23.3.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 74/23


Avis du Comité économique et social européen «Pour une meilleure gouvernance économique dans l'Union européenne»

(2005/C 74/06)

Le 29 janvier 2004, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur «Améliorer la gouvernance économique dans l'Union européenne ».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 13 juillet 2004 (rapporteur: M. van IERSEL).

Lors de sa 411ème session plénière des 15 et 16 septembre 2004 (séance du 15 septembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 130 voix pour, 3 voix contre et 7 abstentions.

RÉSUMÉ

Une nouvelle époque commence pour l'Union européenne. 2004 sera l'année de l'adhésion de dix nouveaux États membres, de l'installation d'une nouvelle Commission, de l'élection d'un nouveau Parlement européen et, on peut l'espérer, également l'année de la Constitution. Cette année est également celle de l'élaboration du bilan à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne pour 2005. Les analyses de la Commission, notamment dans les Grandes orientations de politique économique, pointent les insuffisances qui entravent l'intégration. Ces dernières sont dues en partie à la faiblesse de la conjoncture économique, mais en partie également au manque d'empressement des États membres à respecter les objectifs et les accords qu'ils ont eux-même définis. Il est vital d'activer la croissance économique et d'insuffler une vie nouvelle à la stratégie de Lisbonne. Ce rapport met l'accent sur la gestion de ce concept stratégique indispensable à la crédibilité et à l'efficacité de l'Union. Il existe un besoin urgent de cadre institutionnel, dans le but de parvenir à une juste répartition des tâches au sein de l'Union – qui fait quoi, et quand? – ainsi qu'à la réalisation et à la mise en oeuvre dans les États membres des objectifs et des directives décidés par le Conseil européen et les Conseils thématiques. Les exemples de succès dont la stratégie de Lisbonne «nouvelle mouture» pourrait s'inspirer ne manquent pas: citons par exemple «Europe 92» et l'Union économique et monétaire. On trouvera également dans ce document un fervent plaidoyer en faveur de la méthode communautaire. Une approche intégrale sur la base d'un plan par étapes, ayant fait l'objet d'une concertation préalable, est nécessaire.

1.   Introduction

1.1

L'Union européenne traverse une phase cruciale. Elle se trouve confrontée à des défis majeurs: l'élargissement, la dynamisation de la croissance économique et de la compétitivité, le projet de Constitution et la réponse à apporter pour lutter contre le déficit de confiance dans l'opinion publique. Ces tâches difficiles exigent une politique efficace et cohérente de même qu'une mise en oeuvre adéquate. L'an passé, le CESE a publié deux rapports sur les grandes orientations de politique économique (1).

1.2

Une plus ample réflexion est toutefois nécessaire. Une politique et une intégration efficaces ne sont pas envisageables sans un cadre institutionnel clair et crédible qui assure le suivi des accords européens.

1.3

L'analyse de la Commission, notamment celle contenue dans sa communication du 21 janvier 2004 (2) et l'actualisation du 7 avril 2004 (3) confirment les tendances de 2003. Idem en ce qui concerne l'urgence de ses recommandations. Dès lors, le CESE s'attachera plus particulièrement, dans le présent rapport, à l'examen des conditions marginales institutionnelles et de gestion, c'est-à-dire à la bonne gouvernance. La gestion pratique constitue le thème central pour l'UE des 25 (4).

1.4

Nombreux sont ceux qui partagent les préoccupations du CESE. À l'instar de la Commission et du secteur privé et des organisations de la société civile, des présidences successives – irlandaise, néerlandaise – insistent fortement sur l'action et la mise en œuvre. Les déclarations officielles sans suivi sont contre-productives. L'application pratique constitue un objectif crucial (5).

1.5

Les grandes orientations de politique économique examinent les politiques macroéconomique et budgétaire des États membres, la politique de l'emploi et la progression du marché intérieur. Elles illustrent ainsi concrètement les différentes responsabilités de l'UE et des autorités nationales, ainsi que la situation variable au sein des États membres.

1.6

Le ralentissement de la croissance économique et le non-respect par les États membres des accords auxquels le Conseil européen lui-même a souscrit ont notamment les conséquences suivantes:

en matière de politique budgétaire, détérioration progressive de la discipline;

retard dans le renforcement de la compétitivité par l'économie de la connaissance;

insuffisance des investissements visant à améliorer la productivité dans le secteur des TIC et dans les domaines de la connaissance et de la formation;

incertitude du climat des investissements;

déplacement de certains investissements vers des régions situées dans des pays tiers;

pression sur l'emploi;

politique du marché du travail: réformes et adaptations insuffisantes.

1.7

La situation économique en Europe s'est quelque peu améliorée, mais la reprise reste faible. Les États-Unis ont une croissance économique supérieure à celle de l'UE. Par ailleurs, les concurrents, c'est-à-dire surtout la Chine et l'Inde, enregistrent des résultats de plus en plus convaincants.

1.8

L'heure est à la mondialisation des investissements et flux financiers, mais ce processus n'est pas uniforme et il existe d'importantes différences socio-économiques et politiques entre les régions du monde. Le cadre de référence de l'Europe est le monde entier.

1.9

Cette année, la Commission et le Conseil doivent mener une nouvelle réflexion sur l'approche et les instruments requis:

l'UE écrit une nouvelle page de son histoire: dix nouveaux États membres, un nouveau Parlement, une nouvelle Commission, ainsi que l'adaptation progressive de la structure de la Commission aux nouvelles conditions, sans oublier que la Constitution n'a pas encore été adoptée;

les conséquences de l'élargissement seront importantes sur le plan quantitatif, mais également qualitatif. La diversité au sein de l'Union s'en trouve considérablement accrue;

l'évolution mondiale des marchés des produits et des services et la nervosité permanente des marchés financiers forcent de plus en plus les États membres à relever les mêmes objectifs politiques et à procéder à une intégration efficace.

2.   L'analyse pour 2004

2.1

Les grandes orientations de politique économique pour 2003-2005 fournissent une approche intégrale:

de la politique macroéconomique orientée vers la croissance et la stabilité;

du renforcement du potentiel de croissance en Europe du fait des réformes économiques;

du renforcement de la durabilité de la croissance.

2.2

Pendant des années, le pacte de croissance et de stabilité a créé une base solide et a instauré un rapport de confiance entre les États membres. La conjoncture économique défavorable sape la discipline fixée. Les règles de procédure sont suffisamment claires. L'absence d'applicabilité efficace des accords convenus constitue toutefois un problème. Néanmoins, un grand nombre d'États membres au sein de la zone euro et en dehors s'efforcent toujours de tenir compte de la discipline budgétaire exigée. Les résultats enregistrés par les États membres scandinaves sont particulièrement concluants à cet égard.

2.3

Les divergences d'opinion concernant les procédures relatives au pacte de croissance et de stabilité ont amené la Commission, en novembre dernier, à intenter une action contre le Conseil devant la Cour de justice des Communautés européennes (6). Elle estime que le Conseil n'a pas respecté ses compétences. Un différend aussi important ne favorise pas la concertation entre les partenaires au sein du Conseil ECOFIN.

2.4

La Commission constate que la marge de manœuvre des gouvernements s'est considérablement réduite. En 2003, seuls cinq États membres sont parvenus à l'équilibre ou à un surplus budgétaire, tandis que d'autres ont enregistré un déficit persistant et croissant. Selon le rapport de la Commission du 7 avril dernier consacré à l'actualisation pour 2004, la situation budgétaire de plusieurs États membres s'est dégradée très rapidement, ce qui a conduit à une élévation du niveau de la dette publique. Cette situation a entraîné des mesures d'assainissement des dettes, au détriment des investissements en faveur de la croissance et de l'emploi.

2.5

La Commission adresse des recommandations particulières à ces États membres. En dépit d'un développement conjoncturel similaire, les objectifs budgétaires des États membres sont très divergents. Il en résulte un large éventail de recommandations.

2.6

La Commission ne dispose pas d'instruments permettant d'évaluer de manière satisfaisante la qualité des dépenses publiques dans les États membres. Il est dès lors difficile de situer ces dernières dans le cadre budgétaire convenu.

2.7

Le rapport annuel se penche sur la sécurité sociale, le marché du travail, le marché intérieur et le processus de Lisbonne. Il formule toute une série d'objectifs plus ou moins grands dont la réalisation dépend en partie seulement des décisions communautaires. Bon nombre de domaines politiques sont réservés aux États membres. Par ailleurs, il y a également des questions sur lesquelles le pouvoir central lui-même n'a qu'une influence marginale, comme le développement de la «connaissance».

2.8

Les compétences communautaires se concentrent sur le marché intérieur. Le marché du travail, la sécurité sociale, les pensions, la politique budgétaire, la R&D, la fiscalité et les infrastructures sont surtout du ressort des États membres, même si dans certains cas, Bruxelles limite leur liberté d'action. Dans ces cas aussi, la Commission émet souvent des recommandations générales, mais leur mise en pratique dépend d'un pays à l'autre.

2.9

Les marchés de l'emploi sont constitués de différents segments entre lesquels les échanges sont limités. Cette situation amène la Commission à constater que si des millions d'emplois ont été créés ces dernières années, le chômage a également connu une forte progression. Le pourcentage de travailleurs âgés est toujours faible et les femmes rencontrent encore des obstacles sur le marché du travail. L'inactivité a évidemment aussi des conséquences négatives sur les budgets nationaux.

2.10

En 2005, le taux d'emploi sera de 64,5 % pour l'ensemble de l'Union mais les écarts entre les États membres sont très importants. L'emploi évolue mieux dans les pays où les partenaires sociaux se sont mis d'accord sur les méthodes visant à un assouplissement du marché du travail et sur le temps de travail. La Commission estime que la poursuite des réformes du marché du travail (7) jouera un rôle décisif dans la réalisation de l'objectif en matière d'emploi pour 2010 (70 %). C'est ce qui explique le fervent plaidoyer pour la mise en œuvre des recommandations de la Task-force KOK (8).

2.11

En dehors de la réforme de la sécurité sociale, la Commission plaide en faveur d'une plus grande différenciation dans la politique des salaires, d'une plus grande flexibilité du marché du travail avec maintien d'une protection suffisante de l'emploi et de davantage de mobilité. Étant donné la divergence des procédures législatives et des résultats des concertations socio-économiques, il existe des différences considérables entre les États membres, notamment en ce qui concerne le nombre d'heures effectuées et la productivité du travail. Ces facteurs expliquent en partie les différences de croissance entre l'UE et les États-Unis.

2.12

La Commission constate que l'Europe a tendance à présenter une faible croissance de la productivité depuis 1995. Dans ce domaine aussi, il existe des différences substantielles entre les États membres. La Finlande, la Suède et l'Irlande affichent une tendance similaire à celle des États-Unis. L'accroissement plus limité de la productivité résulte notamment de divergences en matière d'introduction des TIC et d'innovation dans le secteur privé en général. Les nouveaux investissements visant à développer la productivité sont réalisés plus lentement en Europe. Une des conséquences est un niveau d'investissement peu élevé dans les nouvelles technologies.

2.13

Le développement démographique et le vieillissement sont de plus en plus préoccupants, du fait tant de la pression sur les budgets que de l'effet (accablant) sur la croissance. Plusieurs pays ont lancé des projets prometteurs de réforme des pensions, ce qui revient en fait à une augmentation de l'élévation de l'âge de la retraite.

2.14

La concurrence sur les marchés des produits et des services est insuffisante. Les mesures de protection nationale existent encore. Le marché intérieur n'est pas encore achevé. De nouvelles propositions ont été soumises en matière de politique de la concurrence. Le travail législatif dans le secteur des services financiers progresse bien: 36 des 42 mesures prévues ont été adoptées définitivement. Les dispositions fiscales concernant les investissements privés ont également été améliorées.

2.15

La transposition des directives communautaires dans la législation nationale est de moins en moins scrupuleuse. Les échéances ne sont pas suffisamment respectées et la traduction des directives dans la législation a souvent une connotation nationale. Cela se produit notamment lorsque les États membres, à Bruxelles, ont fait des concessions en vue de parvenir à un compromis au Conseil, dont ils se mordent ensuite les doigts. Le contrôle à cet égard est de plus en plus difficile.

2.16

La connaissance et l'innovation présentent manifestement des signaux positifs, mais compte tenu de l'insuffisance du capital-risque, de la R&D, du nombre de brevets et des TIC, les résultats sont décevants. L'objectif d'au moins 3 % du PNB pour la R&D, qui a été fixé au sommet de Barcelone, est resté lettre morte dans la plupart des États membres. Les meilleurs résultats sont enregistrés par les pays scandinaves. En vue des 3 %, une répartition de 1/3 et 2/3 a été prévue entre les pouvoirs publics et les entreprises. Il s'avère que dans la majorité des cas, ni les pouvoirs publics ni les entreprises n'atteignent l'objectif prévu.

2.17

Même en période de stagnation économique, la durabilité de l'économie requiert une attention accrue et une législation ciblée. La durabilité a plusieurs aspects. Le secteur de l'énergie illustre bien la situation à cet égard. La Commission pointe à juste titre les aspects environnementaux, et souligne tout particulièrement la situation défavorable des nouveaux États membres. La Commission confronte les nouveaux développements aux accords internationaux. Toutefois, l'énergie peut aussi constituer une menace pour la croissance durable du fait de la hausse des prix du pétrole due à l'augmentation de la demande (Chine) et à la dépendance politique vis-à-vis des sources d'énergie.

2.18

Afin de rétablir la confiance par rapport aux entreprises et aux marchés des actions après les scandales financiers qui ont touché un certain nombre d'entreprises, des propositions de variante européenne de «gouvernance d'entreprise» ont été faites.

2.19

Ce rapport de suivi dans un contexte pluriannuel (2003-2006) fournit une image contrastée. La Commission constate certains progrès en ce qui concerne le marché du travail, la politique de la concurrence, l'environnement des entreprises, les nouvelles technologies, l'enseignement et les pensions. Les résultats sont moins bons en matière d'intégration des marchés, de R&D et d'adaptations sociales et environnementales. La détérioration rapide de la situation budgétaire de plusieurs États membres et l'absence de volonté politique de remédier à cette situation préoccupent sérieusement la Commission. Cette dernière conclut que si le rythme des réformes n'est pas renforcé, il est illusoire d'espérer réaliser l'objectif fixé pour 2006. il en va de même pour l'issue du processus de Lisbonne en 2010.

2.20

Dans son rapport d'actualisation pour 2004, la Commission conclut que les nouveaux États membres ont des problèmes similaires à ceux de l'UE des 15 en matière de budget, d'endettement et d'emploi. Jusqu'à présent, les dix ont enregistré des avancées spectaculaires, qui se traduisent notamment par une croissance économique supérieure à celle de l'UE des 15, même si les dix présentent aussi d'importants écarts de développement. Dans le même temps, la Commission déclare que le fossé qui sépare les dix et l'UE des 15 est encore énorme.

2.21

Selon le CESE, le fait que ces pays sont confrontés à des problèmes similaires ne signifie pas que les nouveaux États membres présentent la même configuration que les États membres de l'UE des 15. La comparaison avec les «pays de la cohésion» ne tient pas vraiment. Les nouveaux États membres sont des «marchés émergents». Dans certains pays, et en particulier dans certaines régions, le chômage est très élevé. L'industrie est en pleine restructuration. Il en résulte des taux importants de chômage frictionnel. Les investissements étrangers jouent un rôle essentiel.

2.22

L'alignement de la législation et des règles économiques et sociales sur celles, très développées, de l'UE des 15 peut provoquer des chocs. La stabilité, indispensable au maintien du niveau croissant des investissements intérieurs et étrangers, présuppose une surveillance financière et monétaire efficace et une prévisibilité suffisante des procédures législatives. L'instauration d'un climat aussi stable n'est pas garantie et revêt donc un caractère hautement prioritaire. Le CESE souscrit à la position de la Commission selon laquelle il est souhaitable, dans l'objectif d'une stabilisation du développement des dix nouveaux membres, de définir un calendrier séparé pour la réalisation des objectifs économiques et financiers.

2.23

L'urgence de la situation commence effectivement à se faire sentir au sein de l'Union. Les orientations communes reviennent régulièrement dans les conclusions de la Commission, des formations du Conseil et du Conseil européen. Plusieurs chefs de gouvernement ont récemment exprimé les mêmes préoccupations (9) En théorie, la voie à suivre semble commune, mais dans la pratique, on se demande qui sera responsable de quoi.

3.   Marché intérieur, emploi et processus de Lisbonne

3.1

En ce qui concerne le marché intérieur, dans les douze prochains mois, la Commission préconise d'entreprendre une action urgente sur deux fronts (10):

de nouveaux efforts sur les grands dossiers comme le brevet communautaire, la directive sur la propriété intellectuelle, la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, ainsi que le plan d'action sur les services d'investissement, indispensables pour la croissance et l'emploi. Un nouveau retard pourrait créer un effet domino;

les États membres sont appelés à pratiquer une «meilleure gouvernance», c'est-à-dire travailler en partenariat et assurer une mise en œuvre effective.

3.2

Ces deux aspects sont nécessaires pour réaliser les objectifs de Lisbonne et renforcer les fondements d'un marché intérieur élargi. Le développement du commerce intra-UE et de la concurrence oblige les entreprises à devenir plus efficaces et plus productives, ce qui dans une économie comme l'UE où les salaires sont relativement élevés, est la clé pour renforcer la compétitivité et assurer une prospérité à long terme.

3.3

En pratique, le commerce intracommunautaire s'affaiblit et les prix au sein de l'Union ont tendance à diverger plutôt qu'à converger. L'UE investit davantage dans le reste du monde que l'inverse.

3.4

Par rapport au marché intérieur, la Commission dresse le bilan suivant. Le travail en cours concerne les directives dites «nouvelle approche». Il n'existe pas encore de véritable marché intérieur pour les services. Les services représentent plus de 50 % du PNB européen et 60 % de l'emploi. C'est ce qui explique la priorité accordée à la récente proposition de directive sur la libre-circulation des services. La libéralisation des industries de réseaux (énergie, transports et télécommunications) est en cours, mais nous savons tous quels problèmes et blocages cela crée. L'absence d'harmonisation en matière fiscale reste problématique pour le marché intérieur. Toutefois, le processus de suppression des distorsions fiscales progresse bien. Il en va de même pour le plan d'action pour les services financiers. La Commission estime que le non-respect par les autorités des règles en matière d'appels d'offres publics provoque une hausse marquée des prix. Ce point est à nouveau à l'ordre du jour. Pour ce qui est du vieillissement, la Commission souhaite également promouvoir l'accès international aux services de santé. Le retard sur la question du brevet européen ne fait que s'aggraver.

3.5

La simplification de la réglementation a été mise en œuvre sur la base du plan d'action pour l'amélioration de l'environnement réglementaire. Mais le chemin est encore long. Un certain nombre d'États membres ne procèdent pas aux évaluations d'impact convenues.

3.6

La mise en œuvre constitue un problème grave. Le marché intérieur est fondé sur la confiance. Dans la perspective de l'élargissement, c'est justement cette confiance qu'il faudra renforcer. La déclaration suivante caractérise bien cette nouvelle phase de l'Union: «Mais le véritable succès d'un marché intérieur composé de 28 pays nécessitera une attitude différente et des relations de travail différentes. Les États membres doivent assumer pleinement leur marché intérieur et travailler en partenariat les uns avec les autres, ainsi qu'avec la Commission, pour faire en sorte qu'il fonctionne dans la pratique»  (11).

3.7

La stratégie pour l'emploi est également d'actualité, principalement au niveau national. Cependant, au niveau européen aussi, les régimes sociaux sont à l'ordre du jour compte tenu de la politique budgétaire nationale à mener selon des règles définies au niveau européen, ainsi que des réformes des marchés du travail et du vieillissement.

3.8

L'approche et l'application des recommandations de la Task-force KOK dépendent de la prise de décisions au niveau national. Ces recommandations soutiennent fortement le processus de Lisbonne. Les domaines couverts sont vastes: davantage de flexibilité à l'égard des entreprises et de l'innovation, renforcement de la participation des travailleurs, amélioration de la sécurité sociale, plus d'investissements dans l'enseignement, l'apprentissage et le partenariat afin d'amener un changement, ce qui signifie la participation active de l'ensemble des partenaires intéressés participant aux processus d'adaptation. Une phrase résume parfaitement la situation: «L'Europe a besoin d'une population active plus nombreuse et plus productive». Dans un avis publié récemment, le CESE abordait de manière critique les recommandations de la Task-force KOK (12).

3.9

Le lien entre le processus global de Lisbonne et une politique budgétaire stable est évident. Le rapport réalisé dans le cadre du sommet de printemps (13) considère l'insuffisance de la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne comme étant porteuse d'un coût net pour l'Europe: coût en moindre croissance, en amélioration différée de la situation de l'emploi, ainsi qu'en retards de formation et de R&D.

3.10

Le rapport de printemps traite du développement du marché intérieur et de l'emploi déjà évoqué ci-dessus. En ce qui concerne la connaissance, la Commission prône une amélioration des investissements dans les réseaux et la connaissance, et notamment la R&D, l'éducation et la formation.

3.11

Les échanges entre le monde académique et le secteur privé, trop éloignés, sont encore insuffisants. Cette situation ne permet pas de répondre aux ambitions d'une économie de la connaissance. Ces échanges, à l'instar de ceux qui sont pratiqués aux États-Unis, permettraient justement d'accroître la productivité et de renforcer les entreprises. C'est cette valeur ajoutée qui fait essentiellement défaut actuellement. Il convient également de mentionner la fuite des cerveaux européens: le bilan des arrivées et des départs de travailleurs de l'économie de la connaissance reste négatif (14) et s'aggrave.

3.12

Comme dans d'autres rapports, la Commission formule dans ce texte une série de propositions claires, fondées sur trois principes-clés: investissements, compétitivité, réformes.

3.13

Les thèmes et les évaluations des orientations de politique économique et des rapports sur le marché intérieur, la stratégie pour l'emploi et le processus de Lisbonne sont comparables. La Commission met en parallèle les finances publiques dans bon nombre de domaines socio-économiques, ce qui permet de mettre en évidence les problèmes liés au passage des dépenses publiques de consommation aux dépenses de production.

4.   Le cadre institutionnel

4.1

Selon le Comité, la situation exige sans plus tarder:

de négocier de la manière la plus équilibrée possible, compte tenu des conditions économiques difficiles, cet important passage de 15 à 25 États membres;

de combler les retards accumulés par rapport à d'autres accords conclus précédemment par le Conseil européen et qui n'ont rien perdu de leur actualité; et

de maintenir le rythme et de donner de nouvelles impulsions.

4.2

Pour le Comité, cela ne se joue pas seulement au niveau des décideurs politiques. Des facteurs d'organisation, surtout de contrôle et de suivi, mais aussi d'ordre politico-culturel jouent également un rôle. Dans ce contexte, le CESE partage les analyses et conclusions formulées par la Commission dans sa communication du 21 janvier dernier et dans l'actualisation du 7 avril. Les conclusions du Conseil «Compétitivité» des 17 et 18 mai derniers sont hélas trop générales et trop peu concrètes. (15)

4.3

Dans le cadre de l'élargissement de l'Union, il convient de veiller encore plus au bon fonctionnement des institutions et à une délimitation scrupuleuse des compétences et des responsabilités, faute de quoi les risques de non-respect de la discipline et d'affaiblissement s'en trouveront renforcés (16).

4.4

Au fil des ans sont apparues d'importantes divergences dans les responsabilités et processus décisionnels communautaires et intergouvernementaux. Même le projet de constitution établit clairement qu'une Union comptant 25 États membres ne peut pas fonctionner de la même manière qu'une Union à 15.

4.5

L'entrée en vigueur de l'euro, outre qu'elle a contribué au bon fonctionnement du pacte de croissance et de stabilité, doit conduire à une plus grande convergence en matière de politique économique. Il existe malheureusement trop d'accords et de décisions non contraignants.

4.6

Le fait que les accords conclus ne débouchent pas sur les résultats escomptés met le potentiel de l'Union européenne à l'épreuve.

4.7

Il existe au sein du Conseil européen un consensus quant aux objectifs, mais ces derniers sont souvent définis de manière trop générale et imprécise. Les bonnes intentions politiques ne se traduisent pas en mesures législatives et règles réalistes qui soient réellement appliquées.

4.8

Ces dernières années, on a beaucoup misé sur la politique de la concurrence, la stigmatisation des contrevenants et la méthode ouverte de coordination. Toutefois, dans une conjoncture moins favorable, ces dernières ne s'avèrent pas concluantes. En pratique, les États membres ne discutent pas ou pas assez de leurs manquements respectifs. Dans ce cas, la marge de manœuvre de la Commission est elle-même limitée. Il n'existe aucune solution satisfaisante permettant de remplacer la méthode communautaire.

4.9

La situation du marché intérieur est préoccupante. Les objectifs et les accords en matière de libre-circulation et de conditions équitables ne sont pas ou pas suffisamment mis en oeuvre. Les résultats nationaux montrent qu'en matière de transposition nationale des directives relatives au marché intérieur, la discipline baisse, parfois fortement (17).

4.10

Il est entendu que la stabilité est un principe positif. Toutefois, un aspect est trop peu pris en compte: la subsidiarité débouche parfois sur des interprétations divergentes de la réglementation européenne dans les États membres.

4.11

Il existe aussi plusieurs vitesses, comme dans le cas de l'UEM. Les 12 participants seront désormais confrontés à 13 non-membres. Une UEM à 12 contre 3 n'est pas la même réalité qu'une UEM à 12 contre 13, même si l'adhésion de 10 nouveaux États membres ouvre de nouvelles perspectives sur le plan économique. Il conviendra de respecter les exigences de la discipline budgétaire, comme prévu par le traité.

4.12

L'euro devra être soutenu par la politique macroéconomique des pays, ainsi que la progression et l'approfondissement de l'intégration.

4.13

Le principe de l'État de droit sous-tendant l'Union doit être garanti en toutes circonstances.

4.14

Il convient donc de trouver une méthode afin d'éviter que la Commission et le Conseil se limitent à signaler les manquements ou à lancer un appel urgent aux États membres avant de passer à l'examen de l'ordre du jour. Le processus de Lisbonne et l'important élargissement requièrent tout simplement une action plus ferme.

4.15

La stratégie de Lisbonne est un concept stratégique. Dans ce sens, elle est comparable à d'anciens concepts stratégiques qui ont fait progresser l'intégration de manière décisive. Dans ces cas, la Commission et les États membres coopéraient étroitement pour convenir d'un plan assorti d'une échéance et d'étapes bien définies. L'union douanière inscrite au traité à la fin des années soixante en est un exemple. La réussite d'«Europe 92» fut également le résultat d'un plan de ce type. L'introduction d'un programme composé de 279 propositions de directives et fondé sur l'acte unique de 1987 a permis de vaincre la stagnation et d'enregistrer des progrès majeurs dans la réalisation du marché intérieur. L'union monétaire constitue un autre exemple de réussite. A partir de 1993, les déficits budgétaires de tous les candidats ont constamment baissé. Il en va de même pour l'inflation et donc aussi les taux d'intérêt. C'est ainsi que l'euro et une politique monétaire garantie par une Banque centrale indépendante ont pu voir le jour, conformément au plan.

4.16

Dans les cas cités, soit la méthode communautaire a été menée avec succès, comme dans le cas de l'union douanière en le projet «Europe 92», soit la contribution positive des États membres a permis d'atteindre un objectif urgent tel que la participation à l'UEM. Le problème, c'est qu'aucune de ces deux situations ne se produit actuellement. La progression satisfaisante dépend totalement de la volonté politique.

4.17

Le Conseil européen des 27 et 28 mars 2004 souscrit à l'analyse et aux conclusions de la Commission. Il souligne l'importance des équilibres budgétaires, voire des excédents budgétaires, ainsi que de la stabilité des prix et il insiste sur le respect du pacte de croissance et de stabilité. En tenant compte de la cohésion sociale et de la durabilité, le Conseil distingue trois priorités pour le Conseil Compétitivité: la compétitivité, la dynamisation du marché intérieur et l'amélioration de la législation. Dans tous les cas, il faut investir dans la connaissance. En ce qui concerne la politique du marché du travail, le Conseil européen plaide pour la mise en œuvre du rapport de la Task-force KOK.

5.   L'Europe à un nouveau tournant

5.1

L'Europe se trouve devant un nouveau choix. Le redressement de l'économie est encore fragile. La stratégie de Lisbonne n'a pas répondu aux attentes. L'Union européenne entre dans une nouvelle phase avec un accroissement de la population de 20 % et un renforcement de l'hétérogénéité. Dans le même temps, l'élargissement ouvre de nouvelles possibilités et de nouvelles perspectives en matière de croissance et de prospérité.

5.2

La crédibilité de l'Union est en jeu. L'importance de l'opinion publique et de la diminution du soutien au processus d'intégration doit être prise en compte.

5.3

L'élargissement ne doit pas entraîner un repli sur soi de l'Union. Le champ d'action est le monde entier. Le CESE estime que le positionnement de l'Union sur l'échiquier mondial constitue une référence par excellence. Il ne s'agit pas seulement des États-Unis, mais de l'ensemble de la planète, y compris les grands marchés émergents en plein développement tels que la Chine, le Sud-Est asiatique et l'Inde, qui souhaitent participer à la mondialisation.

5.4

Les analyses et recommandations de la Commission et de la présidence du Conseil en vue du sommet de printemps ont chaque année la même teneur. Les institutions partagent quasiment la même vision de la mission de l'Union et des États membres. La compétitivité est de plus en plus prioritaire. Mais à chaque fois, les États membres s'écartent des recommandations formulées et les accords conclus ne sont pas réalisés ou ne le sont que partiellement. La transposition et la mise en œuvre constituent le problème principal.

5.5

C'est pourquoi le renforcement effectif de la stratégie de Lisbonne revêt une telle importance. Le CESE convient que cette perspective à long terme est cruciale. Il adhère à l'axe suivi par la Commission et le Conseil européen et à un cadre d'action commun pour les anciens et les nouveaux États membres.

5.6

Ce cadre d'action devra obligatoirement viser au renforcement de l'intégration, faute de quoi l'Union des 25 restera une zone de libre-échange. Sur le futur échiquier mondial, ce n'est une option souhaitable pour personne, qu'il s'agisse de l'économie européenne, des entreprises ou des citoyens.

5.7

La mise en place au niveau de l'Union d'un processus de Lisbonne «nouvelle mouture» – renforcement de la compétitivité et de l'économie fondée sur la connaissance, promotion de la durabilité, de la consultation sociale et du dialogue social – peut également avoir des effets positifs sur l'indépendance de la politique des États membres.

5.8

Les orientations de politique économique montrent que pour obtenir des finances publiques saines, ainsi que des investissements publics et privés, il convient de définir un cadre cohérent, transparent et crédible dont doivent répondre le Conseil et la Commission. Il est urgent que l'Union se montre plus combative. L'Europe se trouve devant un nouveau tournant.

6.   Recommandations et conclusions

6.1

Dans ce processus, le Comité part des principes suivants:

lors de l'analyse et de la définition des objectifs, il faut définir clairement la part du processus décisionnel réservée à Bruxelles et celle réservée aux États membres;

afin de garantir la crédibilité et d'éviter les frustrations, les objectifs poursuivis doivent être réalistes;

la croissance économique et l'agenda de Lisbonne «nouvelle mouture» doivent être inscrits au cœur de ces objectifs, tant en ce qui concerne le renforcement de la compétitivité que le soutien des adaptations structurelles;

les États membres ne peuvent pas reprocher à Bruxelles de définir des objectifs européens auxquels ils ont souscrit ensemble.

6.2

La transparence requiert la prise en compte de la dimension institutionnelle. La répartition divergente des responsabilités entre les États membres et l'Union n'a pas été suffisamment examinée. Le détachement ne doit pas être communiqué aux citoyens et entreprises.

6.3

Un caractère plus contraignant offre par ailleurs un point d'appui aux États membres et à la Commission dans ses travaux tant internes qu'extérieurs. En effet, dans l'Union élargie, la Commission devra bénéficier d'un ancrage solide.

6.4

En matière budgétaire et de politique macro-économique, les États membres doivent appliquer les règles qu'ils définissent eux-mêmes dans le cadre du pacte de croissance et de stabilité.

6.5

Les réflexes intergouvernementaux ont tendance à se renforcer. Le CESE met fermement en garde contre cette évolution. Aucun État membre ou groupe d'États membres n'est en mesure de reprendre le rôle spécifique de la Commission. En effet, chaque État membre raisonne selon son propre point de vue et ses propres priorités, malgré la distance, l'objectivation et le suivi subtil qui sont proposés.

6.6

Le traité constitutionnel a pour but d'améliorer la gestion politique dans l'Union des 25. Au cours de cette période cruciale, l'extension de la majorité qualifiée aura des effets positifs. Dans le cas contraire, des blocages non souhaitables se maintiendront. Les entreprises, les partenaires sociaux et les autres acteurs de la société civile (universités, instituts de recherche, etc.) peuvent réagir positivement à cette gestion politique améliorée.

6.7

Le risque de fragmentation est toujours présent. Le CESE prône une approche globale. À cette fin, on peut renforcer l'efficacité du Conseil Compétitivité en coopération avec le Conseil ECOFIN et assurer une meilleure publicité. Les conclusions du Conseil européen vont dans la même direction, de même que l'argumentation qui sert de base au plaidoyer des chefs de gouvernement (18) pour un supercommissaire de l'économie.

6.8

De son côté, le Comité prône de toute façon une plus grande visibilité du Conseil Compétitivité. Ce dernier constitue un point de référence concret pour entamer l'amélioration de la gestion. Cela ne sert pas à grand-chose d'organiser des rencontres entre plusieurs commissaires et un panel toujours différent de ministres nationaux pour aborder des questions politiques très variables. La Commission devra avant tout veiller à garantir la transparence de la coordination du Conseil Compétitivité et une image bien définie auprès de l'opinion publique. Étant donné l'importance de l'agenda de Lisbonne, cette responsabilité revient également au président de la Commission en personne. Ensuite, une meilleure organisation du Conseil pour la compétitivité et une rationalisation au niveau de l'UE doivent également déboucher sur un modèle de responsabilités des dirigeants nationaux plus reconnaissable au niveau international, ce qui renforcera la force de persuasion auprès du public et la responsabilité réciproque de la politique communautaire.

6.9

L'Union ne dispose d'aucune véritable définition officielle de la notion d'Europe à plusieurs vitesses. L'UEM et le traité de Schengen sont des exemples positifs. Toutefois, les situations et approches divergentes des États membres, qui sont présentées dans les orientations politiques ne rendent pas attirante la notion mal définie de situation à «plusieurs vitesses», qui peut être source de distorsion de la concurrence. La procédure prévue dans le projet de constitution propose des points de départ intéressants.

6.10

Pour le marché intérieur, toujours au cœur de l'intégration, la situation à «plusieurs vitesses» ne constitue pas une option intéressante car elle provoquerait, sur certaines questions, des coalitions variables et offrirait aux États membres réticents une solution de facilité pour sortir des dilemmes.

6.11

Dans les domaines réservés aux États membres, il est difficile de proposer un ensemble général de mesures et de réformes. La manière de remédier à ce problème, à savoir des descriptions précises de situations nationales et de meilleures pratiques, mérite tout le soutien possible. Il convient d'affiner encore davantage cette méthode, notamment en ce qui concerne la comparabilité des chiffres. La Commission doit t également disposer d'outils lui permettant de mieux évaluer la qualité des dépenses publiques.

6.12

Le CESE reste partisan d'une politique de la concurrence et de la méthode ouverte de coordination pour des domaines politiques très définis, auxquels la méthode communautaire ne s'applique pas. Quoi qu'il en soit, il reste convaincu qu'elles fourniront des résultats limités (du moins à court terme), car les États membres ne s'évaluent pas mutuellement. Certains d'entre eux introduisent des réformes suffisantes, notamment en ce qui concerne les pensions de retraite et le marché du travail. L'ouverture vers l'extérieur doit être améliorée.

6.13

Le Conseil européen prend connaissance du fait que la Commission va élaborer une «feuille de route» en vue de renforcer et de garantir la mise en œuvre effective de la stratégie de Lisbonne. La «meilleure gouvernance» en constituera un principe-clé. La confiance et la stabilité requièrent un cadre institutionnel clair.

6.14

Le CESE préconise de rattacher cette «nouvelle version» de Lisbonne à la méthode suivie avec succès pour «Europe 92». Si l'on se base sur la pratique existante, cela signifie que les rapports sur les orientations de politique économique, le marché intérieur, l'emploi et la stratégie de Lisbonne seront synthétisés au sein d'un plan progressif unique comportant des échéances précises et que ce plan établira clairement en vertu de quel processus décisionnel quelle action est attendue de la part de qui (Commission, Conseil, Parlement européen, États membres) et à quel moment. À cet égard, le CESE souligne l'importance du rôle de la Commission et de la méthode communautaire qui ont tous deux assuré la réussite d'«Europe 92». Chaque année, la Commission présente une évaluation des progrès enregistrés; après consultation du Parlement européen, le Conseil ECOFIN et le Conseil Compétitivité déterminent les priorités à partir desquelles la Commission formule ses propositions.

6.15

Les seuls véritables progrès enregistrés par la stratégie de Lisbonne concernent le marché intérieur, du moins sur le plan législatif et réglementaire. En effet, la mise en œuvre est régulièrement défaillante. Les progrès résultent directement de la méthode communautaire. Le CESE prône l'élaboration d'un calendrier précis pour les différents éléments du marché intérieur:

les éléments subsistants du plan d'action pour le marché unique;

les points subsistants du plan d'action pour les services financiers;

les éléments du secteur de la connaissance qui sont concernés par le processus décisionnel communautaire;

réexamen et assouplissement de la réglementation trop rigide et trop détaillée;

mise en œuvre et exécution.

6.16

Pour les questions pour lesquelles les décisions sont prises au niveau national, telles que la sécurité sociale, le marché du travail (Task-force KOK) et les impôts, le CESE propose que le Conseil (en référence à la politique de la concurrence et à la coordination ouverte) décide également, sur la base de propositions de la Commission, des objectifs à suivre et de la mise en œuvre. Parallèlement, ce calendrier devra prévoir un suivi de ces processus nationaux. C'est dans ces domaines que le contrôle est le plus difficile à effectuer, mais un accord n'a pas vraiment de sens s'il n'est pas mis en œuvre.

6.17

D'autres questions, qui ne dépendent pas de la réglementation et parfois seulement partiellement des dirigeants nationaux, mais qui concernent la compétitivité, la connaissance et la capacité économique, méritent également de faire partie de la stratégie de Lisbonne «nouvelle version». À titre d'exemple, citons:

politique industrielle dans certains secteurs née de l'entente mutuelle entre les entreprises (et notamment la concertation sociale), la Commission et le Conseil (19);

résultats des programmes et plates-formes technologiques de l'UE, renforcement de la coopération transfrontalière entre les instituts de connaissance et les scientifiques au sein de l'Union et promotion de la coopération entre universités et acteurs du marché;.

politique régionale, en mettant l'accent plus particulièrement sur la connaissance et le renouvellement.

6.18

La Commission et le Conseil européen sont favorables à un «partenariat pour le changement» (partnership for change) . Le CESE soutient pleinement cet effort. Cela pourrait devenir un concept porteur. La stratégie de Lisbonne n'a jamais été considérée comme un processus simplement descendant. Sa réussite, la formulation de la politique et l'exécution et la mise en œuvre dépendent de nombreux acteurs: les dirigeants (européens, nationaux et régionaux), les partenaires sociaux à tous niveaux, les entreprises, les universités et de nombreuses autres organisations sociales, ainsi que la société civile. Une présentation claire des objectifs qui explique à tous les acteurs politiques et sociaux ce que l'on attend d'eux peut insuffler l'énergie nouvelle dont on a besoin.

6.19

Partnership for Change recèle un grand potentiel, à condition toutefois qu'il soit présenté correctement. Ce programme peut déboucher sur une nouvelle communication et la formation de nouvelles alliances entre les nombreuses parties prenantes du processus d'intégration européenne. Ceci aussi fait partie de la bonne gouvernance.

6.20

Le Conseil européen a invité la Commission à constituer un groupe de haut niveau, qui remettrait à la Commission, d'ici le 1er novembre prochain, un rapport sur la nouvelle approche de la stratégie de Lisbonne. Ce document et la position adoptée par ce groupe joueront un rôle important dans la perspective de la stratégie de Lisbonne lors du sommet de printemps de 2005. Le Conseil européen a également invité le CESE à communiquer au même moment ses recommandations concernant le processus de Lisbonne.

Bruxelles, le 15 septembre 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  JO C 133 du 6.6.2003

JO C 80 du 30.3.2004

(2)  Communication de la Commission sur la mise en oeuvre des grandes orientations de politique économique (COM(2004) 20 final).

(3)  Actualisation pour 2004 des grandes orientations des politiques économiques (période 2003-2005), COM(2004) 238.

(4)  Le CESE a élaboré un premier rapport sur cette question – voir JO C 221 du 17 septembre 2002

(5)  Parallèlement, on insiste de plus en plus sur l'amélioration de la réglementation communautaire; voir à ce sujet le Plan d'action pour une meilleure réglementation de 2003 et les Conclusions du Conseil «Compétitivité » des 17 et 18 mai 2004.

(6)  Voir l'arrêt de la Cour de justice du 13 juillet 2004 dans l'affaire C-27/04.

(7)  Prévisions économiques, printemps 2004, page 31.

(8)  «L'emploi, l'emploi, l'emploi – Créer plus d'emplois en Europe», rapport de la Task-force pour l'emploi présidée par M. Wim KOK, le 26 novembre 2003.

(9)  Lettre du Premier ministre BLAIR, du Président CHIRAC et du Chancelier SCHRÖDER du 18 février 2004, et la «Contribution conjointe au Conseil européen de printemps 2004» des chefs de gouvernement suivants: AZNAR (Espagne), BALKENENDE (Pays-Bas), BERLUSCONI (Italie), DURÃO BARROSO (Portugal), MILLER (Pologne) et PARTS (Estonie).

(10)  «Rapport sur la mise en œuvre de la Stratégie pour le marché intérieur (2003-2006)» du 21 janvier 2004 – COM(2004) 22 final.

(11)  «Rapport sur la mise en œuvre de la Stratégie pour le marché intérieur (2003-2006)» du 21 janvier 2004 – COM(2004) 22 final.

(12)  «Les mesures de soutien à l'emploi» – JO C 110 du 30 avril 2004 (SOC/159).

(13)  «Rapport de la Commission au Conseil européen de printemps - Réalisons Lisbonne - Réformes pour une Union élargie» – COM(2004) 29 final.

(14)  «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen – Les chercheurs dans l'espace européen de la recherche: une profession, des carrières multiples»- JO C 110 du 30 avril 2004 (INT/216) et «Communication de la Commission – l'Europe et la recherche fondamentale» – JO C 110 du 30 avril 2004 (INT/229).

(15)  Conclusions du Conseil « Compétitivité» des 17 et 18 mai 2004.

(16)  Le CESE a élaboré un rapport en 2002 sur ce sujet – voir JO C 221 du 17 septembre 2002

(17)  Voir le tableau d'affichage actuel du marché intérieur, 13ème édition, 13 juillet 2004, http://www.europa.eu.int/comm/internal_market/score/index_fr.htm.

(18)  Lettre du Premier ministre BLAIR, du Président CHIRAC et du Chancelier fédéral SCHRÖDER du 18 février 2004.

(19)  Voir les conclusions du Conseil «Compétitivité» des 26 et 27 novembre 2003.