20.5.2005   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 120/6


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les restrictions à la commercialisation et à l'utilisation du toluène et du trichlorobenzène (vingt-huitième modification de la directive 76/769/CEE du Conseil)»

COM(2004) 320 final - 2004/0111 (COD)

(2005/C 120/02)

Le 11 mai 2004, le Conseil a décidé, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 octobre 2004 (rapporteur: M. SEARS).

Lors de sa 412ème session plénière des 27 et 28 octobre 2004 (séance du 27 octobre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 165 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Sont réputées «existantes» les substances présentes sur le marché de l'Union européenne entre le 1er janvier 1971 et le 18 septembre 1981. Un total de 100.195 substances de ce type ont été identifiées et répertoriées dans l'Inventaire européen des produits chimiques commercialisés (Einecs), publié au Journal officiel en 1990 (1). Les substances introduites sur le marché après le 18 septembre 1981 sont définies comme «nouvelles» et doivent faire l'objet d'une notification préalable à la mise sur le marché conformément à la législation communautaire en vigueur.

1.2

Les risques que comportent les substances existantes pour la santé humaine et l'environnement ont été systématiquement évalués en vertu du règlement (CEE) 793/93 du Conseil (2). Jusqu'à présent, quatre listes des substances prioritaires ont été établies et doivent être mises en oeuvre par les services compétents au sein des États membres. La dernière en date est du 25 octobre 2000 (3). Elles contiennent 141 substances, dont certaines présentent des risques soit en raison de leur composition particulière ou d'interactions biochimiques connues ou prévisibles, soit parce que leur volume élevé de production est devenu préoccupant.

1.3

Les États membres évaluent chaque substance à toutes les étapes de la fabrication et l'utilisation tant en termes de danger que d'exposition à celui-ci, afin de déterminer si elle présente ou pas des risques pour la santé et l'environnement et, le cas échéant, quelles mesures adopter pour les réduire. Si la substance est inscrite sur la liste des substances prioritaires, mais que son utilisation actuelle ou planifiée ne comporte aucun risque ou un risque minime, les mesures de contrôle ne sont pas nécessaires, ou bien leur portée et leur bénéfice risquent d'être marginaux.

1.4

Une fois que les États membres ont émis leurs rapports d'évaluation des risques, ceux-ci sont réexaminés par le Comité scientifique pour la toxicité, l'écotoxicité et l'environnement de la Commission européenne (CSTEE). Si le CSTEE confirme les conclusions et approuve l'ensemble du processus d'évaluation, des mesures visant à réduire le risque peuvent être soumises, si nécessaire, sous forme de modifications à l'annexe 1 de la directive 76/769/CEE (4) du Conseil sur la commercialisation et l'utilisation de certaines substances et préparations dangereuses. La présente proposition est la vingt-huitième modification de cet ordre.

1.5

Les deux substances mentionnées dans cette proposition (toluène et trichlorobenzène) ont été examinées conformément à la procédure décrite ci-dessus. Elles ont été incluses dans la deuxième liste des substances prioritaires, publiée sous forme de règlement de la Commission (CE) 2268/95 du 27 septembre 1995 (5). Le Danemark s'est vu confier l'évaluation des deux substances. Le CSTEE a approuvé dans les grandes lignes et soutenu les rapports d'évaluation des risques dans ses avis adoptés lors de ses 24ème et 25ème sessions plénières des 12 juin et 20 juillet 2001.

1.6

La proposition à l'examen contient des mesures visant à réduire les risques des deux substances, qui devront être mises en œuvre par les États membres dans les 18 mois suivant la date de l'entrée en vigueur de la directive. La Commission a publié la proposition le 28 avril 2004. Au terme de l'ensemble des procédures réglementaires et si les modifications éventuelles du texte jugées nécessaires sont adoptées, la directive devrait entrer en vigueur dans les États membres au plus tard en juin 2006.

2.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

2.1

La proposition vise la protection de la santé humaine et de l'environnement, en même temps que la mise en place (ou la protection) du marché intérieur pour ces deux substances. Étant donné que leur utilisation dans les domaines mentionnés a déjà diminué et que des substituts seraient aisément disponibles, cela ne devrait entraîner qu'un coût limité, voire nul.

2.2

En ce qui concerne le toluène, reconnu comme une substance polyvalente produite en grande quantité et utilisée comme matière première essentielle dans la synthèse chimique et comme solvant dans de nombreuses applications industrielles et individuelles, il convient de restreindre son utilisation dès que sa concentration massique dépasse 0,1 % dans les adhésifs et peintures au pistolet destinés à la vente au public. Cette mesure ne s'applique pas aux applications industrielles et vise la protection de la santé du consommateur.

2.3

En ce qui concerne le trichlorobenzène, dont l'utilisation est plus limitée en tant que produit intermédiaire dans la fabrication de certains herbicides ou comme solvant de process dans les systèmes fermés, il convient de restreindre son utilisation dès que la concentration dépasse 0,1 % massique dans toutes les applications excepté comme produit intermédiaire. Cette mesure restreint toute vente éventuelle au public et assure une protection supplémentaire de la santé au travail.

2.4

Les deux produits sur lesquels porte la présente modification sont identifiés par les numéros CAS 108-88-3 et 120-82-1 respectivement dans l'annexe de la proposition. Les restrictions à leur usage seront ajoutées à l'annexe 1 de la directive 76/769/CEE du Conseil.

2.5

Les États membres disposeront d'un délai d'un an pour promulguer les lois nécessaires à une mise en conformité avec la directive. Ce délai commencera à courir à partir de l'entrée en vigueur de la proposition, après consultation du Comité économique et social européen (CESE) en vertu de l'article 95 du traité, et suivant la procédure de codécision avec le Parlement européen.

3.   Observations générales

3.1

Tout comme dans le cas de la vingt-sixième modification de la directive 76/769/CEE du Conseil (concernant la limitation de la commercialisation et de l'emploi du nonylphénol, de l'éthoxylate de nonylphénol et du ciment) (6), cette proposition porte sur des substances différentes qui, dans un souci de clarté, seront discutées séparément (la vingt-septième modification concernant les hydrocarbures aromatiques polynucléaires contenus dans les huiles de dilution et les pneumatiques a été publiée, mais est en cours d'évaluation pour le moment).

4.   Toluène

4.1

Le toluène est un liquide incolore transparent à l'odeur caractéristique. Connu également sous le nom de méthyl-benzène, sa structure aromatique, composée d'un anneau de six atomes de carbone auquel est rattaché une chaîne d'un atome de carbone (alkyl), est la plus simple après celle du benzène. Le toluène, présent à l'état naturel dans le pétrole brut, dans certains arbres et plantes et dans les émissions de volcans ou les fumées dégagées par les incendies de forêt, peut être fabriqué artificiellement en grandes quantités à partir du charbon ou du pétrole brut.

4.2

Des sources industrielles indiquent qu'au niveau mondial la capacité et les niveaux de production du toluène artificiel étaient respectivement de 20 millions de tonnes et de 14 millions de tonnes en 2002. Les trois quarts de cette capacité de production se situent aux États-Unis, en Asie et au Japon. L'avis du CSTEE fait état d'une production de 2,6 millions de tonnes en 1995 dans l'Union européenne. Des quantités beaucoup plus importantes dérivées de la fabrication habituelle de carburant contribuent au total des expositions bien que celles-ci ne soient pas incluses dans les quantités reprises ci-dessus (7).

4.3

Le toluène est essentiellement utilisé comme matière première dans des systèmes fermés de fabrication de benzène, de mousses d'uréthane et d'autres produits chimiques et, en quantités beaucoup plus faibles, comme véhiculeur de solvant dans les peintures, encres, adhésifs, produits pharmaceutiques et cosmétiques. Ses effets sur la santé humaine et l'environnement ont fait l'objet de vastes études et sont en général acceptés par l'ensemble des parties concernées. Il y a clairement lieu de réduire au minimum toute exposition réelle ou éventuelle superflue et non contrôlée, notamment lorsqu'il existe des produits de substitution disposant du même pouvoir solvant.

4.4

Les deux utilisations finales mentionnées dans la proposition à l'examen entrent dans cette dernière catégorie. L'emploi du toluène en tant que solvant utilisé dans la fabrication d'adhésifs et de peintures sous forme d'aérosol vendues au grand public n'est ni nécessaire ni soutenu par les fabricants européens de ce produit. L'on estime à l'heure actuelle que les ventes réelles sont faibles voire nulles pour ce qui concerne ces deux utilisations finales. Il s'agit donc essentiellement d'une mesure de précaution ne devant avoir qu'un effet modéré sur les coûts des fabricants ou sur le choix ou la santé des consommateurs.

4.5

Le CESE reconnaît qu'il faut avant tout veiller à ce que la manipulation du toluène en grandes quantités dans des systèmes fermés sur le lieu de travail puisse se faire en toute sécurité. La proposition à l'examen garantit que, maintenant comme à l'avenir, le grand public, en dehors d'un environnement de travail contrôlé, sera convenablement protégé de toute exposition superflue. Le CESE soutient par conséquent ce volet de la proposition.

5.   Trichlorobenzène

5.1

Le cas du trichlorobenzène est très différent de la situation décrite ci-dessus et un certain nombre de modifications et de clarifications de la proposition s'imposent.

5.2

Le trichlorobenzène est une substance chimique fabriquée artificiellement qui n'est pas présente dans la nature, sinon par dégradation d'autres composés aromatiques chlorés. Il existe trois types d'isomères différents en fonction de la place qu'occupent les atomes de chlore autour de l'anneau composé des six atomes de carbone. Chacun d'eux dispose (à la marge) de propriétés physiques différentes et entraînent des interactions biochimiques différentes, comme le montrent notamment leurs valeurs de LD50, et est associé à des numéros CAS et EINECS particuliers. En outre, tant le registre CAS que le registre EINECS comportent une entrée «trichlorobenzène» en général. Ces trois types d'isomères sont commercialisés aux États-Unis et ailleurs. Le trichlorobenzène 1,3,5 ne serait plus fabriqué en Europe. Les détails de ces listes sont les suivants (8):

Numéro EINECS

201-757-1

204-428-0

203-686-6

234-413-4

Numéro CAS

87-61-6

120-82-1

108-70-3

12002-48-1

Isomère

1,2,3-

1,2,4-

1,3,5-

-

Forme

Paillettes blanches

Liquide transparent

Paillettes blanches

Liquide transparent

Point de fusion °C

52-55

17

63-65

-

LD50 mg/kg (oral-rat)

1 830

756

800

-

Numéro UN

2 811

2 321

2 811

-

5.3

Le rapport d'évaluation des risques et l'avis du CSTEE mentionnent explicitement le trichlorobenzène-1,2,4 portant les numéros EINECS et CAS indiqués ci-dessus. La proposition à l'examen confirme en annexe ce numéro CAS unique (et par conséquent l'isomère étudié) mais ne le reprend ni dans le titre ni dans le texte de la directive.

5.4

Les différents isomères sont produits pour atteindre de hauts degrés de pureté afin de tenir lieu d'intermédiaires dans des systèmes fermés utilisés pour la synthèse de certains herbicides, pesticides, teintures et autres substances chimiques spécialisées. Lorsque la structure isomérique spécifique revêt une moindre importance, il est possible de recourir dans des systèmes fermés à un mélange d'isomères comme véhiculeur de solvant destinés aux teintures, régulateur de process ou support de transfert de chaleur, dans les aérosols comme inhibiteur de corrosion et dans les fluides de travail des métaux.

5.5

Dans l'Union européenne et ailleurs le trichlorobenzène-1,2,4 (TCB-1,2,4) est, à des degrés de pureté divers, la substance la plus utilisée. On estime que sa production recule constamment depuis les années 1980. D'après les données présentées par la commission OSPAR pour la protection du milieu marin, la production du TCB-1,2,4 était estimée en 1994 entre 7 et 10 000 tonnes, celle du TCB-1,2,3 à moins de 2 000 tonnes et celle du TCB-1,3,5 à moins de 200 tonnes (9). En juin 2000, l'OSPAR a inscrit ces trois isomères en tant qu'entrées séparées sur sa liste de produits chimiques devant faire l'objet de mesures prioritaires. L'avis du CSTEE de juillet 2001 fait également état d'une production de 7 000 tonnes en Europe en 1994-95. Les niveaux de production continuent de reculer et se situeraient actuellement à environ la moitié des chiffres indiqués, l'essentiel étant destiné à l'exportation (10).

5.6

À l'heure actuelle, il n'y aurait plus qu'un seul producteur dans la zone UE/OSPAR. Les ventes se limiteraient aux isomères TCB-1,2,4 et TCB-1,2,3 employés uniquement comme intermédiaires, ce que confirment les déclarations d'utilisation écrites rédigées avant livraison par chacun des clients.

5.7

La Commission et le CSTEE reconnaissent un nombre limité d'autres emplois dans des systèmes fermés, notamment en tant que solvants de process sans dissémination dans l'environnement extérieur. Dans la mesure où cette proposition vise à autoriser la production indispensable mais à restreindre rigoureusement les émissions causées par une utilisation en milieu ouvert, il semblerait opportun d'ajouter ce point aux emplois autorisés à l'annexe de la proposition à l'examen.

5.8

Le CESE estime que, sous réserve des différents aspects évoqués ci-dessus, cette proposition devrait assurer une protection accrue sur le lieu de travail et lever tout risque d'exposition hors du lieu de travail. Les fabricants et les utilisateurs de trichlorobenzène et de produits concurrents semblent avoir largement anticipé la proposition à l'examen. Les coûts des producteurs et des utilisateurs devraient par conséquent être très légèrement affectés. Le CESE soutient donc ce volet de la proposition.

6.   Observations spécifiques

6.1

Le CESE estime, comme indiqué ci-dessus, que la proposition à l'examen doit être basée sur le rapport d'évaluation des risques et l'avis du CSTEE en la matière, et ne devrait donc porter que sur le TCB-1,2,4. Cela devrait apparaître clairement dans le titre et dans le texte. Heureusement, l'effet de ces restrictions sur l'utilisation restera inchangé, étant donné que cet isomère est le principal constituant des TCB à isomères mixtes précédemment commercialisés et destinés à une utilisation dans les solvants ou les aérosols.

6.2

D'autres systèmes fermés devraient être autorisés, en ajoutant «ou dans d'autres systèmes fermés rendant impossible toute dissémination dans l'environnement» à la fin de la restriction concernée.

6.3

Comme pour les précédentes modifications de la directive 76/769/CEE du Conseil, le CESE regrette que des produits n'ayant aucun lien entre eux ne soient mentionnés ensemble dans un même texte, qui pourrait nécessiter des adaptations spécifiques et permanentes aux réalités extérieures. Cela est en contradiction avec le principe de la bonne gouvernance, opportune et efficace. Si ce procédé est dû à la limitation des ressources en cette phase finale et critique d'adoption de mesures spécifiques de réduction des risques, il conviendrait de trouver le plus rapidement possible une solution à ces limitations.

6.4

Le CESE constate que la dernière liste de substances devant être évaluées prioritairement a été publiée en octobre 2000. Le Comité déplore que cette approche semble avoir été abandonnée longtemps avant que d'autres procédures telles que REACH puissent être mises en œuvre. Cette perte de dynamique est regrettable.

6.5

Le CESE attire l'attention sur le rôle essentiel joué par le CSTEE dans le passé et espère que des dispositions appropriées ont été prises pour que ce comité puisse continuer à jouer son rôle à l'avenir, en dépit des changements annoncés récemment dans la structure et les responsabilités des comités scientifiques.

6.6

Le CESE partage les préoccupations généralement exprimées quant au temps nécessaire pour évaluer les substances dans le système actuel. Pour les deux produits faisant l'objet de la proposition à l'examen, près de 11 ans se seront écoulés avant que la législation n'entre en vigueur. Cinq années se sont écoulées depuis que le CSTEE a déclaré le rapport d'évaluation des risques satisfaisant. Lorsque la législation entrera en vigueur, elle n'entraînera aucun coût – ni aucun avantage quantifiable pour la santé et l'environnement – pour aucun des acteurs concernés. En l'absence d'autres informations, il est impossible de dire s'il faut s'en réjouir (c'est-à-dire, si le marché s'est adapté sous la pression des évaluations de risques continues) ou non (le processus n'a donné que peu de résultats, à des coûts considérables pour toutes les personnes concernées) – ou de quelle manière les améliorations souhaitées doivent être apportées.

6.7

Par conséquent, le CESE estime que pour compléter d'autres propositions telles que REACH et veiller à ce que celles-ci améliorent effectivement les processus existants, il conviendrait d'évaluer sans plus tarder les raisons de cette lenteur. Cela devrait se faire parallèlement à d'autres études actuellement en cours, visant à mesurer l'impact, les coûts et les bénéfices, pour tous les acteurs concernés, de ces processus destinés à protéger la santé et l'environnement, dans le cadre d'une économie européenne de la connaissance, viable et compétitive.

Bruxelles, le 27 octobre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  JO C 146 A du 15 juin 1990.

(2)  JO L 84 du 5 avril 1993.

(3)  JO L 273 du 26 octobre 2000.

(4)  JO L 262 du 27 septembre 1976.

(5)  JO L 231 du 28 septembre 1995.

(6)  JO L 178 du 17 juillet 2003.

(7)  Données fournies par l'Aromatics Producers Association (APA), membre du Conseil européen de l'industrie chimique (CEFIC).

(8)  Site internet du Bureau européen des substances chimiques (http://ecb.jrc.it).

(9)  Données fournies par Eurochlor, membre du CEFIC.

(10)  Les avis du CSTEE sont disponibles sur le site internet de la direction générale de la santé et de la protection des consommateurs.