.1

Sauf dispositions contraires, toutes les obligations prévues par le projet de directive en termes de systèmes s'appliquent à tous les établissements et personnes définis à l'article 2. Étant donné que le secteur réglementé recouvre maintenant des réalités diverses, il y a lieu de prendre en compte la situation des établissements ou des professions dont les activités n'entrent qu'en partie dans le champ d'application du projet de directive, car ces établissements et professions ont besoin de précisions quant à la façon dont ils doivent appliquer le texte aux éléments concernés, mais non à d'autres éléments, de leurs activités.

3.7.1.2

On voit mal pourquoi l'article 2 restreint l'applicabilité du projet de directive aux notaires et aux membres d'autres professions juridiques indépendantes dans l'exercice de certaines activités seulement, alors que pour d'autres professions libérales, dont l'exercice est soumis à des normes d'éthique et de compétence tout aussi élevées, le texte s'applique à tous les types de prestations. Le Comité a conscience du fait que dans certains États membres, certaines activités sont réservées aux notaires et aux membres d'autres professions juridiques (activités qui, d'ordinaire, sont liées à leur rôle de conseil dans le cadre de procédures juridiques formelles) et que dans ces domaines, l'on peut valablement établir une distinction entre les membres des professions juridiques et les membres d'autres professions libérales, et que dès lors, il est défendable de vouloir exclure les membres des professions juridiques du champ d'application de la directive. Toutefois, le Comité est d'avis qu'il conviendrait de les faire entrer dans le champ d'application de la directive lorsque les activités qu'ils exercent ne sont pas réservées aux membres des professions juridiques, et les services entreraient dans le champ d'application de la directive s'ils sont fournis par tout autre cabinet professionnel convenablement réglementé.

3.7.2   Obligations de déclaration

3.7.2.1

L'article 17 exige des établissements et personnes relevant du projet de directive qu'ils examinent avec une attention particulière toute activité qui est susceptible d'être liée au blanchiment de capitaux.

3.7.2.2

Cette disposition pourrait obliger les établissements et personnes relevant du projet de directive à mettre en œuvre un supplément non négligeable de procédures et également créer le risque qu'une personne, objet de cet examen, ne soit «alertée» par la mise en œuvre de procédures particulières.

3.7.2.3

Le Comité estime que la tâche incombant au secteur réglementé ne devrait pas être d'effectuer des enquêtes au sens où l'entend apparemment l'article 17, mais de sensibiliser les personnels à la nécessité d'entretenir des soupçons justifiés par des informations reçues dans le cadre des affaires normales et de déclarer l'existence de ces informations pour que les autorités répressives puissent enquêter à partir desdites informations.

3.7.3   Faculté pour les États membres d'adopter des dispositions plus strictes

3.7.3.1

L'article 4 permet aux États membres d'arrêter ou de maintenir en vigueur des dispositions plus strictes que celles que prévoit le projet de directive.

3.7.3.2

Les différences matérielles caractérisant des dispositions plus ou moins rigoureuses d'un État membre à l'autre peuvent porter atteinte au principe du Marché unique, perturber la loyauté des conditions de concurrence, et pourraient encourager des criminels à déplacer leurs activités de blanchiment de capitaux vers des États membres moins stricts.

3.7.3.3

Le Comité recommande que la disposition autorisant des différences au niveau local soit limitée à des zones où ces différences (si elles doivent être imposées par les États membres sur une base obligatoire, et non pas volontaire) sont nécessaires pour rendre compte de conditions particulières au niveau local.

3.7.4   Observations concernant des paragraphes particuliers

3.7.4.1

Le Comité accueille favorablement le fait que les États membres soient chargés de fournir un retour d'information (article 31, paragraphe 3) et recommande que la compétence en la matière soit expressément attribuée à la cellule de renseignement financier. Ce retour d'information est utile puisqu'il favorise, pour l'avenir, une conformité meilleure et plus efficace en matière d'application de la législation.

3.7.4.2

L'article 19, paragraphe 1 (b) oblige les établissements et les personnes qui relèvent de la directive proposée à fournir à la cellule de renseignement financier (CRF) toutes les informations complémentaires nécessaires, conformément à la législation applicable. Le Comité voudrait faire observer que «toutes les informations complémentaires nécessaires» est une formule qui pourrait faire l'objet d'une interprétation très extensive de la part des autorités répressives, et en pratique, il pourrait se révéler impossible pour le secteur réglementé de se conformer à cette obligation. Nous recommandons de remplacer le terme «nécessaires» par une formule qui permette aux États membres de préciser avec leur secteur réglementé quelles informations complémentaires pourraient être requises, sans que la procédure s'en trouve inutilement alourdie, et quelles précautions seraient de nature à garantir que la CRF ne puisse aller au-delà de ce qui est ainsi prévu.

3.7.4.3

L'article 20, paragraphe 2 devrait prévoir que l'on puisse dispenser de l'obligation de déclaration les soupçons qui naissent à l'occasion de l'exercice d'une activité de conseil juridique (par des notaires, des conseillers juridiques indépendants, des auditeurs, des comptables externes ou des conseillers fiscaux). Le libellé actuel de ce paragraphe est plus restrictif, car il donne à penser que la portée de l'exemption pourrait se limiter aux seuls conseils donnés lors de l'évaluation de la situation juridique d'un client avant une procédure judiciaire. Il s'agirait là d'une restriction injustifiable au droit fondamental des clients à la confidentialité en matière de conseils juridiques.

3.7.4.4

La disposition de l'article 23 selon laquelle la divulgation dans des conditions conformes au projet de directive ne constitue pas une violation d'une quelconque restriction à la divulgation d'informations omet de préciser que cette révélation doit être faite «de bonne foi» pour pouvoir bénéficier de cette protection. Cela était prévu dans la deuxième directive. Il conviendra de rétablir cette réserve pour souligner que le secteur réglementé est tenu d'agir de façon responsable et de bonne foi pour pouvoir bénéficier, en vertu de la loi, d'une protection de portée nécessairement étendue. Si l'on en disposait autrement, l'on risquerait de provoquer des distorsions par rapport à l'équilibre des droits des personnes et à leur accès à la justice.

4.   Conclusions

4.1

Bien qu'il approuve le double objectif consistant d'une part à garantir l'application complète par l'Union européenne de normes mondiales, telles qu'elles figurent dans les 40 recommandations du GAFI, et d'autre part, à faire entrer expressément le financement du terrorisme dans le champ d'application du texte, le Comité regrette que l'on ait élaboré cette 3ème directive sur le blanchiment de capitaux avant d'avoir eu la possibilité d'évaluer pleinement les mérites de la 2ème directive adoptée en 2001. Il est peut-être quelque peu prématuré de se lancer dans l'élaboration d'une troisième directive très peu de temps après la deuxième et sans délai significatif de réflexion pour examiner les leçons à retenir de l'application de la 2ème directive.

4.1.1

Pour que l'élaboration d'une 3ème directive se justifie en ce moment, il est essentiel d'utiliser ce texte pour améliorer par d'autres côtés encore la 2ème directive et sa mise en œuvre. Nous prenons acte notamment, et avec satisfaction, de certaines dispositions qui figurent dans ce texte:

en vue d'éliminer certains aspects inutilement pesants de la deuxième directive, dus au fait qu'aux obligations imposées ne corresponde aucun avantage équivalent en termes d'application du droit et de lutte contre la criminalité;

en vue de réduire les cas de non-cohérence des obligations et des pratiques anti-blanchiment, d'une part à l'intérieur de l'UE (à la fois entre États membres et entre différentes parties du secteur réglementé ou d'autres secteurs vulnérables au blanchiment de capitaux) et d'autre part entre l'UE et les pays tiers (cela suppose nécessairement une réduction de la faculté laissée aux États membres par les dispositions de la directive de mettre en œuvre, à leur discrétion, leurs propres variantes de ces dispositions); et

en vue de prévoir des mesures de protection plus claires en faveur des employés des établissements déclarants.

4.2

Les propositions qui figurent dans le présent avis visent à apporter à la directive des améliorations qui contribueraient à la réalisation de ces objectifs complémentaires mais non contradictoires. Il conviendrait que toutes nouvelles adaptations qui interviendraient aux derniers stades de la négociation de la directive prennent en compte ces principes primordiaux.

4.3

Compte tenu de la brièveté de la période écoulée depuis l'entrée en vigueur de la 2ème directive dans de nombreux États membres, il conviendrait de prévoir un délai relativement généreux pour la mise en application de la 3ème directive.

4.4

À mesure qu'une expérience se construit à la faveur de la gestion des directives destinées à empêcher le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, l'Union européenne devra probablement envisager d'établir des liens et de créer des synergies politiques avec d'autres aspects de la dissuasion des comportements criminels. Le Comité a pris note de propositions portant sur les sujets suivants:

comparaison du projet de directive avec les travaux du Conseil de l'Europe en matière de droit pénal;

clarification des dispositifs de confiscation des fonds obtenus par des méthodes criminelles;

action accrue en vue d'aider les pays tiers à traiter les problèmes de criminalité organisée;

domaines précis de vulnérabilité, tels que l'évasion fiscale transfrontalière.

4.5

Le Comité approuve le perfectionnement des règles destinées à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, car cela symbolise une Union européenne qui veille au maintien d'un niveau élevé de probité et de bonne conduite dans les affaires publiques et privées. Cette directive, en même temps qu'elle marque une action concrète en matière de gestion financière, constitue aussi un moyen de renforcer l'Union européenne.

Bruxelles, le 11 mai 2005.

La présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Le GAFI est une instance intergouvernementale qui fixe des normes et élabore et promeut des politiques visant à lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement d'activités terroristes. Site Internet: www.fatf-gafi.org