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Avis du Comité économique et social européen sur la "Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux mesures et procédures visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle" (COM(2003) 46 final — 2003/0024 (COD))

Journal officiel n° C 032 du 05/02/2004 p. 0015 - 0019


Avis du Comité économique et social européen sur la "Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux mesures et procédures visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle"

(COM(2003) 46 final - 2003/0024 (COD))

(2004/C 32/02)

Le 4 mars 2003, le Conseil de l'Union européenne a décidé, en vertu de l'article 95 du traité sur l'Union européenne, de saisir le Comité économique et social européen d'une demande d'avis sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée "Marché unique, production et consommation" a été chargée des travaux préparatoires et a désigné M. Daniel Retureau comme rapporteur. La section a adopté son avis le 7 octobre 2003.

Lors de sa 403e session plénière des 29 et 30 octobre 2003 (séance du 29 octobre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 115 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

I. Présentation et résumé

1. Objectifs

1.1. Après une série de législations en vigueur et de projets législatifs en cours d'examen sur la propriété industrielle (brevets, marque communautaire et marques, dessins et modèles, nom commercial - ci-après PI) et sur la propriété littéraire et artistique (droit d'auteur/copyright, droits voisins, droits ad hoc, droit de suite, droits des interprètes et des éditeurs - ci-après PLA), la Commission présente, après ces premiers textes verticaux (encore incomplets), un projet horizontal concernant les poursuites civiles et certaines questions de procédure et de sanctions pénales en matière de piratage et de contrefaçon dans le cadre du marché intérieur.

2. Justification

2.1. Selon la présentation du projet, les dispositions prises dans l'accord ADPIC (aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, article 41) de l'OMC pour protéger les droits de PI-PLA dans les échanges internationaux seraient insuffisantes; en outre, les différences existantes entre les droits nationaux en termes de procédures et de sanctions seraient disparates et affecteraient le marché unique en créant des distorsions en ce qui concerne les moyens juridiques civils et pénaux de lutte contre le piratage et la contrefaçon.

2.1.1. Or, la grande criminalité investirait dangereusement toutes ces activités illégales. De plus l'internet haut débit faciliterait le piratage de logiciels et d'autres oeuvres de l'esprit, comme la musique. Une harmonisation des procédures de poursuite, de protection au civil des droits des titulaires de PI-PLA, et de certaines sanctions pénales applicables aux pirates et contrefacteurs s'imposerait pour ces raisons dans le cadre du marché intérieur.

3. Résumé de l'avis

3.1. Le Comité soutient l'objectif poursuivi et approuve le principe d'une harmonisation horizontale des moyens de lutte contre la piraterie et la contrefaçon qui tendent à se répandre, tant dans les pays tiers que les pays membres, et portent atteinte aux intérêts légitimes des consommateurs, des entreprises et des auteurs individuels; le Comité estime pertinente, à l'état actuel du droit communautaire, la forme d'une directive horizontale, comme proposé. Mais il formule certains commentaires et suggestions sur le texte qui lui est soumis pour avis.

3.2. Il souhaiterait un projet qui propose clairement des mesures de protection des consommateurs de bonne foi et plus généralement d'éducation et d'information envers les consommateurs, notamment les jeunes, sur les droits de PI-PLA.

3.3. En matière numérique et sur l'internet, il invite à ne pas encourager, même sous forme de guidelines, des mesures de protection qui affecteraient les droits légitimes des consommateurs et des utilisateurs ou leur vie privée, imposeraient des charges excessives aux fournisseurs d'accès internet, voire pourraient écarter du marché des éditeurs proposant des solutions alternatives, en particulier l'open source (logiciels et formats librement utilisables et reproductibles), ou les moyens logiciels et matériels de copie privée.

3.4. Les droits de PI-PLA, qui confèrent des droits exclusifs à leurs titulaires, constituent des monopoles temporaires, constitués par la loi; ils ne sont admis que pour un temps déterminé, et sans préjudice d'un intérêt public supérieur, ils ne sont pas illimités et ne peuvent faire obstacle à la libre diffusion et aux transferts des connaissances théoriques, scientifiques et des technologies, comme celles de l'internet sur lesquelles reposent l'économie de la connaissance compétitive et innovante qui reste à construire en Europe.

3.5. Les remarques précédentes du Comité sont notamment conformes aux objectifs des ADPIC (article 7), et à leurs principes (article 8 para. 2)(1), qui devraient figurer dans les considérants de la directive, car les sanctions éventuelles ne peuvent être entièrement détachées du droit matériel, ni s'abstenir de considérer les possibles abus de droit de la part des titulaires de droits de PI-PLA.

3.6. Pour les produits contrefaits présentant des dangers pour les utilisateurs ou leurs biens, des sanctions dissuasives spécifiques et des réparations adéquates en cas d'accident corporel ou de dégâts matériels devraient être prévues. Les mesures de retrait du marché, de confiscation et de destruction aux frais des contrevenants s'imposent absolument dans ce cas. Les consommateurs et leurs organisations doivent bénéficier de recours appropriés pour la compensation des dommages subis et pour la sanction des contrevenants.

3.7. Finalement, le Comité souhaiterait que la Commission s'engage à procéder à des études sectorielles approfondies et indépendantes, suivant une méthodologie transparente, visant, notamment au moyen d'études et de rapports périodiques et d'autres initiatives appropriées, à encourager le rapprochement des législations et une stratégie globale de développement de la coopération judiciaire, policière et douanière pour lutter efficacement contre le piratage et la contrefaçon, en visant prioritairement, et dès le stade de la fabrication, les réseaux criminels ainsi que les commerçants habituels de biens matériels ou immatériels piratés ou contrefaits. Le Comité invite aussi les États membres à considérer d'urgence toutes leurs possibilités de coopérer entre eux et avec la Communauté à ces fins.

II. Analyse de la proposition et observations

4. Observations générales du CESE

4.1. La présentation du projet se réfère au livre vert contre le piratage et la contrefaçon, et le Comité renvoie sur le fond à son avis antérieur(2). Le Comité renvoie également à ses autres avis cités par la Commission, ainsi qu'à son avis sur "la brevetabilité des inventions mises en ouvres par ordinateurs"(3).

4.2. Le Comité approuve l'objectif général du projet de directive. Cependant il note l'inclusion, dans le champ d'application de la directive, des brevets européens délivrés pour un certain nombre (variable selon les dépôts) de pays membres de la convention de Munich de 1973. La juridiction communautaire ne s'étend pas en principe à cette convention, ni matériellement ni territorialement, sauf s'il y avait adhésion de la Communauté à convention. La situation sera différente avec le futur brevet communautaire, qui sera valide dans tous les pays membres, et sur lequel s'exercera la juridiction communautaire. Le Comité estime néanmoins que les ADPIC-OMC imposent à la Communauté de réaliser une protection de tous les droits existants de PI-PLA sur tout le territoire communautaire, et qu'en outre cette protection relève des compétences communautaires en matière de marché intérieur (art. 95 TCE), base juridique de la directive, qui vise à éliminer les distorsions de concurrence résultant de la disparité des droits, procédures et pratiques internes.

4.3. Par ailleurs, il convient de souligner que la lutte effective contre des réseaux criminels européens ou internationaux ou contre la contrefaçon et le piratage à grande échelle, exigerait une approche globale, coordonnée et cohérente, dans le cadre des coopérations judiciaire, policière et douanière du deuxième pilier, du renforcement du Code des Douanes, du droit pénal et de la lutte contre la grande criminalité et le blanchiment d'argent, et des missions dévolues à Europol et également dans le cadre d'Interpol, puisque l'origine des objets contrefaits ou des créations piratées peut souvent se trouver dans des pays tiers.

4.4. Le Comité ne peut que constater la disproportion entre les objectifs définis dans l'introduction de la directive et le contenu de celle-ci. Il s'agit d'un premier pas, mais qui est encore loin de répondre aux immenses défis économiques et sociaux de la contrefaçon et du piratage industriels qui affectent l'emploi, la compétitivité et les entreprises, et en premier lieu les PME-PMI qui sont le moins à même d'identifier les auteurs de violations de leurs droits immatériels et de défendre ces droits devant des juridictions nationales étrangères.

4.5. Néanmoins, une harmonisation est d'autant plus urgente que l'élargissement, avec l'augmentation du nombre de pays membres, va également multiplier les différences de législations et de procédures, et par là les risques de distorsions du marché intérieur. L'avènement attendu depuis déjà trop longtemps du brevet communautaire rend une telle harmonisation encore plus indispensable.

4.6. Le Comité serait plus favorable, peut-être à l'occasion d'une révision après un temps relativement bref, à une synthèse des droits nationaux effectivement protecteurs, des titulaires de droits et des consommateurs, dans le respect des systèmes juridiques et des principes généraux du droit tels qu'appliqués dans les différents systèmes juridiques (présomption d'innocence, protection de la vie privée, notamment) sans imposer des obligations excessives à certaines entreprises (fournisseurs d'accès internet, fabricants de support vierges, notamment), ni restreindre les droits des utilisateurs légitimes ou taxer de manière indiscriminée tous les consommateurs (taxe sur les supports au profit de certains titulaires de droits, non de tous), et en vue d'une harmonisation qui ne soit pas qu'une simple addition de toutes les dispositions les plus protectrices des seuls titulaires de droits, détachées de leurs contextes nationaux, tout en permettant de renforcer les législations ou les parties de législations et les procédures insuffisamment développées dans quelques pays.

4.7. Compte tenu de la diversité des contextes nationaux, de l'immense quantité de produits contrefaits, il serait indispensable de procéder à une évaluation périodique de l'impact de la directive et des ajustements à envisager en fonction des évolutions constatées. En cas de besoin, des mesures sectorielles de protection pourraient si nécessaire être alors envisagées.

4.8. Dans cet esprit, le Comité approuve, au stade actuel, le choix de la forme d'une directive, qui devrait permettre une structuration des moyens de protection et une harmonisation qui respectent l'esprit des divers systèmes juridiques, plutôt qu'un règlement qui pourrait bouleverser en profondeur des législations existantes remplissant leurs fonctions. A plus long terme, une évolution vers un règlement paraît possible pour le brevet et la marque communautaires. Dans l'immédiat, il suffirait que, en dépit de différences de procédures ou de législation nationale, l'on parvienne dans chaque pays membre et candidat à une protection effective des droits de propriété industrielle et d'auteur et à des mesures dissuasives et punitives efficaces contre la piraterie et la contrefaçon perpétrées à des fins commerciales ou par des associations criminelles. Il convient également de relever que la directive imposerait des changements profonds dans certains droits nationaux offrant pourtant des solutions efficientes.

4.9. Le champ d'application rationae personae est suffisamment étendu aux yeux du Comité. En effet, les directives telles que la directive logiciels ou la directive droits d'auteur et droits voisins permettent la reconnaissance de droits aux utilisateurs et consommateurs, tels que le droit à la copie de sauvegarde, à l'utilisation privée, ou à des fins de démonstration ou d'enseignement, mais ces droits et leur portée diffèrent selon les pays, car leur mise ou non en oeuvre est laissée à la subsidiarité; d'ailleurs, le Comité regrette la tendance qui se dessine dans plusieurs pays, visant à restreindre encore davantage ou à éliminer les droits des utilisateurs.

4.10. Sur la compétence de la Commission en matière pénale, une procédure entre le Conseil et la Commission est engagée devant la Cour de Justice, et le Comité ne peut préjuger de l'issue, qui sera pour l'avenir res judicata. Néanmoins, dans des avis précédents, le Comité a majoritairement admis que la Commission pouvait, notamment au moyen d'une directive-cadre, proposer une harmonisation des sanctions pénales nécessaires à l'effectivité des dispositions prises dans le cadre du premier pilier, et ne modifierait cette approche que s'il y était conduit par la décision de la CJCE.

4.11. En ce qui concerne les mesures pratiques concernant la cessation d'activités de piratage ou de contrefaçon et d'indemnisation des entreprises lésées, il conviendrait de laisser au juge national son pouvoir d'appréciation in concreto des dommages effectifs et de l'atteinte aux droits moraux ou à l'image de marque. Les juges, aidés éventuellement d'experts, ont compétence pour fixer le montant des dommages civils alloués et des amendes et autres sanctions pénales à appliquer selon le droit pénal national en vigueur, bien que dans certains pays ces sanctions devraient être révisées et effectivement appliquées pour être réellement dissuasives.

4.12. Le Comité estime que des études sectorielles indépendantes, sérieuses et préalables seraient tout à fait appropriées pour évaluer objectivement des phénomènes réels, mais très différents dans leur ampleur ou leurs conséquences effectives selon les secteurs d'activités, et en particulier leur impact réel sur l'économie et l'emploi, sur les PMI-PME, et sur les consommateurs notamment en ce qui concerne les produits pouvant affecter la santé, la sécurité ou les garanties attendues légitimement par les utilisateurs (pièces détachées, jouets, matériel électrique, etc.). Une question aussi importante que celle de la protection des consommateurs envers les produits contrefaits mériterait des développements beaucoup plus importants dans une stratégie de lutte contre la contrefaçon.

4.13. L'harmonisation proposée doit être équilibrée et proportionnée aux buts à atteindre. Le droit matériel conditionne les mesures de mise en oeuvre ou de sanctions, qui devraient notamment être envisagées dans le sens le plus favorable aux consommateurs, à leur protection et à l'effectivité de leurs droits légitimes d'utilisateurs. Les consommateurs ou leurs représentants devraient pouvoir se porter conjointement parties civiles dans les actions intentées par les titulaires de droits contre des pirates et contrefacteurs lorsque les utilisateurs de bonne foi subissent des dommages résultant des produits piratés ou contrefaits.

4.14. Quant aux utilisateurs de bonne foi, ils ne devraient pas être inquiétés si l'objet ou le programme en leur possession était soumis à enquête sur son origine par les autorités policières, judiciaires ou douanières seules compétentes pour enquêter.

4.15. Le Comité estime que les moyens à élaborer et à développer doivent cibler en priorité les réseaux européens et internationaux les plus dangereux pour la sécurité des consommateurs et les intérêts des entreprises, appliquer des mesures d'enquête, de coopération transfrontalière et internationale, de préservation des preuves, et de sanctions dissuasives. Des mesures de dissuasion proportionnées pourraient être appliquées aux usagers de mauvaise foi, dans le cadre des droits nationaux en vigueur, mais en étant conscients que les efforts importants à déployer doivent avant tout viser des résultats substantiels pour l'économie européenne, pour la sécurité des consommateurs, et pour l'emploi.

4.16. Enfin, la nécessaire conciliation de la PI/PLA avec la société de la connaissance et de l'information, ou avec les besoins et les exigences de l'intérêt général n'est pas évoquée pour celles-ci et n'est évoquée qu'en passant et très laconiquement pour celles-là. Or, ces questions sont des questions majeures, et une harmonisation des moyens de protection des investissements de recherche et de production ne peut se résumer à une aggravation généralisée des sanctions civiles ou pénales et à la multiplication des moyens juridiques et matériels pour les procédures d'enquêtes et de poursuites.

4.17. L'harmonisation ne doit pas non plus créer d'obstacles à la diffusion des connaissances et à leur utilisation dans l'enseignement, ce qui impose la publication des inventions, des innovations, des procédés nouveaux, et des sources des programmes informatiques à des fins d'interopérabilité, au moins pour les interfaces d'applications et les formats de fichiers; en tout état de cause, l'ingénierie inverse ne doit pas être assimilée à une contrefaçon. Également, les programmes indépendants permettant de lire ou de changer le format de fichiers même protégés ne peuvent non plus être accusés de violation de copyright car il s'agit d'une création autonome, et l'extension indéfinie de la portée juridique du concept de contrefaçon est inacceptable du point de vue du principe général d'interprétation restrictive des incriminations pénales.

5. Observations particulières

5.1. Les considérations générales préliminaires au projet de directive apparaissent confuses car elles mêlent, dans un même opprobre, les organisations criminelles, les personnes acquérant consciemment ou non des produits contrefaits ou les adolescents échangeant par le Web des morceaux de musique. Or, certaines de ces considérations ne correspondent pas au champ d'application du projet de directive; elles devraient être retirées d'un projet par ailleurs pertinent et équilibré.

5.2. Les moyens à mettre en oeuvre doivent, selon le Comité, être diversifiés et bien adaptés à chaque catégorie de droits clairement identifiée et définie ainsi qu'aux secteurs économiques concernés. Il convient de veiller à ne pas transformer les mesures légitimes de protection en un arsenal juridique civil et pénal d'intimidation qui peut dans certains cas paralyser l'innovation des PME-PMI placées sous menace constante de procès en contrefaçon de la part de certains monopoles ou oligopoles.

5.3. Toutes les "solutions" affectant la vie privée des internautes ou empêchant les usagers d'exercer pleinement leurs droits (droit à la copie privée, droit à la lecture sur diverses sortes de machines, droit de choisir le système d'exploitation de son ordinateur sans être contraint de payer pour un système et des programmes préembarqués dont le prix reste secret, droit à des lecteurs DVD non zonés, etc.) constituent des limitations abusives, voire de la vente forcée ou de la vente de produits aux fonctions atrophiées, et ne sont pas admissibles pour le Comité, car disproportionnées aux buts à atteindre et souvent inéquitables.

5.4. Les systèmes de taxation des supports inscriptibles sont encore plus injustes si les supports ou systèmes sont protégés contre toute copie par des moyens techniques "built in", matériels ou logiciels.

5.5. Il conviendrait plutôt que les entreprises du secteur innovent sur le plan des modèles commerciaux applicables à l'ère de la communication numérique pour exploiter un vaste marché potentiel au lieu de considérer tout consommateur comme un pirate potentiel ou de rechercher des rentes perpétuelles par la taxation des supports ou par l'imposition de limitations techniques invalidantes aux outils de lecture ou aux supports. Nombres d'entreprises de logiciels viables diffusent leurs produits en ligne à des prix raisonnables. Les premières entreprises de diffusion payante sur internet dans le domaine musical montrent qu'un marché respectant les droits des éditeurs phonographiques et des auteurs peut encore être construit et développé.

5.6. Par contre, le Comité approuve pleinement le système volontaire d'identification de l'origine des supports inscriptibles, qui est de nature à faciliter la lutte contre la contrefaçon "industrielle". De même, les codes de conduite des entreprises publiques et privées pour une gestion loyale des droits de propriété immatériels sont à encourager, et ont déjà donné en Europe des résultats appréciables: le nombre d'entreprises "en règle" va croissant, et ce mouvement ne pourra que se confirmer si les prix des licences ne sont pas abusifs et si la concurrence peut véritablement jouer (situations de monopole ou d'oligopole dans plusieurs secteurs, par exemple). Dans ce contexte, l'exclusion du champ d'application de la directive de toutes les institutions et entreprises agissant dans un cadre de prérogatives de puissance publique n'est guère justifiable pour ce qui concerne les codes de conduite. Les institutions communautaires et nationales, les entreprises publiques ne peuvent être dispensées du respect des droits de PI-PLA.

6. Le Comité formule finalement quelques remarques détaillées sur certains articles du projet

- Dommages-intérêts: les dispositions sont très précises, parfois jusqu'à l'excès, comme l'exigence pour le demandeur de présenter des preuves des bénéfices réalisés par le défendeur, et à l'appui que ce dernier présente des livres comptables pour une activité illégale ou criminelle ...

- La qualité pour agir, dans le cadre d'actions collectives ou en cessation, doit être reconnue aux organisations de défense des droits des consommateurs européennes et nationales, dans la mesure où elles sont légalement constituées et représentatives.

- Si l'action est seulement civile, c'est le préjudice grave subi par le demandeur qui justifie les dommages-intérêts, et non le caractère intentionnel de l'atteinte aux droits; par contre, si l'action civile est subordonnée à une action pénale, le caractère intentionnel du préjudice doit être établi.

- Mesures provisoires et conservatoires: si l'urgence peut dans un premier temps dispenser le tribunal d'entendre le défendeur, notamment aux fins d'éviter la destruction ou la dissimulation de preuves, dans tous les cas le défenseur doit néanmoins être ensuite entendu dans les mêmes conditions d'urgence; les saisies de biens ou de comptes peuvent handicaper lourdement une entreprise accusée à tort, voire l'éliminer définitivement du marché. Le respect des droits de la défense est un principe général inaliénable du droit communautaire.

- Preuves: seuls des tribunaux compétents peuvent ordonner la saisie de dossiers bancaires, financiers ou commerciaux et leur transmission à une juridiction civile; ce sont les tribunaux qui sont généralement compétents, dans le cadre d'une procédure pénale déjà engagée.

- Sanctions: outre la destruction des marchandises, la saisie des outils et instruments de piratage ou de contrefaçon est aussi envisageable. Les sanctions pénales éventuellement applicables aux personnes morales dépendent du droit interne de chaque pays. Il conviendra de concilier ces sanctions avec l'ordre juridique propre des États membres.

- Publicité des jugements: la rédaction proposée n'envisage pas de limite aux publications: le juge fixe soit une somme totale à employer à cette fin, soit les titres des publications et la forme de la publication (résumé de la décision, ou in extenso).

- Mesures techniques: le caractère illégitime de certains dispositifs techniques ou logiciels de copie ou de contrefaçon réside souvent non dans leur nature même, mais dans les finalités de leur emploi. Les mêmes moyens peuvent aussi servir à des fins légitimes (copie individuelle de sécurité, par exemple). Ainsi, le contournement de dispositifs techniques abusifs dans le but de réaliser un droit du consommateur ne peut être considéré comme illégitime.

- Codes de conduite: ces codes devraient aussi contenir les droits et garanties des consommateurs, conformément au droit communautaire.

Bruxelles, le 29 octobre 2003.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger Briesch

(1) "7. Objectifs: la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent les connaissances techniques et d'une manière propice au bien-être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d'obligations".

"8. Principes: ... 2. Des mesures appropriées, pourvu qu'elles soient compatibles avec les dispositions du présent accord, pourront être nécessaires afin d'éviter l'usage abusif des droits de propriété intellectuelle par les détenteurs de droits ou le recours à des pratiques qui restreignent de manière déraisonnable le commerce ou sont préjudiciables au transfert international de technologie". www.wto.org.

(2) JO C 116 du 28.4.1999.

(3) JO C 61 du 14.3.2003.