14.10.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 255/67


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme communautaire pour l'emploi et la solidarité sociale — Progress»

[COM(2004) 488 final]

(2005/C 255/13)

Le 9 septembre 2004, la Commission, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 15 mars 2005 (rapporteur: M. GREIF).

Lors de sa 416ème session plénière des 6 et 7 avril 2005 (séance du 6 avril 2005), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 127 voix pour, 2 voix contre et 17 abstentions.

1.   Arrière-plan et lignes de force du programme communautaire Progress

1.1

Dans sa communication sur les perspectives financières pour la période 2007-2013 (1), la Commission souligne que l'agenda pour la politique sociale revêt une importance décisive pour la concrétisation de la stratégie de Lisbonne. Dans ce contexte, elle a adopté en juillet 2004 un train de propositions visant à simplifier et à rationaliser les dépenses de l'UE dans le domaine de l'emploi et des affaires sociales, en particulier en ce qui concerne les dispositions financières.

1.2

Selon la Commission, le projet de rationalisation doit renforcer la visibilité, la clarté et la cohérence des instruments, et profiter ainsi surtout à l'utilisateur final. Pour parvenir à ce résultat, elle propose en particulier de simplifier les instruments, tant sur le plan juridique que sur celui de leur gestion, de rationaliser les structures budgétaires et d'éviter les chevauchements.

Ainsi, il devrait être possible, grâce à une diminution de la charge administrative, à un allégement des réglementations et à un renforcement de la décentralisation, de mieux doter le nouveau Fonds social européen (FSE, période de programmation 2007-2013) et d'en simplifier la gestion afin d'en articuler les aides financières avec des stratégies de promotion de l'emploi et de renforcement de la cohésion économique et sociale s'inscrivant dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi (SEE) (2).

En outre, au nom d'une meilleure répartition des ressources, la Commission s'efforce de réunir les programmes existants en programmes cohérents assortis de modalités de mise en œuvre harmonisées. Cet objectif devrait être atteint par des mesures comme la réduction de 28 à 2 du nombre de lignes budgétaires gérées directement par la Commission dans le domaine de l'emploi et des affaires sociales.

1.3

L'un de ces nouveaux instruments est constitué par le programme communautaire proposé par la Commission dans sa communication COM(2004) 488 final et intitulé Progress (3), «programme pour l'emploi et la solidarité sociale», dans lequel doivent être regroupés les soutiens financiers octroyés au titre de toute une série de mesures appuyant la politique sociale de la Commission et sa politique de l'emploi. Resteront exclus du champ d'application de Progress que le financement des secteurs du dialogue social et de la libre circulation des travailleurs (4), ainsi que les organismes communautaires qui traitent des conditions de travail (5) et le nouvel Institut européen du genre (6) qui doit être créé. Progress vise donc à regrouper les programmes d'action communautaire spécifiques suivants: «lutte contre la discrimination», «égalité entre les femmes et les hommes», «coopération dans la lutte contre l'exclusion sociale», et «incitations pour promouvoir l'emploi», ainsi qu'une série de lignes budgétaires qui concernent les conditions de travail.

1.4

Dans le cadre de ce programme qui, conçu pour couvrir la période 2007-2013 et recevoir une dotation de près de 629 millions d'euros, doit compléter les dispositions mises en œuvre au titre du FSE, trois types de mesures doivent principalement être soutenus, selon des priorités qui diffèrent pour chacun de ses volets:

des activités analytiques qui sous la forme, par exemple, de la collecte et de la diffusion de données, d'études, d'analyses, d'évaluations d'impact ou de la mise au point de méthodes statistiques et d'évaluation, contribuent à une meilleure compréhension des problèmes, accroissent l'efficacité de la mise en œuvre des mesures dans chacun des domaines soutenus et renforcent l'articulation de ceux-ci avec d'autres domaines d'action et stratégies de l'UE,

des activités qui, portant sur l'apprentissage mutuel, l'échange d'informations, les actions visant à sensibiliser aux méthodes éprouvées pratiques, à les communiquer et à les diffuser ainsi que sur le contrôle et l'évaluation, tel le jugement par des experts indépendants (pairs), favorisent notamment une meilleure compréhension de la situation actuelle dans chacun des États et visent ainsi une meilleure application de la législation communautaire,

un soutien aux principaux acteurs afin de promouvoir l'échange de bonnes pratiques, la diffusion d'informations, des mesures de prévention et de sensibilisation ainsi que des mécanismes de débat, par exemple via la constitution de groupes de travail de fonctionnaires nationaux, le développement plus poussé du travail en réseau au niveau de l'UE ou le financement de réseaux d'experts dans chacun des domaines d'action.

1.5

Le programme doit se composer de cinq sections:

emploi: il s'agit ici de soutenir la stratégie européenne pour l'emploi, en particulier grâce à un suivi et un contrôle de la mise en œuvre des lignes directrices et recommandations à ce sujet, à une analyse de l'interaction entre cette stratégie et d'autres secteurs d'action et à une sensibilisation des acteurs régionaux et locaux aux défis de la politique dans le domaine,

protection sociale et intégration sociale: le but visé est d'appuyer la méthode de coordination ouverte dans ce domaine, ainsi qu'à approfondir la compréhension de tous les aspects de la pauvreté et à analyser le lien entre cet objectif et d'autres domaines politiques,

conditions de travail: cette section est destinée à apporter un soutien aux activités qui visent à améliorer les conditions et l'environnement de travail, dont la santé et la sécurité au travail,

lutte contre la discrimination et pour la diversité: par cette section, l'Union œuvre pour que l'interdiction de la discrimination prévue à l'article 13 du traité instituant la Communauté européenne soit appliquée et transposée efficacement dans la pratique et que cet objectif soit intégré dans toutes les stratégies communautaires,

égalité entre hommes et femmes: dans cette section, on s'emploiera à mettre en œuvre de manière efficace le principe de l'égalité des sexes et à promouvoir l'intégration de cette dimension dans les stratégies de l'UE.

1.6

Le programme est ouvert aux institutions et acteurs publics et privés. Il s'adresse en particulier aux États membres, aux collectivités locales et régionales, aux services publics de l'emploi et aux instituts nationaux de statistique. Sont en outre habilités à y accéder les organismes spécialisés prévus par la législation communautaire, les universités et instituts de recherche, ainsi que les partenaires sociaux et les organisations non gouvernementales.

Le financement communautaire est attribué sous la forme soit d'un marché de services passé à la suite d'un appel d'offres, soit d'une subvention partielle (80 % au maximum) accordée après appel à propositions.

L'accompagnement de Progress doit s'effectuer via un seul comité de programme au lieu des quatre existants (en l'occurrence un pour chacun des quatre programmes d'actions spécifiques).

1.7

Il est prévu d'octroyer une enveloppe financière de 628,8 millions d'euros, pour la période de programmation qui couvre sept années, et de répartir ce montant entre les différentes sections du programme comme suit:

emploi: 21 %

protection sociale et inclusion: 28 %

conditions de travail: 8 % (7)

lutte contre la discrimination et pour la diversité: 23 %

égalité entre les hommes et les femmes: 8 % (8)

Un plafond de 2 % du budget total du programme de Progress a été fixé pour les frais administratifs, en particulier pour son comité d'accompagnement. Une somme équivalant à 10 % des ressources budgétaires, c'est-à-dire 62,9 millions d'euros, soit environ 9,2 millions d'euros par an, n'est pas allouée à des sections précises mais sera affectée, en fonction des évolutions futures au cours de la période de programmation, à la constitution d'un «volant financier» qui sera redistribué chaque année par le comité du programme entre ses différents volets.

Résumé des principaux objectifs de Progress

Améliorer la connaissance et la compréhension de la situation dans les États membres par l'analyse, l'évaluation et le suivi des mesures.

Encourager l'élaboration d'outils statistiques, de méthodes et d'indicateurs.

Soutenir et suivre la mise en œuvre de la législation et des objectifs stratégiques de l'Union dans les États membres, et évaluer leurs incidences.

Promouvoir la création de réseaux, l'apprentissage mutuel, ainsi que l'identification et la diffusion des bonnes pratiques à l'échelon de l'Union.

Faire mieux connaître aux acteurs intéressés et au grand public les stratégies poursuivies dans le cadre de Progress.

Renforcer la capacité des principaux réseaux de l'Union à faire progresser et à appuyer les politiques communautaires.

2.   Observations générales et particulières sur la proposition à l'examen

2.1

Si l'on veut réellement — comme le prévoit la stratégie de Lisbonne — que l'accroissement de la compétitivité dans une société fondée sur la connaissance s'accompagne d'une croissance économique durable et créatrice d'emploi, et aboutir dans le même temps à l'amélioration de la qualité du travail et au renforcement de la cohésion sociale, il s'avère particulièrement important de veiller à ce que des ressources et instruments financiers adéquats soient assurés dans tous les domaines d'action du programme Progress. En ce sens, le CESE se félicite expressément de la proposition de la Commission à l'examen concernant le programme Progress 2007-2013 et, dans le contexte notamment des contributions actuelles à l'évaluation à mi-parcours de Lisbonne, porte une grande attention à cette initiative. Avec le FSE, ce programme cadre représentera en effet l'un des principaux instruments de soutien à l'agenda de politique sociale 2006-2010 qui est lui aussi en passe d'être adopté. Malgré l'appréciation globale positive qu'il porte ainsi sur Progress, le Comité souhaiterait non seulement formuler quelques remarques d'ordre général portant sur ce nouvel outil financier communautaire mais faire également part de ses inquiétudes concernant quelques points concrets de la communication de la Commission qui appellent, de son point de vue, de plus amples clarifications ainsi que des précisions dans la proposition de décision à l'examen.

2.2   Objectifs généraux du programme

2.2.1

Dans le contexte de la stratégie de Lisbonne, le Comité juge positif que la proposition, indépendamment des discussions actuelles sur les pondérations et la configuration des perspectives financières pour la période 2007-2013, souligne sans la moindre ambiguïté la nécessité de pérenniser les instruments financiers communautaires existants dans le domaine de l'emploi et des affaires sociales.

2.2.2

Rassembler plus étroitement dans un seul programme-cadre tous les instruments financiers communautaires du domaine de la politique sociale et de celle de l'emploi qui relèvent de la compétence administrative directe de la Commission peut sans conteste être considéré comme un moyen d'assurer les ressources financières voulues pour renforcer la dimension sociale de la stratégie de Lisbonne et, plus particulièrement aussi, comme une contribution à la coordination des domaines d'action de la politique sociale dans le cadre de l'agenda qui la concerne.

2.2.3

Le CESE approuve pour l'essentiel les objectifs généraux de Progress, tels qu'ils sont consignés dans l'article 2 de la proposition. Par ailleurs, il serait souhaitable de mentionner explicitement parmi les objectifs le soutien aux échanges transnationaux d'acteurs pertinents disposant de capacité de transposition dans le domaine socio-politique, car pour de nombreux candidats potentiels aux financements de Progress, il s'agit là d'un point d'appui essentiel pour pouvoir participer aux projets européens.

2.2.4

À cet égard, le CESE a du mal à comprendre pour quelle raison la proposition de décision à l'examen se contente de parler, dans son article 2, paragraphe 4, de «promouvoir la création de réseaux, l'apprentissage mutuel, ainsi que l'identification et la diffusion des bonnes pratiques à l'échelon de l'Union». De l'avis du CESE, il y a lieu de compléter la liste des objectifs généraux du programme Progress afin de veiller à ce que l'apprentissage mutuel qu'il doit encourager ne se limite pas aux acteurs au niveau communautaire mais qu'elle englobe également les échanges internationaux d'acteurs au niveau bilatéral et multilatéral entre les États membres. En outre, le CESE estime nécessaire que l'article 8 mentionne explicitement comme objectif «l'amélioration de la connaissance de tous les types de discrimination».

2.3   Cohérence et complémentarité avec d'autres domaines d'action

2.3.1

Le nouveau programme doit être considéré dans le contexte de l'effort de rationalisation que la Commission poursuit depuis 2003 dans le domaine de la politique économique et sociale et en particulier ici, dans celui de la politique de l'emploi. Vu sous cet angle, l'article 15 de la proposition de décision à l'examen, qui évoque les mécanismes et activités lancés en la matière par la Commission et les États membres pour coordonner les initiatives relevant de Progress avec les stratégies, instruments, et actions de l'Union et de la Communauté, apparaît lacunaire dans la mesure où il ne traite que d'un secteur d'action limité. En évoquant des mesures dans les domaines de la recherche, de la justice et des affaires intérieures, de la culture, de l'éducation et de la jeunesse, il mentionne certes des champs d'action importants qui nécessitent incontestablement une coordination avec l'emploi la formation initiale et continue et la sécurité sociale mais il en laisse d'autres complètement à l'écart, par exemple la politique régionale et de cohésion.

2.3.2

Tout à l'opposé, le Comité est d'avis que Progress devrait être aussi articulé avec d'autres domaines d'action qui exercent une influence au moins égale sur la conjoncture de l'emploi et le paysage de l'inclusion sociale, de l'égalité des chances, etc. Dans ce contexte, en plus de la priorité à la formation initiale et continue et à l'apprentissage tout au long de la vie, il faudrait en particulier prévoir aussi une coordination avec les stratégies et les activités du domaine de la politique économique, de la politique financière et de la politique de concurrence, afin de garantir qu'elles n'aillent ni l'une ni l'autre à l'encontre des objectifs généraux du programme au niveau européen et national. Le Comité recommande dès lors que l'on modifie en ce sens l'article 15, paragraphes 1 et 2, de la proposition de décision.

2.4   Cadre financier

2.4.1

Outre le cadre financier global de 628,8 millions d'euros pour l'exécution des mesures communautaires sur la période septennale de programmation, la Commission, à l'article 17 de la proposition de décision à l'examen, fixe le pourcentage minimal des ressources globales qui, dans cette enveloppe, sera alloué à chacun des volets du programme. De l'avis du CESE, la communication de la Commission omet d'expliquer clairement le rapport entre les montants évalués pour le programme global et les aides octroyées à l'heure actuelle au titre des programmes d'action existants. À cet égard, il serait particulièrement intéressant de disposer de données comparatives sur les programmes d'action en cours, notamment afin de pouvoir juger dans quelle mesure il a été dûment tenu compte de l'évolution du taux d'inflation et vérifier si le budget a bien pris en considération le récent élargissement de l'Union et celui qui est envisagé (UE à 25 plus la Bulgarie et la Roumanie). En la matière, la Commission n'a fourni jusqu'à présent que des données informelles.

2.4.2

Dans le contexte actuel du bilan à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne et vu la vaste étendue du contenu du programme, le CESE se demande sérieusement s'il est bien judicieux de s'en tenir, comme la Commission s'efforce de le faire, au statu quo budgétaire dans les domaines d'action de Progress. La Commission, au chapitre 2, paragraphe 3 de son exposé des motifs relatif à Progress, parle des «moyens financiers modestes» requis par l'agenda de politique sociale. Le Comité ne peut en aucun cas suivre cette argumentation; il a souligné à plusieurs reprises la nécessité de veiller, dans le cadre des prévisions financières, à une certaine «lisbonnisation» du budget communautaire, en tout cas si l'on veut pouvoir préciser que l'on assurera une base financière adéquate pour atteindre les objectifs de la stratégie européenne pour l'emploi et de l'agenda social et politique. (9). En ce sens, le CESE milite résolument pour que dans les évaluations relatives à Progress, on se fonde sur une dotation budgétaire suffisante.

2.4.3

En outre, l'article 17 prévoit de plafonner les coûts d'administration à hauteur de 2 % de l'enveloppe globale de Progress (soit 12,6 millions d'euros) ainsi que de réserver une part de 10 % de ces ressources totales (c'est-à-dire 62,9 millions d'euros, ou environ 9,2 millions d'euros par an) pour constituer un «volant financier» redistribué chaque année par le comité du programme entre les différents volets de celui-ci. Autant le CESE est tout à fait conscient qu'en l'occurrence, une programmation de projet étalée sur une période de sept ans requiert une certaine souplesse compte tenu des évolutions futures, autant il lui paraît important d'insister sur la nécessité de garantir pleinement qu'en tout état de cause, la Commission et les États membres assurent la gestion de ces ressources, prévue selon de telles modalités et largement «autonome», sous le signe de la transparence et de la collaboration avec le Parlement européen.

2.4.4

De plus, le Comité est d'avis que la répartition des ressources entre les différents volets du programme Progress telle que proposée par la Commission mérite d'être précisée plus avant. L'article 8, par exemple, assigne à l'objectif «d'égalité des sexes» un rang de thématique fondamentale de Progress. Dans le cadre financier (article 17), ce volet du programme est toutefois doté de moyens nettement moindres que d'autres visées. Comment justifier pareil traitement? Faire valoir à ce propos que le budget du futur Institut européen du genre (52,7 millions d'euros) a été défalqué de celui de Progress n'apparaît pas satisfaisant dans la mesure où l'on ignore encore totalement quels seront le mandat, la structure et le mode de fonctionnement de cet organisme. De l'avis du Comité, une telle pénurie de ressources dans le domaine de l'égalité entre les sexes et de l'égalité des chances est dénuée de toute justification objective, notamment dans le contexte de l'objectif de Lisbonne concernant le taux d'activité des femmes, la discrimination dont elles font l'objet sur le marché du travail ainsi que les disparités en terme de salaires et l'intégration de la dimension de genre. Dans ce contexte, le CESE préconise que l'on prévoie pour l'Institut européen du genre un financement spécifique plutôt que de le soustraire du budget prévu pour Progress, lors de l'élaboration du cadre financier afférent, démarche que semble suivre selon toute apparence le document à l'examen.

2.5   Rationalisation au niveau de la Commission

2.5.1

En ce qui concerne les objectifs de simplification et de rationalisation que la Commission s'est assignés, il convient de noter que ce faisant, elle étend désormais au domaine des politiques de soutien l'approche rationalisatrice qu'elle poursuit depuis 2003 dans ceux de la protection sociale et de l'emploi. Le Comité estime que cette simplification et cette rationalisation sont foncièrement positives à condition qu'elles aboutissent effectivement à réduire les coûts, à éviter les doublons et introduire plus de clarté et de transparence dans les rouages administratifs.

2.5.2

Dans ce contexte, le Comité souhaiterait toutefois faire part de certaines difficultés liées à la conversion de programmes spécifiques clairement définis en un programme unique, nettement plus vaste et dont la gestion pourrait s'avérer moins aisée. Étant donné que ce nouveau projet couvre un éventail thématique extrêmement large, est-il possible d'assigner à chacune des sections du programme une mise en œuvre similaire pour tous les objectifs — et est-il judicieux de le faire? Les moyens financiers proposés suffisent-ils d'ailleurs pour ce faire? Il convient, en tout état de cause, de prendre des précautions pour éviter que, face à un programme couvrant un spectre aussi large, la simplification administrative n'entraîne dans son sillage une perte de ces approches focalisées qui restent indispensables dans les différents domaines du programme. Il y a lieu de garantir que la simplification administrative annoncée n'entraînera pas simplement une meilleure gestion du programme sur le plan technique, mais qu'elle aboutira aussi à donner aux contenus de ce programme une structuration plus favorable aux groupes qu'il cible.

2.6   Comité de programme et rôle des États membres

2.6.1

L'article 13 de la proposition de la Commission précise que dans l'exécution du programme la Commission doit être assistée par un comité de programme unique, au lieu des quatre qui existaient jusqu'à présent (soit un par programme d'action). Sa composition variera et il réunira des représentantes et représentants nationaux selon diverses configurations, en fonction de chaque sujet à traiter.

2.6.2

On peut s'interroger sur la manière dont un tel comité doit fonctionner et être composé pour garantir que les objectifs généraux et spécifiques de chacun des cinq domaines du programme soient pris en compte comme il convient et en temps opportun. Cet impératif ne va-t-il pas entraîner un accroissement énorme des charges administratives et, en particulier, de gros besoins en matière de coordination interministérielle au niveau des États membres? Quelles en seront les implications, en particulier pour les petits États membres et plus encore, dans le cas présent, pour les nouveaux adhérents? De manière générale, il convient de veiller à ce que la rationalisation effectuée au niveau de la Commission n'aboutisse pas à un alourdissement des charges administratives pour les États membres et à ce que les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile soient pris en compte de manière appropriée dans la gestion du programme.

2.6.3

Le CESE tient à souligner en outre que la rationalisation ne peut pas conduire à des régressions dans la mise en œuvre du programme, notamment en ce qui concerne la transparence des travaux du comité ou l'influence des États membres dans le processus de décision et le choix des projets. La gestion, la poursuite des objectifs, la participation mais aussi le contrôle et le suivi effectués par la Commission doivent en tout état de cause continuer à être assurés au niveau de qualité requis et avec la même ampleur qu'actuellement.

2.7   Simplification pour les utilisateurs finals et accès au programme

2.7.1

Selon la Commission, la rationalisation qui est proposée doit renforcer la visibilité, la clarté et la cohérence des instruments et, de ce fait, profitera avant tout à l'utilisateur final. Pour les bénéficiaires potentiels, il devrait être plus aisé de solliciter un financement au titre des différentes sections du nouveau programme, grâce à l'approche normalisée et aux modalités de mise en œuvre harmonisées. C'est ainsi que l'utilisateur devrait avoir accès à un «guichet unique», une mesure qui a notamment son importance lorsque le même projet poursuit des objectifs relevant de plusieurs sections du programme.

2.7.2

En ce qui concerne bon nombre des idées avancées à propos de la rationalisation et d'une meilleure répartition des ressources, il est toutefois difficile d'estimer, si l'on ne connaît pas les dispositions d'application concrètes, dans quelle mesure il est possible de concilier les différents types d'objectifs, à savoir: (a) une structure de programme plus vaste et centralisée, (b) une administration légère et efficace à tous les niveaux (Commission, États membres, acteurs de projets), (c) des exigences en matière de rapports et de sécurité des mécanismes financiers, (d) un accès au programme aussi direct et large que possible pour tous les groupes visés. À cet égard, il est nécessaire d'élaborer une stratégie active par le biais de dispositions d'application, afin de résoudre les conflits — prévisibles — entre les différents objectifs. De l'avis du Comité, l'un des facteurs, et non des moindres, qui conditionneront le succès du nouveau programme sera que les utilisateurs ressentent eux aussi les retombées de la simplification mise en avant par la Commission. Le Comité estime dès lors que la possibilité d'atteindre vraiment les objectifs requis de simplification et de rationalisation sous une forme qui soit une plus-value pour les utilisateurs dépendra essentiellement des modalités de mise en œuvre qui devront être promulguées (notamment le guichet unique).

2.7.3

C'est essentiellement dans la mesure où l'accès au programme et aux projets aura été facilité pour les demandeurs informés, ou, autrement dit, dans la mesure où l'on aura pu faire pièce à une restriction de son accessibilité pour les projets, que l'on pourra juger si les moyens communautaires sont mis en œuvre d'une manière «proche du citoyen». Au vu du périmètre taille imposant atteint à présent par le programme, des enseignements tirés des autres programmes d'action et initiatives communautaires ainsi que de l'expérience que l'on acquiert actuellement avec les nouvelles dispositions en matière financière, il apparaît que desmesures spécifiques devront être prises pour que les modalités d'exécution n'exercent pas un effet dissuasif sur les «petits demandeurs». La question qui se pose est donc celle-ci: quelles mesures «compensatoires» peut-on arrêter à cet égard si l'on veut que pour les organisations de la société civile qui ne disposent ni de spécialistes de projets, ni d'une grosse infrastructure comptable, Progress reste non seulement utilisable mais aussi attrayant et raisonnablement accessible malgré ses exigences administratives alourdies (présentation de garanties bancaires ou de certificats de solvabilité, attestation de contrôle de la gestion et des comptes, etc.)?

2.8   Coopération avec des organisations de la société civile

2.8.1

L'article 9.2 (description des mesures pour atteindre les objectifs) fixe les conditions suivantes pour la ligne d'action «apprentissage mutuel, activités de sensibilisation et de diffusion»: «forte dimension communautaire», «envergure» appropriée, «réelle valeur ajoutée au niveau de l'Union», ainsi que responsabilité limitée incombant à des «autorités nationales ou subnationales», notamment. Les critères cités sont vagues et laissent une grande marge d'interprétation. Le Comité préconise dès lors de garantir que la stricte application de ces critères lors de la publication ou du dépôt des demandes n'aboutisse pas à un resserrement marqué du programme sur certains grands projets et sur certains groupes cibles et acteurs.

2.8.2

L'article 2.5 de la proposition de décision mentionne parmi les objectifs généraux de Progress celui de «faire mieux connaître aux parties prenantes et au grand public les politiques de l'Union». Il n'est réalisable que si toute la palette des acteurs au niveau européen, national et local peut continuer à développer ses activités dans les domaines d'action du programme touchant à la politique sociale. Dans ce contexte, l'objectif de simplification et de rationalisation suscitera l'adhésion du CESE si avant tout il a notamment pour effet de faciliter l'accès au programme pour toutes les parties prenantes, en particulier les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile, et s'il n'aboutit pas à restreindre l'accessibilité des ressources communautaires.

2.8.3

Sur ce point, le CESE s'inquiète de ce que sur la liste des acteurs habilités à bénéficier de Progress (article 10 «accès au programme»), on ait introduit pour les ONG une restriction qui n'y laisse que celles actives à l'échelon européen. L'article 10 («Accès au programme») ne mentionne pas les ONG au niveau national. Bien que les acteurs organisés au niveau européen jouent un rôle important, le Comité est convaincu que les véritables échanges, la formation de réseaux, l'identification et la diffusion de bonnes pratiques, ainsi que l'apprentissage mutuel s'effectueront avant tout via les organisations qui disposent de pareille expérience dans un domaine donné et sont actives à l'échelle nationale, régionale ou locale. Le CESE estime que dans ce contexte, réaliser des actions à caractère supranational et garantir un échange d'expérience dans le cadre de l'Union européenne est tout aussi important que de s'associer formellement au niveau européen. Il propose par conséquent que l'énoncé proposé par la Commission soit reformulé afin que les acteurs habilités soient simplement les organisations non gouvernementales dont l'action s'inscrit dans un cadre européen.

2.8.4

Le Comité suggère dès lors que la Commission apporte aux articles 2, 9 et 10 les clarifications et les retouches d'harmonisation requises pour qu'il soit possible de concrétiser un des objectifs primordiaux qu'elle s'est fixés, la coopération avec les organisations de la société civile.

3.   Résumé

3.1

De manière générale, le CESE se félicite de la proposition de la Commission à l'examen concernant le programme Progress 2007-2013 et porte une grande attention à cette initiative, dans le contexte notamment des contributions actuellement formulées pour l'évaluation à mi-parcours de Lisbonne. Ce programme-cadre représente l'un des principaux instruments de soutien dans le domaine des affaires sociales et de l'emploi et couvre une période plus longue que l'agenda pour la politique sociale 2006-2010. Pour la simple raison que Progress comprend dès lors des dispositions sur le long terme, le Comité a émis des réserves sur quelques points concrets de la communication de la Commission qui demandent que l'on apporte de plus amples clarifications ainsi que des précisions dans la proposition de décision à l'examen.

3.2

Il s'agit en particulier de réflexions concernant: a) la cohérence du programme avec d'autres domaines d'action de la Communauté, b) sa dotation financière et la répartition de ses moyens, c) un élargissement de son accès et sa praticabilité pour les utilisateurs finals en dépit de la rationalisation entreprise au niveau de la Commission, d) la transparence et la participation au sein de son conseil de programmation, e) l'implication de la société civile.

3.3

Le CESE espère que dans la perspective de la réalisation des objectifs de Lisbonne, les considérations développées sur ces points, en particulier celles touchant au cadre financier seront prises en compte dans la suite du processus décisionnel concernant Progress.

Bruxelles, le 6 avril 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen «Construire notre avenir commun - Défis politiques et moyens budgétaires de l'Union élargie - 2007-2013» (COM(2004) 101 final).

(2)  Voir à ce sujet l'avis sur le Fonds social européen et les programmes connexes qui a été adopté par le CESE en session plénière le 9 mars 2005 (rapporteuse: Mme ENGELEN-KEFER).

(3)  Progress: «Programme communautaire pour l'emploi et la solidarité sociale».

(4)  Une communication distincte présentera ultérieurement des propositions pour soutenir financièrement, à hauteur de 480 millions d'euros, le dialogue social, la libre circulation des travailleurs (en particulier le réseau Eures), ainsi que les études et rapports spéciaux dans le domaine social.

(5)  La Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Dublin) et l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (Bilbao).

(6)  Le nouvel Institut européen du genre aura pour objectif de fournir à l'Union et aux États membres des informations et données comparables sur les questions d'égalité des sexes, ainsi que de servir de catalyseur pour le développement, l'analyse et la diffusion d'informations pour faire progresser cette cause. La Commission a promis une communication à ce sujet pour le début de l'année 2005.

(7)  Dans le domaine des conditions de travail, 266,4 millions d'euros sont en outre prévus pour financer la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Dublin) et l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (Bilbao), sur la période 2007-2013.

(8)  Dans l'exposé des motifs justifiant sa proposition de décision sur Progress, la Commission a en outre annoncé que dans le domaine de l'égalité des sexes, elle déposerait bientôt une proposition pour la fondation d'un Institut européen du genre (IEG) dans laquelle elle prévoit à cette fin un budget de 52,7 millions d'euros pour la période 2007-2013. Sa création n'aura pas d'incidences budgétaires dans la mesure où cette somme a déjà été soustraite de la dotation proposée pour Progress.

(9)  Voir à cet égard l'avis du CESE du 9 février 2005«Politique de l'emploi: le rôle du CESE après l'élargissement et dans la perspective du processus de Lisbonne» (rapporteur: M. Greif), paragraphe 6.8.