30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 108/101


Avis du Comité économique et social européen sur «La situation de l'emploi dans l'agriculture de l'UE et des pays candidats: perspectives d'action pour 2010»

(2004/C 108/21)

Le 23 janvier 2003, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis sur «La situation de l'emploi dans l'agriculture de l'UE et des pays candidats: perspectives d'action pour 2010».

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 décembre 2003 (rapporteur: M. WILMS).

Lors de sa 405ème session plénière des 28 et 29 janvier 2004 (séance du 29 janvier 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 65 voix pour, 2 voix contre et aucune abstention.

1.   Introduction

1.1

L'agriculture et le développement de l'espace rural comptent parmi les problèmes les plus urgents à résoudre dans le cadre de l'élargissement à l'Est de l'Union européenne. L'adaptation de l'agriculture des pays d'Europe centrale aux exigences de l'UE aura des répercussions sur pratiquement tous les aspects de la vie dans les régions rurales. Dans les pays candidats, ces régions subiront de profondes mutations.

1.2

L'élargissement offre toutefois l'occasion de résoudre les problèmes économiques et structurels qui affectent l'agriculture en Europe centrale en appliquant une politique agricole ciblée.

1.3

L'augmentation du nombre de personnes employées dans l'agriculture suite à l'élargissement, qu'il s'agisse d'agriculteurs ou de travailleurs salariés, ainsi que le changement structurel qui en résultera auront pour effet d'accroître la concurrence parmi les agriculteurs et pour l'emploi dans le secteur agricole, ce qui peut avoir des conséquences non négligeables pour le tissu économique et social du secteur agricole européen et pour les systèmes de sécurité sociale.

1.4

Le CESE a organisé, sur le thème du présent avis, une audition publique au cours de laquelle les experts d'une série de pays candidats ont pu fournir des informations sur la situation dans leur pays. Les questions suivantes, en particulier, ont été abordées:

le taux de chômage élevé dans l'agriculture;

le taux de pauvreté important dans les zones rurales et l'exode rural;

le nombre de migrants de l'Est vers l'Ouest;

la sécurité sociale limitée dans l'agriculture et l'âge moyen élevé des travailleurs agricoles;

la qualification insuffisante de la main-d'œuvre;

le capital insuffisant des exploitations;

l'absence de structures dans la société civile.

1.5

Les contributions à cette audition contrastent avec les rapports officiels de la Commission. Il est apparu clairement que la situation des zones rurales est ressentie par les gens vivant sur place comme bien plus pénible que ce qui est décrit dans les documents. Les interventions étaient toutefois assez optimistes: la population espère en effet que l'adhésion à l'UE donnera de l'élan au développement de leurs régions.

1.6

L'énorme disparité des revenus entre les États membres actuels et futurs ainsi que le pourcentage élevé de personnes exerçant une activité agricole dans les pays candidats à l'adhésion constituent l'un des problèmes majeurs de l'élargissement à l'Est de l'Union européenne. Les régions rurales ne seront probablement pas épargnées par des effets de concentration d'exploitations agricoles et des ruptures structurelles qui, si l'on n'y prend garde, feront grimper en flèche le taux de chômage dans les régions concernées des nouveaux États membres et détérioreront la situation de l'emploi dans les États membres actuels.

1.7

Il faut s'attendre à ce que l'écart en termes de niveau de vie se creuse davantage entre les métropoles et les régions rurales périphériques. Actuellement, le taux de chômage est plus important dans l'agriculture que dans les autres secteurs. Dans les zones rurales, il est très rare que des emplois soient créés hors du secteur agricole.

1.8

Cette situation entraîne une paupérisation accrue de la population rurale, et pas seulement d'un point de vue économique. Le capital humain se transformera lui aussi. Les jeunes et les travailleurs qualifiés quitteront la campagne pour des régions plus prospères.

1.9

Au cours des prochaines années, il faudra redoubler d'efforts pour lutter contre le chômage, plus particulièrement en utilisant le potentiel disponible de manière plus efficace et en adoptant une approche politique qui soit en mesure de créer des synergies au départ des possibilités et des programmes existants. Les partenaires sociaux peuvent s'associer à d'autres acteurs régionaux pour faire en sorte que de nouvelles idées soient développées et mises en œuvre, sur la base de leurs connaissances du monde de l'entreprise et de leur expérience en matière de potentiels. Leurs contacts avec des programmes plus vastes et des administrations de niveau supérieur les aideront dans la réalisation de leurs projets.

2.   La situation actuelle

2.1   Une agriculture compétitive et durable

2.1.1

L'Agenda 2000 a amorcé un virage dans la politique agricole commune. Si la voie empruntée suscite beaucoup de scepticisme, il est toutefois évident qu'il faudra, avec l'élargissement et à cause de la pression internationale (négociations OMC), trouver de nouvelles approches en matière de politique agricole qui permettent à l'agriculture d'être compétitive tant dans les États membres actuels que dans les nouveaux pays adhérents. Dans le contexte d'une agriculture multifonctionnelle, la gestion durable des ressources doit constituer le fil rouge de la politique agricole (1).

2.1.2

Il reste toutefois beaucoup à faire pour adapter le système agricole des pays candidats aux normes de l'UE. L'agriculture, la bonne exécution des paiements dans le cadre des aides financières, les normes de qualité ainsi que l'environnement sont des domaines très préoccupants (2).

2.2   Une agriculture durable s'inscrit dans le cadre d'une politique intégrée de développement rural

2.2.1

Nombreux sont les acteurs engagés dans les zones rurales et nombreuses sont les possibilités de soutien disponibles, dont certaines, comme par exemple les fonds structurels, pourraient être mieux utilisées. Il convient de dénoncer le manque d'approche intégrée pour une exploitation efficace des potentiels disponibles.

2.2.2

L'importance économique de l'agriculture dans les zones rurales ne se limite pas au secteur agricole au sens strict. Chaque euro dépensé dans l'agriculture produit une valeur ajoutée dans les secteurs en amont et en aval et crée ainsi de l'emploi également dans ces domaines. De chaque emploi dans l'agriculture dépend 4 ou 5 emplois en amont et en aval.

2.3   Garantir le revenu des agriculteurs

2.3.1

«Au niveau de l'Europe des Quinze, les revenus agricoles par agriculteur ont évolué assez favorablement depuis le début du processus de réforme. Cette évolution positive masque cependant la part accrue des paiements directs dans le revenu agricole ainsi que des variations considérables selon les pays, les régions et les secteurs.

2.3.2

Étant donné que les revenus du marché ne permettent pas à eux seuls de procurer un niveau de vie acceptable à nombre de ménages agricoles, les paiements directs continuent à jouer un rôle central en assurant à la population agricole un niveau de vie équitable et la stabilité des revenus (3)».

2.3.3

Toutefois, malgré l'augmentation des revenus de l'agriculture, il ne faut pas oublier que les revenus ont évolué plus favorablement dans les autres secteurs et que les revenus agricoles ne suivent pas l'évolution générale.

2.4   L'emploi dans l'agriculture

2.4.1

L'adhésion des pays candidats aura pour effet de réduire le taux d'emploi moyen au sein de l'Union et d'accroître le taux de chômage. L'agriculture pose plus particulièrement problème. Alors que la part relative de l'emploi agricole est de 4,1 % dans l'UE 15, elle est de 13,2 % pour les 10 pays adhérents (20,8 % si l'on compte la Roumanie et la Bulgarie). Après l'élargissement, la part de l'emploi dans l'agriculture sera de 5,5 % dans l'UE à 25 (7,6 % dans l'UE à 27) (4).

2.4.2

Si aucune mesure n'est prise, le taux de chômage déjà très élevé actuellement dans les zones rurales continuera d'augmenter.

2.4.3

«Le secteur agricole de la majorité des pays candidats devra subir un processus de restructuration significatif pendant les prochaines années (avec ou sans élargissement) ce qui conduira à des pressions structurelles dans les zones rurales de ces pays» (5).

2.4.4

À l'heure actuelle, l'on recense encore quelque 5,5 millions d'exploitants agricoles indépendants dans l'UE des 15 (dans les 10 pays candidats il y en a environ 4 millions). Le nombre de petits agriculteurs ne cesse de diminuer. Cette tendance ira en s'accélérant après l'élargissement, plus particulièrement dans les futurs pays adhérents. Le secteur agricole communautaire compte environ 1 million d'employeurs (dans les 10 pays candidats environ 80.000).

2.4.5

Dans les quinze États de l'UE, 1 million de salariés fixes environ sont inscrits dans un régime de prévoyance sociale (dans les 10 pays candidats ils sont environ 55.000). L'élargissement inversera la proportion entre petits agriculteurs et salariés agricoles (il y aura davantage de salariés et moins de petits agriculteurs).

2.4.6

Le CESE s'est penché à plusieurs reprises sur la situation de la main-d'œuvre saisonnière dans le secteur agricole. Malgré plusieurs invitations adressées en ce sens à la Commission, il n'existe pas de données précises sur le nombre, la provenance, la rétribution et les conditions de vie sociale des travailleurs saisonniers en Europe. L'on estime actuellement à quelque 4,5 millions le nombre de travailleurs saisonniers employés dans l'agriculture européenne, ce qui correspond à au moins 1.000.000 d'équivalents temps-plein. Parmi ceux-ci, 420.000 proviennent de pays européens non membres de l'UE et 50 000 de pays tiers. On estime à environ 250.000 le nombre de travailleurs salariés dans les pays candidats. En outre, dans ces pays également il y a un nombre important de travailleurs saisonniers en situation irrégulière, originaires notamment de Russie, d'Ukraine et du Belarus.

2.4.7

Le nombre croissant d'immigrants illégaux en provenance de pays tiers, principalement de Russie, d'Ukraine et du Belarus, est préoccupant. Rien qu'en République tchèque, leur nombre est estimé à 250.000.

2.4.8

Lors de l'audition, il a été indiqué qu'un nombre important de travailleurs du secteur agricole des pays candidats n'entrent pas dans les statistiques, car il s'agit d'aides non rémunérés.

2.4.9

Depuis quelques années, une nouvelle sphère d'activité s'est développée entre le secteur public et le secteur privé, dans le cadre de laquelle des particuliers oeuvrent volontairement au bien-être de la collectivité. Cet engagement a déjà suscité la création de nombreuses entreprises qui emploient de plus en plus de salariés. Traditionnellement, ces organisations et entreprises de «l'économie sociale» ou «troisième secteur» (6) trouvent également leur place dans les régions rurales. Des associations qui ont pour objectif la préservation de la culture et des traditions locales, la promotion sur le marché d'installations touristiques et culturelles, l'emploi des jeunes, mais aussi des coopératives ayant pour but la commercialisation conjointe de produits agricoles revêtent une importance de plus en plus grande pour la vie économique, sociale, culturelle et écologique de ces régions. La Commission a déjà souligné à plusieurs reprises l'importance économique de ce secteur (7).

2.4.10

La Commission met l'accent sur la dimension locale dans le cadre de sa stratégie pour l'emploi (8). Aujourd'hui comme hier, les régions rurales font partie des zones où le taux de chômage est le plus élevé et la prospérité la plus faible. Des stratégies pour la mise en œuvre d'initiatives locales en faveur de l'emploi dans les régions rurales font toutefois défaut. L'espace rural et le secteur agricole ne sont pas non plus pris en compte dans les programmes d'action nationaux et locaux pour l'emploi, ou ne le sont que de manière insuffisante.

2.5   Les revenus agricoles

2.5.1

Dans l'actuelle UE, les revenus agricoles varient déjà sensiblement d'une région à l'autre; avec l'élargissement, les disparités au niveau des revenus des exploitants et des salariés agricoles s'aggraveront encore.

2.5.2

«Les objectifs fondamentaux de la PAC demeurent la garantie d'un niveau de vie équitable pour la population agricole et une contribution à la stabilisation des revenus agricoles (9)». L'on peut toutefois supposer que la baisse de revenus touchera précisément les exploitations de petite taille.

2.5.3

Le Comité a critiqué plusieurs fois le fait que dans ses communications, la Commission ne fait pas allusion aux salariés agricoles, qui sont cependant eux aussi directement concernés par l'ensemble des mutations économiques et structurelles. Aucun rapport n'a par exemple été élaboré sur la modification des revenus et de la situation sociale des travailleurs agricoles et des salariés des entreprises de travaux agricoles.

2.5.4

À long terme, la différence de niveau de vie entre les diverses régions d'Europe est susceptible de mettre en péril les accords sectoriels et, partant, les conventions collectives dans leur ensemble. Moins les partenaires sociaux ont de possibilités de régler certaines questions dans le cadre de négociations libres, plus il est nécessaire, pour éviter un appauvrissement général, que l'État comble les besoins en réglementation, par exemple sous forme de règlements, de décrets et de réglementations en matière de salaire minimal.

2.5.5

Alors que le niveau des salaires est relativement élevé dans des pays du Nord-Ouest de l'Europe comme les Pays-Bas et le Danemark, il n'atteint même pas le quart de ceux-ci dans des pays d'Europe centrale tels que la Slovénie et la Pologne. Dans les pays du centre de l'Europe, par exemple l'Allemagne, l'Autriche et le Nord de l'Italie, directement situés à la «frontière de la prospérité», ces disparités peuvent donner lieu à des distorsions de la structure salariale.

2.5.6

Les conventions collectives sont conclues à des niveaux différents en fonction des États membres. Alors qu'aux Pays-Bas par exemple ces conventions sont arrêtées au niveau central, en Allemagne, une convention-cadre est conclue au niveau fédéral et mise en œuvre dans les régions. Dans certains pays, des conventions collectives ne sont conclues qu'au niveau des régions, voire des entreprises.

2.5.7

L'influence de l'État sur les conventions collectives est-elle aussi variable. Si, en Autriche et en Allemagne par exemple, les parties négocient en toute autonomie, au Royaume-Uni, ces négociations peuvent être influencées par l'État.

2.5.8

Dans un grand nombre d'États, le seuil des revenus est déterminé par un salaire minimum fixe. Moins les syndicats et les associations d'employeurs ont d'influence sur la définition des conventions collectives, plus grand est le besoin en réglementation juridique.

2.5.9

Dans les pays candidats, la conclusion et la mise en œuvre de conventions collectives sont très difficiles. De telles conventions n'en sont qu'à leurs balbutiements au niveau régional et suprarégional.

2.5.10

Dans le secteur agricole les partenaires sociaux, avec un accord ayant caractère de recommandation, ont réaffirmé entre autres l'importance d'une réglementation flexible de l'horaire de travail pour l'emploi dans les exploitations des zones rurales et ont formulé une recommandation sur l'horaire légal de travail annuel.

2.5.11

La structure salariale et le niveau des salaires versés aux travailleurs occupés dans le secteur agricole sont basés sur des systèmes nationaux qui, avec l'élargissement, devraient être réévalués et développés tant dans les États membres actuels que dans les futurs États membres.

2.6   Critères sociaux dans le cadre d'une agriculture durable

2.6.1

L'objectif du développement durable est d'établir un équilibre entre les dimensions sociale, économique et environnementale. Le débat sur la dimension sociale, ses critères et ses indicateurs n'en est qu'à ses débuts. L'on ne dispose pas encore d'une idée très précise de ce qu'est, ou de ce que pourrait être, la durabilité sociale. Jusqu'à présent, ce thème est débattu principalement dans les cercles scientifiques et les sphères dirigeantes de certaines entreprises, sans prendre en compte le principe de base de la participation. Les débats ont lieu en l'absence des acteurs concernés et l'on peut se demander si leurs conclusions recueilleront l'acceptation indispensable à leur mise en œuvre.

2.7   Sécurité sociale

2.7.1

La sécurité sociale dans l'Union est un thème complexe à la simplification duquel l'intégration européenne ne contribue pas vraiment. Le système de chaque pays porte l'empreinte de sa culture et de ses traditions propres. La sécurité sociale relève de la compétence nationale.

2.7.1.1

Dans de nombreux États membres de l'Union se pose la question des possibilités de financement à long terme des systèmes de sécurité sociale.

2.7.1.2

Les systèmes de sécurité sociale des pays de l'élargissement ont subi ou subiront une restructuration. Dans un contexte caractérisé par de faibles revenus et un taux de chômage élevé, le passage de systèmes purement étatiques à des structures indépendantes basées sur des contributions débouche sur des systèmes de sécurité sociale à faibles capitaux. Cela a pour conséquence que la couverture sociale des salariés et des agriculteurs indépendants âgés ne suffit pas.

2.7.2

Le niveau des retraites agricoles est très bas dans les pays candidats, ce qui oblige de nombreux retraités à poursuivre une activité professionnelle pour subvenir à leurs besoins. L'on ne doit s'attendre à aucune modification de l'évolution générale des retraites. Lors de l'audition, l'attention a été attirée sur la situation particulièrement dramatique des agriculteurs ayant perdu leur emploi pendant les années de transition. Ces derniers subiront des préjudices sociaux particulièrement importants.

2.7.3

Les réglementations relatives à l'assurance-vieillesse varient d'un État à l'autre. Il n'est pas rare qu'elles combinent différents piliers:

régimes de retraite publics,

régimes légaux,

retraites complémentaires prévues par les conventions collectives et

régimes privés.

2.7.4

Compte tenu du faible niveau des revenus agricoles, il n'est guère possible pour les salariés agricoles de souscrire à un régime privé, de sorte que les retraites complémentaires conventionnelles jouent un rôle central pour l'amélioration de la protection légale minimale. Il existe des exemples de ce type en Allemagne, aux Pays-Bas et en France.

2.7.5

Les systèmes de sécurité sociale doivent tenir compte de la mobilité transnationale grandissante des travailleurs. Dans la plupart des cas, les travailleurs migrants et les travailleurs saisonniers par exemple ne sont même pas intégrés dans un système de retraite. De nombreuses lacunes doivent encore être comblées dans ce domaine.

2.7.6

Le travail dans le secteur agricole évolue et, par conséquent, sa qualité également. Celle-ci doit notamment être considérée sous l'angle de la durabilité et satisfaire à des critères en la matière. Les conditions de travail doivent être définies de manière à garantir le renouvellement de la main-d'œuvre.

2.7.7

Les systèmes des futurs pays adhérents en matière de santé et de sécurité au travail nécessitent une mise à jour. En effet, en dépit des nombreux efforts consentis, le taux d'accident des enfants et des jeunes qui travaillent dans le secteur agricole reste élevé.

2.7.8

La faiblesse des systèmes de sécurité sociale des pays d'Europe centrale contribue de manière non négligeable au rôle prépondérant que joue l'économie de subsistance dans ces pays. Ainsi, en Pologne, sur quelque 4 millions de travailleurs agricoles, 900.000 environ sont en âge de prendre leur retraite.

2.7.9

Plusieurs participants à l'audition ont attiré l'attention sur l'âge moyen élevé des travailleurs agricoles et sur les conséquences que cela entraîne. Cette pyramide des âges aboutira, à long terme, à une pénurie de main-d'œuvre qualifiée.

2.8   Formation et formation continue

2.8.1

Les stratégies communautaires accordent une place de choix à la qualification. Il existe une relation de cause à effet entre le nombre d'emplois, leur qualité et la formation des salariés. Aussi est-il important de promouvoir la qualification.

2.8.2

Une bonne formation professionnelle de base est un élément indispensable pour le renouvellement durable des travailleurs employés dans l'agriculture. La formation doit être de nature à assurer un niveau de qualification professionnelle élevé mais aussi un champ de connaissances très vaste qui permette aux salariés de changer de secteur ou d'aller travailler à l'étranger.

2.8.3

Par le biais d'un d'accord sur la formation professionnelle conclu dans le cadre du dialogue social, les partenaires sociaux ont établi les mesures à adopter pour améliorer la formation professionnelle, en spécifiant comment mettre au point des diplômes professionnels transparents pour tenir compte de la mobilité croissante de la main-d'œuvre (10).

2.8.4

Le pourcentage de salariés agricoles concernés par les mesures de qualification est inférieur à la moyenne de tous les salariés de l'UE. Dans les pays candidats les besoins d'adaptation aux nouvelles techniques, et technologies, aux nouveaux marchés ainsi qu'aux composantes et aux compétences économiques et sociales sont énormes.

2.8.5

À l'heure actuelle, la gestion d'une exploitation requiert bien plus que la transmission d'un savoir agricole. Avec les mutations techniques, écologiques, économiques et sociales qui se succèdent, les exploitants doivent satisfaire à des exigences accrues. C'est dans les régions où sont implantées des exploitations de grande taille que le besoin d'assurer la relève est le plus tangible. Les nouveaux Länder d'Allemagne manqueront bientôt de main-d'œuvre qualifiée pour reprendre et diriger avec succès les exploitations. Il faut s'attendre prochainement à une évolution identique dans les pays adhérents.

2.8.6

Presque toutes les régions rurales de la Communauté européenne, mais surtout les régions périphériques, à faible densité de population, sont confrontées à l'exode des plus jeunes et des plus mobiles. Les seuls à rester sont notamment les personnes âgées, que guettent souvent la solitude et l'appauvrissement moral. Vieillir dignement signifie aussi pouvoir participer à la société de la formation et de l'information. La formation des aînés doit:

tirer parti des expériences engrangées au cours de décennies de travail agricole,

intégrer les besoins des personnes âgées dans la vie quotidienne,

inviter les personnes âgées à participer à la vie sociale et

lutter contre la solitude et l'appauvrissement moral.

Dans les régions rurales, de nombreuses activités de volontariat ont déjà vu le jour dans ce secteur. Il est cependant indispensable que ces activités soient regroupées et que la formation des personnes âgées soit intégrée de manière ciblée dans des programmes européens tels que le FSE et LEADER.

2.9   Codécision et participation

2.9.1

Ces dernières années s'est développé dans l'Union européenne un modèle social en mesure d'offrir des possibilités de participation au plus grand nombre possible d'acteurs. À cet égard les partenaires sociaux jouent un rôle particulier. Par le biais d'accords conclus dans le cadre du dialogue social ou au niveau des entreprises, ils contribuent à poursuivre le développement du modèle social européen. Sont comprises également dans ce concept de base les questions qui ne sont pas liées au commerce («Non-trade concerns»), destinées à acquérir une plus grande importance également dans le cadre de la protection extérieure de l'UE. Des accords sont également conclus, par exemple, entre les entreprises, les syndicats et d'autres organisations non gouvernementales pour garantir le respect de normes sociales et environnementales élevées dans le cadre des certifications. En matière d'agriculture et de sylviculture, le «Flower Label Program» et le «Forest Stewardship Council» sont des premières initiatives très prometteuses.

2.9.2

Le développement de programmes européens a créé de nouvelles possibilités de participation, par exemple dans le cadre des comités de suivi pour les fonds structurels, du fonds social européen (FSE) et des groupes d'action locale pour le programme LEADER. Force est toutefois de constater que les partenaires sociaux, en particulier les travailleurs, y sont sous-représentés et que l'influence des autorités est trop grande.

2.9.3

Dans le secteur agricole, la codécision est peu répandue, les exploitations présentant souvent une structure de petite entreprise. Les exploitations qui ont une taille suffisante pour disposer d'organes de codécision constituent l'exception. Dans les pays candidats, où de grosses exploitations se sont développées, il reste encore beaucoup à faire au niveau de la mise en place d'organes de codécision dans l'exploitation.

2.9.4

La participation dans l'entreprise étant limitée à un petit nombre d'exploitations agricoles, la codécision interentreprises gagne en importance. Dans certains États membres, par exemple en France, il existe des structures qui offrent des possibilités de participation en matière de compétences et d'emploi.

2.9.5

Outre leurs activités dans le cadre de la participation institutionnalisée, les partenaires sociaux s'impliquent de plus en plus dans la poursuite du développement de la société civile. À cet égard, les membres de leurs organisations apportent des compétences dans des secteurs tels que la coopération et la communication et contribuent à modifier des structures obsolètes. Cette approche peut être source de nouvelles idées, de nouveaux produits, de nouveaux marchés et de nouveaux emplois pour les entreprises.

3.   Situation à l'horizon 2010

3.1

L'histoire de l'Union européenne a montré que les rêves peuvent devenir réalité si des objectifs sont fixés et que chacun est disposé à agir de concert. Le présent avis suggère comme outil des perspectives assorties de propositions d'action.

3.2   Le CESE veut une agriculture compétitive et durable où règnent emploi et équilibre social

3.2.1

Il existe un secteur agricole compétitif, géré selon des critères de durabilité. L'agriculture durable doit être envisagée comme un processus continu, dont l'objectif est d'instaurer un équilibre entre les aspects économiques, environnementaux et sociaux par le biais d'un dialogue permanent entre les acteurs concernés.

3.2.2

L'emploi dans le secteur agricole est toujours en pleine mutation. Aux côtés des exploitations qui emploient des salariés fixes tenus d'être inscrits dans un régime de prévoyance sociale, il existe des variantes telles que les entreprises de travaux agricoles et le travail saisonnier, qui permettent de répondre avec souplesse aux exigences en matière de production.

3.2.3

Des conditions de concurrence équitables s'appliquent au commerce mondial. En font partie également les normes sociales et environnementales dans les pays en voie de développement.

3.3   Le Comité demande une politique intégrée de développement rural; dans ce contexte, il faut tenir compte de l'impact sur les secteurs en amont et en aval

3.3.1

La deuxième conférence européenne sur le développement rural à Salzbourg (2003) a donné des impulsions décisives au réaménagement de la politique de développement rural. L'ensemble de l'Union européenne s'est montré convaincue qu'il convient de ne pas dévaloriser l'agriculture et de veiller à ce qu'elle soit financée par l'UE et les budgets nationaux. Le système actuel compliqué et rigide doit être simplifié, consolidé et ouvert à d'autres domaines allant au-delà de l'aide à l'agriculture.

3.4   Le Comité demande l'introduction d'un système d'aide unique au niveau européen qui garantisse le revenu des agriculteurs

3.4.1

Dans les nouveaux États membres, le processus d'adaptation de l'agriculture sera achevé en 2010 et un système d'aide uniforme entrera en vigueur. Le revenu des agriculteurs sera assuré. Le concept de l'agriculture multifonctionnelle leur permettra de disposer de nouvelles sources de revenus. La réduction des subventions octroyées en fonction des quantités produites se poursuivra, au profit d'un soutien aux revenus basé sur les prestations.

3.4.2

Les exploitations s'adaptent en temps utile aux mutations structurelles constantes. Ceci implique un nombre grandissant d'activités qui ne font pas partie de la sphère traditionnelle de l'agriculture.

3.4.3

L'aide aux revenus basée sur les performances couvre notamment les mesures en faveur de l'environnement, la mise à disposition de terrains et d'installations pour le tourisme.

3.4.4

Les exploitants agricoles qui souhaitent cesser leur exploitation et les salariés qui quittent le secteur agricole ont la possibilité de participer à des actions en faveur de l'emploi et de la qualification.

3.5   Le Comité prévoit une relance de l'emploi dans l'agriculture

3.5.1

La transformation juridique des exploitations agricoles et du régime de la propriété des terres agricoles est achevée, et toutes les formes juridiques sont à égalité dans le secteur de l'agriculture. D'une manière générale, le nombre de salariés et d'exploitants agricoles (y compris le travail saisonnier et les services de remplacement agricole) augmente. Des fonds régionaux sont mis en place en collaboration avec les partenaires sociaux, afin de promouvoir l'emploi et d'améliorer les qualifications.

3.5.2

Les différents instruments de soutien sont utilisés effectivement. Le critère de garantie à long terme de l'emploi et de création de nouveaux emplois s'applique à l'octroi des diverses aides publiques.

3.5.3

Le travail saisonnier est calculé en équivalents temps-plein et observé dans le cadre de l'évaluation de l'emploi. Les rapports de travail illégaux ont été transformés en contrats légaux.

3.6   Le Comité souhaite que les partenaires sociaux concluent des conventions collectives qui garantissent un niveau de revenu approprié

3.6.1

Des conventions collectives sont conclues pour les salariés agricoles. Ces conventions concernent tous les secteurs, de sorte que le système des salaires minimums fixés par l'État devient l'exception. Les conventions sont définies de manière à assurer un niveau de revenu approprié aux salariés (11).

3.7   Le Comité exige l'égalité de traitement pour les travailleurs saisonniers

3.7.1

Des conventions collectives s'appliquent aux travailleurs saisonniers et aux travailleurs migrants. Tous les salariés sont hébergés dans des conditions décentes et bénéficient d'une assurance-vieillesse qui les met à l'abri de la pauvreté durant leur retraite.

3.7.2

La communication aux travailleurs saisonniers d'informations relatives aux dispositions en matière de sécurité sur le lieu de travail, rédigées dans leur langue maternelle, est obligatoire. Le CESE reconnaît que cela n'est pas toujours facile et invite l'association européenne des caisses professionnelles et organismes d'assurance-accidents à se pencher sur cette question et à proposer des solutions.

3.7.3

Il n'y a plus de travailleurs irréguliers.

3.7.4

Si les exploitations ont besoin de main-d'œuvre supplémentaire, des réglementations peuvent être élaborées pour les salariés de pays tiers.

3.8   Le Comité souhaite que l'on utilise pour la certification des exploitations agricoles à titre principal des critères et des indicateurs comme contribution à une agriculture durable

3.8.1

L'introduction d'un système de certification des exploitations à titre principal constitue une contribution non négligeable au développement durable de l'agriculture. Des critères et des indicateurs sociaux sont introduits dans le cadre de la mise en place d'un système de certification à l'échelle communautaire.

3.9   Le Comité prévoit que des emplois attrayants seront créés dans l'agriculture grâce à des systèmes de sécurité sociale fonctionnels

3.9.1

Les systèmes de prévoyance agricoles mettent les salariés à l'abri de la marginalisation et de l'exclusion sociale.

3.9.2

L'assurance-vieillesse garantit aux agriculteurs et aux salariés agricoles un niveau de vie décent durant leur retraite (12). Des accords en matière de retraite anticipée leur offrent des conditions de départ à la retraite dignes.

3.9.3

Pour que les salariés agricoles puissent atteindre l'âge de la retraite dans de bonnes conditions de santé, ils doivent bénéficier, durant leur vie active, d'un environnement de travail qui place le développement durable de la main-d'œuvre au centre des préoccupations. Des réglementations et instruments efficaces ont été créés dans le cadre de la stratégie européenne. Celle-ci doit être complétée par des stratégies nationales en matière de sécurité au travail dans le secteur agricole.

3.9.4

En Europe, les systèmes nationaux de sécurité sociale agricole sont transparents et compatibles, de sorte que les salariés peuvent passer sans difficulté d'un système à un autre.

3.10   Le Comité souhaite l'adoption d'une stratégie sectorielle de l'apprentissage tout au long de la vie qui favorise l'emploi

3.10.1

Une stratégie sectorielle de l'apprentissage tout au long de la vie est mise en œuvre, qui s'articule autour des piliers suivants:

formation professionnelle de base,

formation continue dans les matières agricoles à l'intention des salariés,

promotion de l'esprit d'entreprise dans le secteur agricole,

apprentissage à un âge avancé.

3.10.2

La réalisation de cette stratégie ainsi que la mise en place dans l'espace rural d'un réseau de formateurs issus des partenariats sociaux a suscité un accroissement de la demande de formation dans le secteur agricole.

3.10.3

L'accord conclu entre les partenaires sociaux sur la formation professionnelle est mis en oeuvre et les autorités compétentes participent de manière appropriée à son application.

3.10.4

Ces mesures bénéficient d'une aide financière communautaire, par exemple dans le cadre du FSE, de la PAC, et du programme LEADER et sont cofinancées par les différents États.

3.10.5

Grâce à des concours transfrontaliers européens, on peut améliorer l'image des métiers de l'agriculture et de la sylviculture. Cela inclut également des instruments de soutien individuel et des bourses d'études.

3.11   Le Comité exige que les acteurs de la société civile soient associés au développement durable des zones

3.11.1

Dans le cadre de la «nouvelle participation» prévue dans l'UE, les acteurs de la société civile aux niveaux national et régional sont associés à la définition d'un développement durable de l'espace rural. La pierre angulaire de ce développement est une agriculture fondée sur des critères de durabilité.

3.11.2

Des lignes d'orientation pour le développement d'une agriculture durable sont élaborées. Les conflits d'objectifs sont à résoudre de manière responsable conjointement par les agriculteurs et les acteurs de la société civile, afin que l'exploitation des ressources tienne également compte des exigences économiques.

3.11.3

L'un des objectifs du développement durable est d'endiguer l'exode rural.

3.11.4

Tous les États membres disposent d'outils permettant de mener un dialogue social dans le secteur agricole aux niveaux national et régional.

3.11.5

La législation est définie de manière à ce que les intérêts des salariés agricoles puissent être représentés efficacement au sein des exploitations.

4.   Perspectives d'action

4.1   Une agriculture compétitive et durable

4.1.1

La majorité du territoire de l'Union européenne est consacré à l'agriculture. Celle-ci joue un rôle particulier dans le cadre du développement durable de l'Union, ce qui justifie l'élaboration d'une stratégie européenne spécifique dans le secteur agricole, en complément de la stratégie européenne pour le développement durable.

Cette stratégie est mise au point par la Commission européenne, avec la participation des acteurs de la société civile des zones rurales. Elle constitue l'une des bases de discussion pour la définition de la nouvelle période de référence après 2007.

La stratégie pour une agriculture durable ne peut être efficace que si elle bénéficie du soutien du plus grand nombre. Aussi la Commission est-elle invitée à élaborer un programme en vue de diffuser cette stratégie et de financer les mesures requises, par exemple l'organisation de séminaires et l'élaboration de publications. Les acteurs de la société civile des zones rurales sont invités à contribuer, par leur action, à la mise en oeuvre de la stratégie.

4.1.2

Le modèle de l'agriculture durable doit être pris en considération dans le cadre des négociations de l'OMC. Dans ce contexte, la production d'une alimentation saine à un prix équitable doit être considérée comme un principe non négociable. En outre, il faut convenir et respecter des exigences minimales sur le plan social et environnemental.

4.2   Un développement intégré des zones rurales

4.2.1

La Commission doit insister plus que jamais, à tous les niveaux d'action, sur une orientation commune des aides. Cela implique la participation de tous les acteurs, des objectifs clairement formulés et une action durable des ressources utilisées.

4.3   Garantir les revenus agricoles

4.3.1

La modulation et l'harmonisation progressive de la politique agricole des quinze États membres de l'Union et des nouveaux adhérents sont destinées à garantir le revenu des travailleurs agricoles et des agriculteurs indépendants. Un instrument important à cet égard est la modulation. Il y a lieu de continuer à renforcer le soutien à l'espace rural dans le but de procurer de nouvelles sources de revenus aux exploitants agricoles.

L'aide accordée dans le cadre de la PAC devrait viser deux objectifs: l'octroi de financements transitoires aux exploitations innovantes et l'octroi d'une aide financière directe à des services non marchands mais nécessaires sur le plan social et pour lesquels il existe une demande (par exemple remise à l'état naturel de certaines parties du paysage).

Le programme LEADER doit être davantage orienté vers la participation des partenaires sociaux au niveau local, ainsi que la promotion de l'emploi et du développement durable.

Dans le cadre du programme LEADER, il devrait être possible de financer des actions en faveur de l'emploi et de la qualification des agriculteurs qui doivent ou souhaitent cesser leur exploitation, afin d'éviter qu'ils ne se retrouvent au chômage. S'agissant des futurs adhérents, le programme doit être adapté dans le même sens.

4.4   Relance de l'emploi dans l'agriculture

4.4.1

La dimension locale de l'emploi acquiert toute sa signification dans les régions rurales. Dans les régions où très peu de grandes entreprises non agricoles s'implantent, les exploitations existantes et les salariés qui y travaillent doivent veiller eux-mêmes à préserver les emplois pour l'avenir et élaborer des approches conjointes. Il y a lieu de continuer à développer les pistes tracées jusqu'à présent par la Commission dans le cadre du programme LEADER et de l'initiative européenne pour l'emploi, et de mieux les harmoniser. Au niveau local, les acteurs locaux ne sont toutefois pas encore suffisamment associés à l'évolution de ce processus. Les unités territoriales (NUTS 1 et NUTS 2) ont un retard considérable à rattraper en matière de participation. Pour atteindre les objectifs fixés, les mesures suivantes s'imposent:

les programmes communautaires (PAC, LEADER, emploi au niveau local) doivent davantage mettre l'accent sur l'impact de l'emploi dans les régions rurales;

un programme destiné aux partenaires sociaux dans l'espace rural doit être élaboré et mis en œuvre afin de promouvoir l'emploi au niveau local dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi;

la Commission doit tout mettre en oeuvre pour que la situation de l'emploi dans les régions rurales et le secteur agricole soit exposée et prise en compte dans les programmes d'action nationaux pour l'emploi et les plans d'action locaux pour l'emploi;

dans le cadre des programmes d'aide communautaires, une importance particulière doit être accordée au développement du «troisième secteur» afin de stabiliser la situation économique, sociale, et culturelle dans les régions rurales. Il existe de nombreux secteurs (soutien de la société civile) qui offrent encore des perspectives d'emploi. Il y a un besoin particulier d'agir dans ce sens dans les nouveaux adhérents, où le «troisième secteur» ou économie sociale n'est pas encore très développé;

les fonds locaux pour l'emploi et la formation, avec l'aide desquels les partenaires sociaux peuvent engager des actions en matière d'emploi et de formation, doivent être soutenus par des programmes communautaires.

4.5   Les partenaires sociaux concluent des conventions collectives

4.5.1

Les revenus des exploitants sont assurés grâce à la PAC. Les salariés agricoles ne doivent pas être exclus de l'évolution générale des revenus et leur participation à celle-ci doit se baser sur des conventions collectives négociées par les partenaires sociaux. Les réglementations imposées par l'État, par exemple le salaire minimal, doivent rester l'exception. L'État ne devrait intervenir que si les négociations ont échoué.

L'évolution des conventions collectives et de l'emploi dans l'agriculture ainsi que la situation du travail saisonnier et du travail migrant sont particulièrement intéressantes dans le contexte de la cohésion économique et sociale de l'UE des 25. C'est pourquoi il conviendrait de créer un observatoire des conventions collectives, de l'emploi et du travail saisonnier dans l'agriculture. Sa mission consisterait à réaliser des enquêtes concernant l'impact de l'élargissement sur l'évolution des revenus et de la situation socio-économique des salariés ainsi que sur la poursuite du développement social dans l'agriculture. Ses objectifs seraient les suivants: observer la situation, fournir des informations notamment aux partenaires sociaux, à la Commission et aux gouvernements, identifier des pistes et des options concernant les mesures à prendre. Le CESE invite la commission paritaire «agriculture» à assumer les fonctions de l'observatoire.

Les rapports de la Commission doivent contenir également des indications sur le revenu des travailleurs.

Il y a lieu de promouvoir, dans le cadre du dialogue social, l'organisation de séances d'information sur la situation en matière de conventions collectives entre les partenaires sociaux des États membres et des pays candidats.

Dans les nouveaux adhérents, la concertation sociale n'est pas encore suffisamment développée pour que tous les secteurs soient couverts par des conventions collectives. La Commission doit poursuivre son soutien (notamment financier) dans ce domaine.

4.6   Le travail saisonnier

4.6.1

Afin d'éviter toute distorsion sur les marchés du travail agricole en Europe, il faudra continuer de réguler le travail saisonnier agricole même après l'adhésion des pays d'Europe centrale.

Avec l'appui de la Commission, les partenaires sociaux conviennent de normes minimales concernant le traitement et l'hébergement des travailleurs saisonniers agricoles.

La nécessité d'introduire une carte communautaire pour les travailleurs migrants est toujours d'actualité (13). Cette carte ne doit pas faire office de passeport mais aider les travailleurs concernés en leur fournissant des informations, par exemple sur les qualifications requises et la sécurité sociale.

Si le secteur agricole devait encore avoir besoin de main-d'œuvre saisonnière supplémentaire après l'adhésion, il y aurait lieu d'élaborer une réglementation européenne qui prenne en compte les intérêts des partenaires sociaux et des États membres.

4.7   Introduction de critères et d'indicateurs sociaux pour la certification d'exploitations agricoles à titre principal

4.7.1

La production agricole est un élément clé du développement durable des régions rurales. Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à exiger la transparence concernant les processus agricoles et les agriculteurs sont de plus en plus réceptifs à cette exigence de production transparente. Plusieurs approches existent à cette fin. Le développement et l'introduction de systèmes de certification avec la participation des partenaires sociaux sont indispensables pour garantir une agriculture durable dans l'Union européenne.

Les systèmes de certification, labels de qualité et estampilles sont des éléments-clés pour une agriculture durable. Aussi le système de certification doit-il également comprendre des critères et des indicateurs sociaux.

Dans le cadre des mesures de conditionnalité, il y a lieu d'examiner si les exploitations mettent en pratique le principe de «bonnes conditions agricoles». Celles-ci ne peuvent être réunies que si tous les acteurs du processus de production sont préparés de manière adéquate aux nouvelles tâches et sont qualifiés pour les exercer. Les critères correspondants doivent être insérés dans la définition des bonnes conditions agricoles (14).

Le système de conseil aux exploitations proposé par la Commission doit permettre d'améliorer constamment la situation économique, environnementale et sociale des exploitations. Dans le cadre de ce système, outre les conseils aux exploitants, il y a lieu de dispenser également des conseils indépendants aux salariés afin de les préparer à l'avenir (15).

Dans le secteur agricole, il y a un dialogue social satisfaisant au niveau européen. Dans ce contexte, il conviendrait d'élaborer sans délai des critères et des indicateurs sociaux à titre d'orientation pour développer des approches communes pour une agriculture durable. Ces critères et indicateurs sociaux doivent être discutés avec les ONG, les organisations de défense des consommateurs, etc., afin de dégager un large consensus. Ils devraient servir d'orientation pour les processus mis en oeuvre au niveau régional.

4.8   Les systèmes de sécurité sociale dans une agriculture durable

4.8.1

Dans nombre de pays européens, les exploitants se plaignent de ne pas trouver suffisamment de main-d'œuvre agricole qualifiée. Cette situation s'explique notamment par le peu d'attrait que présentent les emplois dans ce secteur par rapport à d'autres, dans la mesure où ils sont faiblement rémunérés et demandent un effort physique souvent plus éprouvant. L'amélioration des systèmes de sécurité sociale est un moyen de rendre les métiers agricoles plus intéressants pour les jeunes.

Dans le cadre de la PAC, il y a lieu d'étendre les dispositions en matière de pension, afin de permettre aux salariés et aux exploitants de prendre leur retraite dans des conditions décentes. S'agissant des nouveaux adhérents, cette extension doit avoir lieu dans le cadre de programmes appropriés. De telles mesures doivent être introduites dans les PECO, compte tenu notamment du vieillissement de la population agricole dans ces pays.

Mise en œuvre de la Convention 184 de l'OIT sur la santé et la sécurité dans l'agriculture. La Commission doit veiller à ce que les États membres élaborent et mettent en oeuvre des stratégies nationales en matière de sécurité et de santé au travail dans le secteur agricole.

Il y a lieu d'engager une vaste initiative visant à fournir aux travailleurs migrants des informations sur la manière dont ils peuvent améliorer leur protection sociale. Le Comité invite la Commission à coordonner et à soutenir financièrement cette campagne d'information, à laquelle doivent être associés les partenaires sociaux et les institutions de sécurité sociale.

Les États membres devront, à l'avenir également, assumer la responsabilité des systèmes de sécurité sociale.

Les services de remplacement agricole soutiennent les petites exploitations agricoles en cas d'incapacité du chef de l'exploitation.

4.9   Une stratégie sectorielle pour l'apprentissage tout au long de la vie dans le secteur agricole

4.9.1

Afin d'améliorer l'emploi dans l'agriculture et dans les régions rurales, davantage d'efforts doivent être consentis pour rehausser le niveau de formation. Outre l'amélioration de la qualité de l'offre de formation, il convient plus particulièrement de stimuler la demande dans ce secteur. Cette démarche doit s'inscrire dans le cadre d'une stratégie sectorielle en faveur de l'apprentissage. Celle-ci contribuera à la réalisation d'une économie basée sur la connaissance au sens de la stratégie de Lisbonne.

Avec l'aide des partenaires sociaux, la Commission élabore une stratégie s'articulant autour de quatre piliers (formation professionnelle de base, formation professionnelle continue, renforcement de l'esprit d'entreprise, formation pour les personnes plus âgées), afin de favoriser l'apprentissage tout au long de la vie dans l'agriculture. Cette stratégie doit être cofinancée par des fonds européens, notamment au titre du FSE et de la PAC.

La stratégie en matière de formation tout au long de la vie prévoira également des orientations en formation à l'intention des agriculteurs et des salariés agricoles. Ces mesures peuvent être financées dans le cadre de la PAC. Les moyens financiers devraient être mis en oeuvre sous forme d'aides techniques et les partenaires sociaux doivent être associés à la définition de l'offre en matière d'orientation professionnelle.

La transmission des connaissances est assurée par un réseau de formation européen bénéficiant du soutien de la Commission et composé de responsables de l'emploi et de la formation, issus des partenariats sociaux.

Les ressources financières seront mises à disposition par des Fonds régionaux.

4.10   Les acteurs de la société civile contribuent à définir le développement durable dans l'espace rural

4.10.1

Le processus du développement des relations de travail entre les partenaires sociaux dans le secteur agricole varie très fort d'un État membre à l'autre. L'UE doit introduire des mesures idoines afin de promouvoir le développement du dialogue social.

La Commission est invitée à explorer des exemples de bonnes pratiques en matière de relations de travail, à les évaluer et à diffuser ses conclusions.

La Commission doit mettre des ressources financières à la disposition des partenaires sociaux des pays candidats pour leur permettre de continuer à promouvoir des approches positives et innovantes.

4.10.2

Les acteurs de premier plan doivent être pris en compte et participer à la promotion de la société civile dans le cadre du développement durable de l'espace rural. Il y a lieu d'augmenter les possibilités de participation afin que la société civile puisse se développer au maximum.

Le dialogue sectoriel agricole dans les États membres et les régions permet de tirer parti des effets de synergie. La Commission est exhortée à mettre en place des enceintes de dialogue dans le cadre de programmes importants. Le dialogue sectoriel doit porter sur des thèmes tels que la concertation en matière de développement de programmes et la promotion de projets dans le cadre des programmes opérationnels, notamment le programme LEADER, le FSE et le FEDER.

Dans les régions rurales, le processus de l'Agenda local en faveur du développement durable n'a guère pris racine. Un aspect essentiel de ce processus consiste à motiver un maximum de personnes à y participer. Les approches du bas vers le haut ne peuvent porter de fruits que si les citoyens sont en mesure de s'impliquer. Ces approches sont nécessaires si l'on veut que la politique locale d'emploi soit couronnée de succès.

Des «ateliers régionaux du développement rural» devraient être institués dans toutes les régions rurales. Les principaux acteurs (députés, responsables de l'administration, associations de paysans, syndicats, clergé, etc.) y étudieraient les problèmes des zones rurales.

Bruxelles, le 29 janvier 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Une politique visant à consolider le modèle agricole européen» JO no C 368 du 20 décembre 1999, pp. 76-86.

(2)  Rapport global de suivi de la Commission européenne sur le degré de préparation à l'adhésion à l'UE, 2003.

(3)  Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen - Révision à mi-parcours de la politique agricole commune, COM(2002) 394 final, p. 7.

(4)  Communication de la Commission - Deuxième rapport d'étape sur la cohésion économique et sociale, COM(2003) 34 final, p. 14.

(5)  Ibidem.

(6)  L'on désigne par les termes de «troisième secteur» ou «économie sociale» des formes d'organisation socio-économique qui ont en commun des principes tels que l'absence de but lucratif, l'autonomie vis-à-vis des secteurs public et privé, la recherche de formes d'organisations plus participatives ou encore le service à la collectivité. Elles pourvoient à des besoins et fournissent des services publics qui ne sont pas satisfaits par le marché. À ce titre, elles ont des activités de nature économique et emploient du personnel. Généralement, il s'agit de petites et moyennes entreprises implantées au niveau local qui inscrivent leur action dans une perspective de développement régional à long terme (cf. note de bas de page 4).

(7)  Communication de la Commission - Agir au niveau local pour l'emploi: donner une dimension locale à la stratégie européenne pour l'emploi (COM(2000) 196 final, p. 12).

(8)  Ibidem.

(9)  Cf. note de bas de page 1.

(10)  EFFAT, GEOPA: Accord sur l'éducation et la formation professionnelle.

(11)  L'on entend par revenu approprié le fait que les salariés perçoivent un revenu défini pour leurs prestations, qui leur permet de satisfaire à leurs besoins économiques, sociaux et culturels. L'évolution des salaires dans l'agriculture doit correspondre à l'évolution des salaires en général.

(12)  Cf. note de bas de page 1.

(13)  Avis du CESE sur le «Développement d'une initiative de définition du cadre réglementaire pour le recours à des ouvriers agricoles migrants originaires de pays tiers» (avis d'initiative), JO C 204 du 18.07.2000, p. 92.

(14)  Cf. avis du CESE sur la «Révision de la PAC», CESE 591/2003, p. 11.

(15)  Cf. avis du CESE sur la «Révision de la PAC», p. 12.