8.9.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 221/77


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure européenne d'injonction de payer»

[COM(2004) 173 final/3 — 2004/0055 (COD)]

(2005/C 221/16)

Le 6 avril 2004, le Conseil a décidé, conformément à l'article 95 du Traité instituant la Communauté économique européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

Le bureau du Comité économique et social européen a décidé de confier à la section spécialisée «Marché unique, production, consommation», la préparation des travaux du Comité en la matière.

En raison de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen, lors de la 414ème session plénière des 9 et 10 février 2005 (séance du 9 février 2005), a désigné M. J. PEGADO LIZ rapporteur général et a adopté l'avis suivant par 73 voix pour et 2 abstentions.

1.   Objet de la proposition

1.1

Avec cette proposition de règlement visant l'établissement d'une procédure judiciaire européenne d'injonction de payer (1), la Commission donne suite à une série d'initiatives prises en vue de la mise en place et du développement progressif d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, en éliminant les obstacles au bon déroulement des procédures civiles et en favorisant des règles de procédure civile plus faciles au niveau européen, comme prévu notamment dans son plan d'action approuvé par le Conseil justice et affaires intérieures du 3 décembre en 1998 (2).

1.2

La proposition à l'examen répond à l'un des deux objectifs centraux du Livre vert du 20 décembre 2002 (3), l'autre objectif de l'instauration d'une procédure européenne pour les litiges de d'un montant de faible importance faisant actuellement l'objet d'un traitement séparé par la Commission.

1.3

En ce qui concerne l'instauration d'une procédure européenne d'injonction de payer, la Commission, après avoir pris en considération les commentaires et recommandations sur le Livre vert formulés soit par le Parlement européen soit par le Comité économique et social européen, présente un projet de règlement dans l'objectif d'instituer une procédure d'injonction unique dans tous l'espace de l'Union européenne.

1.4

Cette initiative est justifiée par l'existence de différences entre les régimes du droit de procédure civile des états membres, les coûts élevés qui en résultent et les délais qui découlent des litiges transfrontaliers, lesquels prennent des proportions exagérées, en particulier dans le cadre des procédures de recouvrement de créances incontestées.

1.5

La Commission entend étendre l'application de la procédure d'injonction unique aux litiges internes, pour des raisons d'égalité entre les sujets de droit et de non-distorsion de concurrence entre les opérateurs économiques, mais tout en garantissant la compatibilité de celle-ci avec les principes de proportionnalité et de subsidiarité.

1.6

Le caractère facultatif de la procédure d'injonction est bien expressément mentionné dans le corps du texte, la Commission suivant là encore le point de vue exprimé par le CESE, le créancier pouvant toujours opter pour une autre procédure, plus formelle, conformément au droit interne de son pays.

1.7

Dans la formulation des mécanismes procéduraux en vue, la Commission a pris pour lignes directrices les principes fondamentaux suivants:

a)

simplicité procédurale avec utilisation de formulaires types;

b)

non-appréciation du bien-fondé;

c)

la production de preuve n'est pas nécessaire;

d)

garanties suffisantes de défense du défendeur;

e)

absence de recours;

f)

caractère exécutoire;

g)

non-obligation de se faire représenter par un avocat.

1.8

La Commission garantit également l'information réciproque des organes juridictionnels compétents pour émettre les injonctions européennes dans les différents États membres, information qui sera périodiquement mise à jour.

1.9

Le Comité se réjouit de l'indication selon laquelle le Royaume-Uni et l'Irlande envisagent la possibilité d'adhérer à cette initiative, comme cela s'est produit avec d'autres initiatives similaires. En revanche, il aurait apprécié que, pour un meilleur fonctionnement du système proposé maintenant, le Danemark ne s'exclue pas totalement de l'application du règlement et il espère qu'à l'avenir, il sera possible de lever les obstacles qui entravent la pleine adhésion de ce pays à un espace judiciaire unique européen.

1.10

Le champ d'application territorial de la proposition pourra donner lieu à des difficultés au moment de sa mise en œuvre. Pour les éviter, il faut prendre en considération les spécificités de certains territoires qui sont mentionnées à l'article 299 du TCE et les responsabilités que certains États membres ont assumées en ce qui les concerne. Il y a lieu de préciser en ce sens qu'indépendamment de l'exercice concret de la procédure d'injonction, c'est l'autorité nationale qui assume la responsabilité externe de l'État qui devra procéder à la désignation des organismes compétents et qui partant avalisera leur légitimité.

2.   Antécédents et initiatives parallèles

2.1

Il y a longtemps que le souci d'uniformisation et de simplification des procédures civiles, comme moyen de garantir une application rapide et efficace de la justice, ressort des différents documents des institutions communautaires, depuis le Parlement européen (4) jusqu'à ce Comité économique et social européen (5).

2.2

Se faisant l'écho de ces préoccupations, généralement véhiculées par les opérateurs économiques, les professionnels et les consommateurs, la Commission a également entamé de longue date une réflexion sur les meilleures voies à suivre, les progrès obtenus dans le domaine pionnier du droit de la consommation (6) étant particulièrement intéressants à cet égard.

2.3

C'est toutefois avec le «Livre vert sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance» que la question a été envisagée en termes d'initiatives législatives éventuelles.

2.4

Cette initiative s'inscrit néanmoins dans un ensemble de mesures particulièrement importantes qui viennent d'être prises successivement en matière de coopération judiciaire dans le domaine du droit civil au cours de ces dernières années (7).

2.5

Le Règlement CE/805/2004, du 21 avril 2004, portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (8), mérite en particulier d'être souligné, document qui d'ailleurs ne peut manquer d'être pris en considération dans l'appréciation de l'actuelle proposition de la Commission, dès lors que ces deux documents sont les deux faces d'une même réalité: la nécessité de rendre simple et efficace l'application de la justice dans un espace judiciaire unique.

3.   Instrument légal et base juridique

3.1

Comme pour la généralité des initiatives prises dans ce domaine, la Commission a décidé de proposer l'utilisation d'un règlement et pris pour base juridique de sa proposition l'article 61 al. c) et 65 du traité.

3.2

Le CESE s'était déjà prononcé dans son avis ouvertement et sans réserve en faveur de l'adoption d'un règlement et ne peut par conséquent manquer de marquer son soutien au choix de la Commission.

3.3

La base juridique lui paraît également tout à fait correcte dès lors qu'elle correspond à une interprétation qui n'est pas purement formaliste des dispositions légales mentionnées, la seule qui soit en accord avec l'objectif de la création d'un espace judiciaire unique dans l'UE.

4.   Observations générales

4.1

Le CESE se félicite de la présentation de la proposition de règlement à l'examen, dans laquelle a été prise en considération, comme cela a déjà été dit, la majorité des observations formulées par ce Comité à l'occasion de l'examen du «Livre vert sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance» et qui tente opportunément de donner corps au droit inscrit à l'article 47 de la Charte des droits sociaux fondamentaux de l'UE.

4.2

Le CESE invite instamment la Commission à étudier la possibilité d'étendre cette proposition de règlement à l'Espace économique européen.

4.3

La nécessité de créer une procédure européenne pour le recouvrement des créances incontestées est bien étayée dans les différentes réponses fournies par les états membres concernant le livre vert précité, de même que le souci de garantir au supposé débiteur des droits de défense appropriés.

4.3.1

Le CESE estime néanmoins que la proposition de la Commission aurait tout à gagner si elle était dûment étayée par des éléments statistiques relatifs à la prévision des cas de litige, qu'ils soient transfrontaliers ou nationaux, litiges qui seront l'objet du nouvel instrument qui est maintenant proposé ainsi que par une analyse coûts/bénéfices concernant sa mise en œuvre, question qui n'est pas abordée dans l'exposé des motifs de la Commission.

4.4

Le CESE, dans son avis sur le Livre vert, affirme notamment que: «Lors de la conception d'une procédure européenne pour les demandes de faible importance, il faudra surtout veiller à trouver des mesures appropriées pour accélérer les litiges portant sur des petits montants, sans remettre en question les garanties conférées aux parties en vertu de l'État de droit».

4.5

Or, de l'avis du CESE, la proposition de règlement à l'examen, même si elle doit faire l'objet d'une révision soigneuse et attentive en vue de mieux adapter ses objectifs, envisage de manière équilibrée ces deux nécessités: la rapidité dans le recouvrement et la garantie des droits de la défense.

4.6

Toutefois, le CESE attire l'attention sur la nécessité de veiller à ce que l'injonction ne devienne pas une manière de masquer des procédés moins corrects auxquels certaines entreprises auraient recours, et notamment à ce que cette procédure ne soit pas utilisée comme moyen de pression ou de recouvrement de créances découlant du non-respect des règles de protection des consommateurs. De même, il importe de faire en sorte, qu'au moyen de la formule adaptée, l'on ne favorise pas des situations de collusion entre des entreprises situées dans des États membres différents qui utiliseraient des injonctions de créances incontestées comme prétexte pour procéder à des transferts d'argent de provenance douteuse et/ou criminelle, en utilisant un moyen légal pour le blanchir.

4.7

Le CESE met par ailleurs en garde contre le fait qu'un nombre significatif de procédures de recouvrement qui encombrent les tribunaux, et même pour des créances incontestées, ont un rapport avec la publicité agressive et/ou trompeuses qui fait la promotion de produits en tentant de convaincre le consommateur que leur achat, leur utilisation ou leur consommation n'entraînent pas de dépenses accrues et que même s'il y a augmentation de dépenses, celles-ci ont une incidence insignifiante sur le budget familial.

4.8

En conséquence, de l'avis du CESE, la proposition de règlement à l'examen ne représente qu'un aspect d'un problème plus vaste plus complexe. Ainsi, il exhorte une fois de plus la Commission à présenter une proposition législative qui définisse la responsabilité des fournisseurs, dès lors qu'ils peuvent contribuer avec certains de leurs comportements moins loyaux à l'endettement excessif des familles (9).

4.9

La Commission est d'avis que la procédure européenne d'injonction de payer actuellement proposée pourra coexister avec d'autres procédures de même nature et poursuivant un même objectif qui relèvent des droits nationaux des États membres.

4.9.1

Or, selon le CESE, il ne devrait exister qu'une procédure d'injonction de payer– celle prévue et régie par la proposition de règlement à l'examen, règlement qui, par définition, ne pourra manquer d'être considéré comme le plus adapté aux situations auxquelles il s'applique, sous peine de perdre sa légitimité. C'est la raison pour laquelle les procédures d'injonction de payer prévues dans certaines législations nationales des États membres devraient disparaître avec l'adoption du règlement en question.

4.9.2

Cette procédure d'injonction ne devra être facultative que par rapport aux autres procédures communes et non par rapport aux procédures d'injonction de même nature et ayant une même finalité.

4.9.3

Cela étant, aussi bien l'exposé des motifs que le considérant 8 doivent être reformulés afin de ne prévoir, en des termes clairs, la complémentarité de la procédure européenne d'injonction de payer qu'avec les autres procédures communes, sommaires ou ordinaires et non par rapport aux procédures nationales d'injonction de payer de même nature.

4.10

La proposition de Règlement à l'examen utilise souvent l'expression «débiteur» pour se référer au destinataire de la procédure européenne d'injonction de payer. De l'avis de CESE cette désignation est incorrecte, car elle véhicule l'idée que le destinataire de cette procédure est un débiteur, alors que tant que l'injonction de payer n'est pas devenue exécutoire, l'on ne peut parler, en toute rigueur, de débiteur, débiteur qui n'existera peut-être d'ailleurs jamais.

4.10.1

Aussi, le CESE estime-t-il que le terme «débiteur» doit être remplacé par celui de «défendeur» dans tous les articles où il est présent, pour uniformiser cette désignation dans la proposition de règlement.

4.11

Tous les délais figurant dans cette proposition de règlement à l'examen doivent être calculés en jours et non en semaines. Il faut définir avec précision les règles régissant leur calcul ainsi que leur suspension ou leur interruption (congé judiciaire, jours fériés, samedis et dimanches, etc., par exemple), pour des raisons évidentes de sécurité juridique et il est par conséquent suggéré d'adopter à cet effet les règles inscrites dans les articles 80 et suivants du règlement de procédure de la Cour de justice.

4.12

En droit procédural, la procédure commune et la procédure ordinaire sont des concepts distincts. Dans différents États membres, la distinction essentielle se fait entre la procédure commune et la procédure spéciale. La procédure est spéciale lorsqu'il existe dans la loi une procédure spécifique pour certains litiges et elle est commune dans toutes les autres situations. La procédure commune quant à elle peut être ordinaire, sommaire ou très sommaire selon la valeur du litige.

4.12.1

La proposition de règlement utilise l'expression «procédure ordinaire» sans la rigueur annoncée. En effet, à l'article 2, no2, elle se réfère à une procédure ordinaire par opposition à une procédure sommaire et aux articles no6, 5, 8 et 12, elle fait référence à une procédure ordinaire au sens de procédure commune.

4.12.2

Aussi, les références à la «procédure ordinaire» figurant aux n. 6, 5, 8 et 12 de la proposition de règlement à l'examen doivent-elles être remplacées par l'expression «procédure commune».

5.   Observations particulières

5.1   Article 2 — procédure européenne d'injonction de payer

5.1.1

L'expression «créances pécuniaires incontestées liquides et exigibles» doit être remplacée par l'expression «créances pécuniaires incontestées d'un montant déterminé, liquides et exigibles».

5.1.2

En effet pour qu'une créance donnée soit exécutable il faut que son montant soit déterminé et qu'elle soit liquide et exigible. Ce type de concept est très précis dans les différents systèmes juridiques et devra par conséquent être maintenu pour une plus grande sécurité juridique dans l'application du droit.

5.2   Article 4 — conditions d'émission d'une injonction de payer

5.2.1

Au paragraphe 1, la phrase «… si les conditions énoncées aux articles 1er, 2 et 3 sont réunies …» devrait être modifiée dès lors que les articles 1er et 2 ne se réfèrent pas à proprement parler à des conditions. En effet, l'article 1er définit le champ d'application du règlement et l'article 2 la procédure établie dans le règlement.

5.2.1.1

Aussi, le CESE suggère-t-il la rédaction suivante: «… si les conditions et les exigences établies aux articles 1er, 2 et 3, respectivement sont remplies».

5.2.2

Le paragraphe 2 de cet article accorde au tribunal la faculté d'inviter le demandeur à compléter ou à rectifier sa demande.

5.2.2.1

Le CESE invite la Commission à étudier les avantages qu'il y aurait à transformer cette faculté en obligation, tout du moins pour les cas évidents d'erreurs grossières dues au fait que les formulaires ont été mal remplis ou remplis de manière incomplète, si l'on veut garantir une sécurité juridique accrue et un allégement de la procédure.

5.2.2.2

Par ailleurs, la proposition de règlement à l'examen devrait prévoir un délai défini, nécessairement court, pour que le demandeur réponde à l'invitation du tribunal. À l'expiration de ce délai, si la demande n'a pas été parachevée par le demandeur, elle sera en un premier temps rejetée.

5.3   Article 5 — rejet de la demande

5.3.1

D'un point de vue procédural, et en termes généraux, la décision de rejet de la demande d'injonction de payer pourrait faire l'objet d'une opposition ou d'un recours. Or, ce que l'on vise avec le paragraphe 2 de cet article 5 c'est d'éviter que cette décision puisse faire l'objet d'aucune forme de remise en cause, quel que soit le moyen procédural utilisé.

5.3.2

Ainsi, compte tenu de la conception de cette procédure et de son caractère facultatif, qui n'empêche pas l'utilisation d'autres moyens judiciaires, le recours devient inutile.

5.3.3

Dans cette logique, il convient d'ajouter à la fin du paragraphe 2 de cet article l'expression suivante: «ou d'appel» (10) pour rendre compatibles les dispositions de l'article 5 avec ce qui est dit dans l'exposé des motifs.

5.4   Article 6 — avis de paiement européen

5.4.1

Il est prévu à la fin du paragraphe 2 de cet article que si l'on connaît avec certitude l'adresse du défendeur (comme cela a été dit précédemment le terme «débiteur» devrait être remplacé par celui de «défendeur»), les méthodes de signification qui ne fournissent pas de preuve de la réception de la signification par le débiteur lui-même sont recevables.

5.4.1.1

Le CESE attire l'attention de la Commission sur le caractère trop vague de l'expression «si l'adresse de ce dernier (le défendeur) n'est pas connue avec certitude» qui peut donner lieu à des situations de grande incertitude juridique avec des conséquences dommageables pour les défendeurs.

5.4.1.2

Il existe dans plusieurs États membres la règle de l'élection du domicile, en vertu de laquelle, si la signification est envoyée au domicile élu par les parties au contrat, l'on présume qu'elle a bien été reçue, ce qui dispense d'en prouver la réception. Le caractère élu du domicile suffira-t-il à remplir l'exigence de la connaissance avec certitude? L'on pense que non.

5.4.1.3

Si l'on conjugue cette règle selon laquelle il n'est pas nécessaire d'apporter la preuve de la réception de la signification par le défendeur avec celle de la saisie exécutoire des biens, avant même la signification aux parties citées, l'on pourra facilement en arriver à une situation dans laquelle le défendeur ne prend connaissance de l'injonction qu'au moment de la saisie exécutoire de ses biens.

5.4.1.4

Cette situation, grave et dommageable pour la personne qui voit ses biens-ci saisis sans avoir eu l'occasion de s'y opposer est selon le CESE à éviter (11). Le CESE propose par conséquent, dans la droite ligne de ce qui a été affirmé avec insistance dans l'avis sur le Livre vert déjà mentionné, qu'il ne soit pas possible de recourir à des méthodes de signification qui ne fournissent pas une preuve de la réception par le défendeur lui-même et qu'il y a donc lieu d'éliminer l'expression: «si l'adresse de ce dernier (le défendeur) n'est pas connue avec certitude» dans le deuxième paragraphe de l'article 6.

5.4.2

Le délai de trois semaines mentionnées à l'alinéa b) du paragraphe 3 de l'article 6 doit être modifié en faveur d'un nombre de jours équivalent afin de faciliter le calcul des délais.

5.4.3

Il faut spécifier la nature du délai auquel se réfère le paragraphe 5 de cet article 6. Ainsi, le CESE propose d'ajouter après «prazo» (délai) l'expression «de prescrição» (de prescription), tout du moins dans la version portugaise et les versions dont elle est absente.

5.4.4

Dans son avis sur le Livre vert déjà mentionné, le Comité avait suggéré en outre «d'inclure dans l'instrument juridique des dispositions relatives aux conséquences d'une omission de ce devoir d'information».

5.4.4.1

Dans la proposition à l'examen, il est fait référence au respect de ce devoir et le CESE exhorte par conséquent à nouveau la Commission à prévoir de telles normes.

5.5   Article 8 — effets de la réclamation

5.5.1

De l'avis du CESE, il n'apparaît pas clairement dans la proposition de règlement à l'examen qu'à partir de la production de la réclamation la procédure se poursuivra conformément aux règles de la procédure de chaque État membre sans qu'il soit nécessaire que les parties la relancent par une nouvelle démarche.

5.5.2

Ainsi, au paragraphe 1 de l'article 8, il conviendrait d'ajouter après «la procédure se poursuit» la phrase: «automatiquement et sans que les parties doivent la relancer par une nouvelle démarche».

5.6   Article 9 — injonction de payer européenne

5.6.1

Rappelons ce qui a été dit à propos de l'article 6, à savoir qu'il est prévu à la fin du paragraphe de cet article, que si l'on connaît avec certitude l'adresse du défendeur (comme cela a déjà été dit, le terme «débiteur» doit être remplacé par celui de «défendeur»), les méthodes de signification qui ne fournissent pas une preuve de la réception de la signification par le défendeur lui-même sont recevables.

5.6.2

Le CESE attire l'attention de la Commission sur le fait que l'expression: «si l'adresse de ce dernier (le défendeur) n'est pas connue avec certitude» est suffisamment vague pour donner lieu à des situations de grande incertitude juridique avec des conséquences dommageables pour le défendeur.

5.6.3

Pour cette raison, le CESE estime qu'il faut suivre ici exactement ce qui a été proposé pour l'article 6, c'est à dire prévoir qu'il ne sera pas possible de recourir à des méthodes de signification qui ne fournissent pas la preuve de la réception par le défendeur lui-même et qu'il faut par conséquent éliminer l'expression: «si l'adresse de ce dernier (le défendeur) n'est pas connue» à la fin du paragraphe 2 de cet article 9.

5.7   Article 11 — opposition à l'injonction de payer européenne

5.7.1

Si la Commission reprend à son compte la suggestion du CESE de ne pas accepter les méthodes de signification qui ne fournissent pas de preuve de réception par le défendeur lui-même, elle devra en conséquence supprimer de son texte la lettre i) de l'alinéa a) du paragraphe 4 de cet article 11.

5.7.2

L'expression: «agisse promptement» figurant à la fin du paragraphe 4 de cet article 11 est très vague et susceptible d'être interprétée de manières très diverses.

5.7.2.1

Aussi et en vue de renforcer la certitude et la sécurité juridique, le CESE suggère que la Commission définisse un délai limite pour l'exercice des droits prévus au paragraphe 4 de cet article 11.

5.8   Article 12 — effets de la déclaration d'opposition

5.8.1

Comme cela a été dit à propos de l'article 8, la proposition de règlement à l'examen n'établit pas clairement qu'à partir de l'introduction de la réclamation la procédure se poursuit conformément aux règles de la procédure civile de chaque État membre sans que les parties doivent la relancer par une nouvelle démarche.

5.8.2

Aussi, au paragraphe 1 de l'article 12, après «la procédure se poursuit» faut-il ajouter les termes: «automatiquement sans que les parties doivent la relancer par une nouvelle démarche».

5.9   Article 13 — assistance et représentation en justice

5.9.1

De l'avis du CESE, l'on peut admettre la non-obligation de se faire représenter par un avocat ou un autre professionnel de la justice lorsque la valeur du litige est suffisamment faible pour justifier, d'un point de vue économique, de ne pas faire appel à ces derniers.

5.9.2

Toutefois, la proposition de règlement à l'examen ne définissant pas de montants maximaux (contrairement à certaines législations des États membres) pour cette procédure d'injonction, celle-ci pourra donc être utilisée pour recouvrer des montants élevés qui, conformément à la législation de plusieurs états membres et en cas d'opposition, obligent à suivre la procédure ordinaire, par exemple.

5.9.3

Il n'est pas logique dans ces cas de limiter l'intervention d'un professionnel de la justice au passage à la procédure civile ordinaire. En effet, le défendeur est tenu, lorsqu'il remplit le formulaire de réponse propos, non seulement de dire s'il reconnaît ou non la créance mais également s'il a l'intention de former opposition concernant la totalité de la créance ou la créance principale ou seulement les intérêts ou encore les seuls frais. Or en remplissant le formulaire, le défendeur peut compromettre, par mégarde, la défense que l'avocat définirait s'il devait intervenir dès le début de la procédure d'injonction.

5.9.4

Par ailleurs, la non-obligation de se faire représenter par un professionnel de la justice peut être un inconvénient lorsque sont en présence des parties dont le rapport de force est très déséquilibré (consommateurs contre professionnels, grandes entreprises contres petites entreprises ou entreprises familiales).

5.9.5

Compte tenu de ce qui précède, le CESE conseille à la Commission de réfléchir à l'obligation de se faire représenter par un avocat ou un autre professionnel de la justice à partir d'un montant déterminé (2.500 euros, par exemple).

5.10   Article 14 -frais de justice

5.10.1

De l'avis du CESE, il y aurait lieu d'ajouter un alinéa 2 à cet article rédigé comme suit: «la procédure européenne d'injonction de payer n'entraîne pas de frais en l'absence de réclamation ou de déclaration d'opposition».

5.10.2

Étant donné la nature non judiciaire de la procédure d'injonction de paiement de créances incontestées, il est suggéré de fixer un taux initial, d'un montant réduit, indépendamment des sommes réclamées.

5.10.3

À défaut, il devra être clairement précisé dans ce règlement à l'examen que les dispositions qui, dans le droit interne de chaque État membre, ont contribué à la transposition de la directive 2003/8/CE du 27 janvier 2003 relative à l'aide judiciaire (12), sont applicables à cette procédure.

5.11   Formulaires annexes

5.11.1

Tout le système actuellement proposé repose sur l'utilisation de formulaires qui constituent les annexes 1 à 3 de la proposition de règlement à l'examen (10). Le fonctionnement efficace des procédures proposées passe ainsi par une bonne adaptation des formulaires aux fonctions auxquelles ils sont destinés.

5.11.2

Pour ce qui est de l'utilisation des formulaires dans les litiges transfrontaliers, le CESE émet des réserves légitimes quant à leur efficacité et à leur caractère pratique.

5.11.3

Prenons l'exemple suivant: une entreprise italienne présente une demande d'injonction de payer à un tribunal italien contre un consommateur polonais. Dans quelle langue ce dernier va-t-il recevoir l'avis de paiement européen, en italien ou en polonais? Dans la première hypothèse, comment garantir que le consommateur a compris le contenu de l'avis de manière à pouvoir décider en connaissance de cause s'il va introduire une réclamation?. Dans la dernière, qui est responsable de la traduction de l'avis?

5.11.4

De plus, les formulaires en cause présupposent que le demandeur doit non seulement signaler les champs prédéfinis mais également écrire le texte. Qui a la responsabilité de la traduction de ce texte? Et qui en certifie la conformité?

5.11.5

Le Règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale n'apporte pas de réponse aux préoccupations antérieurement évoquées compte tenu de la nature peu formelle et rapide de la procédure européenne d'injonction actuellement à l'examen.

5.11.6

En effet, même si l'hypothétique consommateur polonais mentionné recevait un avis de paiement européen dans sa langue maternelle, dans quelle langue répondrait-il? Qui ferait la traduction du polonais vers l'italien? Par ailleurs, s'il ne reçoit pas le document en polonais, il pourra, aux termes de la loi, le refuser. Dans n'importe lequel de ces cas de figure, il existe des obstacles qui remettent en cause la rapidité de la procédure européenne d'injonction.

5.11.7

Aussi, le CESE invite-t-il vivement la Commission à réfléchir sur la manière la plus efficace de garantir que la réalisation des objectifs de rapidité de recouvrement de créances et de garantie de défense du défendeur n'est pas compromise dans l'utilisation des formulaires dans le cadre de litiges transfrontaliers.

5.11.8

Le CESE estime également qu'à l'exception des formulaires de réponse, tous les autres formulaires sont trop complexes pour pouvoir être remplis par des personnes qui n'ont pas de formation juridique.

5.11.9

En effet, des concepts tels que «taux d'intérêt légal»; «% au-dessus du taux de base de la BCE»; «le motif de l'action»; «injonction de payer» et «force exécutoire» ne sont pas faciles à comprendre pour les non-initiés et étant donné que la Commission propose la non-obligation de se faire représenter par un avocat (ce que le CESE n'admet que jusqu'à un montant réclamé déterminé) dans cette procédure, il devient nécessaire de faire en sorte que les vrais utilisateurs comprennent et sachent remplir les formulaires en question.

5.11.10

Par ailleurs, tout du moins au Portugal, «arrendamento» et «aluguer» renvoient à des concepts différents dès lors que le premier concerne des biens immeubles tandis que le second des biens meubles. Par conséquent, en tout cas dans la version portugaise, aux paragraphes 8.2 relatif à la demande d'injonction de payer et 9.3 relatif à l'avis de paiement européen et à l'injonction de payer européenne respectivement l'expression «contrato de arrendamento» doit être modifiée comme suit: «contrato de locação — bens moveis» Un même souci de correction juridique de la terminologie utilisée doit présider aux différentes versions linguistiques de la proposition, conformément aux concepts du droit civil de chaque État membre.

5.11.11

Enfin, les paragraphes 11 relatif à la demande d'injonction européenne et 12 relatif à l'avis de paiement européen et à l'injonction de payer européenne respectivement sont très difficiles à remplir pour une personne sans formation juridique. Le CESE suggère que cette question soit examinée par la Cour de justice en fonction des adresses du demandeur et du défendeur.

Bruxelles, le 9 février 2005.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  COM(2004) 173 final du 19.03.2004.

(2)  JO C 19 du 23.03.1999.

(3)  COM(2002) 746 final du 20.12.2002 sur lequel le CESE a émis l'avis suivant: rapporteur: VON FUSTENWERTH JO C 220 du 16.09.2003.

(4)  Cf. les résolutions du PE A2-152/86, du 13.03.87, A3-0212/94, du 22.04.94 et A-0355/96, du 14.11.96.

(5)  Rappelons notamment à ce propos Les avis sur le Livre vert sur l'accès des consommateurs à la justice (rapporteur: M ATAÍDE FERREIRA (JO C 295 du 22.10.94) et sur le marché unique et la défense des consommateurs: «opportunités et obstacles» (rapporteur: M. CEBALLO HERRERO) (JO C 39 ) du 12.02.1996).

(6)  Cf. À ce propos les documents suivants:

Mémorandum de la Commission sur «l'accès des consommateurs à la justice» (COM(84) 692 final,du 12.12.1984) et «communication complémentaire» (COM(87) 210 final du 7.05.1987) dans le supplément du Bulletin des Communautés européennes 2/85

Communication de la Commission «Un nouvel élan pour la politique des consommateurs» COM(85) 314 final, du 23.07.1985, dans le JO C 160, du 1.07.1985

Plan d'action de la Commission du 14 février 1996 (COM(96) 13 final)

Communication de la Commission «Pour une efficacité accrue dans l'obtention et l'exécution des décisions dans l'Union européenne» (COM(1997) 609 final du 22.12.1997, dans le JO C 33 du 31.01.1998).

Livre vert sur l'accès des consommateurs à la justice et le règlement des litiges dans le marché unique (COM(1993) 576).

Livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial (COM(2002) 196 final du 19.04.2002.

(7)  Parmi lesquelles on peut distinguer:

Recommandation de la Commission du 12 mai et 1995 relative aux retards de paiement dans les transactions commerciales et communication de la Commission y afférente, dans JO L 127 du 10.6.1995 et JO C 144 du 10.06.1995

Directive 98/27/CE, du 19.05.98, relative aux actions en cessation (JO L 166/51 du 11.06.1998)

Directive 2000/35/CE du 29 juin concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales dans JO. L 200, du 8.8.2000

Règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I) in JO. L 12 de 16.1.2001. Avis CESE sur la question (rapporteur: M MALOSSE) dans JO C 117 du 26.04.2000

Règlement CE/1206 du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile et commerciale dans JO. L 174 de 27.6.2001. Avis CESE sur la question (rapporteur: M. H. BATALLER) dans JO C 139 du 11.5.2001

Programme de mesures destinées à appliquer le principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale (dans JO C 12 du 15.01.2001)

Règlement 1346/2000, du 29 mai 2000, relatif à la procédure d'insolvabilité, dans JO L 160 du 30.06.2000. Avis CESE sur la question (rapporteur: M RAVOET) dans JO C 75 de 15.3.2000

Règlement CE 1347/2000 du 29 mai 2000 relatif à la reconnaissance à l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs. Avis CESE sur la question (rapporteur: M BRAGHIN) dans JO C 368 du 20.12.1999

Règlement CE 1348/2000 du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale. L'avis du CESE sur la question a été élaboré par le Conseiller BATALLER dans le JO C 368, du 20.12.1999

Décision du conseil du 28 mai 2001, relative à la création d'un réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, dans le JO L 174, du 27.06.2001. L'avis du CESE sur la question a été élaboré par le Conseiller RETUREAU dans le JO C 139, du 11.05.2001.

Communication de la Commission relative à un nouveau cadre juridique pour les paiements dans le marché intérieur (COM(2003) 718 final, du 02.12.2003). L'avis du CESE à ce sujet a été élaboré par le Conseiller RAVOET (JO C 302, du 7.12.2004).

(8)  COM(2002) 159 final, dans le JO C 203 du 27.08.2002, avis CESE sur ce sujet (rapporteur: M. RAVOET ) dans le JO C 85 du 8.04.2003.

(9)  Cf. Rapport d'information et avis du CESE sur l'endettement des familles dont le Conseiller ATAÍDE FERREIRA était rapporteur, dans le JO C 149, du 21.06.2002.

(10)  NDT: dans la version PT c'est le terme «recurso» qu'il faut rajouter tandis que dans la version FR le terme à rajouter est celui qui correspond à celui qui est déjà présent dans la version PT actuelle? À savoir «impugnaçao» ou «appel».

(11)  Le Règlement CE 805/2004 du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées prévoit à son article 14 la possibilité d'une signification ou notification non assortie de la preuve de sa réception par le défendeur, la considérant comme non admissible si l'adresse du défenseur n'est pas connue avec certitude. Parmi les différentes situations prévues, seules celles visées aux alinéas c), d) et e) justifient les objections soulevées par le CESE tant dans le présent avis que dans l'avis sur le livre vert relatif à ce thème.

(12)  Dans le JO L 26/41, du 31.01.2003.