7.12.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 302/90


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — L'avenir du secteur du textile et de l'habillement dans l'Union européenne élargie»

(COM(2003) 649 final)

(2004/C 302/19)

Le 28 octobre 2003, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 mai 2004 (rapporteur: M. PEZZINI; corapporteur: M. NOLLET).

Lors de sa 410ème session plénière des 30 juin et 1er juillet 2004 (séance du 1er juillet), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 81 voix pour et 1 voix contre.

1.   Introduction

1.1

Les 2,1 millions de travailleurs qu'elle emploie encore, auxquels se sont ajoutés plus d'un demi-million de salariés issus des nouveaux États membres, témoignent de la vitalité — même un peu compromise — et du haut potentiel de l'industrie textile européenne. Grâce à un important effort d'innovation des processus et des produits, elle contribue encore à la richesse européenne pour plus de 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, sans tenir compte des activités connexes, et enregistre une forte croissance, surtout du textile dit «non conventionnel» (c'est-à-dire du textile technique et à haute technologie (1)), qui a atteint près de 30 % de la production totale; enfin, ses dépenses en recherche et développement atteignent de 8 à 10 % du chiffre d'affaires.

1.2

L'Union européenne est le premier acteur commercial mondial dans le secteur du textile et de l'habillement: l'idée que la division internationale du travail aurait irrémédiablement éliminé les pays industriels de la production textile mondiale s'est avérée fausse et, en tout état de cause, inapplicable au cas de l'Europe. Le continent européen reste en effet le plus grand exportateur mondial de produits textiles et le deuxième exportateur dans le secteur de l'habillement, dans un marché global où l'import-export a atteint et dépassé 350 milliards d'euros en 2002 (6 % des échanges mondiaux).

1.2.1

Il convient ici de rappeler que le premier exportateur mondial dans le secteur de l'habillement n'est autre que la Chine.

1.3

L'Europe a su jusqu'à présent valoriser ses avantages qualitatifs et organisationnels: séries limitées, système de modes, haut de gamme à haut contenu créatif, rapidité de l'adaptation à la demande, rapidité de fabrication et de livraison. Elle a en outre innové en matière de processus et de matériaux intelligents, grâce à la nanotechnologie et aux nouvelles fibres et, dans leur prolongement, au textile technique, hautement compétitif et enregistrant un surplus commercial croissant. De même, les récentes applications de la chimie aux textiles ont favorisé la naissance de nouveaux produits. Il convient ici de relever que dans ce secteur, les conditions d'accès aux marchés diffèrent fortement d'un pays à l'autre au niveau mondial. Alors que l'UE applique des droits qui se situent en moyenne en-deçà de 9 %, les droits de douane d'un grand nombre d'autres pays montent jusqu'à 30 %, auxquels il faut ajouter d'onéreuses barrières non tarifaires.

1.4

En Europe, le secteur du textile et de l'habillement a su faire face à une série de transformations radicales, tirer parti des mutations technologiques, tenir compte comme il se devait de l'évolution des différents coûts de production et répondre rapidement à l'émergence de nouveaux concurrents mondiaux. Les réponses de l'industrie européenne ont consisté, d'une part, en un grand effort de modernisation, via une restructuration compétitive et une intégration des processus technologiques, et d'autre part, en un nouveau positionnement sur le marché, obtenu en tirant parti de l'organisation en réseau, appliquée à la production, à la distribution, à l'innovation et au marketing technologique.

1.5

En 2002, les investissements bruts ont représenté environ 9 % de la valeur ajoutée du secteur, pour un montant se situant autour de 5 milliards d'euros. Naturellement, près de 70 % sont allés au secteur textile, et 30 % environ au secteur de l'habillement. La balance commerciale est positive pour le textile, tandis que dans l'habillement, les importations sont supérieures aux exportations. Du reste, le secteur textile-habillement, auquel vient s'ajouter celui de la chaussure, représente une industrie très hétérogène et composite, dotée d'une très grande variété de produits qui vont des fibres synthétiques à haute technologie à la fabrication de la laine, du coton aux filtres industriels, des fripes à la haute mode, des pantoufles pour la maison aux chaussures de protection contre les agents corrosifs d'origine chimique.

1.6

L'industrie du textile, de l'habillement et de la chaussure est concentrée dans les cinq pays les plus peuplés de l'Union, dont les entreprises couvrent plus de

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de la production européenne. La valeur ajoutée est également concentrée dans ces pays, au premier rang desquels on trouve l'Italie, suivie du Royaume-Uni, de la France, de l'Allemagne et, plus loin, de l'Espagne. Parmi les pays où la production est moindre, le Portugal, la Belgique et la Grèce ont une position particulièrement importante en termes de valeur ajoutée. La Belgique se distingue dans le secteur des tissus techniques et intelligents. En ce qui concerne les nouveaux États membres, le secteur occupe une place particulièrement importante en Pologne, en Estonie et en Lituanie, ainsi que dans les pays candidats (la Turquie, la Roumanie et la Bulgarie).

1.7

Le taux d'emploi a en moyenne diminué de 2,6 % par an au cours des cinq dernières années. Les seuls exemples qui vont à l'encontre de cette tendance sont l'Espagne et la Suède (+2 %), qui ont vu l'emploi dans le secteur augmenter entre 1995 et 2002. L'industrie européenne s'est intégrée de plein pied dans la mondialisation des marchés; elle a de façon globale restructuré et rationalisé ses entreprises, ayant recours à la sous-traitance pour les opérations à forte intensité de main-d'œuvre et se concentrant en revanche sur des travaux d'ouvraison qui nécessitent des qualifications élevées, notamment en raison de l'application des technologies de l'information, de nouvelles technologies, et de techniques de production plus efficaces.

1.8

En termes commerciaux, la disparition des quotas d'importation, prévue pour 2005 avec la fin de l'Accord multifibres (AMF), impose à chacun une réflexion approfondie sur la manière de créer de nouvelles conditions commerciales pour les produits textiles, de sorte que l'industrie européenne puisse être concurrentielle au niveau mondial tout en garantissant l'équité nécessaire pour les pays les plus pauvres et pour les pays particulièrement vulnérables. Il apparaît de plus en plus évident qu'il est prioritaire de mettre en œuvre le processus de Barcelone, prévoyant une zone de libre-échange qui engloberait l'Europe et toute la rive méridionale de la Méditerranée et concrétiserait ainsi la zone paneuroméditerranéenne.

2.   La proposition de la Commission

2.1

La communication de la Commission se penche sur la problématique complexe du secteur du textile et de l'habillement avec l'intention d'en renforcer la compétitivité et d'en améliorer le dynamisme, dans l'optique d'une mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne spécifiquement adaptée au secteur.

2.2

La communication propose des mesures basées sur les politiques industrielles et commerciales, en particulier s'agissant des domaines suivants: emploi, recherche et développement technologique, innovation, formation professionnelle, développement régional, développement durable, responsabilité sociale des entreprises, santé publique, protection du consommateur, lutte contre la contrefaçon, droits de marque et de propriété industrielle et intellectuelle, politique de la concurrence et régime des aides d'État.

2.3

La Commission suggère plusieurs domaines d'action dans lesquels accroître l'efficacité des mesures de politique industrielle, et en particulier:

recherche, développement et innovation: nouveaux matériels et matériaux intelligents, nanotechnologies, nouveaux processus de production et technologies propres, en particulier dans le domaine de la mode et de la promotion de la créativité;

responsabilité sociale des entreprises: respect des normes internationales du travail et de l'environnement, gestion responsable des mutations industrielles, consultation des travailleurs;

enseignement et formation: meilleur accès des PME aux financements en la matière, moyennant une simplification des procédures, diffusion de l'information, coordination des actions;

développement des possibilités et des capacités de connexion en réseau;

programme de Doha pour la réduction et l'harmonisation des droits de douane et la suppression des obstacles non tarifaires aux échanges;

réaliser la zone euro-méditerranéenne d'ici 2005, pour garantir la libre circulation des produits textiles dans les pays qui ont des règles d'origine identiques ainsi qu'un système agréé de coopération administrative;

système d'étiquettes pour l'accès à l'UE: examen de leur utilisation par article/produit, dans le respect des normes internationales du travail et de l'environnement;

préférences commerciales UE: concentration sur les 49 pays les plus pauvres (PMD — pays moins développés (2)), en leur offrant également des possibilités pour les produits intermédiaires d'habillement;

lutte contre la fraude et la contrefaçon, renforcement des mesures existantes et adoption de nouvelles mesures de défense de la propriété industrielle et intellectuelle, contrôles pour éviter les pratiques commerciales déloyales; renforcement du système douanier commun;

label «Made in Europe» pour promouvoir les produits européens de qualité et protéger les consommateurs;

Fonds structurels: utilisation et nouvelles orientations, surtout dans le cadre des nouvelles perspectives financières 2007-2013.

2.4

La communication de la Commission suggère également quelques pistes de réflexion:

actions au niveau des parties intéressées;

actions au niveau des États membres;

actions au niveau de l'Union européenne.

2.4.1

Il est proposé de créer un Groupe de haut niveau comprenant des représentants de la Commission, des États membres et des partenaires sociaux, chargé de surveiller les initiatives prises aux différents niveaux concernés et leur réalisation. L'élaboration de rapports est également prévue d'ici le printemps 2005 et à la fin 2006.

3.   Les points de vue des représentants du textile

Le 21 janvier 2004, le Comité a organisé, au siège de Bruxelles, une audition des représentants du textile. Les positions exprimées dans le présent chapitre sont conformes aux contributions écrites reçues et aux interventions ayant eu lieu lors de l'audition (3).

3.1

Les forces sociales présentes — chefs d'entreprise, représentants syndicaux, collectivités locales — ont demandé à l'unanimité d'intervenir d'urgence pour freiner les conséquences, très rapides, des importations en provenance de certains pays, en particulier la Chine, l'Inde et le Pakistan, sur les entreprises européennes du secteur.

3.2

À l'approche de 2005, c'est-à-dire de la fin du régime des quotas, il a été demandé de prendre d'urgence les mesures suivantes:

possibilité d'utiliser de nouvelles ressources financières;

création d'une action spéciale dans le cadre des Fonds structurels;

investissements dans la formation et les ressources humaines;

étiquetage obligatoire pour tous les pays d'origine des produits;

traçabilité obligatoire à toutes les étapes de la production;

respect de la santé du consommateur, par le biais d'un label garantissant la «non-dangerosité» du produit;

réciprocité des tarifs douaniers avec les pays dans lesquels le secteur est très développé;

révision des accords avec les pays tiers, et suppression des avantages tarifaires pour les pays qui ne respectent pas les règles du commerce, les normes sociales, le développement durable, ou qui produisent des armes nucléaires;

révision de l'organisation des douanes en Europe, afin de la simplifier et de permettre des contrôles plus précis, de manière à réduire la fraude, qui a atteint aujourd'hui des niveaux intolérables;

un important engagement financier dans la recherche et l'innovation ainsi que des aides aux entreprises, surtout les PME, afin qu'elles puissent diversifier leur production vers les tissus techniques ou intelligents.

3.3

Le secteur italien du textile et de l'habillement, qui est le plus exposé parmi tous les pays européens, a présenté un document unitaire, élaboré par tous les producteurs, grandes et petites entreprises, et tous les représentants syndicaux du pays, qui rappelle quelques priorités et recommande de les traduire en mesures concrètes, efficaces et opportunes. Selon la position unitaire exprimée dans le document, «l'inertie actuelle pourrait entraîner des coûts sociaux et économiques très élevés pour l'Europe».

3.3.1

Les points suivants ont été soulignés:

3.3.2

Les produits communautaires accèdent sans taxe aux marchés de 22 pays seulement, tandis que sur les autres marchés, ils sont assujettis à une taxe moyenne variant de 15 à 60 % et doivent en outre franchir d'innombrables barrières non tarifaires. Le secteur du textile et de l'habillement, surtout à partir de 2005, ne pourra plus supporter les privilèges actuellement octroyés aux principaux concurrents de l'UE (Chine, Inde, Pakistan, Indonésie). Par ailleurs, ces avantages devraient être réservés aux pays moins développés, et aux petits pays producteurs, qui en 2005, se trouveront à leur tour dans une situation très précaire.

3.3.3

En matière d'étiquetage, il est demandé d'éviter le terme générique «Made in UE», au profit d'une mention plus explicite telle que «Made in Italy/UE» ou «Made in France/UE». Aujourd'hui, plus de 60 % des produits commercialisés sont déjà étiquetés volontairement, avec indication de l'origine. Si une telle mention devenait obligatoire, il y aurait également des contrôles et des sanctions, alors qu'aujourd'hui, l'importante marge d'appréciation permet de nombreuses fraudes et contrefaçons, doublement préjudiciables pour l'industrie européenne. En outre, l'acheteur européen est défavorisé par rapport au consommateur américain, japonais, chinois, ou australien. L'on ne comprend pas pourquoi il ne peut disposer des mêmes informations que les autres grâce à l'étiquetage obligatoire. Si le consommateur européen connaît la provenance des produits, il pourrait mieux apprécier non seulement la pertinence du prix, mais également le rapport qualité/prix, en fonction de ses propres besoins.

3.3.4

Le rapport entre le textile et la santé a été prouvé à plusieurs reprises. De nombreuses dermatites sont provoquées par l'utilisation de produits textiles de basse qualité. C'est aussi pour cette raison qu'il semble indiqué de laisser le consommateur choisir la région d'origine du produit.

3.3.5

Les importations illégales de pièces d'habillement ont pris des proportions inquiétantes et les étiquettes mensongères «Made in …» se répandent sur les marchés internationaux. Il est demandé d'intensifier les contrôles et d'alourdir les sanctions.

3.3.6

Le développement de nouveaux matériaux, de nouveaux processus de production, et de technologies propres pour contribuer au développement durable, s'avèrent d'une importance particulière pour le secteur.

3.3.7

Les fédérations d'entreprises et les organisations syndicales rappellent avoir toujours partagé les principes de base du «Code de conduite du secteur textile/habillement européen»; en effet, ce dernier a été intégré directement dans les conventions collectives de travail des pays de l'Union. La Commission est par conséquent invitée à intégrer une dimension sociale dans les accords internationaux.

3.3.8

Le dumping social (fabrication de produits en réduisant les coûts de la main-d'œuvre au mépris des droits des travailleurs, en recourant au travail des enfants, et donc, au travail forcé) est un comportement moralement condamnable, mais qui ne peut être combattu directement en prélevant des taxes antidumping. C'est la raison pour laquelle les pays industrialisés, et l'Europe en particulier, doivent lutter contre ce phénomène en s'impliquant bien davantage, par le biais de dispositions plus sévères, et notamment par l'intermédiaire du SPG (Système de préférences généralisées) (4). En matière d'environnement, le dumping écologique implique la réduction des coûts de fabrication au détriment du respect de l'environnement.

3.3.9

Il importe que les institutions internationales, avec l'appui des pays industrialisés, lancent des projets spécifiques visant à la diffusion des connaissances reposant sur le principe du développement durable et destinés aux pays en voie de développement, comme le fait par ailleurs la Communauté avec les nouveaux États membres.

3.3.10

Afin d'atteindre cet objectif, il pourrait être encourageant et opportun d'utiliser des étiquettes prouvant que l'accès des produits aux marchés de l'UE est conditionné par le respect des normes internationales en matière d'environnement.

3.3.11

Le but à poursuivre est la protection de l'environnement et la garantie, pour les entreprises européennes, de conditions de fonctionnement et de concurrence réalistes, en révisant en profondeur le contenu des accords.

4.   Observations du CESE

4.1

Le CESE a suivi avec beaucoup d'attention les actions menées par la Commission, surtout ces dernières années, pour ramener le secteur du textile et de l'habillement au coeur des préoccupations communautaires. En particulier, il constate que la présentation des meilleures pratiques dans les différents domaines d'innovation, de la commercialisation et du marketing a stimulé le débat parmi le très nombreux public présent aux conférences récemment organisées à Bruxelles par les différentes Directions générales (5).

4.2

Malheureusement, les retombées au niveau local de ces initiatives stimulantes n'ont pas été à la hauteur des attentes. Cela doit susciter de notre part une réflexion sur la manière dont il est possible de tirer parti des connaissances et des informations existantes en vue de leur plus large diffusion auprès de tous les intéressés.

4.2.1

Une forte implication des associations sectorielles, des employeurs et des travailleurs à tous les niveaux doit structurer tout le processus d'innovation et en assurer le suivi.

4.2.2

Seule une politique cohérente de concertation entre les partenaires sociaux, notamment au moyen des expériences des organes bilatéraux (6), ainsi qu'un travail conjoint de soutien à l'évolution du secteur sont susceptibles de permettre de faire face au défi de la mondialisation, qui surtout vis-à-vis de ce secteur, «suscite de réelles inquiétudes», comme l'a justement affirmé le Commissaire LAMY.

4.3

Le Conseil «Industrie», dans ses conclusions du 27 novembre 2003, indiquait que «… la compétitivité industrielle constitue un des principaux domaines … [dans lequel] l'Union européenne et les États membres doivent jouer un rôle actif … en vue d'atteindre les objectifs fixés par la stratégie de Lisbonne» (JO C 317 du 30.12.2003, p. 2). Le secteur aujourd'hui le plus exposé au phénomène de la désindustrialisation, qui accompagne les nouveaux aspects du commerce mondial, est sans aucun doute celui du textile.

4.3.1

C'est surtout pour cette raison que le secteur du textile doit faire face à un processus permanent de restructuration et de modernisation, en plus d'un ralentissement marqué de l'activité économique, de la production et de l'emploi. Il s'agit pourtant d'un secteur stratégique, qui reste un pourvoyeur d'emplois, en particulier pour les femmes. Conscient de la valeur de ce secteur, le Conseil, dans ses conclusions précitées, invite la Commission à lui rendre compte, avant le mois de juillet 2004, des initiatives qui pourraient faire l'objet d'un plan d'action visant à soutenir le secteur du textile.

4.4

Selon le Comité, la Commission, sur la base notamment des considérations développées dans son document, devrait aborder, à très brève échéance et avec une attention renouvelée, les points suivants:

4.4.1

La réouverture des négociations sur le programme de Doha pour le développement, en étoffant son propre document (COM(2003) 734 du 26.11.2003) sur la base de quelques indications claires provenant des travailleurs, des entreprises et des consommateurs (7).

4.4.2

Le rôle de la douane dans la gestion intégrée des frontières extérieures (8), compte tenu des indications figurant dans l'avis du Comité, et d'autres suggestions émises dans le présent avis.

4.4.3

Les règles d'origine dans les régimes commerciaux préférentiels (COM(2003) 787), afin de fixer les niveaux des droits qui résulteront du nouveau cycle de négociations multilatérales, des accords de libre-échange et de la promotion du développement durable. Il convient en outre de définir, comme le réclame le Comité à plusieurs reprises dans le présent avis, «des procédures de gestion et des mécanismes de contrôle et de sauvegarde pour assurer l'utilisation loyale des régimes préférentiels, de manière à préserver les milieux économiques et à garantir la protection des intérêts financiers en jeu contre les abus» (9).

4.4.4

Les termes du partenariat avec la Chine (10), dans le cadre duquel plusieurs ressources communautaires sont destinées à accroître la concurrence entre ce pays et l'UE (programme de formation pour les jeunes chefs d'entreprise, développement de la formation professionnelle, chapitre B7-3).

4.4.5

La préparation d'un programme communautaire, doté des ressources adéquates, pour soutenir la recherche, l'innovation — également dans d'autres domaines que la technologie —, et la formation professionnelle dans le secteur (capacité d'adaptation, surtout des petites entreprises et de la main-d'œuvre, au nouveau contexte international et aux exigences des consommateurs). Ce principe a par ailleurs été clairement exprimé par le Parlement européen dans sa résolution sur l'avenir du secteur du textile et de l'habillement approuvée en février 2004.

4.4.6

Des mesures de protection des consommateurs, qui sont de plus en plus conscients des effets potentiels sur leur santé de certains produits souvent en contact avec la peau, compte tenu notamment des allergies de contact, ou d'autres troubles cutanés de plus en plus répandus (11). Dans le prolongement des changements intervenus dans la législation européenne à des fins de transparence en matière alimentaire, il convient d'introduire une réglementation analogue, permettant au consommateur de savoir, grâce à un étiquetage obligatoire, d'où proviennent le fil et le tissu, et où a été confectionné le produit fini.

4.5

Il est vrai qu'un label obligatoire «Made in …» pourrait aider à convaincre le consommateur que, lorsqu'il achète un vêtement, il paye un prix correspondant aux standards de production et de style appliqués dans le pays d'origine – cette information devant faire référence au pays de confection et non de production –, mais la proposition de la Commission relative au label «Made in Europe» n'est pas convaincante. Un label unique européen ne fait pas la distinction entre les spécificités et l'excellence des productions des différents pays, qui sont «unis dans la diversité».

4.5.1

Quant aux variantes proposées par la Commission concernant les marques d'origine, il importe, selon le Comité, d'adopter l'approche prévoyant un étiquetage obligatoire, tant sur les produits importés que sur ceux fabriqués dans le marché unique, lorsque ces produits sont commercialisés dans l'Union européenne. Cette approche permettra surtout d'orienter plus facilement le consommateur vers l'acquisition de produits éthiques, eu égard non seulement à leurs qualités intrinsèques, mais également au respect des droits des travailleurs dans les processus de production.

4.6

La culture relative à la «responsabilité sociale des entreprises» doit d'une part être consolidée en tant que modèle européen, mais il importe également qu'elle soit étendue aux pays en voie de développement, grâce à des instruments concrets pouvant être contrôlés au niveau des consommateurs, qui acquièrent ainsi une pertinence du point de vue commercial (12).

4.7

Il y a lieu d'améliorer la visibilité, pour le consommateur, des normes environnementales et de la législation relative à la sécurité au travail, déjà appliquées dans les processus de production, afin que celles-ci constituent un avantage compétitif.

4.7.1

La position très claire de l'Union en ce qui concerne le développement durable, et partant, le respect du protocole de Kyoto dans les délais impartis, peut avoir du succès et rencontrer l'assentiment du secteur productif européen si elle s'accompagne d'une reconnaissance et du respect des efforts que nécessitent ces engagements. Ne pas tenir compte de la concurrence déloyale ou ne pas intervenir pour l'éviter ne favorise non seulement pas la diffusion d'une culture de progrès, enracinée dans les entreprises et les mentalités des travailleurs, mais pourrait encourager de plus en plus la désindustrialisation de notre continent, au profit de quelques multinationales commerciales (13), qui peuvent utiliser la production de pays moins sensibles à nos principes, nous rappelant que nous faisons partie d'une «économie sociale de marché».

4.7.2

Les efforts fournis par la Commission pour réduire la consommation d'énergie, notamment par la diffusion d'exigences en matière d'écoconception applicables aux produits consommateurs d'énergie (14), peuvent aboutir avec le temps, si les industries européennes, en particulier dans le secteur du textile et de l'habillement, disposent encore d'un marché, et par conséquent, des machines nécessaires à la production. Dans le cas contraire, il ne nous resterait plus qu'à étendre la proposition à quelques pays considérés comme en voie de développement, afin qu'ils puissent améliorer la consommation énergétique de leurs machines contribuant à la fabrication de leurs produits.

4.8

Le Comité demande qu'au niveau européen également, les micro- et petites entreprises, très répandues dans ce secteur, bénéficient d'une attention constante, eu égard surtout à un système financier tel que le système actuel, qui tend à privilégier les grandes entreprises. Le Comité reconnaît aussi les efforts fournis par la Commission pour attirer l'attention sur les problèmes des micro- et petites entreprises et pour développer l'esprit d'entreprise dans la culture européenne (15).

4.9

Le Comité estime qu'outre la réduction du nombre de pays pouvant bénéficier du SPG, déjà réclamée ci-dessus, il faut veiller à ce que les tarifs douaniers appliqués aujourd'hui par l'UE, figurant parmi les plus bas du monde, ne soient pas réduits ultérieurement tant que les droits pratiqués par certains pays exportateurs de textile et d'habillement, très compétitifs, n'ont pas atteint un niveau analogue. Le critère de réciprocité ou un «accès aux marchés à l'échelle planétaire comparable aux conditions d'importation que l'Union appliquera à compter de 2005» figure également dans les recommandations émises par le Parlement européen dans sa résolution du 29 janvier 2004 sur l'avenir du secteur du textile et de l'habillement dans l'Union européenne. Le Comité est favorable à la libéralisation des échanges, mais s'oppose à la libéralisation à sens unique. D'autres pays devraient également être disposés à ouvrir leurs marchés aux producteurs européens de textile et d'habillement.

4.9.1

Afin d'éradiquer les graves problèmes de piraterie et de contrefaçon, il y a lieu de renforcer les contrôles douaniers aux frontières extérieures, en s'efforçant de les uniformiser dans le cadre d'un véritable service européen commun des douanes, et en prévoyant des mesures particulières de soutien en faveur des nouveaux États membres.

4.9.2

Le Comité partage les vives préoccupations des catégories professionnelles concernées par les conséquences des fraudes et estime qu'il convient de prendre toutes les mesures possibles pour les réduire. Les Agences des douanes ont souligné à plusieurs reprises qu'elles ne disposaient pas du personnel suffisant pour contrôler les marchandises en transit, surtout dans les ports. Ainsi, dans le port de Naples, 1.000 conteneurs arrivent en moyenne chaque jour, et les contrôles sont effectués par 3 personnes seulement. La moyenne des conteneurs ouverts (mais dont l'intérieur n'est pas inspecté) est inférieure à 1 %!

4.9.3

Compte tenu de cette situation, aggravée par des fraudes planifiées par les milieux criminels influençant les activités de nombreux ports en Europe, l'on pourrait envisager comme solution de concentrer des produits déterminés dans des ports bien définis et équipés, dans lesquels serait organisé, en plus d'un meilleur contrôle de l'Agence des douanes, un contrôle par des représentants du secteur.

4.9.4

Le Parlement européen va également dans ce sens, du moins en substance, au point 11 de sa résolution, lorsqu'il demande à la Commission d'encourager et d'aider les fabricants à mettre sur pied un réseau de surveillance et d'information afin de détecter l'origine des produits piratés ou de contrefaçon et de les éliminer du marché.

4.9.5

Une autre solution pourrait être de répartir les conteneurs, plombés, entre les lieux de destination, de manière à réduire fortement le nombre de conteneurs à vérifier dans les ports, pour pouvoir effectuer des contrôles plus adéquats.

4.10

Les États d'origine des marchandises doivent également être invités à améliorer les contrôles. Les pays se rendant complices d'actions frauduleuses en utilisant des mécanismes de contrôle inefficaces devraient se voir retirer temporairement le droit d'exporter à des conditions avantageuses. Le seul système des préférences généralisées, largement utilisé dans les secteurs du textile et de la confection, coûte à l'UE 2,2 milliards d'euros par an sous forme de perte de recettes douanières, et rapporte chaque année aux pays qui en bénéficient un montant similaire. Si l'UE doit accorder des avantages de cette importance, qui ont souvent une incidence sur la crise de l'emploi dans plusieurs régions d'Europe, il faut reconnaître à l'UE le droit d'imposer les termes et les conditions dans lesquelles ces avantages sont accordés.

4.10.1

Le Comité est tout à fait conscient que dans la réalité, les frontières extérieures de l'UE ne se situent pas nécessairement aux limites de ses États membres mais de plus en plus dans les territoires des pays d'où proviennent ses importations. Le CESE a déjà publié un avis sur ce thème.

4.11

Les règles d'origine actuelles sont trop complexes et difficiles à appliquer, ne sont fréquemment pas comprises et requièrent une connaissance approfondie d'une énorme quantité de textes juridiques. Elles constituent aujourd'hui un obstacle au commerce et une forte incitation à la fraude. La plupart du temps, des pays bénéficiaires ne servent que de canaux de transit pour les produits des pays non bénéficiaires.

4.12

Le Comité invite la Commission, et en particulier la DG Commerce, à définir des normes claires en ce qui concerne les avantages à octroyer aux pays en voie de développement, surtout en matière de protection des droits des travailleurs, de protection de l'environnement, de lutte contre le trafic de drogue, de respect des droits fondamentaux, de développement durable, sans oublier d'autres domaines tels que la protection des consommateurs et le bien-être des animaux.

4.13

En ce qui concerne le tarif douanier commun (TDC), le Comité constate que le dernier règlement en la matière, à savoir le règlement 1789/2003 modifiant le règlement 2658/87, entré en vigueur le 1er janvier 2004, est le fruit d'une série de compromis, qui rendent difficile et complexe l'application du tarif douanier commun, et qui, par conséquent, favorisent la fraude et l'évasion fiscale. La catégorie «Vêtements et accessoires du vêtement», qui correspond aux chapitres 61, 62 et 63, comprend 466 groupes génériques, dont 398 sont taxés à un taux de 12 %, les 68 autres étant assortis de tarifs allant de l'exonération complète à des taux de 2 %, 4 %, 5,3 %, 6,2 %, 6,3 %, 6,5 %, 6,9 %, 7,2 %, 7,5 %, 7,6 %, 7,7 %, 8 %, 8,9 %, 10 %, et 10,5 %. Les chapitres 64 (chaussures, guêtres), 65 (coiffures et parties de coiffures), 66 (parapluies, ombrelles et parasols) et 67 (plumes et fleurs artificielles) correspondent à des taux de 1,7 %, 2,2 %, 2,7 %, 4,7 %, 5 %, 5,2 %, 7 % et 8 %.

4.13.1

Sur un total de 1.516 groupes, dans les chapitres 50 à 67 de la nomenclature commune pour le textile, la confection et les chaussures, il existe plus de 20 niveaux tarifaires. Tous ces tarifs si proches posent problème et démontrent la faiblesse d'un système qui pourrait être plus rationnel et moins sujet aux pressions de milieux économiques qui, pour accroître leurs gains au maximum, créent des inconvénients pour de nombreuses entreprises. Le Comité estime que la fixation d'un nombre limité de taux (3 ou 4 au maximum) réduirait sensiblement les fraudes et simplifierait énormément le système.

4.14

Le Comité accorde une importance particulière à la promotion du respect des normes fondamentales du travail et du commerce équitable, au respect de l'environnement et à la lutte contre le trafic de stupéfiants. L'actuel SPG (Système de préférences généralisées), s'il permet de réduire de 40 % les taux du tarif douanier commun (TDC), permettant ainsi à tous les pays en voie de développement s'engageant à respecter les clauses sociales et environnementales d'exporter leurs produits du textile, de l'habillement et de la chaussure vers les pays européens, avec des taux inférieurs à 5 %, s'est cependant montré incapable d'aboutir aux objectifs fixés en matière de moralisation. Il apparaît entre autres que le régime spécial de lutte contre le trafic de drogues, dont ont bénéficié 12 pays, n'a eu aucun impact sur le trafic de stupéfiants lui-même, tandis que nombre de petites entreprises européennes ont dû interrompre leurs activités en raison d'une concurrence insoutenable, eu égard aux coûts de production tout à fait incomparables à ceux imposés par une réglementation moderne, soucieuse de la poursuite d'un développement durable (16).

4.15

Le CESE estime que le Conseil, la Commission et le Parlement européen doivent s'engager davantage et exclure du SPG tous les pays qui, quoique confrontés à la nécessité d'exporter vers l'Europe leurs produits du textile, de l'habillement et de la chaussure, ne respectent pas les conventions fondamentales de l'OIT (17) (Organisation internationale du travail) (18).

4.16

Le Comité est convaincu que le PIB par habitant ne doit pas être l'unique critère pour déterminer si un pays peut bénéficier des réductions prévues par le SPG dans le secteur du textile; il partage également les préoccupations exprimées par divers milieux, concernant le fait qu'une grande partie des avantages vont aux États qui en ont le moins besoin. Afin de garantir que l'aide apportée dans le cadre du SPG soit concentrée sur les pays qui en ont le plus besoin, le Comité recommande d'exclure du système les catégories de pays suivantes:

les États membres de l'OPEP (19);

les États membres qui ne sont pas considérés comme «pays en voie de développement» par les Nations-Unies;

les États qui ont un programme d'armement nucléaire;

les paradis fiscaux;

les États qui ont souscrit des accords bilatéraux ou régionaux avec l'UE (20);

les États qui ne respectent pas les conventions fondamentales de l'OIT/BIT (21).

4.17

Les pôles technologiques et les centres d'innovation présents dans les pays de l'Union doivent eux aussi contribuer à renforcer les liaisons en réseau et la dissémination des expériences avec les entrepreneurs du secteur, avec les universités et avec les organisations de la société civile.

4.18

Le textile technique, le textile à haute technologie et la chaussure technique gagnent des parts de marché toujours plus importantes en Europe et dans le monde. Les petites et moyennes entreprises européennes, grâce à une solide expérience de base, peuvent jouer aujourd'hui, et à l'avenir, un rôle important dans la production de vêtements qui synthétisent les apports des nouveaux processus chimiques et des nouvelles technologies.

4.19

De l'avis du CESE, il est nécessaire d'expérimenter et de réaliser des actions concertées entre la Commission et les États membres pour financier et appuyer une gamme de services avancés qui améliorent les performances des entreprises, de manière à favoriser la rencontre entre l'offre et la demande de vêtements novateurs.

4.19.1

Au moyen des interventions prévues par le Fonds social européen (FSE) et le sixième programme-cadre de recherche-développement, il serait opportun d'intensifier et d'approfondir la formation de nouveaux acteurs professionnels dotés de capacités technico-opérationnelles particulières susceptibles d'agir dans le cadre de projets adéquats en tant qu'animateurs d'innovation aux côtés des PME. Il conviendrait d'accorder une attention particulière aux pays de l'UE dans lesquels les secteurs du textile et de l'habillement ont une importance stratégique.

4.19.2

Les profils professionnels nécessaires pour aider les entreprises à améliorer et à étendre la production de tissus et de chaussures techniques sont entre autres les suivants: analyses d'audit technologique, facilitateurs de projets de reconversion, recherche de nouveaux créneaux.

4.19.3

Le CESE estime qu'en tirant parti des possibilités existant sur le territoire — c'est-à-dire les pôles technologiques, les universités, le dialogue structuré entre employeurs, travailleurs et collectivités locales —, les entreprises et surtout les PME pourraient collaborer utilement avec ces acteurs pour se replacer à un niveau technologique et compétitif plus élevé (22).

4.20

Le Comité est par ailleurs conscient, comme le sont du reste la Commission et le Parlement européen, que dans l'Union européenne, le secteur textile/habillement/chaussure compte environ 70 % de petites entreprises (employant moins de 50 travailleurs), 20 % d'entreprises employant entre 50 et 249 travailleurs, et 10 % d'entreprises comptant 250 travailleurs et davantage. La concentration du travail féminin est plus élevée que dans d'autres secteurs. Cette fragmentation si élevée des entreprises sur le territoire européen rend de toute évidence plus difficiles les actions de soutien à l'innovation et à la mise à jour technologique.

4.21

Le CESE, par l'intermédiaire de ses représentants, qui entretiennent un rapport direct avec la société civile organisée, a plusieurs fois dénoncé le phénomène incessant des fraudes touchant un large éventail de marchandises qui traversent les frontières communautaires. Parmi les fraudes les plus visibles, citons:

les déclarations non conformes aux produits dédouanés (23);

les marchandises dépourvues de certificat de conformité, et qui s'avèrent souvent dangereuses pour les consommateurs;

les marchandises produites au mépris des principes de la propriété intellectuelle;

les marchandises soumises à des opérations de triangulation entre plusieurs pays (24);

les marchandises qui ne respectent pas les règles d'origine (25);

les marchandises de contrefaçon ou les marchandises pirates.

4.21.1

Le phénomène a récemment fait l'objet d'enquêtes statistiques opportunes. Le CESE se félicite que l'Union européenne ait finalement approuvé un règlement qui permette de brûler et de détruire en douane les biens de contrefaçon (26).

4.21.2

Les résultats sont cependant encore limités, selon le Comité.

4.21.3

Les dirigeants des agences de douane déplorent eux-mêmes les carences de la réglementation communautaire, qui devrait passer outre le fractionnement induit par les lois des différents États, ainsi que le manque de personnel et de moyens pour faire face à un marché aussi vaste et actif.

4.21.4

Au premier semestre 2003, ce sont plus de 50 millions d'objets de contrefaçon ou de piraterie qui ont été interceptés par les douanes européennes (27). Les fraudes dans le secteur du vêtement ont doublé entre 2000 et 2002, et ont même triplé dans celui des parfums et des cosmétiques (28) Il ne s'agit toutefois que de la pointe de l'iceberg, par rapport à toutes les marchandises qui ont pu passer à travers les mailles du filet.

4.21.5

En termes d'origine, 66 % de ces produits viennent d'Asie, et en premier lieu de Chine et de Thaïlande. Selon les propos du Commissaire BOLKENSTEIN: «Tous les produits de la vie quotidienne font désormais l'objet de contrefaçon, et plus seulement les produits de luxe, et les contrefaçons touchent donc de plus en plus les PME» (29).

4.21.6

L'envergure du phénomène met de plus en plus en difficulté les entreprises européennes et souvent, elle contraint les petites entreprises à mettre un terme à leurs activités, lorsqu'il devient impossible pour elles de se maintenir sur le marché.

5.   Observations particulières

5.1

Depuis 1971, la Communauté européenne, d'abord dans le cadre du GATT, et puis de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) octroie des réductions considérables aux pays en voie de développement par rapport au TDC.

5.1.1

Les produits considérés comme non sensibles, importés dans la Communauté au départ des PVD, sont exemptés de tout droit de douane.

5.1.2

Les produits considérés comme sensibles, parmi lesquels ceux du secteur textile/habillement/chaussure, bénéficient d'une réduction de 20 % (dans le régime général), qui monte à 40 % dans le cadre des régimes spéciaux (30).

5.1.3

Les pays reconnus comme PVD par les Nations unies en 2003 sont au nombre de 116. Cependant, les avantages octroyés par l'UE sont étendus à 174 pays (31).

5.1.4

L'Asie est de loin le plus important bénéficiaire des facilités douanières concédées par la Communauté (70 % du total en 2002). La Chine en utilise à elle seule près de 25 %.

5.1.5

Les taux moyens imposés pour les produits THC (textile/habillement/chaussure) par l'UE aux pays susmentionnés s'élèvent à 4,8 %; ceux imposés par les États-Unis sont de 8,9 %, tandis qu'ils s'élèvent à 6,6 % au Japon et à 12 % au Canada. Les taux imposés par la Chine sont de 20 %, tandis qu'ils s'élèvent à 29 % pour la Thaïlande, à 35 % pour l'Inde et à 40 % pour l'Indonésie (32).

5.2

Les producteurs paneuropéens du THC continuent de se heurter à des obstacles significatifs pour accéder aux marchés asiatiques. Sur ces marchés, les pays concernés ont créé des barrières non tarifaires pour entraver les échanges, ce qui représente un grave problème pour toute l'industrie européenne (33).

5.3

Pour l'ensemble de l'industrie manufacturière de l'UE, la valeur ajoutée du textile (34) est d'environ 2,5 %. Dans certains pays, cependant, la moyenne est relativement élevée: 8,7 % au Luxembourg, 6,3 % au Portugal, 5,1 % en Grèce, 4,6 % en Italie, et 4,3 % en Belgique (35). L'importance de l'industrie du textile et de l'habillement est encore plus grande dans les nouveaux États membres de l'UE: 16,1 % en Lituanie (36), 10,5 % en Estonie (37), etc.

6.   Conclusions

6.1

Pour les nombreux entrepreneurs européens du secteur, souvent, le fait d'être contraints de jeter l'éponge dans une lutte qui est parfois menée sur des plans où elle ne relève pas de la loyauté commerciale, de la capacité à entreprendre ni du respect des droits de l'homme au travail suscite un sentiment d'injustice et de punition. Tant les entrepreneurs que les travailleurs et les décideurs politiques aux divers niveaux de l'Union ont plutôt besoin d'une vision commune et partagée, à moyen et à long terme, pour l'avenir d'un secteur européen du textile et de l'habillement compétitif et occupant une position de pointe.

6.1.1

Le respect des droits fondamentaux du travail tels qu'exprimés par les normes fondamentales de l'OIT, doit être renforcé à la fois par les mécanismes concrets de contrôle de l'OIT et par une étroite coopération entre l'OIT et l'OMC. L'UE doit intensifier ses efforts afin que les principes de l'OIT relatifs à la protection des travailleurs deviennent un point de référence pour l'OMC.

6.2

Les facilités douanières pourraient être réservées aux seuls 49 pays moins développés. Les négociations entamées à Doha devraient mener à des situations davantage fondées sur la réciprocité entre la zone euroméditerranéenne et les pays asiatiques. Il conviendrait, dans le cadre des négociations de Doha, de conclure un accord mondial qui prévoirait, dans le secteur du textile et de l'habillement, une baisse des droits de douane dans un délai déterminé, par exemple 5 ans, de manière à atteindre un niveau uniforme de 15 % maximum.

6.3

Il faut renforcer les contrôles douaniers aux frontières de l'Union afin de parvenir dès que possible à un système douanier commun, cohérent par rapport à la législation relative au marché intérieur.

6.4

Pour lutter contre la contrefaçon et la fraude et pour fournir davantage d'informations aux consommateurs, on pourrait étudier un système d'étiquetage d'origine (38) (géographique, sociale, environnementale).

6.4.1

Pour la même raison, le CESE suggère d'explorer la possibilité d'activer éventuellement une traçabilité des tissus, ce qui réduirait les fraudes sur les règles d'origine et les biens de contrefaçon.

6.5

Le Comité appuie les efforts de la Commission visant à accroître l'efficacité des instruments de défense commerciale ainsi que les mesures anti-dumping et de lutte contre les subventions, et invite également la Commission à appliquer les mesures de sauvegarde, surtout en cas de fraudes dénoncées et éprouvées. Dans le cadre des négociations de Doha, l'UE devrait essayer d'obtenir une discipline bien plus stricte en ce qui concerne l'utilisation des mesures de sauvegarde, des actions antidumping et d'autres moyens de protection tels que des modifications des réglementations sur l'origine, etc.

6.6

La Commission doit intensifier ses efforts visant à ce que les ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) soient garantis au sein de l'OMC et respectés par les États

6.7

Il faut augmenter la capacité d'innovation, surtout des PME, par le biais de programmes et de projets arrêtés conjointement au niveau local, avec la contribution de toutes les forces sociales et la participation des centres de recherche. Il existe en Europe des instituts d'enseignement supérieur reposant sur une longue tradition dans le secteur textile. Il serait tout à fait opportun de créer un réseau d'excellence qui, grâce à des liens étroits avec le monde des entreprises et du travail, tirerait parti des possibilités offertes par le 6ème programme cadre et procéderait à un exercice de prévision technologique, dont l'objectif serait le développement technologique du secteur.

6.7.1

L'un des points forts du textile européen, outre la mode et la beauté des pièces confectionnées, doit devenir la capacité d'innover, de trouver de nouvelles fibres, des tissus composés, enrichis par des particules identifiées grâce aux études sur les nanotechnologies, et qui en améliorent la fonctionnalité, la sécurité, la protection thermique et la tenue.

6.7.2

Les tissus non tissés, c'est-à-dire les tissus particuliers, traités avec des produits chimiques, qui se comportent comme des collants, sont de plus en plus présents dans un grand nombre de secteurs: sport, construction, aéronautique, moyens de transport, etc., et comme indiqué précédemment, il s'agit d'un marché en constante évolution, dans lequel on observe une diversification de la production très prometteuse (39).

6.8

La CCMI (Commission consultative des mutations industrielles), riche de l'expérience acquise pendant plusieurs décennies dans la gestion des problèmes liés à l'évolution du marché du charbon et de l'acier (40), pourrait jouer un rôle important comme intermédiaire entre la Commission et le secteur du textile, pour faciliter la diversification de la production.

6.8.1

Il sera vraisemblablement nécessaire de requalifier le personnel, qui perdra son emploi à la suite des restructurations. Il serait opportun de favoriser la naissance et la croissance d'un intérêt des chefs d'entreprise pour ces nouveaux produits composés. Le développement durable de ce secteur ne sera garanti que si l'on permet aux jeunes de connaître et d'apprécier les nouveaux produits et de tirer parti de leurs avantages pour l'environnement. Ces objectifs seront plus aisément réalisables avec l'aide d'organismes européens tels que la CCMI, possédant une expérience sociale et technique en la matière.

6.9

Le secteur du textile, de la confection et du cuir est le premier secteur concerné par la nouvelle politique verticale instaurée récemment par la Commission, complétant les politiques horizontales traditionnelles consacrées à l'industrie. Il apparaît important à tous les observateurs, et en particulier à ceux qui travaillent dans le secteur, en tant que chefs d'entreprises ou salariés, que la Commission, avec la coopération des États et des partenaires sociaux, réussisse à aider ce secteur à évoluer techniquement et à relever les défis de la mondialisation.

6.9.1

Outre les «Plates-formes technologiques» identifiées par les politiques communautaires (41), l'on pourrait envisager une quatrième plate-forme, liée aux aspects multiples et innovateurs du textile moderne.

6.10

Un processus de désindustrialisation est en cours dans tous les pays avancés, et la valeur ajoutée du secteur tertiaire dans l'UE a déjà atteint 70 % du PIB total (dont l'industrie représente 22 %, la construction 5 % et l'agriculture 3 %) (42). Cependant, ce phénomène ne doit pas être encouragé, car la majeure partie de la valeur ajoutée des services revient aux entreprises ou provient de ces dernières: 21,6 % pour le commerce et les transports, 27,2 % pour les services financiers et les services aux entreprises et 21,6 % pour l'administration publique (43).

6.11

Le CESE estime que l'UE doit intervenir en faisant peser de tout son poids sa vision pouvant se résumer par les termes «économie sociale de marché», afin de modifier au mieux les règles de l'OMC. Actuellement, ces règles ne permettent pas d'interdire l'importation de produits, sauf si ceux-ci sont dangereux. Il faudrait pourtant pouvoir imposer sans délai le respect de quelques priorités sociales, environnementales et économiques, dans la mesure où l'Union européenne, en tant qu'acteur économique, peut améliorer l'efficacité de la gouvernance mondiale, en «généralisant le développement durable à l'échelle planétaire par une combinaison de coopération internationale et de bonnes politiques intérieures» (44).

6.11.1

Les coûts auxquels devront faire face les pays en voie de développement pour mettre en œuvre ces politiques pourraient être partiellement soutenus par des programmes de coopération au développement dont l'objectif serait d'améliorer les comportements commerciaux et qui feraient l'objet d'un réexamen périodique.

6.12

Nous avons probablement atteint une phase du processus de mondialisation dans laquelle il convient d'accorder davantage d'attention aux «préférences et sensibilités collectives» exprimées par les citoyens, afin de réduire les tensions internationales et éviter les conflits commerciaux «idéologiques» qui ne cessent d'augmenter et qui semblent ne pas pouvoir être résolus avec les mécanismes et les règles actuels.

Bruxelles, le 1er juillet 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Le textile dit technique trouve de plus en plus d'applications dans les domaines suivants: habillement, agrotechnique, construction, géotechnique, technique pour le logement, technique pour l'industrie, technique appliquée au domaine médical, technique des transports, technique appliquée à l'environnement, technique des emballages, technique appliquée aux systèmes de protection, technique sportive. Voir annexe 2.

(2)  Les pays moins développés sont au nombre de 49, dont 40 ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) et neuf non ACP: Afghanistan, Bangladesh, Bhoutan, Cambodge, Laos, Myanmar, Maldives, Népal, Yémen.

(3)  Madame Concepciò FERRER I CASALS, eurodéputée et présidente du «Forum parlementaire européen du textile, de l'habillement et du cuir», a participé à cette audition. La Commission européenne était représentée par M. Luis Filipe GIRÃO, chef d'unité à la DG Entreprises, et M. GHAZI BEN AHMED, de la DG Commerce. Environ 60 personnes étaient présentes, dont des Italiens, des Allemands, des Français, des Turcs, des Lituaniens et des Belges.

(4)  Voir avis du CESE.

(5)  Conférence du 15 octobre 2002, «L'industrie européenne de l'habillement prend le chemin de la haute technologie», Borschette-Bruxelles; Conférence du 20 mars 2003, «L'avenir du secteur du textile et de l'habillement dans l'Union européenne élargie»; Conférence du 20 mars 2003, «L'avenir du textile et de l'habillement après 2005», Charlemagne-Bruxelles.

(6)  Les organes bilatéraux sont composés de représentants de petites entreprises et de travailleurs, qui dans un principe de mutualité et de réciprocité interviennent pour financer des actions d'assistance, de mise à jour et d'innovation pour les patrons et les travailleurs de petites et moyennes entreprises.

(7)  Cf. l'audition du 21 janvier 2004 et ses conclusions figurant au point 13.

(8)  COM(2003) 452 du 24.07.2003.

(9)  Voir COM(2003)734 final du 26.11.2003.

(10)  COM(2003) 533 du 10.09.2003.

(11)  Un millier de substances chimiques sont très fréquemment utilisées sur les 5 000 présentes dans le secteur textile. À celles-là s'ajoutent une quantité indéfinie de mélanges hétérogènes de plusieurs substances, dont certains sont toxiques, et qui sont utilisés pour la teinture et d'autres transformations du tissu. Dans l'UE, les substances toxiques sont préventivement sélectionnées, écartées ou traitées, conformément à la législation environnementale et sanitaire. Les frais y afférents incombent aux entreprises européennes.

(12)  Voir COM(2004) 101 du 10.2.2004 — Communication de la Commission: construire notre avenir commun. L'Union européenne en tant que partenaire mondial, point C (p. 25).

(13)  Cf. Eurostat: «Le PIB dans le monde». Environ 45 000 multinationales se partagent plus de 55 % du PIB mondial, qui s'élevait en 2002 à 34 milliards d'euros.

(14)  COM(2003) 453 du 1.8.2003 (proposition de directive).

(15)  Cf. entre autres les documents suivants: COM(2001) 98 du 1.3.2001; COM(2001)366 du 18.7.2001; COM(2003) 21 du 21.1.2003; COM(2002) 345 du 1.7.2002; COM(2001) 122 du 7.3.2001; COM(2002) 68 du 6.2.2002; COM(2003) 27 du 21.1.2003.

(16)  Cf. l'avis sur le SPG, REX/141, paragraphes 6.6.2, 6.6.2.1, 6.6.2.2 et 6.6.2.3.

(17)  Les conventions nos 29 sur le travail forcé, 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, 100 sur l'égalité de rémunération, 105 sur l'abolition du travail forcé, 111 concernant la discrimination (emploi et profession), 138 sur l'âge minimum, et 182 sur les pires formes de travail des enfants.

(18)  Cf. l'avis sur le SPG, REX/141, paragraphe 6.6.2.3.

(19)  Venezuela, Algérie, Nigeria, Libye, Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Qatar, Koweït, Iraq, Iran, Indonésie.

(20)  (Le système de préférences généralisées), paragraphe 6.6.1.2.

(21)  Ibid.

(22)  Souvent, les petits entrepreneurs sont désireux de passer de la production et de la confection de vêtements produits à partir de tissus traditionnels à des types de vêtements contenant des tissus basés sur de nouvelles techniques ou intelligents, mais il leur manque les informations et les connaissances nécessaires en ce qui concerne les processus techniques et commerciaux.

(23)  Le pourcentage du droit de douane dépend du type de produit importé. Souvent, des produits différents de ceux qui sont effectivement importés sont déclarés, étant assortis de droits de douane inférieurs.

(24)  Livre vert «L'avenir des règles d'origine dans les régimes commerciaux préférentiels», COM(2003) 787, paragraphe 1.2.2.

(25)  Ibidem.

(26)  Règlement CE no 1383/2003 du 22.07.03. Entrera en vigueur le 01.07.04.

(27)  IP 03/1589 du 24.11.2003.

(28)  Ibid.

(29)  Ibid.

(30)  Régime spécial pour la protection des droits des travailleurs; RS pour la protection de l'environnement; RS de lutte contre la production et le trafic de drogues.

(31)  Annexe I au règlement 2501/2001.

(32)  Source: Commission UE.

(33)  Les barrières non tarifaires les plus usitées sont les suivantes: droits ou prélèvements supplémentaires, prix minimaux à l'importation, frais d'évaluation en douane non payés sur les prix payés pour les marchandises importées; pratiques onéreuses et discriminatoires en matière d'étiquetage ou de marquage; régimes d'autorisation des importations, lourdeur des procédures d'anticipation.

(34)  Cod. de 17.1 à 17.6.

(35)  Source: Eurostat, L'industrie manufacturière dans l'UE de 1992 à 2002.

(36)  Office des statistiques de la République de Lituanie, 2003.

(37)  Office des statistiques de la République d'Estonie, 2003.

(38)  Livre vert sur l'avenir des règles d'origine dans les régimes commerciaux préférentiels, COM(2003) 787 du 18.12.2003.

(39)  Les tissus en fibre de carbone et le kevlar sont plus résistants que les métaux traditionnels, et sont en outre plus légers et plus malléables.

(40)  Cf. l'activité du Conseil CECA, qui a fusionné avec la CCMI.

(41)  Aérospatiale, communications et acier.

(42)  Source: Eurostat.

(43)  Source: Eurostat, structure de la valeur ajoutée brute, 2002.

(44)  COM(2004) 101 final du 10.2.2004 — Communication de la Commission: construire notre avenir commun (p. 27).


ANNEXE 1

à l'Avis du Comité économique et social européen

Bien qu'ayant réuni au moins un quart des votes exprimés, l'amendement suivant a été rejeté:

Supprimer le paragraphe 6.1.1

Résultat du vote

Voix pour:

31

Voix contre:

32

Abstentions:

9